Le Trois Mousquetaires

by Alexandre Dumas

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The Three MusketeersLe Trois Mousquetaires
Alexandre DumasAlexandre Dumas
PREFACEPREFACE
In which it is proved that, notwithstanding their names ending in OS and IS, the heroes of the story which we are about to have the honor to relate to our readers have nothing mythological about them.Dans laquelle il est établi que, malgré leurs noms en OS et en IS, les héros de l’histoire que nous allons avoir l’honneur de raconter à nos lecteurs n’ont rien de mythologique.
A short time ago, while making researches in the Royal Library for my History of Louis XIV, I stumbled by chance upon the Memoirs of M. d'Artagnan, printed--as were most of the works of that period, in which authors could not tell the truth without the risk of a residence, more or less long, in the Bastille--at Amsterdam, by Pierre Rouge. The title attracted me; I took them home with me, with the permission of the guardian, and devoured them.Il y a un an à peu près, qu’en faisant à la Bibliothèque royale des recherches pour mon histoire de Louis XIV, je tombai par hasard sur les Mémoires de M. d’Artagnan, imprimés – comme la plus grande partie des ouvrages de cette époque, où les auteurs tenaient à dire la vérité sans aller faire un tour plus ou moins long à la Bastille – à Amsterdam, chez Pierre Rouge. Le titre me séduisit : je les emportai chez moi, avec la permission de M. le conservateur ; bien entendu, je les dévorai.
It is not my intention here to enter into an analysis of this curious work; and I shall satisfy myself with referring such of my readers as appreciate the pictures of the period. They will therein find portraits penciled by the hand of a master; and although these squibs may be, for the most part, traced upon the doors of barracks and the walls of cabarets, they will not find there less, as faithful as in the history of M. Anquetil, the images of Louis XIII, Anne of Austria, Richelieu, Mazarin, and for the most part the courtiers of the period.Mon intention n’est pas de faire ici une analyse de ce curieux ouvrage, et je me contenterai d’y renvoyer ceux de mes lecteurs qui apprécient les tableaux d’époques. Ils y trouveront des portraits crayonnés de main de maître ; et, quoique les esquisses soient, pour la plupart du temps, tracées sur des portes de caserne et sur des murs de cabaret, ils n’y reconnaîtront pas moins, aussi ressemblantes que dans l’histoire de M. Anquetil, les images de Louis XIII, d’Anne d’Autriche, de Richelieu, de Mazarin et de la plupart des courtisans de l’époque.
But, it is well known, what strikes the capricious mind of the poet is not always what affects the mass of readers. Now, while admiring, as others doubtless will admire, the details we have to relate, our main preoccupation concerns a matter to which well certainly no one before ourselves had given a thought.Mais, comme on le sait, ce qui frappe l’esprit capricieux du poète n’est pas toujours ce qui impressionne la masse des lecteurs. Or, tout en admirant, comme les autres admireront sans doute, les détails que nous avons signalés, la chose qui nous préoccupa le plus est une chose à laquelle bien certainement personne avant nous n’avait fait la moindre attention.
D'Artagnan relates that on his first visit to M. de Treville, captain of the king's Musketeers, he met in the antechamber three young men, serving in the illustrious corps into which he was soliciting the honor of being received, and bearing the names of Athos, Porthos, and Aramis.D’Artagnan raconte qu’à sa première visite à M. de Tréville, le capitaine des mousquetaires du roi, il rencontra dans son antichambre trois jeunes gens servant dans l’illustre corps où il sollicitait l’honneur d’être reçu, et ayant nom Athos, Porthos et Aramis.
We must confess these three strange names struck us; and it immediately occurred to us that they were but pseudonyms, under which d'Artagnan had disguised names perhaps illustrious, or else that the bearers of these borrowed names had themselves chosen them on the day in which, from caprice, discontent, or want of fortune, they had donned the simple Musketeer's uniform.Nous l’avouons, ces trois noms étrangers nous frappèrent, et il nous vint aussitôt à l’esprit qu’ils n’étaient que des pseudonymes à l’aide desquels d’Artagnan avait déguisé des noms peut-être illustres, si toutefois les porteurs de ces noms d’emprunt ne les avaient pas choisis eux-mêmes le jour où, par caprice, par mécontentement ou par défaut de fortune, ils avaient endossé la simple casaque de mousquetaire.
From the moment we had no rest till we could find some trace in contemporary works—a trace whichever of these extraordinary names which had so strongly awakened our curiosity.Dès lors nous n’eûmes plus de repos que nous n’eussions retrouvé, dans les ouvrages contemporains, une trace quelconque de ces noms extraordinaires qui avaient si fort éveillé notre curiosité.
The catalogue alone of the books we read with this object would fill a whole chapter, which, although it might be very instructive, would certainly afford our readers but little amusement. It will suffice, then, to tell them that at the moment at which, discouraged by so many fruitless investigations, we were about to abandon our search, we at length found, guided by the counsels of our illustrious and savant friend Paulin Paris, a manuscript in folio, endorsed 4772 or 4773, we do not well recollect it, having for title,Le seul catalogue des livres que nous lûmes pour arriver à ce but remplirait un feuilleton tout entier, ce qui serait peut-être fort instructif, mais à coups sûr peu amusant pour nos lecteurs. Nous nous contenterons donc de leur dire qu’au moment où, découragé de tant d’investigations infructueuses, nous allions abandonner notre recherche, nous trouvâmes enfin, guidé par les conseils de notre illustre et savant ami Paulin Paris, un manuscrit in-folio, coté le n° 4772 ou 4773, nous ne nous le rappelons plus bien, ayant pour titre :
"Memoirs of the Comte de la Fere, Touching Some Events Which Passed in France Toward the End of the Reign of King Louis XIII and the Commencement of the Reign of King Louis XIV."« Mémoires de M. le comte de La Fère, concernant quelques-uns des événements qui se passèrent en France vers la fin du règne du roi Louis XIII et le commencement du règne du roi Louis XIV. »
It may be easily imagined how great was our joy when, in turning over this manuscript, our last hope, we found at the twentieth page the name of Athos, at the twenty-seventh the name of Porthos, and at the thirty-first the name of Aramis.On devine si notre joie fut grande, lorsqu’en feuilletant ce manuscrit, notre dernier espoir, nous trouvâmes à la vingtième page le nom d’Athos, à la vingt-septième le nom de Porthos, et à la trente et unième le nom d’Aramis.
The discovery of a completely unknown manuscript at a period in which historical science is carried to such a high degree appeared almost miraculous. We hastened, therefore, to obtain permission to print it, with the view of presenting ourselves someday with the pack of others at the Academie des Inscriptions et Belles Lettres, if we should not succeed--a very probable thing--in gaining admission to the Academie Francaise with our own proper pack. This permission, we feel bound to say, was graciously granted; which compels us here to give a public contradiction to the slanderers who pretend that we live under a government but rather moderately indulgent to men of letters.La découverte d’un manuscrit complètement inconnu, dans une époque où la science historique est poussée à un si haut degré, nous parut presque miraculeuse. Aussi nous hâtâmes-nous de solliciter la permission de le faire imprimer, dans le but de nous présenter un jour avec le bagage des autres à l’Académie des inscriptions et belles-lettres, si nous n’arrivions, chose fort probable, à entrer à l’Académie française avec notre propre bagage. Cette permission, nous devons le dire, nous fut gracieusement accordée ; ce que nous consignons ici pour donner un démenti public aux malveillants qui prétendent que nous vivons sous un gouvernement assez médiocrement disposé à l’endroit des gens de lettres.
Now, this is the first part of this precious manuscript which we offer to our readers, restoring it to the title which belongs to it, entering into an engagement that if (of which we have no doubt) this first part should obtain the success it merits, we will publish the second immediately.Or, c’est la première partie de ce précieux manuscrit que nous offrons aujourd’hui à nos lecteurs, en lui restituant le titre qui lui convient, prenant l’engagement, si, comme nous n’en doutons pas, cette première partie obtient le succès qu’elle mérite, de publier incessamment la seconde.
In the meanwhile, as the godfather is a second father, we beg the reader to lay to our account, and not to that of the Comte de la Fere, the pleasure or the ENNUI he may experience.En attendant, comme le parrain est un second père, nous invitons le lecteur à s’en prendre à nous, et non au comte de La Fère, de son plaisir ou de son ennui.
This being understood, let us proceed with our history. Cela posé, passons à notre histoire.
1 THE THREE PRESENTS OF D'ARTAGNAN THE ELDERCHAPITRE PREMIER LES TROIS PRÉSENTS DE M. D’ARTAGNAN PÈRE
On the first Monday of the month of April, 1625, the market town of Meung, in which the author of ROMANCE OF THE ROSE was born, appeared to be in as perfect a state of revolution as if the Huguenots had just made a second La Rochelle of it. Many citizens, seeing the women flying toward the High Street, leaving their children crying at the open doors, hastened to don the cuirass, and supporting their somewhat uncertain courage with a musket or a partisan, directed their steps toward the hostelry of the Jolly Miller, before which was gathered, increasing every minute, a compact group, vociferous and full of curiosity.Le premier lundi du mois d’avril 1625, le bourg de Meung, où naquit l’auteur du Roman de la Rose, semblait être dans une révolution aussi entière que si les huguenots en fussent venus faire une seconde Rochelle. Plusieurs bourgeois, voyant s’enfuir les femmes du côté de la Grande-Rue, entendant les enfants crier sur le seuil des portes, se hâtaient d’endosser la cuirasse et, appuyant leur contenance quelque peu incertaine d’un mousquet ou d’une pertuisane, se dirigeaient vers l’hôtellerie du Franc Meunier, devant laquelle s’empressait, en grossissant de minute en minute, un groupe compact, bruyant et plein de curiosité.
In those times panics were common, and few days passed without some city or other registering in its archives an event of this kind. There were nobles, who made war against each other; there was the king, who made war against the cardinal; there was Spain, which made war against the king. Then, in addition to these concealed or public, secret or open wars, there were still robbers, mendicants, Huguenots, wolves, and scoundrels, who made war upon everybody. The citizens always took up arms readily against thieves, wolves or scoundrels, often against nobles or Huguenots, sometimes against the king, but never against cardinal or Spain. It resulted, then, from this habit that on the said first Monday of April, 1625, the citizens, on hearing the clamor, and seeing neither the red-and-yellow standard nor the livery of the Duc de Richelieu, rushed toward the hostel of the Jolly Miller.En ce temps-là les paniques étaient fréquentes, et peu de jours se passaient sans qu’une ville ou l’autre enregistrât sur ses archives quelque événement de ce genre. Il y avait les seigneurs qui guerroyaient entre eux ; il y avait le roi qui faisait la guerre au cardinal ; il y avait l’Espagnol qui faisait la guerre au roi. Puis, outre ces guerres sourdes ou publiques, secrètes ou patentes, il y avait encore les voleurs, les mendiants, les huguenots, les loups et les laquais, qui faisaient la guerre à tout le monde. Les bourgeois s’armaient toujours contre les voleurs, contre les loups, contre les laquais, – souvent contre les seigneurs et les huguenots, – quelquefois contre le roi, – mais jamais contre le cardinal et l’Espagnol. Il résulta donc de cette habitude prise, que, ce susdit premier lundi du mois d’avril 1625, les bourgeois, entendant du bruit, et ne voyant ni le guidon jaune et rouge, ni la livrée du duc de Richelieu, se précipitèrent du côté de l’hôtel du Franc Meunier.
When arrived there, the cause of the hubbub was apparent to all.Arrivé là, chacun put voir et reconnaître la cause de cette rumeur.
A young man--we can sketch his portrait at a dash. Imagine to yourself a Don Quixote of eighteen; a Don Quixote without his corselet, without his coat of mail, without his cuisses; a Don Quixote clothed in a wooden doublet, the blue color of which had faded into a nameless shade between lees of wine and a heavenly azure; face long and brown; high cheek bones, a sign of sagacity; the maxillary muscles enormously developed, an infallible sign by which a Gascon may always be detected, even without his cap--and our young man wore a cap set off with a sort of feather; the eye open and intelligent; the nose hooked, but finely chiseled. Too big for a youth, too small for a grown man, an experienced eye might have taken him for a farmer's son upon a journey had it not been for the long sword which, dangling from a leather baldric, hit against the calves of its owner as he walked, and against the rough side of his steed when he was on horseback.Un jeune homme… – traçons son portrait d’un seul trait de plume : figurez-vous don Quichotte à dix-huit ans, don Quichotte décorcelé, sans haubert et sans cuissards, don Quichotte revêtu d’un pourpoint de laine dont la couleur bleue s’était transformée en une nuance insaisissable de lie-de-vin et d’azur céleste. Visage long et brun ; la pommette des joues saillante, signe d’astuce ; les muscles maxillaires énormément développés, indice infaillible auquel on reconnaît le Gascon, même sans béret, et notre jeune homme portait un béret orné d’une espèce de plume ; l’œil ouvert et intelligent ; le nez crochu, mais finement dessiné ; trop grand pour un adolescent, trop petit pour un homme fait, et qu’un œil peu exercé eût pris pour un fils de fermier en voyage, sans sa longue épée qui, pendue à un baudrier de peau, battait les mollets de son propriétaire quand il était à pied, et le poil hérissé de sa monture quand il était à cheval.
For our young man had a steed and this steed was the observed of all observers. It was a Bearn pony, from twelve to fourteen years old, yellow in his hide, without a hair in his tail, but not without windgalls on his legs, which, though going with his head lower than his knees, rendering a martingale quite unnecessary, contrived nevertheless to perform his eight leagues a day. Unfortunately, the qualities of this horse were so well concealed under his strange-colored hide and his unaccountable gait, that at a time when everybody was a connoisseur in horseflesh, the appearance of the aforesaid pony at Meung--which place he had entered about a quarter of an hour before, by the gate of Beaugency--produced an unfavorable feeling, which extended to his rider.Car notre jeune homme avait une monture, et cette monture était même si remarquable, qu’elle fut remarquée : c’était un bidet du Béarn, âgé de douze ou quatorze ans, jaune de robe, sans crins à la queue, mais non pas sans javarts aux jambes, et qui, tout en marchant la tête plus bas que les genoux, ce qui rendait inutile l’application de la martingale, faisait encore également ses huit lieues par jour. Malheureusement les qualités de ce cheval étaient si bien cachées sous son poil étrange et son allure incongrue, que dans un temps où tout le monde se connaissait en chevaux, l’apparition du susdit bidet à Meung, où il était entré il y avait un quart d’heure à peu près par la porte de Beaugency, produisit une sensation dont la défaveur rejaillit jusqu’à son cavalier.
And this feeling had been more painfully perceived by young d'Artagnan--for so was the Don Quixote of this second Rosinante named--from his not being able to conceal from himself the ridiculous appearance that such a steed gave him, good horseman as he was. He had sighed deeply, therefore, when accepting the gift of the pony from M. d'Artagnan the elder. He was not ignorant that such a beast was worth at least twenty livres; it is true that the words which had accompanied the present were above all price.Et cette sensation avait été d’autant plus pénible au jeune d’Artagnan (ainsi s’appelait le don Quichotte de cette autre Rossinante), qu’il ne se cachait pas le côté ridicule que lui donnait, si bon cavalier qu’il fût, une pareille monture ; aussi avait-il fort soupiré en acceptant le don que lui en avait fait M. d’Artagnan père. Il n’ignorait pas qu’une pareille bête valait au moins vingt livres : il est vrai que les paroles dont le présent avait été accompagné n’avaient pas de prix.
"My son," said the old Gascon gentleman, in that pure Bearn PATOIS of which Henry IV could never rid himself, "my son, this horse was born in the house of your father about thirteen years ago, and has remained in it ever since, which ought to make you love it. Never sell it; allow it to die tranquilly and honorably of old age, and if you make a campaign with it, take as much care of it as you would of an old servant. At court, provided you have ever the honor to go there," continued M. d'Artagnan the elder, "--an honor to which, remember, your ancient nobility gives you the right--sustain worthily your name of gentleman, which has been worthily borne by your ancestors for five hundred years, both for your sake and the sake of those who belong to you. By the latter I mean your relatives and friends. Endure nothing from anyone except Monsieur the Cardinal and the king. It is by his courage, please observe, by his courage alone, that a gentleman can make his way nowadays. Whoever hesitates for a second perhaps allows the bait to escape which during that exact second fortune held out to him. You are young. You ought to be brave for two reasons: the first is that you are a Gascon, and the second is that you are my son. Never fear quarrels and seek adventures. I have taught you how to handle a sword; you have thews of iron, a wrist of steel. Fight on all occasions. Fight the more for duels being forbidden, since consequently there is twice as much courage in fighting. I have nothing to give you, my son, but fifteen crowns, my horse, and the counsels you have just heard. Your mother will add to them a recipe for a certain balsam, which she had from a Bohemian and which has the miraculous virtue of curing all wounds that do not reach the heart. Take advantage of all, and live happily and long. I have but one word to add, and that is to propose an example to you--not mine, for I myself have never appeared at court, and have only taken part in religious wars as a volunteer; I speak of Monsieur de Treville, who was formerly my neighbor, and who had the honor to be, as a child, the play-fellow of our king, Louis XIII, whom God preserve! Sometimes their play degenerated into battles, and in these battles the king was not always the stronger. The blows which he received increased greatly his esteem and friendship for Monsieur de Treville. Afterward, Monsieur de Treville fought with others: in his first journey to Paris, five times; from the death of the late king till the young one came of age, without reckoning wars and sieges, seven times; and from that date up to the present day, a hundred times, perhaps! So that in spite of edicts, ordinances, and decrees, there he is, captain of the Musketeers; that is to say, chief of a legion of Caesars, whom the king holds in great esteem and whom the cardinal dreads--he who dreads nothing, as it is said. Still further, Monsieur de Treville gains ten thousand crowns a year; he is therefore a great noble. He began as you begin. Go to him with this letter, and make him your model in order that you may do as he has done."« Mon fils, avait dit le gentilhomme gascon – dans ce pur patois de Béarn dont Henri IV n’avait jamais pu parvenir à se défaire –, mon fils, ce cheval est né dans la maison de votre père, il y a tantôt treize ans, et y est resté depuis ce temps-là, ce qui doit vous porter à l’aimer. Ne le vendez jamais, laissez-le mourir tranquillement et honorablement de vieillesse, et si vous faites campagne avec lui, ménagez-le comme vous ménageriez un vieux serviteur. À la cour, continua M. d’Artagnan père, si toutefois vous avez l’honneur d’y aller, honneur auquel, du reste, votre vieille noblesse vous donne des droits, soutenez dignement votre nom de gentilhomme, qui a été porté dignement par vos ancêtres depuis plus de cinq cents ans. Pour vous et pour les vôtres – par les vôtres, j’entends vos parents et vos amis –, ne supportez jamais rien que de M. le cardinal et du roi. C’est par son courage, entendez-vous bien, par son courage seul, qu’un gentilhomme fait son chemin aujourd’hui. Quiconque tremble une seconde laisse peut-être échapper l’appât que, pendant cette seconde justement, la fortune lui tendait. Vous êtes jeune, vous devez être brave par deux raisons : la première, c’est que vous êtes Gascon, et la seconde, c’est que vous êtes mon fils. Ne craignez pas les occasions et cherchez les aventures. Je vous ai fait apprendre à manier l’épée ; vous avez un jarret de fer, un poignet d’acier ; battez-vous à tout propos ; battez-vous d’autant plus que les duels sont défendus, et que, par conséquent, il y a deux fois du courage à se battre. Je n’ai, mon fils, à vous donner que quinze écus, mon cheval et les conseils que vous venez d’entendre. Votre mère y ajoutera la recette d’un certain baume qu’elle tient d’une bohémienne, et qui a une vertu miraculeuse pour guérir toute blessure qui n’atteint pas le cœur. Faites votre profit du tout, et vivez heureusement et longtemps. – Je n’ai plus qu’un mot à ajouter, et c’est un exemple que je vous propose, non pas le mien, car je n’ai, moi, jamais paru à la cour et n’ai fait que les guerres de religion en volontaire ; je veux parler de M. de Tréville, qui était mon voisin autrefois, et qui a eu l’honneur de jouer tout enfant avec notre roi Louis treizième, que Dieu conserve ! Quelquefois leurs jeux dégénéraient en bataille et dans ces batailles le roi n’était pas toujours le plus fort. Les coups qu’il en reçut lui donnèrent beaucoup d’estime et d’amitié pour M. de Tréville. Plus tard, M. de Tréville se battit contre d’autres dans son premier voyage à Paris, cinq fois ; depuis la mort du feu roi jusqu’à la majorité du jeune sans compter les guerres et les sièges, sept fois ; et depuis cette majorité jusqu’aujourd’hui, cent fois peut-être ! – Aussi, malgré les édits, les ordonnances et les arrêts, le voilà capitaine des mousquetaires, c’est-à-dire chef d’une légion de Césars, dont le roi fait un très grand cas, et que M. le cardinal redoute, lui qui ne redoute pas grand-chose, comme chacun sait. De plus, M. de Tréville gagne dix mille écus par an ; c’est donc un fort grand seigneur. – Il a commencé comme vous, allez le voir avec cette lettre, et réglez-vous sur lui, afin de faire comme lui. »
Upon which M. d'Artagnan the elder girded his own sword round his son, kissed him tenderly on both cheeks, and gave him his benediction.Sur quoi, M. d’Artagnan père ceignit à son fils sa propre épée, l’embrassa tendrement sur les deux joues et lui donna sa bénédiction.
On leaving the paternal chamber, the young man found his mother, who was waiting for him with the famous recipe of which the counsels we have just repeated would necessitate frequent employment. The adieux were on this side longer and more tender than they had been on the other--not that M. d'Artagnan did not love his son, who was his only offspring, but M. d'Artagnan was a man, and he would have considered it unworthy of a man to give way to his feelings; whereas Mme. d'Artagnan was a woman, and still more, a mother. She wept abundantly; and--let us speak it to the praise of M. d'Artagnan the younger--notwithstanding the efforts he made to remain firm, as a future Musketeer ought, nature prevailed, and he shed many tears, of which he succeeded with great difficulty in concealing the half.En sortant de la chambre paternelle, le jeune homme trouva sa mère qui l’attendait avec la fameuse recette dont les conseils que nous venons de rapporter devaient nécessiter un assez fréquent emploi. Les adieux furent de ce côté plus longs et plus tendres qu’ils ne l’avaient été de l’autre, non pas que M. d’Artagnan n’aimât son fils, qui était sa seule progéniture, mais M. d’Artagnan était un homme, et il eût regardé comme indigne d’un homme de se laisser aller à son émotion, tandis que Mme d’Artagnan était femme et, de plus, était mère. – Elle pleura abondamment, et, disons-le à la louange de M. d’Artagnan fils, quelques efforts qu’il tentât pour rester ferme comme le devait être un futur mousquetaire, la nature l’emporta et il versa force larmes, dont il parvint à grand-peine à cacher la moitié.
The same day the young man set forward on his journey, furnished with the three paternal gifts, which consisted, as we have said, of fifteen crowns, the horse, and the letter for M. de Treville—as everyone think if well, the counsels have been thrown into the bargain.Le même jour le jeune homme se mit en route, muni des trois présents paternels et qui se composaient, comme nous l’avons dit, de quinze écus, du cheval et de la lettre pour M. de Tréville ; comme on le pense bien, les conseils avaient été donnés par-dessus le marché.
With such a VADE MECUM d'Artagnan was morally and physically an exact copy of the hero of Cervantes, to whom we so happily compared him when our duty of an historian placed us under the necessity of sketching his portrait. Don Quixote took windmills for giants, and sheep for armies; d'Artagnan took every smile for an insult, and every look as a provocation— whence it resulted that from Tarbes to Meung his fist was constantly doubled, and that the one in the other he had his hand on the hilt of his sword ten times a day; yet the fist did not descend upon any jaw, nor did the sword issue from its scabbard. It was not that the sight of the wretched pony did not excite numerous smiles on the countenances of passers-by; but as against the side of this pony rattled a sword of respectable length, and as over this sword gleamed an eye rather ferocious than haughty, these passers-by repressed their hilarity, or if hilarity prevailed over prudence, they endeavored to laugh only on one side, like the masks of the ancients. D'Artagnan, then, remained majestic and intact in his susceptibility, till he came to this unlucky city of Meung.Avec un pareil vade-mecum, d’Artagnan se trouva, au moral comme au physique, une copie exacte du héros de Cervantes, auquel nous l’avons si heureusement comparé lorsque nos devoirs d’historien nous ont fait une nécessité de tracer son portrait. Don Quichotte prenait les moulins à vent pour des géants et les moutons pour des armées, d’Artagnan prit chaque sourire pour une insulte et chaque regard pour une provocation. Il en résulta qu’il eut toujours le poing fermé depuis Tarbes jusqu’à Meung, et que l’un dans l’autre il porta la main au pommeau de son épée dix fois par jour ; toutefois le poing ne descendit sur aucune mâchoire, et l’épée ne sortit point de son fourreau. Ce n’est pas que la vue du malencontreux bidet jaune n’épanouît bien des sourires sur les visages des passants ; mais, comme au-dessus du bidet sonnait une épée de taille respectable et qu’au-dessus de cette épée brillait un œil plutôt féroce que fier, les passants réprimaient leur hilarité, ou, si l’hilarité l’emportait sur la prudence, ils tâchaient au moins de ne rire que d’un seul côté, comme les masques antiques. D’Artagnan demeura donc majestueux et intact dans sa susceptibilité jusqu’à cette malheureuse ville de Meung.
But there, as he was alighting from his horse at the gate of the Jolly Miller, without anyone--host, waiter, or hostler--coming to hold his stirrup or take his horse, d'Artagnan spied, though an open window on the ground floor, a gentleman, well-made and of good carriage, although of rather a stern countenance, talking with two persons who appeared to listen to him with respect. d'Artagnan fancied quite naturally, according to his custom, that he must be the object of their conversation, and listened. This time d'Artagnan was only in part mistaken; he himself was not in question, but his horse was. The gentleman appeared to be enumerating all his qualities to his auditors; and, as I have said, the auditors seeming to have great deference for the narrator, they every moment burst into fits of laughter. Now, as a half-smile was sufficient to awaken the irascibility of the young man, the effect produced upon him by this vociferous mirth may be easily imagined.Mais là, comme il descendait de cheval à la porte du Franc Meunier sans que personne, hôte, garçon ou palefrenier, fût venu prendre l’étrier au montoir, d’Artagnan avisa à une fenêtre entrouverte du rez-de-chaussée un gentilhomme de belle taille et de haute mine, quoique au visage légèrement renfrogné, lequel causait avec deux personnes qui paraissaient l’écouter avec déférence. D’Artagnan crut tout naturellement, selon son habitude, être l’objet de la conversation et écouta. Cette fois, d’Artagnan ne s’était trompé qu’à moitié : ce n’était pas de lui qu’il était question, mais de son cheval. Le gentilhomme paraissait énumérer à ses auditeurs toutes ses qualités, et comme, ainsi que je l’ai dit, les auditeurs paraissaient avoir une grande déférence pour le narrateur, ils éclataient de rire à tout moment. Or, comme un demi-sourire suffisait pour éveiller l’irascibilité du jeune homme, on comprend quel effet produisit sur lui tant de bruyante hilarité.
Nevertheless, d'Artagnan was desirous of examining the appearance of this impertinent personage who ridiculed him. He fixed his haughty eye upon the stranger, and perceived a man of from forty to forty-five years of age, with black and piercing eyes, pale complexion, a strongly marked nose, and a black and well-shaped mustache. He was dressed in a doublet and hose of a violet color, with aiguillettes of the same color, without any other ornaments than the customary slashes, through which the shirt appeared. This doublet and hose, though new, were creased, like traveling clothes for a long time packed in a portmanteau.Cependant d’Artagnan voulut d’abord se rendre compte de la physionomie de l’impertinent qui se moquait de lui. Il fixa son regard fier sur l’étranger et reconnut un homme de quarante à quarante-cinq ans, aux yeux noirs et perçants, au teint pâle, au nez fortement accentué, à la moustache noire et parfaitement taillée ; il était vêtu d’un pourpoint et d’un haut-de-chausses violet avec des aiguillettes de même couleur, sans aucun ornement que les crevés habituels par lesquels passait la chemise. Ce haut-de-chausses et ce pourpoint, quoique neufs, paraissaient froissés comme des habits de voyage longtemps renfermés dans un portemanteau.
D'Artagnan made all these remarks with the rapidity of a most minute observer, and doubtless from an instinctive feeling that this stranger was destined to have a great influence over his future life.D’Artagnan fit toutes ces remarques avec la rapidité de l’observateur le plus minutieux, et sans doute par un sentiment instinctif qui lui disait que cet inconnu devait avoir une grande influence sur sa vie à venir.
Now, as at the moment in which d'Artagnan fixed his eyes upon the gentleman in the violet doublet, the gentleman made one of his most knowing and profound remarks respecting the Bearnese pony, his two auditors laughed even louder than before, and he himself, though contrary to his custom, allowed a pale smile (if I may allowed to use such an expression) to stray over his countenance. This time there could be no doubt; d'Artagnan was really insulted. Full, then, of this conviction, he pulled his cap down over his eyes, and endeavoring to copy some of the court airs he had picked up in Gascony among young traveling nobles, he advanced with one hand on the hilt of his sword and the other resting on his hip. Unfortunately, as he advanced, his anger increased at every step; and instead of the proper and lofty speech he had prepared as a prelude to his challenge, he found nothing at the tip of his tongue but a gross personality, which he accompanied with a furious gesture.Or, comme au moment où d’Artagnan fixait son regard sur le gentilhomme au pourpoint violet, le gentilhomme faisait à l’endroit du bidet béarnais une de ses plus savantes et de ses plus profondes démonstrations, ses deux auditeurs éclatèrent de rire, et lui-même laissa visiblement, contre son habitude, errer, si l’on peut parler ainsi, un pâle sourire sur son visage. Cette fois, il n’y avait plus de doute, d’Artagnan était réellement insulté. Aussi, plein de cette conviction, enfonça-t-il son béret sur ses yeux, et, tâchant de copier quelques-uns des airs de cour qu’il avait surpris en Gascogne chez des seigneurs en voyage, il s’avança, une main sur la garde de son épée et l’autre appuyée sur la hanche. Malheureusement, au fur et à mesure qu’il avançait, la colère l’aveuglant de plus en plus, au lieu du discours digne et hautain qu’il avait préparé pour formuler sa provocation, il ne trouva plus au bout de sa langue qu’une personnalité grossière qu’il accompagna d’un geste furieux.
"I say, sir, you sir, who are hiding yourself behind that shutter--yes, you, sir, tell me what you are laughing at, and we will laugh together!"« Eh ! Monsieur, s’écria-t-il, monsieur, qui vous cachez derrière ce volet ! oui, vous, dites-moi donc un peu de quoi vous riez, et nous rirons ensemble. »
The gentleman raised his eyes slowly from the nag to his cavalier, as if he required some time to ascertain whether it could be to him that such strange reproaches were addressed; then, when he could not possibly entertain any doubt of the matter, his eyebrows slightly bent, and after a rather long pause with an accent of irony and insolence impossible to be described, he replied to d'Artagnan,Le gentilhomme ramena lentement les yeux de la monture au cavalier, comme s’il lui eût fallu un certain temps pour comprendre que c’était à lui que s’adressaient de si étranges reproches ; puis, lorsqu’il ne put plus conserver aucun doute, ses sourcils se froncèrent légèrement, et après une assez longue pause, avec un accent d’ironie et d’insolence impossible à décrire, il répondit à d’Artagnan :
"I was not speaking to you, sir."« Je ne vous parle pas, monsieur.
"But I am speaking to you!" replied the young man, exasperated with this mixture of insolence and good manners, of politeness and scorn.– Mais je vous parle, moi ! » s’écria le jeune homme exaspéré de ce mélange d’insolence et de bonnes manières, de convenances et de dédains.
The stranger looked at him again with a slight smile, and retiring from the window, came out of the hostelry with a slow step, and placed himself before the horse, within two paces of d'Artagnan. His quiet manner and the ironical expression of his countenance redoubled the mirth of the persons with whom he had been talking, and who still remained at the window.L’inconnu le regarda encore un instant avec son léger sourire, et, se retirant de la fenêtre, sortit lentement de l’hôtellerie pour venir à deux pas de d’Artagnan se planter en face du cheval. Sa contenance tranquille et sa physionomie railleuse avaient redoublé l’hilarité de ceux avec lesquels il causait et qui, eux, étaient restés à la fenêtre.
D'Artagnan, seeing him approach, drew his sword a foot out of the scabbard.D’Artagnan, le voyant arriver, tira son épée d’un pied hors du fourreau.
"This horse is decidedly, or rather has been in his youth, a buttercup," resumed the stranger, continuing the remarks he had begun, and addressing himself to his auditors at the window, without paying the least attention to the exasperation of d'Artagnan, who, however placed himself between him and them. "It is a color very well known in botany, but till the present time very rare among horses."« Ce cheval est décidément ou plutôt a été dans sa jeunesse bouton d’or, reprit l’inconnu continuant les investigations commencées et s’adressant à ses auditeurs de la fenêtre, sans paraître aucunement remarquer l’exaspération de d’Artagnan, qui cependant se redressait entre lui et eux. C’est une couleur fort connue en botanique, mais jusqu’à présent fort rare chez les chevaux.
"There are people who laugh at the horse that would not dare to laugh at the master," cried the young emulator of the furious Treville.– Tel rit du cheval qui n’oserait pas rire du maître ! s’écria l’émule de Tréville, furieux.
"I do not often laugh, sir," replied the stranger, "as you may perceive by the expression of my countenance; but nevertheless I retain the privilege of laughing when I please."– Je ne ris pas souvent, monsieur, reprit l’inconnu, ainsi que vous pouvez le voir vous-même à l’air de mon visage ; mais je tiens cependant à conserver le privilège de rire quand il me plaît.
"And I," cried d'Artagnan, "will allow no man to laugh when it displeases me!"– Et moi, s’écria d’Artagnan, je ne veux pas qu’on rie quand il me déplaît !
"Indeed, sir," continued the stranger, more calm than ever; "well, that is perfectly right!" and turning on his heel, was about to re-enter the hostelry by the front gate, beneath which d'Artagnan on arriving had observed a saddled horse.– En vérité, monsieur ? continua l’inconnu plus calme que jamais, eh bien, c’est parfaitement juste. » Et tournant sur ses talons, il s’apprêta à rentrer dans l’hôtellerie par la grande porte, sous laquelle d’Artagnan en arrivant avait remarqué un cheval tout sellé.
But, d'Artagnan was not of a character to allow a man to escape him thus who had the insolence to ridicule him. He drew his sword entirely from the scabbard, and followed him, crying,Mais d’Artagnan n’était pas de caractère à lâcher ainsi un homme qui avait eu l’insolence de se moquer de lui. Il tira son épée entièrement du fourreau et se mit à sa poursuite en criant :
"Turn, turn, Master Joker, lest I strike you behind!"« Tournez, tournez donc, monsieur le railleur, que je ne vous frappe point par-derrière.
"Strike me!" said the other, turning on his heels, and surveying the young man with as much astonishment as contempt. "Why, my good fellow, you must be mad!"– Me frapper, moi ! dit l’autre en pivotant sur ses talons et en regardant le jeune homme avec autant d’étonnement que de mépris. Allons, allons donc, mon cher, vous êtes fou ! »
Then, in a suppressed tone, as if speaking to himself,Puis, à demi-voix, et comme s’il se fût parlé à lui-même :
"This is annoying," continued he. "What a godsend this would be for his Majesty, who is seeking everywhere for brave fellows to recruit for his Musketeers!"« C’est fâcheux, continua-t-il, quelle trouvaille pour Sa Majesté, qui cherche des braves de tous côtés pour recruter ses mousquetaires ! »
He had scarcely finished, when d'Artagnan made such a furious lunge at him that if he had not sprung nimbly backward, it is probable he would have jested for the last time. The stranger, then perceiving that the matter went beyond raillery, drew his sword, saluted his adversary, and seriously placed himself on guard. But at the same moment, his two auditors, accompanied by the host, fell upon d'Artagnan with great blows of sticks, shovels and tongs. This caused so rapid and complete a diversion from the attack that d'Artagnan's adversary, while the latter turned round to face this shower of blows, sheathed his sword with the same precision, and instead of an actor, which he had nearly been, became a spectator of the fight— a part in which he acquitted himself with his usual impassiveness, muttering, nevertheless,Il achevait à peine, que d’Artagnan lui allongea un si furieux coup de pointe, que, s’il n’eût fait vivement un bond en arrière, il est probable qu’il eût plaisanté pour la dernière fois. L’inconnu vit alors que la chose passait la raillerie, tira son épée, salua son adversaire et se mit gravement en garde. Mais au même moment ses deux auditeurs, accompagnés de l’hôte, tombèrent sur d’Artagnan à grands coups de bâtons, de pelles et de pincettes. Cela fit une diversion si rapide et si complète à l’attaque, que l’adversaire de d’Artagnan, pendant que celui-ci se retournait pour faire face à cette grêle de coups, rengainait avec la même précision, et, d’acteur qu’il avait manqué d’être, redevenait spectateur du combat, rôle dont il s’acquitta avec son impassibilité ordinaire, tout en marmottant néanmoins :
"A plague upon these Gascons! Replace him on his orange horse, and let him begone!"« La peste soit des Gascons ! Remettez-le sur son cheval orange, et qu’il s’en aille !
"Not before I have killed you, poltroon!" cried d'Artagnan, making the best face possible, and never retreating one step before his three assailants, who continued to shower blows upon him.– Pas avant de t’avoir tué, lâche ! » criait d’Artagnan tout en faisant face du mieux qu’il pouvait et sans reculer d’un pas à ses trois ennemis, qui le moulaient de coups.
"Another gasconade!" murmured the gentleman. "By my honor, these Gascons are incorrigible! Keep up the dance, then, since he will have it so. When he is tired, he will perhaps tell us that he has had enough of it."« Encore une gasconnade, murmura le gentilhomme. Sur mon honneur, ces Gascons sont incorrigibles ! Continuez donc la danse, puisqu’il le veut absolument. Quand il sera las, il dira qu’il en a assez. »
But the stranger knew not the headstrong personage he had to do with; d'Artagnan was not the man ever to cry for quarter. The fight was therefore prolonged for some seconds; but at length d'Artagnan dropped his sword, which was broken in two pieces by the blow of a stick. Another blow full upon his forehead at the same moment brought him to the ground, covered with blood and almost fainting.Mais l’inconnu ne savait pas encore à quel genre d’entêté il avait affaire ; d’Artagnan n’était pas homme à jamais demander merci. Le combat continua donc quelques secondes encore ; enfin d’Artagnan, épuisé, laissa échapper son épée qu’un coup de bâton brisa en deux morceaux. Un autre coup, qui lui entama le front, le renversa presque en même temps tout sanglant et presque évanoui.
It was at this moment that people came flocking to the scene of action from all sides. The host, fearful of consequences, with the help of his servants carried the wounded man into the kitchen, where some trifling attentions were bestowed upon him.C’est à ce moment que de tous côtés on accourut sur le lieu de la scène. L’hôte, craignant du scandale, emporta, avec l’aide de ses garçons, le blessé dans la cuisine où quelques soins lui furent accordés.
As to the gentleman, he resumed his place at the window, and surveyed the crowd with a certain impatience, evidently annoyed by their remaining undispersed.Quant au gentilhomme, il était revenu prendre sa place à la fenêtre et regardait avec une certaine impatience toute cette foule, qui semblait en demeurant là lui causer une vive contrariété.
"Well, how is it with this madman?" exclaimed he, turning round as the noise of the door announced the entrance of the host, who came in to inquire if he was unhurt.« Eh bien, comment va cet enragé ? reprit-il en se retournant au bruit de la porte qui s’ouvrit et en s’adressant à l’hôte qui venait s’informer de sa santé.
"Your excellency is safe and sound?" asked the host.– Votre Excellence est saine et sauve ? demanda l’hôte.
"Oh, yes! Perfectly safe and sound, my good host; and I wish to know what has become of our young man."– Oui, parfaitement saine et sauve, mon cher hôtelier, et c’est moi qui vous demande ce qu’est devenu notre jeune homme.
"He is better," said the host, "he fainted quite away."– Il va mieux, dit l’hôte : il s’est évanoui tout à fait.
"Indeed!" said the gentleman.– Vraiment ? fit le gentilhomme.
"But before he fainted, he collected all his strength to challenge you, and to defy you while challenging you."– Mais avant de s’évanouir il a rassemblé toutes ses forces pour vous appeler et vous défier en vous appelant.
"Why, this fellow must be the devil in person!" cried the stranger.– Mais c’est donc le diable en personne que ce gaillard-là ! s’écria l’inconnu.
"Oh, no, your Excellency, he is not the devil," replied the host, with a grin of contempt; "for during his fainting we rummaged his valise and found nothing but a clean shirt and eleven crowns--which however, did not prevent his saying, as he was fainting, that if such a thing had happened in Paris, you should have cause to repent of it immediately while here than you will repent of it at a later period."– Oh ! non, Votre Excellence, ce n’est pas le diable, reprit l’hôte avec une grimace de mépris, car pendant son évanouissement nous l’avons fouillé, et il n’a dans son paquet qu’une chemise et dans sa bourse que onze écus, ce qui ne l’a pas empêché de dire en s’évanouissant que si pareille chose était arrivée à Paris, vous vous en repentiriez tout de suite, tandis qu’ici vous ne vous en repentirez que plus tard.
"Then," said the stranger coolly, "he must be some prince in disguise."– Alors, dit froidement l’inconnu, c’est quelque prince du sang déguisé.
"I have told you this, good sir," resumed the host, "in order that you may be on your guard."– Je vous dis cela, mon gentilhomme, reprit l’hôte, afin que vous vous teniez sur vos gardes.
"Did he name no one in his passion?"– Et il n’a nommé personne dans sa colère ?
"Yes; he struck his pocket and said, 'We shall see what Monsieur de Treville will think of this insult offered to his protege.'"– Si fait, il frappait sur sa poche, et il disait : « Nous verrons ce que M. de Tréville pensera de cette insulte faite à son protégé.
"Monsieur de Treville?" said the stranger, becoming attentive, "he put his hand upon his pocket while pronouncing the name of Monsieur de Treville? Now, my dear host, while your young man was insensible, you did not fail, I am quite sure, to ascertain what that pocket contained. What was there in it?"– M. de Tréville ? dit l’inconnu en devenant attentif ; il frappait sur sa poche en prononçant le nom de M. de Tréville ?… Voyons, mon cher hôte, pendant que votre jeune homme était évanoui, vous n’avez pas été, j’en suis bien sûr, sans regarder aussi cette poche-là. Qu’y avait-il ?
"A letter addressed to Monsieur de Treville, captain of the Musketeers."– Une lettre adressée à M. de Tréville, capitaine des mousquetaires.
"Indeed!"– En vérité !
"Exactly as I have the honor to tell your Excellency."– C’est comme j’ai l’honneur de vous le dire, Excellence. »
The host, who was not endowed with great perspicacity, did not observe the expression which his words had given to the physiognomy of the stranger. The latter rose from the front of the window, upon the sill of which he had leaned with his elbow, and knitted his brow like a man disquieted.L’hôte, qui n’était pas doué d’une grande perspicacité, ne remarqua point l’expression que ses paroles avaient donnée à la physionomie de l’inconnu. Celui-ci quitta le rebord de la croisée sur lequel il était toujours resté appuyé du bout du coude, et fronça le sourcil en homme inquiet.
"The devil!" murmured he, between his teeth. "Can Treville have set this Gascon upon me? He is very young; but a sword thrust is a sword thrust, whatever be the age of him who gives it, and a youth is less to be suspected than an older man; a weak obstacle is sometimes sufficient to overthrow a great design.” And the stranger fell into a reverie which lasted some minutes.« Diable ! murmura-t-il entre ses dents, Tréville m’aurait-il envoyé ce Gascon ? il est bien jeune ! Mais un coup d’épée est un coup d’épée, quel que soit l’âge de celui qui le donne, et l’on se défie moins d’un enfant que de tout autre ; il suffit parfois d’un faible obstacle pour contrarier un grand dessein. » Et l’inconnu tomba dans une réflexion qui dura quelques minutes.
"Host," said he, "could you not contrive to get rid of this frantic boy for me? In conscience, I cannot kill him; and yet," added he, with a coldly menacing expression, "yet, he annoys me. Where is he?"« Voyons, l’hôte, dit-il, est-ce que vous ne me débarrasserez pas de ce frénétique ? En conscience, je ne puis le tuer, et cependant, ajouta-t-il avec une expression froidement menaçante, cependant il me gêne. Où est-il ?
"In my wife's chamber, on the first flight, where they are dressing his wounds."– Dans la chambre de ma femme, où on le panse, au premier étage.
"His things and his bag are with him? Has he taken off his doublet?"– Ses hardes et son sac sont avec lui ? il n’a pas quitté son pourpoint ?
"On the contrary, everything is in the kitchen. But if he annoys you, this young fool--"– Tout cela, au contraire, est en bas dans la cuisine. Mais puisqu’il vous gêne, ce jeune fou…
"To be sure he does. He causes a disturbance in your hostelry, which respectable people cannot put up with. Go; make out my bill and notify my servant."– Sans doute. Il cause dans votre hôtellerie un scandale auquel d’honnêtes gens ne sauraient résister. Montez chez vous, faites mon compte et avertissez mon laquais.
"What, monsieur, will you leave us so soon?"– Quoi ! Monsieur nous quitte déjà ?
"You know that very well, as I gave my order to saddle my horse. Have they not obeyed me?"– Vous le savez bien, puisque je vous avais donné l’ordre de seller mon cheval. Ne m’a-t-on point obéi ?
"It is done; as your Excellency may have observed, your horse is in the great gateway, ready saddled for your departure."– Si fait, et comme Votre Excellence a pu le voir, son cheval est sous la grande porte, tout appareillé pour partir.
"That is well; do as I have directed you, then."– C’est bien, faites ce que je vous ai dit alors. »
"What!" said the host to himself. "Can he be afraid of this boy?" But an imperious glance from the stranger stopped him short; he bowed humbly and retired.« Ouais ! se dit l’hôte, aurait-il peur du petit garçon ? » Mais un coup d’œil impératif de l’inconnu vint l’arrêter court. Il salua humblement et sortit.
"It is not necessary for Milady to be seen by this fellow," continued the stranger. "She will soon pass; she is already late. Decidedly, I had better get on horseback, and go and meet her. I should like, however, to know what this letter addressed to Treville contains."« Il ne faut pas que Milady soit aperçue de ce drôle, continua l’étranger : elle ne doit pas tarder à passer : déjà même elle est en retard. Décidément, mieux vaut que je monte à cheval et que j’aille au-devant d’elle… Si seulement je pouvais savoir ce que contient cette lettre adressée à Tréville ! »
And the stranger, muttering to himself, directed his steps toward the kitchen.Et l’inconnu, tout en marmottant, se dirigea vers la cuisine.
In the meantime, the host, who entertained no doubt that it was the presence of the young man that drove the stranger from his hostelry, re-ascended to his wife's chamber, and found d'Artagnan just recovering his senses. Giving him to understand that the police would deal with him pretty severely for having sought a quarrel with a great lord--for the opinion of the host the stranger could be nothing less than a great lord--he insisted that notwithstanding his weakness d'Artagnan should get up and depart as quickly as possible. D'Artagnan, half stupefied, without his doublet, and with his head bound up in a linen cloth, arose then, and urged by the host, began to descend the stairs; but on arriving at the kitchen, the first thing he saw was his antagonist talking calmly at the step of a heavy carriage, drawn by two large Norman horses.Pendant ce temps, l’hôte, qui ne doutait pas que ce ne fût la présence du jeune garçon qui chassât l’inconnu de son hôtellerie, était remonté chez sa femme et avait trouvé d’Artagnan maître enfin de ses esprits. Alors, tout en lui faisant comprendre que la police pourrait bien lui faire un mauvais parti pour avoir été chercher querelle à un grand seigneur – car, à l’avis de l’hôte, l’inconnu ne pouvait être qu’un grand seigneur –, il le détermina, malgré sa faiblesse, à se lever et à continuer son chemin. D’Artagnan à moitié abasourdi, sans pourpoint et la tête tout emmaillotée de linges, se leva donc et, poussé par l’hôte, commença de descendre ; mais, en arrivant à la cuisine, la première chose qu’il aperçut fut son provocateur qui causait tranquillement au marchepied d’un lourd carrosse attelé de deux gros chevaux normands.
His interlocutor, whose head appeared through the carriage window, was a woman of from twenty to two-and-twenty years. We have already observed with what rapidity of investigation d'Artagnan seized the expression of a countenance. He perceived then, at a glance, that this woman was young and beautiful; and her style of beauty struck him more forcibly from its being totally different from that of the southern countries in which d'Artagnan had hitherto resided. She was pale and fair, with long curls falling in profusion over her shoulders, had large, blue, languishing eyes, rosy lips, and hands of alabaster. She was talking with great animation with the stranger.Son interlocutrice, dont la tête apparaissait encadrée par la portière, était une femme de vingt à vingt-deux ans. Nous avons déjà dit avec quelle rapidité d’investigation d’Artagnan embrassait toute une physionomie ; il vit donc du premier coup d’œil que la femme était jeune et belle. Or cette beauté le frappa d’autant plus qu’elle était parfaitement étrangère aux pays méridionaux que jusque-là d’Artagnan avait habités. C’était une pâle et blonde personne, aux longs cheveux bouclés tombant sur ses épaules, aux grands yeux bleus languissants, aux lèvres rosées et aux mains d’albâtre. Elle causait très vivement avec l’inconnu.
"His Eminence, then, orders me--" said the lady.« Ainsi, Son Éminence m’ordonne…, disait la dame.
"To return instantly to England, and to inform him as soon as the duke leaves London."– De retourner à l’instant même en Angleterre, et de la prévenir directement si le duc quittait Londres.
"And as to my other instructions?" asked the fair traveler.– Et quant à mes autres instructions ? demanda la belle voyageuse.
"They are contained in this box, which you will not open until you are on the other side of the Channel."– Elles sont renfermées dans cette boîte, que vous n’ouvrirez que de l’autre côté de la Manche.
"Very well; and you--what will you do?"– Très bien ; et vous, que faites-vous ?
"I--I return to Paris."– Moi, je retourne à Paris.
"What, without chastising this insolent boy?" asked the lady.– Sans châtier cet insolent petit garçon ? » demanda la dame.
The stranger was about to reply; but at the moment he opened his mouth, d'Artagnan, who had heard all, precipitated himself over the threshold of the door.L’inconnu allait répondre : mais, au moment où il ouvrait la bouche, d’Artagnan, qui avait tout entendu, s’élança sur le seuil de la porte.
"This insolent boy chastises others," cried he; "and I hope that this time he whom he ought to chastise will not escape him as before."« C’est cet insolent petit garçon qui châtie les autres, s’écria-t-il, et j’espère bien que cette fois-ci celui qu’il doit châtier ne lui échappera pas comme la première.
"Will not escape him?" replied the stranger, knitting his brow.– Ne lui échappera pas ? reprit l’inconnu en fronçant le sourcil.
"No; before a woman you would dare not escape, I presume?"– Non, devant une femme, vous n’oseriez pas fuir, je présume.
"Remember," said Milady, seeing the stranger lay his hand on his sword, "the least delay may ruin everything."– Songez, s’écria Milady en voyant le gentilhomme porter la main à son épée, songez que le moindre retard peut tout perdre.
"You are right," cried the gentleman; "begone then, on your part, and I will depart as quickly on mine."– Vous avez raison, s’écria le gentilhomme ; partez donc de votre côté, moi, je pars du mien. »
And bowing to the lady, he sprang into his saddle, while her coachman applied his whip vigorously to his horses. The two interlocutors thus separated, taking opposite directions, at full gallop.Et, saluant la dame d’un signe de tête, il s’élança sur son cheval, tandis que le cocher du carrosse fouettait vigoureusement son attelage. Les deux interlocuteurs partirent donc au galop, s’éloignant chacun par un côté opposé de la rue.
« Eh ! votre dépense », vociféra l’hôte, dont l’affection pour son voyageur se changeait en un profond dédain en voyant qu’il s’éloignait sans solder ses comptes.
"Pay him, booby!" cried the traveler, still galloping, to his servant who threw two or three silver pieces at the foot of the host and began to gallop after his master.« Paie, maroufle », s’écria le voyageur toujours galopant à son laquais, lequel jeta aux pieds de l’hôte deux ou trois pièces d’argent et se mit à galoper après son maître.
"Base coward! false gentleman!" cried d'Artagnan, springing forward, in his turn, after the servant.« Ah ! lâche, ah ! misérable, ah ! faux gentilhomme ! » cria d’Artagnan s’élançant à son tour après le laquais.
But his wound had rendered him too weak to support such an exertion. Scarcely had he gone ten steps when his ears began to tingle, a faintness seized him, a cloud of blood passed over his eyes, and he fell in the middle of the street, crying still,Mais le blessé était trop faible encore pour supporter une pareille secousse. À peine eut-il fait dix pas, que ses oreilles tintèrent, qu’un éblouissement le prit, qu’un nuage de sang passa sur ses yeux et qu’il tomba au milieu de la rue, en criant encore :
"Coward! coward! coward!"« Lâche ! lâche ! lâche !
"He is a coward, indeed," grumbled the host, drawing near to d'Artagnan, and endeavoring by this little flattery to make up matters with the young man, as the heron of the fable did with the snail he had despised the evening before.– Il est en effet bien lâche », murmura l’hôte en s’approchant de d’Artagnan, et essayant par cette flatterie de se raccommoder avec le pauvre garçon, comme le héron de la fable avec son limaçon du soir.
"Yes, a base coward," murmured d'Artagnan; "but she--very beautiful."« Oui, bien lâche, murmura d’Artagnan ; mais elle, bien belle !
"What she?" demanded the host.– Qui, elle ? demanda l’hôte.
"Milady," faltered d'Artagnan, and fainted a second time.– Milady, balbutia d’Artagnan. Et il s’évanouit une seconde fois.
"Ah, it's all one," said the host; "I have lost two customers, but this one remains, of whom I am pretty certain for some days to come. There will be eleven crowns gained."« C’est égal, dit l’hôte, j’en perds deux, mais il me reste celui-là, que je suis sûr de conserver au moins quelques jours. C’est toujours onze écus de gagnés. »
It is to be remembered that eleven crowns was just the sum that remained in d'Artagnan's purse.On sait que onze écus faisaient juste la somme qui restait dans la bourse de d’Artagnan.
The host had reckoned upon eleven days of confinement at a crown a day, but he had reckoned without his guest. On the following morning at five o'clock d'Artagnan arose, and descending to the kitchen without help, asked, among other ingredients the list of which has not come down to us, for some oil, some wine, and some rosemary, and with his mother's recipe in his hand composed a balsam, with which he anointed his numerous wounds, replacing his bandages himself, and positively refusing the assistance of any doctor. Without a doubt thanks to the efficiency of the Bohemian balsam and perhaps to the absence of all doctor, d'Artagnan walked about that same evening, and was almost cured by the morrow.L’hôte avait compté sur onze jours de maladie à un écu par jour ; mais il avait compté sans son voyageur. Le lendemain, dès cinq heures du matin, d’Artagnan se leva, descendit lui-même à la cuisine, demanda, outre quelques autres ingrédients dont la liste n’est pas parvenue jusqu’à nous, du vin, de l’huile, du romarin, et, la recette de sa mère à la main, se composa un baume dont il oignit ses nombreuses blessures, renouvelant ses compresses lui-même et ne voulant admettre l’adjonction d’aucun médecin. Grâce sans doute à l’efficacité du baume de Bohême, et peut-être aussi grâce à l’absence de tout docteur, d’Artagnan se trouva sur pied dès le soir même, et à peu près guéri le lendemain.
But when the time came to pay for his rosemary, this oil, and the wine, the only expense the master had incurred, as he had preserved a strict abstinence--while on the contrary, the yellow horse, by the account of the hostler at least, had eaten three times as much as a horse of his size could reasonably supposed to have done--d'Artagnan found nothing in his pocket but his little old velvet purse with the eleven crowns it contained; as to the letter addressed to M. de Treville, it had disappeared.Mais, au moment de payer ce romarin, cette huile et ce vin, seule dépense du maître qui avait gardé une diète absolue, tandis qu’au contraire le cheval jaune, au dire de l’hôtelier du moins, avait mangé trois fois plus qu’on n’eût raisonnablement pu le supposer pour sa taille, d’Artagnan ne trouva dans sa poche que sa petite bourse de velours râpé ainsi que les onze écus qu’elle contenait ; mais quant à la lettre adressée à M. de Tréville, elle avait disparu.
The young man commenced his search for the letter with the greatest patience, turning out his pockets of all kinds over and over again, rummaging and rerummaging in his valise, and opening and reopening his purse; but when he found that he had come to the conviction that the letter was not to be found, he flew, for the third time, into such a rage as was near costing him a fresh consumption of wine, oil, and rosemary--for upon seeing this hotheaded youth become exasperated and threaten to destroy everything in the establishment if his letter were not found, the host seized a spit, his wife a broom handle, and the servants the same sticks they had used the day before.Le jeune homme commença par chercher cette lettre avec une grande patience, tournant et retournant vingt fois ses poches et ses goussets, fouillant et refouillant dans son sac, ouvrant et refermant sa bourse ; mais lorsqu’il eut acquis la conviction que la lettre était introuvable, il entra dans un troisième accès de rage, qui faillit lui occasionner une nouvelle consommation de vin et d’huile aromatisés : car, en voyant cette jeune mauvaise tête s’échauffer et menacer de tout casser dans l’établissement si l’on ne retrouvait pas sa lettre, l’hôte s’était déjà saisi d’un épieu, sa femme d’un manche à balai, et ses garçons des mêmes bâtons qui avaient servi la surveille.
"My letter of recommendation!" cried d'Artagnan, "my letter of recommendation! or, the holy blood, I will spit you all like ortolans!"« Ma lettre de recommandation ! s’écria d’Artagnan, ma lettre de recommandation, sangdieu ! ou je vous embroche tous comme des ortolans ! »
Unfortunately, there was one circumstance which created a powerful obstacle to the accomplishment of this threat; which was, as we have related, that his sword had been in his first conflict broken in two, and which he had entirely forgotten. Hence, it resulted when d'Artagnan proceeded to draw his sword in earnest, he found himself purely and simply armed with a stump of a sword about eight or ten inches in length, which the host had carefully placed in the scabbard. As to the rest of the blade, the master had slyly put that on one side to make himself a larding pin.Malheureusement une circonstance s’opposait à ce que le jeune homme accomplît sa menace : c’est que, comme nous l’avons dit, son épée avait été, dans sa première lutte, brisée en deux morceaux, ce qu’il avait parfaitement oublié. Il en résulta que, lorsque d’Artagnan voulut en effet dégainer, il se trouva purement et simplement armé d’un tronçon d’épée de huit ou dix pouces à peu près, que l’hôte avait soigneusement renfoncé dans le fourreau. Quant au reste de la lame, le chef l’avait adroitement détourné pour s’en faire une lardoire.
But this deception would probably not have stopped our fiery young man if the host had not reflected that the reclamation which his guest made was perfectly just.Cependant cette déception n’eût probablement pas arrêté notre fougueux jeune homme, si l’hôte n’avait réfléchi que la réclamation que lui adressait son voyageur était parfaitement juste.
"But, after all," said he, lowering the point of his spit, "where is this letter?"« Mais, au fait, dit-il en abaissant son épieu, où est cette lettre ?
"Yes, where is this letter?" cried d'Artagnan. "In the first place, I warn you that that letter is for Monsieur de Treville, and it must be found, he will not know how to find it."– Oui, où est cette lettre ? cria d’Artagnan. D’abord, je vous en préviens, cette lettre est pour M. de Tréville, et il faut qu’elle se retrouve ; ou si elle ne se retrouve pas, il saura bien la faire retrouver, lui ! »
His threat completed the intimidation of the host. After the king and the cardinal, M. de Treville was the man whose name was perhaps most frequently repeated by the military, and even by citizens. There was, to be sure, Father Joseph, but his name was never pronounced but with a subdued voice, such was the terror inspired by his Gray Eminence, as the cardinal's familiar was called.Cette menace acheva d’intimider l’hôte. Après le roi et M. le cardinal, M. de Tréville était l’homme dont le nom peut-être était le plus souvent répété par les militaires et même par les bourgeois. Il y avait bien le père Joseph, c’est vrai ; mais son nom à lui n’était jamais prononcé que tout bas, tant était grande la terreur qu’inspirait l’Éminence grise, comme on appelait le familier du cardinal.
Throwing down his spit, and ordering his wife to do the same with her broom handle, and the servants with their sticks, he set the first example of commencing an earnest search for the lost letter.Aussi, jetant son épieu loin de lui, et ordonnant à sa femme d’en faire autant de son manche à balai et à ses valets de leurs bâtons, il donna le premier l’exemple en se mettant lui-même à la recherche de la lettre perdue.
"Does the letter contain anything valuable?" demanded the host, after a few minutes of useless investigation.« Est-ce que cette lettre renfermait quelque chose de précieux ? demanda l’hôte au bout d’un instant d’investigations inutiles.
"Zounds! I think it does indeed!" cried the Gascon, who reckoned upon this letter for making his way at court. "It contained my fortune!"– Sandis ! je le crois bien ! s’écria le Gascon qui comptait sur cette lettre pour faire son chemin à la cour ; elle contenait ma fortune.
"Bills upon Spain?" asked the disturbed host.– Des bons sur l’épargne ? demanda l’hôte inquiet.
"Bills upon his Majesty's private treasury," answered d'Artagnan, who, reckoning upon entering into the king's service in consequence of this recommendation, believed he could make this somewhat hazardous reply without telling of a falsehood.– Des bons sur la trésorerie particulière de Sa Majesté », répondit d’Artagnan, qui, comptant entrer au service du roi grâce à cette recommandation, croyait pouvoir faire sans mentir cette réponse quelque peu hasardée.
"The devil!" cried the host, at his wit's end.« Diable ! fit l’hôte tout à fait désespéré.
"But it's of no importance," continued d'Artagnan, with natural assurance; "it's of no importance. The money is nothing; that letter was everything. I would rather have lost a thousand pistoles than have lost it."– Mais il n’importe, continua d’Artagnan avec l’aplomb national, il n’importe, et l’argent n’est rien : – cette lettre était tout. J’eusse mieux aimé perdre mille pistoles que de la perdre. »
He would not have risked more if he had said twenty thousand; but a certain juvenile modesty restrained him.Il ne risquait pas davantage à dire vingt mille, mais une certaine pudeur juvénile le retint.
A ray of light all at once broke upon the mind of the host as he was giving himself to the devil upon finding nothing.Un trait de lumière frappa tout à coup l’esprit de l’hôte qui se donnait au diable en ne trouvant rien.
"That letter is not lost!" cried he.« Cette lettre n’est point perdue, s’écria-t-il.
"What!" cried d'Artagnan.– Ah ! fit d’Artagnan.
"No, it has been stolen from you."– Non ; elle vous a été prise.
"Stolen? By whom?"– Prise ! et par qui ?
"By the gentleman who was here yesterday. He came down into the kitchen, where your doublet was. He remained there some time alone. I would lay a wager he has stolen it."– Par le gentilhomme d’hier. Il est descendu à la cuisine, où était votre pourpoint. Il y est resté seul. Je gagerais que c’est lui qui l’a volée.
"Do you think so?" answered d'Artagnan, little convinced, as he knew better than anyone else how entirely personal the value of this letter was, and was nothing in it likely to tempt cupidity. The fact was that none of his servants, none of the travelers present, could have gained anything by being possessed of this paper.– Vous croyez ? » répondit d’Artagnan peu convaincu ; car il savait mieux que personne l’importance toute personnelle de cette lettre, et n’y voyait rien qui pût tenter la cupidité. Le fait est qu’aucun des valets, aucun des voyageurs présents n’eût rien gagné à posséder ce papier.
"Do you say," resumed d'Artagnan, "that you suspect that impertinent gentleman?"« Vous dites donc, reprit d’Artagnan, que vous soupçonnez cet impertinent gentilhomme.
"I tell you I am sure of it," continued the host. "When I informed him that your lordship was the protege of Monsieur de Treville, and that you even had a letter for that illustrious gentleman, he appeared to be very much disturbed, and asked me where that letter was, and immediately came down into the kitchen, where he knew your doublet was."– Je vous dis que j’en suis sûr, continua l’hôte ; lorsque je lui ai annoncé que Votre Seigneurie était le protégé de M. de Tréville, et que vous aviez même une lettre pour cet illustre gentilhomme, il a paru fort inquiet, m’a demandé où était cette lettre, et est descendu immédiatement à la cuisine où il savait qu’était votre pourpoint.
"Then that's my thief," replied d'Artagnan. "I will complain to Monsieur de Treville, and Monsieur de Treville will complain to the king." He then drew two crowns majestically from his purse and gave them to the host, who accompanied him, cap in hand, to the gate, and remounted his yellow horse, which bore him without any further accident to the gate of St. Antoine at Paris, where his owner sold him for three crowns, which was a very good price, considering that d'Artagnan had ridden him hard during the last stage. Thus the dealer to whom d'Artagnan sold him for the nine livres did not conceal from the young man that he only gave that enormous sum for him on the account of the originality of his color.– Alors c’est mon voleur, répondit d’Artagnan ; je m’en plaindrai à M. de Tréville, et M. de Tréville s’en plaindra au roi. » Puis il tira majestueusement deux écus de sa poche, les donna à l’hôte, qui l’accompagna, le chapeau à la main, jusqu’à la porte, remonta sur son cheval jaune, qui le conduisit sans autre incident jusqu’à la porte Saint-Antoine à Paris, où son propriétaire le vendit trois écus, ce qui était fort bien payé, attendu que d’Artagnan l’avait fort surmené pendant la dernière étape. Aussi le maquignon auquel d’Artagnan le céda moyennant les neuf livres susdites ne cacha-t-il point au jeune homme qu’il n’en donnait cette somme exorbitante qu’à cause de l’originalité de sa couleur.
Thus d'Artagnan entered Paris on foot, carrying his little packet under his arm, and walked about till he found an apartment to be let on terms suited to the scantiness of his means. This chamber was a sort of garret, situated in the Rue des Fossoyeurs, near the Luxembourg.D’Artagnan entra donc dans Paris à pied, portant son petit paquet sous son bras, et marcha tant qu’il trouvât à louer une chambre qui convînt à l’exiguïté de ses ressources. Cette chambre fut une espèce de mansarde, sise rue des Fossoyeurs, près du Luxembourg.
As soon as the earnest money was paid, d'Artagnan took possession of his lodging, and passed the remainder of the day in sewing onto his doublet and hose some ornamental braiding which his mother had taken off an almost-new doublet of the elder M. d'Artagnan, and which she had given her son secretly. Next he went to the Quai de Feraille to have a new blade put to his sword, and then returned toward the Louvre, inquiring of the first Musketeer he met for the situation of the hotel of M. de Treville, which proved to be in the Rue du Vieux-Colombier; that is to say, in the immediate vicinity of the chamber hired by d'Artagnan--a circumstance which appeared to furnish a happy augury for the success of his journey.Aussitôt le denier à Dieu donné, d’Artagnan prit possession de son logement, passa le reste de la journée à coudre à son pourpoint et à ses chausses des passementeries que sa mère avait détachées d’un pourpoint presque neuf de M. d’Artagnan père, et qu’elle lui avait données en cachette ; puis il alla quai de la Ferraille, faire remettre une lame à son épée ; puis il revint au Louvre s’informer, au premier mousquetaire qu’il rencontra, de la situation de l’hôtel de M. de Tréville, lequel était situé rue du Vieux-Colombier, c’est-à-dire justement dans le voisinage de la chambre arrêtée par d’Artagnan : circonstance qui lui parut d’un heureux augure pour le succès de son voyage.
After this, satisfied with the way in which he had conducted himself at Meung, without remorse for the past, confident in the present, and full of hope for the future, he retired to bed and slept the sleep of the brave.Après quoi, content de la façon dont il s’était conduit à Meung, sans remords dans le passé, confiant dans le présent et plein d’espérance dans l’avenir, il se coucha et s’endormit du sommeil du brave.
This sleep, provincial as it was, brought him to nine o'clock in the morning; at which hour he rose, in order to repair to the residence of M. de Treville, the third personage in the kingdom, in the paternal estimation.Ce sommeil, tout provincial encore, le conduisit jusqu’à neuf heures du matin, heure à laquelle il se leva pour se rendre chez ce fameux M. de Tréville, le troisième personnage du royaume d’après l’estimation paternelle.
2 THE ANTECHAMBER OF M. DE TREVILLECHAPITRE II L’ANTICHAMBRE DE M. DE TRÉVILLE
M. de Troisville, as his family was still called in Gascony, or M. de Treville, as he has ended by styling himself in Paris, had really commenced life as d'Artagnan now did; that is to say, without a sou in his pocket, but with a fund of audacity, shrewdness, and intelligence which makes the poorest Gascon gentleman often derive more in his hope from the paternal inheritance than the richest Perigordian or Berrichan gentleman derives in reality from his. His insolent bravery, his still more insolent success at a time when blows poured down like hail, had borne him to the top of that difficult ladder called Court Favor, and which he had climbed the echelons four steps at a time.M. de Troisvilles, comme s’appelait encore sa famille en Gascogne, ou M. de Tréville, comme il avait fini par s’appeler lui-même à Paris, avait réellement commencé comme d’Artagnan, c’est-à-dire sans un sou vaillant, mais avec ce fonds d’audace, d’esprit et d’entendement qui fait que le plus pauvre gentillâtre gascon reçoit souvent plus en ses espérances de l’héritage paternel que le plus riche gentilhomme périgourdin ou berrichon ne reçoit en réalité. Sa bravoure insolente, son bonheur plus insolent encore dans un temps où les coups pleuvaient comme grêle, l’avaient hissé au sommet de cette échelle difficile qu’on appelle la faveur de cour, et dont il avait escaladé quatre à quatre les échelons.
He was the friend of the king, who honored highly, as everyone knows, the memory of his father, Henry IV. The father of M. de Treville had served him so faithfully in his wars against the league that in default of money— a thing to which the Bearnais was accustomed all his life, and who constantly paid his debts with that of which he never stood in need of borrowing, that is to say, with ready wit— in default of money, we repeat, he authorized him, after the reduction of Paris, to assume for his arms a golden lion passant upon gules, with the motto FIDELIS ET FORTIS. This was a great matter in the way of honor, but very little in the way of wealth; so that when the illustrious companion of the great Henry died, the only inheritance he was able to leave his son was his sword and his motto. Thanks to this double gift and the spotless name that accompanied it, M. de Treville was admitted into the household of the young prince where he made such good use of his sword, and was so faithful to his motto, that Louis XIII, one of the good blades of his kingdom, was accustomed to say that if he had a friend who was about to fight, he would advise him to choose as a second, himself first, and Treville next--or even, perhaps, before himself.Il était l’ami du roi, lequel honorait fort, comme chacun sait, la mémoire de son père Henri IV. Le père de M. de Tréville l’avait si fidèlement servi dans ses guerres contre la Ligue, qu’à défaut d’argent comptant – chose qui toute la vie manqua au Béarnais, lequel paya constamment ses dettes avec la seule chose qu’il n’eût jamais besoin d’emprunter, c’est-à-dire avec de l’esprit –, qu’à défaut d’argent comptant, disons-nous, il l’avait autorisé, après la reddition de Paris, à prendre pour armes un lion d’or passant sur gueules avec cette devise : Fidelis et fortis. C’était beaucoup pour l’honneur, mais c’était médiocre pour le bien-être. Aussi, quand l’illustre compagnon du grand Henri mourut, il laissa pour seul héritage à monsieur son fils son épée et sa devise. Grâce à ce double don et au nom sans tache qui l’accompagnait, M. de Tréville fut admis dans la maison du jeune prince, où il servit si bien de son épée et fut si fidèle à sa devise, que Louis XIII, une des bonnes lames du royaume, avait l’habitude de dire que, s’il avait un ami qui se battît, il lui donnerait le conseil de prendre pour second, lui d’abord, et Tréville après, et peut-être même avant lui.
Thus Louis XIII had a real liking for Treville--a royal liking, a self-interested liking, it is true, but still a liking. At that unhappy period it was an important consideration to be surrounded by such men as Treville. Many might take for their device the epithet STRONG, which formed the second part of his motto, but very few gentlemen could lay claim to the FAITHFUL, which constituted the first. Treville was one of these latter. His was one of those rare organizations, endowed with an obedient intelligence like that of the dog; with a blind valor, a quick eye, and a prompt hand; to whom sight appeared only to be given to see if the king were dissatisfied with anyone, and the hand to strike this displeasing personage, whether a Besme, a Maurevers, a Poltrot de Mere, or a Vitry. In short, up to this period nothing had been wanting to Treville but opportunity; but he was ever on the watch for it, and he faithfully promised himself that he would not fail to seize it by its three hairs whenever it came within reach of his hand. At last Louis XIII made Treville the captain of his Musketeers, who were to Louis XIII in devotedness, or rather in fanaticism, what his Ordinaries had been to Henry III, and his Scotch Guard to Louis XI.Aussi Louis XIII avait-il un attachement réel pour Tréville, attachement royal, attachement égoïste, c’est vrai, mais qui n’en était pas moins un attachement. C’est que, dans ces temps malheureux, on cherchait fort à s’entourer d’hommes de la trempe de Tréville. Beaucoup pouvaient prendre pour devise l’épithète de fort, qui faisait la seconde partie de son exergue ; mais peu de gentilshommes pouvaient réclamer l’épithète de fidèle, qui en formait la première. Tréville était un de ces derniers ; c’était une de ces rares organisations, à l’intelligence obéissante comme celle du dogue, à la valeur aveugle, à l’œil rapide, à la main prompte, à qui l’œil n’avait été donné que pour voir si le roi était mécontent de quelqu’un et la main que pour frapper ce déplaisant quelqu’un, un Besme, un Maurevers, un Poltrot de Méré, un Vitry. Enfin à Tréville, il n’avait manqué jusque-là que l’occasion ; mais il la guettait, et il se promettait bien de la saisir par ses trois cheveux si jamais elle passait à la portée de sa main. Aussi Louis XIII fit-il de Tréville le capitaine de ses mousquetaires, lesquels étaient à Louis XIII, pour le dévouement ou plutôt pour le fanatisme, ce que ses ordinaires étaient à Henri III et ce que sa garde écossaise était à Louis XI.
On his part, the cardinal was not behind the king in this respect. When he saw the formidable and chosen body with which Louis XIII had surrounded himself, this second, or rather this first king of France, became desirous that he, too, should have his guard. He had his Musketeers therefore, as Louis XIII had his, and these two powerful rivals vied with each other in procuring, not only from all the provinces of France, but even from all foreign states, the most celebrated swordsmen. It was not uncommon for Richelieu and Louis XIII to dispute over their evening game of chess upon the merits of their servants. Each boasted the bearing and the courage of his own people. While exclaiming loudly against duels and brawls, they excited them secretly to quarrel, deriving an immoderate satisfaction or genuine regret from the success or defeat of their own combatants. We learn this from the memoirs of a man who was concerned in some few of these defeats and in many of these victories.De son côté, et sous ce rapport, le cardinal n’était pas en reste avec le roi. Quand il avait vu la formidable élite dont Louis XIII s’entourait, ce second ou plutôt ce premier roi de France avait voulu, lui aussi, avoir sa garde. Il eut donc ses mousquetaires comme Louis XIII avait les siens et l’on voyait ces deux puissances rivales trier pour leur service, dans toutes les provinces de France et même dans tous les États étrangers, les hommes célèbres pour les grands coups d’épée. Aussi Richelieu et Louis XIII se disputaient souvent, en faisant leur partie d’échecs, le soir, au sujet du mérite de leurs serviteurs. Chacun vantait la tenue et le courage des siens, et tout en se prononçant tout haut contre les duels et contre les rixes, ils les excitaient tout bas à en venir aux mains, et concevaient un véritable chagrin ou une joie immodérée de la défaite ou de la victoire des leurs. Ainsi, du moins, le disent les mémoires d’un homme qui fut dans quelques-unes de ces défaites et dans beaucoup de ces victoires.
Treville had grasped the weak side of his master; and it was to this address that he owed the long and constant favor of a king who has not left the reputation behind him of being very faithful in his friendships. He paraded his Musketeers before the Cardinal Armand Duplessis with an insolent air which made the gray moustache of his Eminence curl with ire. Treville understood admirably the war method of that period, in which he who could not live at the expense of the enemy must live at the expense of his compatriots. His soldiers formed a legion of devil-may-care fellows, perfectly undisciplined toward all but himself.Tréville avait pris le côté faible de son maître, et c’est à cette adresse qu’il devait la longue et constante faveur d’un roi qui n’a pas laissé la réputation d’avoir été très fidèle à ses amitiés. Il faisait parader ses mousquetaires devant le cardinal Armand Duplessis avec un air narquois qui hérissait de colère la moustache grise de Son Éminence. Tréville entendait admirablement bien la guerre de cette époque, où, quand on ne vivait pas aux dépens de l’ennemi, on vivait aux dépens de ses compatriotes : ses soldats formaient une légion de diables à quatre, indisciplinée pour tout autre que pour lui.
Loose, half-drunk, imposing, the king's Musketeers, or rather M. de Treville's, spread themselves about in the cabarets, in the public walks, and the public sports, shouting, twisting their mustaches, clanking their swords, and taking great pleasure in annoying the Guards of the cardinal whenever they could fall in with them; then drawing in the open streets, as if it were the best of all possible sports; sometimes killed, but sure in that case to be both wept and avenged; often killing others, but then certain of not rotting in prison, M. de Treville being there to claim them. Thus M. de Treville was praised to the highest note by these men, who adored him, and who, ruffians as they were, trembled before him like scholars before their master, obedient to his least word, and ready to sacrifice themselves to wash out the smallest insult.Débraillés, avinés, écorchés, les mousquetaires du roi, ou plutôt ceux de M. de Tréville, s’épandaient dans les cabarets, dans les promenades, dans les jeux publics, criant fort et retroussant leurs moustaches, faisant sonner leurs épées, heurtant avec volupté les gardes de M. le cardinal quand ils les rencontraient ; puis dégainant en pleine rue, avec mille plaisanteries ; tués quelquefois, mais sûrs en ce cas d’être pleurés et vengés ; tuant souvent, et sûrs alors de ne pas moisir en prison, M. de Tréville étant là pour les réclamer. Aussi M. de Tréville était-il loué sur tous les tons, chanté sur toutes les gammes par ces hommes qui l’adoraient, et qui, tout gens de sac et de corde qu’ils étaient, tremblaient devant lui comme des écoliers devant leur maître, obéissant au moindre mot, et prêts à se faire tuer pour laver le moindre reproche.
M. de Treville employed this powerful weapon for the king, in the first place, and the friends of the king--and then for himself and his own friends. For the rest, in the memoirs of this period, which has left so many memoirs, one does not find this worthy gentleman blamed even by his enemies; and he had many such among men of the pen as well as among men of the sword. In no instance, let us say, was this worthy gentleman accused of deriving personal advantage from the cooperation of his minions. Endowed with a rare genius for intrigue which rendered him the equal of the ablest intriguers, he remained an honest man. Still further, in spite of sword thrusts which weaken, and painful exercises which fatigue, he had become one of the most gallant frequenters of revels, one of the most insinuating lady's men, one of the softest whisperers of interesting nothings of his day; the BONNES FORTUNES of de Treville were talked of as those of M. de Bassompierre had been talked of twenty years before, and that was not saying a little. The captain of the Musketeers was therefore admired, feared, and loved; and this constitutes the zenith of human fortune.M. de Tréville avait usé de ce levier puissant, pour le roi d’abord et les amis du roi, – puis pour lui-même et pour ses amis. Au reste, dans aucun des mémoires de ce temps, qui a laissé tant de mémoires, on ne voit que ce digne gentilhomme ait été accusé, même par ses ennemis – et il en avait autant parmi les gens de plume que chez les gens d’épée –, nulle part on ne voit, disons-nous, que ce digne gentilhomme ait été accusé de se faire payer la coopération de ses séides. Avec un rare génie d’intrigue, qui le rendait l’égal des plus forts intrigants, il était resté honnête homme. Bien plus, en dépit des grandes estocades qui déhanchent et des exercices pénibles qui fatiguent, il était devenu un des plus galants coureurs de ruelles, un des plus fins damerets, un des plus alambiqués diseurs de Phébus de son époque ; on parlait des bonnes fortunes de Tréville comme on avait parlé vingt ans auparavant de celles de Bassompierre – et ce n’était pas peu dire. Le capitaine des mousquetaires était donc admiré, craint et aimé, ce qui constitue l’apogée des fortunes humaines.
Louis XIV absorbed all the smaller stars of his court in his own vast radiance; but his father, a sun PLURIBUS IMPAR, left his personal splendor to each of his favorites, his individual value to each of his courtiers. In addition to the leeves of the king and the cardinal, there might be reckoned in Paris at that time more than two hundred smaller but still noteworthy leeves. Among these two hundred leeves, that of Treville was one of the most sought.Louis XIV absorba tous les petits astres de sa cour dans son vaste rayonnement ; mais son père, soleil pluribus impar, laissa sa splendeur personnelle à chacun de ses favoris, sa valeur individuelle à chacun de ses courtisans. Outre le lever du roi et celui du cardinal, on comptait alors à Paris plus de deux cents petits levers, un peu recherchés. Parmi les deux cents petits levers celui de Tréville était un des plus courus.
The court of his hotel, situated in the Rue du Vieux-Colombier, resembled a camp from by six o'clock in the morning in summer and eight o'clock in winter. From fifty to sixty Musketeers, who appeared to replace one another in order always to present an imposing number, paraded constantly, armed to the teeth and ready for anything. On one of those immense staircases, upon whose space modern civilization would build a whole house. Ascended and descended the office seekers of Paris, who ran after any sort of favor--gentlemen from the provinces anxious to be enrolled, and servants in all sorts of liveries, bringing and carrying messages between their masters and M. de Treville. In the antechamber, upon long circular benches, reposed the elect; that is to say, those who were called. In this apartment a continued buzzing prevailed from morning till night, while M. de Treville, in his office contiguous to this antechamber, received visits, listened to complaints, gave his orders, and like the king in his balcony at the Louvre, had only to place himself at the window to review both his men and arms.La cour de son hôtel, situé rue du Vieux-Colombier, ressemblait à un camp, et cela dès six heures du matin en été et dès huit heures en hiver. Cinquante à soixante mousquetaires, qui semblaient s’y relayer pour présenter un nombre toujours imposant, s’y promenaient sans cesse, armés en guerre et prêts à tout. Le long d’un de ses grands escaliers sur l’emplacement desquels notre civilisation bâtirait une maison tout entière, montaient et descendaient les solliciteurs de Paris qui couraient après une faveur quelconque, les gentilshommes de province avides d’être enrôlés, et les laquais chamarrés de toutes couleurs, qui venaient apporter à M. de Tréville les messages de leurs maîtres. Dans l’antichambre, sur de longues banquettes circulaires, reposaient les élus, c’est-à-dire ceux qui étaient convoqués. Un bourdonnement durait là depuis le matin jusqu’au soir, tandis que M. de Tréville, dans son cabinet contigu à cette antichambre, recevait les visites, écoutait les plaintes, donnait ses ordres et, comme le roi à son balcon du Louvre, n’avait qu’à se mettre à sa fenêtre pour passer la revue des hommes et des armes.
The day on which d'Artagnan presented himself the assemblage was imposing, particularly for a provincial just arriving from his province. It is true that this provincial was a Gascon; and that, particularly at this period, the compatriots of d'Artagnan had the reputation of not being easily intimidated. When he had once passed the massive door covered with long square-headed nails, he fell into the midst of a troop of swordsmen, who crossed one another in their passage, calling out, quarreling, and playing tricks one with another. In order to make one's way amid these turbulent and conflicting waves, it was necessary to be an officer, a great noble, or a pretty woman.Le jour où d’Artagnan se présenta, l’assemblée était imposante, surtout pour un provincial arrivant de sa province : il est vrai que ce provincial était Gascon, et que surtout à cette époque les compatriotes de d’Artagnan avaient la réputation de ne point facilement se laisser intimider. En effet, une fois qu’on avait franchi la porte massive, chevillée de longs clous à tête quadrangulaire, on tombait au milieu d’une troupe de gens d’épée qui se croisaient dans la cour, s’interpellant, se querellant et jouant entre eux. Pour se frayer un passage au milieu de toutes ces vagues tourbillonnantes, il eût fallu être officier, grand seigneur ou jolie femme.
It was, then, into the midst of this tumult and disorder that our young man advanced with a beating heat, ranging his long rapier up his lanky leg, and keeping one hand on the edge of his cap, with that half-smile of the embarrassed a provincial who wishes to put on a good face. When he had passed one group he began to breathe more freely; but he could not help observing that they turned round to look at him, and for the first time in his life d'Artagnan, who had till that day entertained a very good opinion of himself, felt ridiculous.Ce fut donc au milieu de cette cohue et de ce désordre que notre jeune homme s’avança, le cœur palpitant, rangeant sa longue rapière le long de ses jambes maigres, et tenant une main au rebord de son feutre avec ce demi-sourire du provincial embarrassé qui veut faire bonne contenance. Avait-il dépassé un groupe, alors il respirait plus librement, mais il comprenait qu’on se retournait pour le regarder, et pour la première fois de sa vie, d’Artagnan, qui jusqu’à ce jour avait une assez bonne opinion de lui-même, se trouva ridicule.
Arrived at the staircase, it was still worse. There were four Musketeers on the bottom steps, amusing themselves with the following exercise, while ten or twelve of their comrades waited upon the landing place to take their turn in the sport.Arrivé à l’escalier, ce fut pis encore : il y avait sur les premières marches quatre mousquetaires qui se divertissaient à l’exercice suivant, tandis que dix ou douze de leurs camarades attendaient sur le palier que leur tour vînt de prendre place à la partie.
One of them, stationed upon the top stair, naked sword in hand, prevented, or at least endeavored to prevent, the three others from ascending.Un d’eux, placé sur le degré supérieur, l’épée nue à la main, empêchait ou du moins s’efforçait d’empêcher les trois autres de monter.
These three others fenced against him with their agile swords. D'Artagnan at first took these weapons for foils, and believed them to be buttoned; but he soon perceived by certain scratches that every weapon was pointed and sharpened, and that at each of these scratches not only the spectators, but even the actors themselves, laughed like so many madmen.Ces trois autres s’escrimaient contre lui de leurs épées fort agiles. D’Artagnan prit d’abord ces fers pour des fleurets d’escrime, il les crut boutonnés : mais il reconnut bientôt à certaines égratignures que chaque arme, au contraire, était affilée et aiguisée à souhait, et à chacune de ces égratignures, non seulement les spectateurs, mais encore les acteurs riaient comme des fous.
He who at the moment occupied the upper step kept his adversaries marvelously in check. A circle was formed around them. The conditions required that at every hit the man touched should quit the game, yielding his turn for the benefit of the adversary who had hit him. In five minutes three were slightly wounded, one on the hand, another on the ear, by the defender of the stair, who himself remained intact--a piece of skill which was worth to him, according to the rules agreed upon, three turns of favor.Celui qui occupait le degré en ce moment tenait merveilleusement ses adversaires en respect. On faisait cercle autour d’eux : la condition portait qu’à chaque coup le touché quitterait la partie, en perdant son tour d’audience au profit du toucheur. En cinq minutes trois furent effleurés, l’un au poignet, l’autre au menton, l’autre à l’oreille par le défenseur du degré, qui lui-même ne fut pas atteint : adresse qui lui valut, selon les conventions arrêtées, trois tours de faveur.
However difficult it might be, or rather as he pretended it was, to astonish our young traveler, this pastime really astonished him. He had seen in his province--that land in which heads become so easily heated--a few of the preliminaries of duels; but the daring of these four fencers appeared to him the strongest he had ever heard of even in Gascony. He believed himself transported into that famous country of giants into which Gulliver afterward went and was so frightened; and yet he had not gained the goal, for there were still the landing place and the antechamber.Si difficile non pas qu’il fût, mais qu’il voulût être à étonner, ce passe-temps étonna notre jeune voyageur ; il avait vu dans sa province, cette terre où s’échauffent cependant si promptement les têtes, un peu plus de préliminaires aux duels, et la gasconnade de ces quatre joueurs lui parut la plus forte de toutes celles qu’il avait ouïes jusqu’alors, même en Gascogne. Il se crut transporté dans ce fameux pays des géants où Gulliver alla depuis et eut si grand-peur ; et cependant il n’était pas au bout : restaient le palier et l’antichambre.
On the landing they were no longer fighting; They amused themselves with stories about women, and in the antechamber, with stories about the court.Sur le palier on ne se battait plus, on racontait des histoires de femmes, et dans l’antichambre des histoires de cour.
On the landing d'Artagnan blushed; in the antechamber he trembled. His warm and fickle imagination, which in Gascony had rendered formidable to young chambermaids, and even sometimes their mistresses, had never dreamed, even in moments of delirium, of half the amorous wonders or a quarter of the feats of gallantry which were here set forth in connection with names the best known and with details the least concealed.Sur le palier, d’Artagnan rougit ; dans l’antichambre, il frissonna. Son imagination éveillée et vagabonde, qui en Gascogne le rendait redoutable aux jeunes femmes de chambre et même quelquefois aux jeunes maîtresses, n’avait jamais rêvé, même dans ces moments de délire, la moitié de ces merveilles amoureuses et le quart de ces prouesses galantes, rehaussées des noms les plus connus et des détails les moins voilés.
But if his morals were shocked on the landing, his respect for the cardinal was scandalized in the antechamber. There, to his great astonishment, d'Artagnan heard the policy which made all Europe tremble criticized aloud and openly, as well as the private life of the cardinal, which so many great nobles had been punished for trying to pry into. That great man who was so revered by d'Artagnan the elder served as an object of ridicule to the Musketeers of Treville, who cracked their jokes upon his bandy legs and his crooked back. Some sang ballads about Mme. d'Aguillon, his mistress, and Mme. Cambalet, his niece; while others formed parties and plans to annoy the pages and guards of the cardinal duke--all things which appeared to d'Artagnan monstrous impossibilities.Mais si son amour pour les bonnes mœurs fut choqué sur le palier, son respect pour le cardinal fut scandalisé dans l’antichambre. Là, à son grand étonnement, d’Artagnan entendait critiquer tout haut la politique qui faisait trembler l’Europe, et la vie privée du cardinal, que tant de hauts et puissants seigneurs avaient été punis d’avoir tenté d’approfondir : ce grand homme, révéré par M. d’Artagnan père, servait de risée aux mousquetaires de M. de Tréville, qui raillaient ses jambes cagneuses et son dos voûté ; quelques-uns chantaient des Noëls sur Mme d’Aiguillon, sa maîtresse, et Mme de Combalet, sa nièce, tandis que les autres liaient des parties contre les pages et les gardes du cardinal-duc, toutes choses qui paraissaient à d’Artagnan de monstrueuses impossibilités.
Nevertheless, when the name of the king was now and then uttered unthinkingly amid all these cardinal jests, a sort of gag seemed to close for a moment on all these jeering mouths. They looked hesitatingly around them, and appeared to doubt the thickness of the partition between them and the office of M. de Treville; but a fresh allusion soon brought back the conversation to his Eminence, and then the laughter recovered its loudness and the light was not withheld from any of his actions.Cependant, quand le nom du roi intervenait parfois tout à coup à l’improviste au milieu de tous ces quolibets cardinalesques, une espèce de bâillon calfeutrait pour un moment toutes ces bouches moqueuses ; on regardait avec hésitation autour de soi, et l’on semblait craindre l’indiscrétion de la cloison du cabinet de M. de Tréville ; mais bientôt une allusion ramenait la conversation sur Son Éminence, et alors les éclats reprenaient de plus belle, et la lumière n’était ménagée sur aucune de ses actions.
"Certes, these fellows will all either be imprisoned or hanged," thought the terrified d'Artagnan, "and I, no doubt, with them; for from the moment I have either listened to or heard them, I shall be held as an accomplice. What would my good father say, who so strongly pointed out to me the respect due to the cardinal, if he knew I was in the society of such pagans?"« Certes, voilà des gens qui vont être embastillés et pendus, pensa d’Artagnan avec terreur, et moi sans aucun doute avec eux, car du moment où je les ai écoutés et entendus, je serai tenu pour leur complice. Que dirait monsieur mon père, qui m’a si fort recommandé le respect du cardinal, s’il me savait dans la société de pareils païens ? »
We have no need, therefore, to say that d'Artagnan dared not join in the conversation, only he looked with all his eyes, listening with all his ears, stretching his five senses so as to lose nothing; and despite his confidence on the paternal admonitions, he felt himself carried by his tastes and led by his instincts to praise rather than to blame the unheard-of things which were taking place.Aussi comme on s’en doute sans que je le dise, d’Artagnan n’osait se livrer à la conversation ; seulement il regardait de tous ses yeux, écoutant de toutes ses oreilles, tendant avidement ses cinq sens pour ne rien perdre, et malgré sa confiance dans les recommandations paternelles, il se sentait porté par ses goûts et entraîné par ses instincts à louer plutôt qu’à blâmer les choses inouïes qui se passaient là.
Although he was a perfect stranger in the court of M. de Treville's courtiers, and this his first appearance in that place, he was at length noticed, and somebody came and asked him what he wanted. At this demand d'Artagnan gave his name very modestly, emphasized the title of compatriot, and begged the servant who had put the question to him to request a moment's audience of M. de Treville--a request which the other, with an air of protection, promised to transmit in due season.Cependant, comme il était absolument étranger à la foule des courtisans de M. de Tréville, et que c’était la première fois qu’on l’apercevait en ce lieu, on vint lui demander ce qu’il désirait. À cette demande, d’Artagnan se nomma fort humblement, s’appuya du titre de compatriote, et pria le valet de chambre qui était venu lui faire cette question de demander pour lui à M. de Tréville un moment d’audience, demande que celui-ci promit d’un ton protecteur de transmettre en temps et lieu.
D'Artagnan, a little recovered from his first surprise, had now leisure to study costumes and physiognomy.D’Artagnan, un peu revenu de sa surprise première, eut donc le loisir d’étudier un peu les costumes et les physionomies.
The center of the most animated group was a Musketeer of great height, of a haughty countenance, and of a pecularity of costume that attracted the general attention. He did not wear, for this moment, the uniform cloak --which was not obligatory at that epoch of less liberty but more independence greater--but a cerulean-blue doublet, a little faded and worn, and over this a magnificent baldric, worked in gold, which shone like water ripples in the sun. A long cloak of crimson velvet fell in graceful folds from his shoulders, disclosing in front the splendid baldric, from which was suspended a gigantic rapier.Au centre du groupe le plus animé était un mousquetaire de grande taille, d’une figure hautaine et d’une bizarrerie de costume qui attirait sur lui l’attention générale. Il ne portait pas, pour le moment, la casaque d’uniforme, qui, au reste, n’était pas absolument obligatoire dans cette époque de liberté moindre mais d’indépendance plus grande, mais un justaucorps bleu de ciel, tant soit peu fané et râpé, et sur cet habit un baudrier magnifique, en broderies d’or, et qui reluisait comme les écailles dont l’eau se couvre au grand soleil. Un manteau long de velours cramoisi tombait avec grâce sur ses épaules découvrant par-devant seulement le splendide baudrier auquel pendait une gigantesque rapière.
This Musketeer had just come off guard at the instant even, complained of having a cold, and coughed from time to time affectedly. Also he had put on his cloak, as he said to those around him, and while he spoke with a lofty air, twisting his mustache disdainfully, all admired his embroidered baldric with enthusiasm, and d'Artagnan more than anyone.Ce mousquetaire venait de descendre de garde à l’instant même, se plaignait d’être enrhumé et toussait de temps en temps avec affectation. Aussi avait-il pris le manteau, à ce qu’il disait autour de lui, et tandis qu’il parlait du haut de sa tête, en frisant dédaigneusement sa moustache, on admirait avec enthousiasme le baudrier brodé, et d’Artagnan plus que tout autre.
"What would you have?" said the Musketeer. "This fashion is coming in. It is a folly, I admit, but still it is the fashion. Besides, one must lay out one's inheritance somehow."« Que voulez-vous, disait le mousquetaire, la mode en vient ; c’est une folie, je le sais bien, mais c’est la mode. D’ailleurs, il faut bien employer à quelque chose l’argent de sa légitime.
"Ah, Porthos!" cried one of his companions, "don't try to make us believe you obtained that baldric by paternal generosity. It was given to you by that veiled lady I met you with the other Sunday, near the gate St. Honor."– Ah ! Porthos ! s’écria un des assistants, n’essaie pas de nous faire croire que ce baudrier te vient de la générosité paternelle : il t’aura été donné par la dame voilée avec laquelle je t’ai rencontré l’autre dimanche vers la porte Saint-Honoré.
"No, upon honor and by the faith of a gentleman, I bought it with the contents of my own purse," answered he whom they designated by the name Porthos.– Non, sur mon honneur et foi de gentilhomme, je l’ai acheté moi-même, et de mes propres deniers, répondit celui qu’on venait de désigner sous le nom de Porthos.
"Yes; about in the same manner," said another Musketeer, "that I bought this new purse with what my mistress put into the old one."– Oui, comme j’ai acheté, moi, dit un autre mousquetaire, cette bourse neuve, avec ce que ma maîtresse avait mis dans la vieille.
"It's true, though," said Porthos; "and the proof is that I paid twelve pistoles for it."– Vrai, dit Porthos, et la preuve c’est que je l’ai payé douze pistoles. »
The wonder was increased, though the doubt continued to exist.L’admiration redoubla, quoique le doute continuât d’exister.
"Is it not true, Aramis?" said Porthos, turning toward another Musketeer.« N’est-ce pas, Aramis ? » dit Porthos se tournant vers un autre mousquetaire.
This other Musketeer formed a perfect contrast to his interrogator, who had just designated him by the name of Aramis. He was a young man, of about twenty-two or twenty-three at least, with an open, ingenuous countenance, a black, mild eye, and cheeks rosy and downy as an autumn peach. His delicate mustache marked a perfectly straight line upon his upper lip; he appeared to dread to lower his hands lest their veins should swell, and he pinched the tips of his ears from time to time to preserve their delicate pink transparency. Habitually he spoke little and slowly, bowed frequently, laughed without noise, showing his teeth, which were fine and of which, as the rest of his person, he appeared to take great care. He answered the appeal of his friend by an affirmative nod of the head.Cet autre mousquetaire formait un contraste parfait avec celui qui l’interrogeait et qui venait de le désigner sous le nom d’Aramis : c’était un jeune homme de vingt-deux à vingt-trois ans à peine, à la figure naïve et doucereuse, à l’œil noir et doux et aux joues roses et veloutées comme une pêche en automne ; sa moustache fine dessinait sur sa lèvre supérieure une ligne d’une rectitude parfaite ; ses mains semblaient craindre de s’abaisser, de peur que leurs veines ne se gonflassent, et de temps en temps il se pinçait le bout des oreilles pour les maintenir d’un incarnat tendre et transparent. D’habitude il parlait peu et lentement, saluait beaucoup, riait sans bruit en montrant ses dents, qu’il avait belles et dont, comme du reste de sa personne, il semblait prendre le plus grand soin. Il répondit par un signe de tête affirmatif à l’interpellation de son ami.
This affirmation appeared to dispel all doubts with regard to the baldric. They continued to admire it, but said no more about it; and with one of those rapid changes of thought, the conversation passed suddenly to another subject.Cette affirmation parut avoir fixé tous les doutes à l’endroit du baudrier ; on continua donc de l’admirer, mais on n’en parla plus ; et par un de ces revirements rapides de la pensée, la conversation passa tout à coup à un autre sujet.
"What do you think of the story Chalais's esquire relates?" asked another Musketeer, without addressing anyone in particular, but on the contrary speaking to everybody.« Que pensez-vous de ce que raconte l’écuyer de Chalais ? » demanda un autre mousquetaire sans interpeller directement personne, mais s’adressant au contraire à tout le monde.
"And what does he say?" asked Porthos, in a self-sufficient tone.« Et que raconte-t-il ? demanda Porthos d’un ton suffisant.
"He relates that he met at Brussels Rochefort, the AME DAMNEE of the cardinal disguised as a Capuchin, and that this cursed Rochefort, thanks to his disguise, had tricked Monsieur de Laigues, like a ninny as he is."– Il raconte qu’il a trouvé à Bruxelles Rochefort, l’âme damnée du cardinal, déguisé en capucin ; ce Rochefort maudit, grâce à ce déguisement, avait joué M. de Laigues comme un niais qu’il est.
"A ninny, indeed!" said Porthos; "but is the matter certain?"– Comme un vrai niais, dit Porthos ; mais la chose est-elle sûre ?
"I had it from Aramis," replied the Musketeer.– Je la tiens d’Aramis, répondit le mousquetaire.
"Indeed?"– Vraiment ?
"Why, you knew it, Porthos," said Aramis. "I myself told you of it yesterday. Let us say no more about it."– Eh ! vous le savez bien, Porthos, dit Aramis ; je vous l’ai racontée à vous-même hier, n’en parlons donc plus.
"Say no more about it? That's YOUR opinion!" replied Porthos.– N’en parlons plus, voilà votre opinion à vous, reprit Porthos.
"Say no more about it! PESTE! You come to your conclusions quickly. What! The cardinal sets a spy upon a gentleman, has his letter stolen from him by means of a traitor, a brigand, a rascal--has, with the help of this spy and thanks to this correspondence, Chalais's throat cut, under the stupid pretext that he wanted to kill the king and marry Monsieur to the queen! Nobody knew a word of this enigma. You unraveled it for us yesterday to the great satisfaction of all; and while we are still gaping with wonder at the news, you come and tell us today, "Let us say no more about it.'"N’en parlons plus ! peste ! comme vous concluez vite. Comment ! le cardinal fait espionner un gentilhomme, fait voler sa correspondance par un traître, un brigand, un pendard ; fait, avec l’aide de cet espion et grâce à cette correspondance, couper le cou à Chalais, sous le stupide prétexte qu’il a voulu tuer le roi et marier Monsieur avec la reine ! Personne ne savait un mot de cette énigme, vous nous l’apprenez hier, à la grande satisfaction de tous, et quand nous sommes encore tout ébahis de cette nouvelle, vous venez nous dire aujourd’hui : N’en parlons plus !
"Well, then, let us talk about it, since you desire it," replied Aramis, patiently.– Parlons-en donc, voyons, puisque vous le désirez, reprit Aramis avec patience.
"This Rochefort," cried Porthos, "if I were the esquire of poor Chalais, should pass a minute or two very uncomfortably with me."– Ce Rochefort, s’écria Porthos, si j’étais l’écuyer du pauvre Chalais, passerait avec moi un vilain moment.
"And you--you would pass rather a sad quarter-hour with the Red Duke," replied Aramis.– Et vous, vous passeriez un triste quart d’heure avec le duc Rouge, reprit Aramis.
"Oh, the Red Duke! Bravo! Bravo! The Red Duke!" cried Porthos, clapping his hands and nodding his head. "The Red Duke is capital. I'll circulate that saying, be assured, my dear fellow. Who says this Aramis is not a wit? What a misfortune it is you did not follow your first vocation, my dear fellow; what a delicious abbe you would have made!"– Ah ! le duc Rouge ! bravo, bravo, le duc Rouge ! répondit Porthos en battant des mains et en approuvant de la tête. Le « duc Rouge » est charmant. Je répandrai le mot, mon cher, soyez tranquille. A-t-il de l’esprit, cet Aramis ! Quel malheur que vous n’ayez pas pu suivre votre vocation, mon cher ! quel délicieux abbé vous eussiez fait !
"Oh, it's only a temporary postponement," replied Aramis; "I shall be one someday. You very well know, Porthos, that I continue to study theology for that purpose."– Oh ! ce n’est qu’un retard momentané, reprit Aramis ; un jour, je le serai. Vous savez bien, Porthos, que je continue d’étudier la théologie pour cela.
"He will be one, as he says," cried Porthos; "he will be one, sooner or later."– Il le fera comme il le dit, reprit Porthos, il le fera tôt ou tard.
"Sooner." said Aramis.– Tôt, dit Aramis.
"He only waits for one thing to determine him to resume his cassock, which hangs behind his uniform," said another Musketeer.– Il n’attend qu’une chose pour le décider tout à fait et pour reprendre sa soutane, qui est pendue derrière son uniforme, reprit un mousquetaire.
"What is he waiting for?" asked another.– Et quelle chose attend-il ? demanda un autre.
"Only till the queen has given an heir to the crown of France."– Il attend que la reine ait donné un héritier à la couronne de France.
"No jesting upon that subject, gentlemen," said Porthos; "thank God the queen is still of an age to give one!"– Ne plaisantons pas là-dessus, messieurs, dit Porthos ; grâce à Dieu, la reine est encore d’âge à le donner.
"They say that Monsieur de Buckingham is in France," replied Aramis, with a significant smile which gave to this sentence, apparently so simple, a tolerably scandalous meaning.– On dit que M. de Buckingham est en France, reprit Aramis avec un rire narquois qui donnait à cette phrase, si simple en apparence, une signification passablement scandaleuse.
"Aramis, my good friend, this time you are wrong," interrupted Porthos. "Your wit is always leading you beyond bounds; if Monsieur de Treville heard you, you would repent of speaking thus."– Aramis, mon ami, pour cette fois vous avez tort, interrompit Porthos, et votre manie d’esprit vous entraîne toujours au-delà des bornes ; si M. de Tréville vous entendait, vous seriez mal venu de parler ainsi.
"Are you going to give me a lesson, Porthos?" cried Aramis, from whose usually mild eye a flash passed like lightning.– Allez-vous me faire la leçon, Porthos ? s’écria Aramis, dans l’œil doux duquel on vit passer comme un éclair.
"My dear fellow, be a Musketeer or an abbe. Be one or the other, but not both," replied Porthos. "You know what Athos told you the other day; you eat at everybody's mess. Ah, don't be angry, I beg of you, that would be useless; you know what is agreed upon between you, Athos and me. You go to Madame d'Aguillon's, and you pay your court to her; you go to Madame de Bois-Tracy's, the cousin of Madame de Chevreuse, and you pass for being far advanced in the good graces of that lady. Oh, good Lord! Don't trouble yourself to reveal your good luck; no one asks for your secret-all the world knows your discretion. But since you possess that virtue, why the devil don't you make use of it with respect to her Majesty? Let whoever likes talk of the king and the cardinal, and how he likes; but the queen is sacred, and if anyone speaks of her, let it be respectfully."– Mon cher, soyez mousquetaire ou abbé. Soyez l’un ou l’autre, mais pas l’un et l’autre, reprit Porthos. Tenez, Athos vous l’a dit encore l’autre jour : vous mangez à tous les râteliers. Ah ! ne nous fâchons pas, je vous prie, ce serait inutile, vous savez bien ce qui est convenu entre vous, Athos et moi. Vous allez chez Mme d’Aiguillon, et vous lui faites la cour ; vous allez chez Mme de Bois-Tracy, la cousine de Mme de Chevreuse, et vous passez pour être fort en avant dans les bonnes grâces de la dame. Oh ! mon Dieu, n’avouez pas votre bonheur, on ne vous demande pas votre secret, on connaît votre discrétion. Mais puisque vous possédez cette vertu, que diable ! Faites-en usage à l’endroit de Sa Majesté. S’occupe qui voudra et comme on voudra du roi et du cardinal ; mais la reine est sacrée, et si l’on en parle, que ce soit en bien.
"Porthos, you are as vain as Narcissus; I plainly tell you so," replied Aramis. "You know I hate moralizing, except when it is done by Athos. As to you, good sir, you wear too magnificent a baldric to be strong on that head. I will be an abbe if it suits me. In the meanwhile I am a Musketeer; in that quality I say what I please, and at this moment it pleases me to say that you weary me."– Porthos, vous êtes prétentieux comme Narcisse, je vous en préviens, répondit Aramis ; vous savez que je hais la morale, excepté quand elle est faite par Athos. Quant à vous, mon cher, vous avez un trop magnifique baudrier pour être bien fort là-dessus. Je serai abbé s’il me convient ; en attendant, je suis mousquetaire : en cette qualité, je dis ce qu’il me plaît, et en ce moment il me plaît de vous dire que vous m’impatientez.
"Aramis!"– Aramis !
"Porthos!"– Porthos !
"Gentlemen! Gentlemen!" cried the surrounding group.– Eh ! messieurs ! messieurs ! s’écria-t-on autour d’eux.
"Monsieur de Treville awaits Monsieur d'Artagnan," cried a servant, throwing open the door of the cabinet.– M. de Tréville attend M. d’Artagnan », interrompit le laquais en ouvrant la porte du cabinet.
At this announcement, during which the door remained open, everyone became mute, and amid the general silence the young man crossed part of the length of the antechamber, and entered the apartment of the captain of the Musketeers, congratulating himself with all his heart at having so narrowly escaped the end of this strange quarrel.À cette annonce, pendant laquelle la porte demeurait ouverte, chacun se tut, et au milieu du silence général le jeune Gascon traversa l’antichambre dans une partie de sa longueur et entra chez le capitaine des mousquetaires, se félicitant de tout son cœur d’échapper aussi à point à la fin de cette bizarre querelle.
3 THE AUDIENCECHAPITRE III L’AUDIENCE
M. de Treville was at the moment in rather ill-humor, nevertheless he saluted the young man politely, who bowed to the very ground; and he smiled on receiving d'Artagnan's response, the Bearnese accent of which recalled to him at the same time his youth and his country--a double remembrance which makes a man smile at all ages; but stepping almost toward the antechamber and making a sign to d'Artagnan with his hand, as if to ask his permission to finish with others before he began with him, he called three times, with a louder voice at each time, so that he ran through the intervening tones between the imperative accent and the angry accent.M. de Tréville était pour le moment de fort méchante humeur ; néanmoins il salua poliment le jeune homme, qui s’inclina jusqu’à terre, et il sourit en recevant son compliment, dont l’accent béarnais lui rappela à la fois sa jeunesse et son pays, double souvenir qui fait sourire l’homme à tous les âges. Mais, se rapprochant presque aussitôt de l’antichambre et faisant à d’Artagnan un signe de la main, comme pour lui demander la permission d’en finir avec les autres avant de commencer avec lui, il appela trois fois, en grossissant la voix à chaque fois, de sorte qu’il parcourut tous les tons intervallaires entre l’accent impératif et l’accent irrité :
"Athos! Porthos! Aramis!"« Athos ! Porthos ! Aramis ! »
The two Musketeers with whom we have already made acquaintance, and who answered to the last of these three names, immediately quitted the group of which they had formed a part, and advanced toward the cabinet, the door of which closed after them as soon as they had entered. Their appearance, although it was not quite at ease, excited by its carelessness, at once full of dignity and submission, the admiration of d'Artagnan, who beheld in these two men demigods, and in their leader an Olympian Jupiter, armed with all his thunders.Les deux mousquetaires avec lesquels nous avons déjà fait connaissance, et qui répondaient aux deux derniers de ces trois noms, quittèrent aussitôt les groupes dont ils faisaient partie et s’avancèrent vers le cabinet, dont la porte se referma derrière eux dès qu’ils en eurent franchi le seuil. Leur contenance, bien qu’elle ne fût pas tout à fait tranquille, excita cependant par son laisser-aller à la fois plein de dignité et de soumission, l’admiration de d’Artagnan, qui voyait dans ces hommes des demi-dieux, et dans leur chef un Jupiter olympien armé de tous ses foudres.
When the two Musketeers had entered; when the door was closed behind them; when the buzzing murmur of the antechamber, to which the summons which had been made had doubtless furnished fresh food, had recommenced; when M. de Treville had three or four times paced in silence, and with a frowning brow, the whole length of his cabinet, passing each time before Porthos and Aramis, who were as upright and silent as if on parade--he stopped all at once full in front of them, and covering them from head to foot with an angry look,Quand les deux mousquetaires furent entrés, quand la porte fut refermée derrière eux, quand le murmure bourdonnant de l’antichambre, auquel l’appel qui venait d’être fait avait sans doute donné un nouvel aliment eut recommencé ; quand enfin M. de Tréville eut trois ou quatre fois arpenté, silencieux et le sourcil froncé, toute la longueur de son cabinet, passant chaque fois devant Porthos et Aramis, roides et muets comme à la parade, il s’arrêta tout à coup en face d’eux, et les couvrant des pieds à la tête d’un regard irrité :
"Do you know what the king said to me," cried he, "and that no longer ago then yesterday evening--do you know, gentlemen?"« Savez-vous ce que m’a dit le roi, s’écria-t-il, et cela pas plus tard qu’hier au soir ? le savez-vous, messieurs ?
"No," replied the two Musketeers, after a moment's silence, "no, sir, we do not."– Non, répondirent après un instant de silence les deux mousquetaires ; non, monsieur, nous l’ignorons.
"But I hope that you will do us the honor to tell us," added Aramis, in his politest tone and with his most graceful bow.– Mais j’espère que vous nous ferez l’honneur de nous le dire, ajouta Aramis de son ton le plus poli et avec la plus gracieuse révérence.
"He told me that he should henceforth recruit his Musketeers from among the Guards of Monsieur the Cardinal."– Il m’a dit qu’il recruterait désormais ses mousquetaires parmi les gardes de M. le cardinal !
"The Guards of the cardinal! And why so?" asked Porthos, warmly.– Parmi les gardes de M. le cardinal ! et pourquoi cela ? demanda vivement Porthos.
"Because he plainly perceives that his piquette*[*A watered liquor, made from the second pressing of the grape] stands in need of being enlivened by a mixture of good wine."– Parce qu’il voyait bien que sa piquette avait besoin d’être ragaillardie par un mélange de bon vin. »
The two Musketeers reddened to the whites of their eyes. d'Artagnan did not know where he was, and wished himself a hundred feet underground.Les deux mousquetaires rougirent jusqu’au blanc des yeux. D’Artagnan ne savait où il en était et eût voulu être à cent pieds sous terre.
"Yes, yes," continued M. de Treville, growing warmer as he spoke, "and his majesty was right; for, upon my honor, it is true that the Musketeers make but a miserable figure at court. The cardinal related yesterday while playing with the king, with an air of condolence very displeasing to me, that the day before yesterday those DAMNED MUSKETEERS, those DAREDEVILS--he dwelt upon those words with an ironical tone still more displeasing to me--those BRAGGARTS, added he, glancing at me with his tigercat's eye, had made a riot in the Rue Ferou in a cabaret, and that a party of his Guards (I thought he was going to laugh in my face) had been forced to arrest the rioters! MORBLEU! You must know something about it. Arrest Musketeers! You were among them--you were! Don't deny it; you were recognized, and the cardinal named you. But it's all my fault; yes, it's all my fault, because it is myself who selects my men. You, Aramis, why the devil did you ask me for a uniform when you would have been so much better in a cassock? And you, Porthos, do you only wear such a fine golden baldric to suspend a sword of straw from it?« Oui, oui, continua M. de Tréville en s’animant, oui, et Sa Majesté avait raison, car, sur mon honneur, il est vrai que les mousquetaires font triste figure à la cour. M. le cardinal racontait hier au jeu du roi, avec un air de condoléance qui me déplut fort, qu’avant-hier ces damnés mousquetaires, ces diables à quatre – il appuyait sur ces mots avec un accent ironique qui me déplut encore davantage –, ces pourfendeurs, ajoutait-il en me regardant de son œil de chat-tigre, s’étaient attardés rue Férou, dans un cabaret, et qu’une ronde de ses gardes – j’ai cru qu’il allait me rire au nez – avait été forcée d’arrêter les perturbateurs. Morbleu ! vous devez en savoir quelque chose ! Arrêter des mousquetaires ! Vous en étiez, vous autres, ne vous en défendez pas, on vous a reconnus, et le cardinal vous a nommés. Voilà bien ma faute, oui, ma faute, puisque c’est moi qui choisis mes hommes. Voyons, vous, Aramis, pourquoi diable m’avez-vous demandé la casaque quand vous alliez être si bien sous la soutane ? Voyons, vous, Porthos, n’avez-vous un si beau baudrier d’or que pour y suspendre une épée de paille ?
And Athos--I don't see Athos. Where is he?"Et Athos ! je ne vois pas Athos. Où est-il ?
« Sir, Aramis responded sadly, « he is ill, very ill. »– Monsieur, répondit tristement Aramis, il est malade, fort malade.
"Ill--very ill, say you? And of what malady?"– Malade, fort malade, dites-vous ? et de quelle maladie ?
"It is feared that it may be the smallpox, sir," replied Porthos, desirous of taking his turn in the conversation; "and what is serious is that it will certainly spoil his face."– On craint que ce ne soit de la petite vérole, monsieur, répondit Porthos voulant mêler à son tour un mot à la conversation, et ce qui serait fâcheux en ce que très certainement cela gâterait son visage.
"The smallpox! That's a great story to tell me, Porthos! Sick of the smallpox at his age! No, no; but wounded without doubt, killed, perhaps. Ah, if I knew! S'blood! Messieurs Musketeers, I will not have this haunting of bad places, this quarreling in the streets, this swordplay at the crossways; above all, I will not have occasion given for the cardinal's Guards, who are brave, quiet, skillful men who never put themselves in a position to be arrested, and who, besides, never allow themselves to be arrested, to laugh at you! I am sure of it--they would prefer dying on the spot to being arrested or taking back a step. To save yourselves, to scamper away, to flee--that is good for the king's Musketeers!"– De la petite vérole ! Voilà encore une glorieuse histoire que vous me contez là, Porthos !… Malade de la petite vérole, à son âge ?… Non pas !… mais blessé sans doute, tué peut-être… Ah ! si je le savais !… Sangdieu ! messieurs les mousquetaires, je n’entends pas que l’on hante ainsi les mauvais lieux, qu’on se prenne de querelle dans la rue et qu’on joue de l’épée dans les carrefours. Je ne veux pas enfin qu’on prête à rire aux gardes de M. le cardinal, qui sont de braves gens, tranquilles, adroits, qui ne se mettent jamais dans le cas d’être arrêtés, et qui d’ailleurs ne se laisseraient pas arrêter, eux !… j’en suis sûr… Ils aimeraient mieux mourir sur la place que de faire un pas en arrière… Se sauver, détaler, fuir, c’est bon pour les mousquetaires du roi, cela ! »
Porthos and Aramis trembled with rage. They could willingly have strangled M. de Treville, if, at the bottom of all this, they had not felt it was the great love he bore them which made him speak thus. They stamped upon the carpet with their feet; they bit their lips till the blood came, and grasped the hilts of their swords with all their might. All without had heard, as we have said, Athos, Porthos, and Aramis called, and had guessed, from M. de Treville's tone of voice, that he was very angry about something. Ten curious heads were glued to the tapestry and became pale with fury; for their ears, closely applied to the door, did not lose a syllable of what he said, while their mouths repeated as he went on, the insulting expressions of the captain to all the people in the antechamber. In an instant, from the door of the cabinet to the street gate, the whole hotel was in a state of agitation.Porthos et Aramis frémissaient de rage. Ils auraient volontiers étranglé M. de Tréville, si au fond de tout cela ils n’avaient pas senti que c’était le grand amour qu’il leur portait qui le faisait leur parler ainsi. Ils frappaient le tapis du pied, se mordaient les lèvres jusqu’au sang et serraient de toute leur force la garde de leur épée. Au-dehors on avait entendu appeler, comme nous l’avons dit, Athos, Porthos et Aramis, et l’on avait deviné, à l’accent de la voix de M. de Tréville, qu’il était parfaitement en colère. Dix têtes curieuses étaient appuyées à la tapisserie et pâlissaient de fureur, car leurs oreilles collées à la porte ne perdaient pas une syllabe de ce qui se disait, tandis que leurs bouches répétaient au fur et à mesure les paroles insultantes du capitaine à toute la population de l’antichambre. En un instant depuis la porte du cabinet jusqu’à la porte de la rue, tout l’hôtel fut en ébullition.
"Ah! The king's Musketeers are arrested by the Guards of the cardinal, are they?" continued M. de Treville, as furious at heart as his soldiers, but emphasizing his words and plunging them, one by one, so to say, like so many blows of a stiletto, into the bosoms of his auditors. "What! Six of his Eminence's Guards arrest six of his Majesty's Musketeers! MORBLEU! My part is taken! I will go straight to the Louvre; I will give in my resignation as captain of the king's Musketeers to take a lieutenancy in the cardinal's Guards, and if he refuses me, MORBLEU! I will turn abbe."« Ah ! les mousquetaires du roi se font arrêter par les gardes de M. le cardinal », continua M. de Tréville aussi furieux à l’intérieur que ses soldats, mais saccadant ses paroles et les plongeant une à une pour ainsi dire et comme autant de coups de stylet dans la poitrine de ses auditeurs. « Ah ! six gardes de Son Éminence arrêtent six mousquetaires de Sa Majesté ! Morbleu ! j’ai pris mon parti. Je vais de ce pas au Louvre ; je donne ma démission de capitaine des mousquetaires du roi pour demander une lieutenance dans les gardes du cardinal, et s’il me refuse, morbleu ! je me fais abbé. »
At these words, the murmur without became an explosion; nothing was to be heard but oaths and blasphemies. The MORBLUES, the SANG DIEUS, the MORTS TOUTS LES DIABLES, crossed one another in the air. D'Artagnan looked for some tapestry behind which he might hide himself, and felt an immense inclination to crawl under the table.À ces paroles, le murmure de l’extérieur devint une explosion : partout on n’entendait que jurons et blasphèmes. Les morbleu ! les sangdieu ! les morts de tous les diables ! se croisaient dans l’air. D’Artagnan cherchait une tapisserie derrière laquelle se cacher, et se sentait une envie démesurée de se fourrer sous la table.
"Well, my Captain," said Porthos, quite beside himself, "the truth is that we were six against six. But we were not captured by fair means; and before we had time to draw our swords, two of our party were dead, and Athos, grievously wounded, was very little better. For you know Athos. Well, Captain, he endeavored twice to get up, and fell again twice. And we did not surrender--no! They dragged us away by force. On the way we escaped. As for Athos, they believed him to be dead, and left him very quiet on the field of battle, not thinking it worth the trouble to carry him away. That's the whole story. What the devil, Captain, one cannot win all one's battles! The great Pompey lost that of Pharsalia; and Francis the First, who was, as I have heard say, as good as other folks, nevertheless lost the Battle of Pavia."« Eh bien, mon capitaine, dit Porthos hors de lui, la vérité est que nous étions six contre six, mais nous avons été pris en traître, et avant que nous eussions eu le temps de tirer nos épées, deux d’entre nous étaient tombés morts, et Athos, blessé grièvement, ne valait guère mieux. Car vous le connaissez, Athos ; eh bien, capitaine, il a essayé de se relever deux fois, et il est retombé deux fois. Cependant nous ne nous sommes pas rendus, non ! l’on nous a entraînés de force. En chemin, nous nous sommes sauvés. Quant à Athos, on l’avait cru mort, et on l’a laissé bien tranquillement sur le champ de bataille, ne pensant pas qu’il valût la peine d’être emporté. Voilà l’histoire. Que diable, capitaine ! on ne gagne pas toutes les batailles. Le grand Pompée a perdu celle de Pharsale, et le roi François Ier, qui, à ce que j’ai entendu dire, en valait bien un autre, a perdu cependant celle de Pavie.
"And I have the honor of assuring you that I killed one of them with his own sword," said Aramis; "for mine was broken at the first parry. Killed him, or poniarded him, sir, as is most agreeable to you."– Et j’ai l’honneur de vous assurer que j’en ai tué un avec sa propre épée, dit Aramis, car la mienne s’est brisée à la première parade… Tué ou poignardé, monsieur, comme il vous sera agréable.
"I did not know that," replied M. de Treville, in a somewhat softened tone. "The cardinal exaggerated, as I perceive."– Je ne savais pas cela, reprit M. de Tréville d’un ton un peu radouci. M. le cardinal avait exagéré, à ce que je vois.
"But pray, sir," continued Aramis, who, seeing his captain become appeased, ventured to risk a prayer, "do not say that Athos is wounded. He would be in despair if that should come to the ears of the king; and as the wound is very serious, seeing that after crossing the shoulder it penetrates into the chest, it is to be feared--"– Mais de grâce, monsieur, continua Aramis, qui, voyant son capitaine s’apaiser, osait hasarder une prière, de grâce, monsieur, ne dites pas qu’Athos lui-même est blessé : il serait au désespoir que cela parvint aux oreilles du roi, et comme la blessure est des plus graves, attendu qu’après avoir traversé l’épaule elle pénètre dans la poitrine, il serait à craindre… »
At this instant the tapestry was raised and a noble and handsome head, but frightfully pale, appeared under the fringe.Au même instant la portière se souleva, et une tête noble et belle, mais affreusement pâle, parut sous la frange.
"Athos!" cried the two Musketeers.« Athos ! s’écrièrent les deux mousquetaires.
"Athos!" repeated M. de Treville himself.– Athos ! répéta M. de Tréville lui-même.
"You have sent for me, sir," said Athos to M. de Treville, in a feeble yet perfectly calm voice, "you have sent for me, as my comrades inform me, and I have hastened to receive your orders. I am here, sir; what do you want with me?"– Vous m’avez demandé, monsieur, dit Athos à M. de Tréville d’une voix affaiblie mais parfaitement calme, vous m’avez demandé, à ce que m’ont dit nos camarades, et je m’empresse de me rendre à vos ordres ; voilà, monsieur, que me voulez-vous ? »
And at these words, the Musketeer, in irreproachable costume, belted as usual, with a tolerably firm step, entered the cabinet.Et à ces mots le mousquetaire, en tenue irréprochable, sanglé comme de coutume, entra d’un pas ferme dans le cabinet.
M. de Treville, moved to the bottom of his heart by this proof of courage, sprang toward him.M. de Tréville, ému jusqu’au fond du cœur de cette preuve de courage, se précipita vers lui.
"I was about to say to these gentlemen," added he, "that I forbid my Musketeers to expose their lives needlessly; for brave men are very dear to the king, and the king knows that his Musketeers are the bravest on the earth. Your hand, Athos!"« J’étais en train de dire à ces messieurs, ajouta-t-il, que je défends à mes mousquetaires d’exposer leurs jours sans nécessité, car les braves gens sont bien chers au roi, et le roi sait que ses mousquetaires sont les plus braves gens de la terre. Votre main, Athos. »
And without waiting for the answer of the newcomer to this proof of affection, M. de Treville seized his right hand and pressed it with all his might, without perceiving that Athos, whatever might be his self-command, allowed a slight murmur of pain to escape him, and if possible, grew paler than he was before.Et sans attendre que le nouveau venu répondît de lui-même à cette preuve d’affection, M. de Tréville saisissait sa main droite et la lui serrait de toutes ses forces, sans s’apercevoir qu’Athos, quel que fût son empire sur lui-même, laissait échapper un mouvement de douleur et pâlissait encore, ce que l’on aurait pu croire impossible.
The door had remained open, so strong was the excitement produced by the arrival of Athos, whose wound, though kept as a secret, was known to all. A burst of satisfaction hailed the last words of the captain; and two or three heads, carried away by the enthusiasm of the moment, appeared through the openings of the tapestry. Without a doubt, M. de Treville was about to reprehend this breach of the rules of etiquette, when he felt suddenly the hand of Athos to tense up against his own, and that carrying his eyes on him he appeared that he was going to faint. At the same instant Athos, who had rallied all his energies to contend against pain, at length overcome by it, fell upon the floor as if he were dead.La porte était restée entrouverte, tant l’arrivée d’Athos, dont, malgré le secret gardé, la blessure était connue de tous, avait produit de sensation. Un brouhaha de satisfaction accueillit les derniers mots du capitaine et deux ou trois têtes, entraînées par l’enthousiasme, apparurent par les ouvertures de la tapisserie. Sans doute, M. de Tréville allait réprimer par de vives paroles cette infraction aux lois de l’étiquette, lorsqu’il sentit tout à coup la main d’Athos se crisper dans la sienne, et qu’en portant les yeux sur lui il s’aperçut qu’il allait s’évanouir. Au même instant Athos, qui avait rassemblé toutes ses forces pour lutter contre la douleur, vaincu enfin par elle, tomba sur le parquet comme s’il fût mort.
"A surgeon!" cried M. de Treville, "mine! The king's! The best! A surgeon! Or, s'blood, my brave Athos will die!"« Un chirurgien ! cria M. de Tréville. Le mien, celui du roi, le meilleur ! Un chirurgien ! ou, sangdieu ! mon brave Athos va trépasser. »
At the cries of M. de Treville, the whole assemblage rushed into the cabinet, he not thinking to shut the door against anyone, and all crowded round the wounded man. But all this eager attention might have been useless if the doctor so loudly called for had not chanced to be in the hotel. He pushed through the crowd, approached Athos, still insensible, and as all this noise and commotion inconvenienced him greatly, he required, as the first and most urgent thing, that the Musketeer should be carried into an adjoining chamber. Immediately M. de Treville opened and pointed the way to Porthos and Aramis, who bore their comrade in their arms. Behind this group walked the surgeon; and behind the surgeon the door closed.Aux cris de M. de Tréville, tout le monde se précipita dans son cabinet sans qu’il songeât à en fermer la porte à personne, chacun s’empressant autour du blessé. Mais tout cet empressement eût été inutile, si le docteur demandé ne se fût trouvé dans l’hôtel même ; il fendit la foule, s’approcha d’Athos toujours évanoui, et, comme tout ce bruit et tout ce mouvement le gênait fort, il demanda comme première chose et comme la plus urgente que le mousquetaire fût emporté dans une chambre voisine. Aussitôt M. de Tréville ouvrit une porte et montra le chemin à Porthos et à Aramis, qui emportèrent leur camarade dans leurs bras. Derrière ce groupe marchait le chirurgien, et derrière le chirurgien, la porte se referma.
The cabinet of M. de Treville, generally held so sacred, became in an instant the annex of the antechamber. Everyone spoke, harangued, and vociferated, swearing, cursing, and consigning the cardinal and his Guards to all the devils.Alors le cabinet de M. de Tréville, ce lieu ordinairement si respecté, devint momentanément une succursale de l’antichambre. Chacun discourait, pérorait, parlait haut, jurant, sacrant, donnant le cardinal et ses gardes à tous les diables.
An instant after, Porthos and Aramis re-entered, the surgeon and M. de Treville alone remaining with the wounded.Un instant après, Porthos et Aramis rentrèrent ; le chirurgien et M. de Tréville seuls étaient restés près du blessé.
At length, M. de Treville himself returned. The injured man had recovered his senses. The surgeon declared that the situation of the Musketeer had nothing in it to render his friends uneasy, his weakness having been purely and simply caused by loss of blood.Enfin M. de Tréville rentra à son tour. Le blessé avait repris connaissance ; le chirurgien déclarait que l’état du mousquetaire n’avait rien qui pût inquiéter ses amis, sa faiblesse ayant été purement et simplement occasionnée par la perte de son sang.
Then M. de Treville made a sign with his hand, and all retired except d'Artagnan, who did not forget that he had an audience, and with the tenacity of a Gascon remained in his place.Puis M. de Tréville fit un signe de la main, et chacun se retira, excepté d’Artagnan, qui n’oubliait point qu’il avait audience et qui, avec sa ténacité de Gascon, était demeuré à la même place.
When all had gone out and the door was closed, M. de Treville, on turning round, found himself alone with the young man. The event which had occurred had in some degree broken the thread of his ideas. He inquired what was the will of his persevering visitor. d'Artagnan then repeated his name, and in an instant recovering all his remembrances of the present and the past, M. de Treville grasped the situation.Lorsque tout le monde fut sorti et que la porte fut refermée, M. de Tréville se retourna et se trouva seul avec le jeune homme. L’événement qui venait d’arriver lui avait quelque peu fait perdre le fil de ses idées. Il s’informa de ce que lui voulait l’obstiné solliciteur. D’Artagnan alors se nomma, et M. de Tréville, se rappelant d’un seul coup tous ses souvenirs du présent et du passé, se trouva au courant de sa situation.
"Pardon me," said he, smiling, "pardon me my dear compatriot, but I had wholly forgotten you. But what help is there for it! A captain is nothing but a father of a family, charged with even a greater responsibility than the father of an ordinary family. Soldiers are big children; but as I maintain that the orders of the king, and more particularly the orders of the cardinal, should be executed--"« Pardon lui dit-il en souriant, pardon, mon cher compatriote, mais je vous avais parfaitement oublié. Que voulez-vous ! un capitaine n’est rien qu’un père de famille chargé d’une plus grande responsabilité qu’un père de famille ordinaire. Les soldats sont de grands enfants ; mais comme je tiens à ce que les ordres du roi, et surtout ceux de M. le cardinal, soient exécutés… »
D'Artagnan could not restrain a smile. By this smile M. de Treville judged that he had not to deal with a fool, and changing the conversation, came straight to the point.D’Artagnan ne put dissimuler un sourire. À ce sourire, M. de Tréville jugea qu’il n’avait point affaire à un sot, et venant droit au fait, tout en changeant de conversation :
"I respected your father very much," said he. "What can I do for the son? Tell me quickly; my time is not my own."« J’ai beaucoup aimé monsieur votre père, dit-il. Que puis-je faire pour son fils ? hâtez-vous, mon temps n’est pas à moi.
"Monsieur," said d'Artagnan, "on quitting Tarbes and coming hither, it was my intention to request of you, in remembrance of the friendship which you have not forgotten, the uniform of a Musketeer; but after all that I have seen during the last two hours, I comprehend that such a favor is enormous, and I tremble lest I should not merit it."– Monsieur, dit d’Artagnan, en quittant Tarbes et en venant ici, je me proposais de vous demander, en souvenir de cette amitié dont vous n’avez pas perdu mémoire, une casaque de mousquetaire ; mais, après tout ce que je vois depuis deux heures, je comprends qu’une telle faveur serait énorme, et je tremble de ne point la mériter.
"It is indeed a favor, young man," replied M. de Treville, "but it may not be so far beyond your hopes as you believe, or rather as you appear to believe. But his majesty's decision is always necessary; and I inform you with regret that no one becomes a Musketeer without the preliminary ordeal of several campaigns, certain brilliant actions, or a service of two years in some other regiment less favored than ours."– C’est une faveur en effet, jeune homme, répondit M. de Tréville ; mais elle peut ne pas être si fort au-dessus de vous que vous le croyez ou que vous avez l’air de le croire. Toutefois une décision de Sa Majesté a prévu ce cas, et je vous annonce avec regret qu’on ne reçoit personne mousquetaire avant l’épreuve préalable de quelques campagnes, de certaines actions d’éclat, ou d’un service de deux ans dans quelque autre régiment moins favorisé que le nôtre. »
D'Artagnan bowed without replying. He felt his desire to don the Musketeer's uniform vastly increased by the great difficulties which preceded the attainment of it.D’Artagnan s’inclina sans rien répondre. Il se sentait encore plus avide d’endosser l’uniforme de mousquetaire depuis qu’il y avait de si grandes difficultés à l’obtenir.
"But," continued M. de Treville, fixing upon his compatriot a look so piercing that it might be said he wished to read the thoughts of his heart, "on account of my old companion, your father, as I have said, I will do something for you, young man. Our recruits from Bearn are not generally very rich, and I have no reason to think matters have much changed in this respect since I left the province. I dare say you have not brought too large a stock of money with you?"« Mais, continua Tréville en fixant sur son compatriote un regard si perçant qu’on eût dit qu’il voulait lire jusqu’au fond de son cœur, mais, en faveur de votre père, mon ancien compagnon, comme je vous l’ai dit, je veux faire quelque chose pour vous, jeune homme. Nos cadets de Béarn ne sont ordinairement pas riches, et je doute que les choses aient fort changé de face depuis mon départ de la province. Vous ne devez donc pas avoir de trop, pour vivre, de l’argent que vous avez apporté avec vous. »
D'Artagnan drew himself up with a proud air which plainly said, he asked alms of no man.D’Artagnan se redressa d’un air fier qui voulait dire qu’il ne demandait l’aumône à personne.
"Oh, that's very well, young man," continued M. de Treville, "that's all very well. I know these airs; I myself came to Paris with four crowns in my purse, and would have fought with anyone who dared to tell me I was not in a condition to purchase the Louvre."« C’est bien, jeune homme, c’est bien, continua Tréville, je connais ces airs-là, je suis venu à Paris avec quatre écus dans ma poche, et je me serais battu avec quiconque m’aurait dit que je n’étais pas en état d’acheter le Louvre. »
D'Artagnan's bearing became still more imposing. Thanks to the sale of his horse, he commenced his career with four more crowns than M. de Treville possessed at the commencement of his.D’Artagnan se redressa de plus en plus ; grâce à la vente de son cheval, il commençait sa carrière avec quatre écus de plus que M. de Tréville n’avait commencé la sienne.
"You ought, I say, then, to save the means you have, however large the sum may be; but you ought also to endeavor to perfect yourself in the exercises becoming a gentleman. I will write a letter today to the Director of the Royal Academy, and tomorrow he will admit you without any expense to yourself. Do not refuse this little service. Our best-born and richest gentlemen sometimes solicit it without being able to obtain it. You will learn horsemanship, swordsmanship in all its branches, and dancing. You will make some desirable acquaintances; and from time to time you can call upon me, just to tell me how you are getting on, and to say whether I can be of further service to you."« Vous devez donc, disais-je, avoir besoin de conserver ce que vous avez, si forte que soit cette somme ; mais vous devez avoir besoin aussi de vous perfectionner dans les exercices qui conviennent à un gentilhomme. J’écrirai dès aujourd’hui une lettre au directeur de l’académie royale, et dès demain il vous recevra sans rétribution aucune. Ne refusez pas cette petite douceur. Nos gentilshommes les mieux nés et les plus riches la sollicitent quelquefois, sans pouvoir l’obtenir. Vous apprendrez le manège du cheval, l’escrime et la danse ; vous y ferez de bonnes connaissances, et de temps en temps vous reviendrez me voir pour me dire où vous en êtes et si je puis faire quelque chose pour vous. »
D'Artagnan, stranger as he was to all the manners of a court, could not but perceive a little coldness in this reception.D’Artagnan, tout étranger qu’il fût encore aux façons de cour, s’aperçut de la froideur de cet accueil.
"Alas, sir," said he, "I cannot but perceive how sadly I miss the letter of introduction which my father gave me to present to you today."« Hélas, monsieur, dit-il, je vois combien la lettre de recommandation que mon père m’avait remise pour vous me fait défaut aujourd’hui !
"I certainly am surprised," replied M. de Treville, "that you should undertake so long a journey without that necessary passport, the sole resource of us poor Bearnese."– En effet, répondit M. de Tréville, je m’étonne que vous ayez entrepris un aussi long voyage sans ce viatique obligé, notre seule ressource à nous autres Béarnais.
"I had one, sir, and, thank God, such as I could wish," cried d'Artagnan; "but it was perfidiously stolen from me."– Je l’avais, monsieur, et, Dieu merci, en bonne forme, s’écria d’Artagnan ; mais on me l’a perfidement dérobé. »
He then related the adventure of Meung, described the unknown gentleman with the greatest minuteness, and all with a warmth and truthfulness that delighted M. de Treville.Et il raconta toute la scène de Meung, dépeignit le gentilhomme inconnu dans ses moindres détails, le tout avec une chaleur, une vérité qui charmèrent M. de Tréville.
"This is all very strange," said M. de Treville, after meditating a minute; "you mentioned my name, then, aloud?"« Voilà qui est étrange, dit ce dernier en méditant ; vous aviez donc parlé de moi tout haut ?
"Yes, sir, I certainly committed that imprudence; but why should I have done otherwise? A name like yours must be as a buckler to me on my way. Judge if I should not put myself under its protection."– Oui, monsieur, sans doute j’avais commis cette imprudence ; que voulez-vous, un nom comme le vôtre devait me servir de bouclier en route : jugez si je me suis mis souvent à couvert ! »
Flattery was at that period very current, and M. de Treville loved incense as well as a king, or even a cardinal. He could not refrain from a smile of visible satisfaction; but this smile soon disappeared, and returning to the adventure of Meung,La flatterie était fort de mise alors, et M. de Tréville aimait l’encens comme un roi ou comme un cardinal. Il ne put donc s’empêcher de sourire avec une visible satisfaction, mais ce sourire s’effaça bientôt, et revenant de lui-même à l’aventure de Meung :
"Tell me," continued he, "had not this gentlemen a slight scar on his cheek?"« Dites-moi, continua-t-il, ce gentilhomme n’avait-il pas une légère cicatrice à la tempe ?
"Yes, such a one as would be made by the grazing of a ball."– Oui, comme le ferait l’éraflure d’une balle.
"Was he not a fine-looking man?"– N’était-ce pas un homme de belle mine ?
"Yes."– Oui.
"Of lofty stature."– De haute taille ?
"Yes."– Oui.
"Pale of complexion and brown hair?"– Pâle de teint et brun de poil ?
"Yes, yes, that is he; how is it, sir, that you are acquainted with this man? If I ever find him again--and I will find him, I swear, were it in hell!"– Oui, oui, c’est cela. Comment se fait-il, monsieur, que vous connaissiez cet homme ? Ah ! si jamais je le retrouve, et je le retrouverai, je vous le jure, fût-ce en enfer…
"He was waiting for a woman," continued Treville.– Il attendait une femme ? continua Tréville.
"He departed immediately after having conversed for a minute with her whom he awaited."– Il est du moins parti après avoir causé un instant avec celle qu’il attendait.
"You know not the subject of their conversation?"– Vous ne savez pas quel était le sujet de leur conversation ?
"He gave her a box, told her that the box contained her instructions, and recommended her not to open it except in London."– Il lui remettait une boîte, lui disait que cette boîte contenait ses instructions, et lui recommandait de ne l’ouvrir qu’à Londres.
"Was this woman English?"– Cette femme était anglaise ?
"He called her Milady."– Il l’appelait Milady.
"It is he; it must be he!" murmured Treville. "I believed him still at Brussels."– C’est lui ! murmura Tréville, c’est lui ! je le croyais encore à Bruxelles !
"Oh, sir, if you know who this man is," cried d'Artagnan, "tell me who he is, and whence he is. I will then release you from all your promises--even that of procuring my admission into the Musketeers; for before everything, I wish to avenge myself."– Oh ! monsieur, si vous savez quel est cet homme, s’écria d’Artagnan, indiquez-moi qui il est et d’où il est, puis je vous tiens quitte de tout, même de votre promesse de me faire entrer dans les mousquetaires ; car avant toute chose je veux me venger.
"Beware, young man!" cried Treville. "If you see him coming on one side of the street, pass by on the other. Do not cast yourself against such a rock; he would break you like glass."– Gardez-vous-en bien, jeune homme, s’écria Tréville ; si vous le voyez venir, au contraire, d’un côté de la rue, passez de l’autre ! Ne vous heurtez pas à un pareil rocher : il vous briserait comme un verre.
"That will not prevent me," replied d'Artagnan, "if ever I find him."– Cela n’empêche pas, dit d’Artagnan, que si jamais je le retrouve…
"In the meantime," said Treville, "seek him not--if I have a right to advise you."– En attendant, reprit Tréville, ne le cherchez pas, si j’ai un conseil à vous donner. »
All at once the captain stopped, as if struck by a sudden suspicion. This great hatred which the young traveler manifested so loudly for this man, who--a rather improbable thing--had stolen his father's letter from him--was there not some perfidy concealed under this hatred? Might not this young man be sent by his Eminence? Might he not have come for the purpose of laying a snare for him? This pretended d'Artagnan--was he not an emissary of the cardinal, whom the cardinal sought to introduce into Treville's house, to place near him, to win his confidence, and afterward to ruin him as had been done in a thousand other instances? He fixed his eyes upon d'Artagnan even more earnestly than before. He was moderately reassured however, by the aspect of that countenance, full of astute intelligence and affected humility.Tout à coup Tréville s’arrêta, frappé d’un soupçon subit. Cette grande haine que manifestait si hautement le jeune voyageur pour cet homme, qui, chose assez peu vraisemblable, lui avait dérobé la lettre de son père, cette haine ne cachait-elle pas quelque perfidie ? ce jeune homme n’était-il pas envoyé par Son Éminence ? ne venait-il pas pour lui tendre quelque piège ? ce prétendu d’Artagnan n’était-il pas un émissaire du cardinal qu’on cherchait à introduire dans sa maison, et qu’on avait placé près de lui pour surprendre sa confiance et pour le perdre plus tard, comme cela s’était mille fois pratiqué ? Il regarda d’Artagnan plus fixement encore cette seconde fois que la première. Il fut médiocrement rassuré par l’aspect de cette physionomie pétillante d’esprit astucieux et d’humilité affectée.
"I know he is a Gascon," reflected he, "but he may be one for the cardinal as well as for me. Let us try him."« Je sais bien qu’il est Gascon, pensa-t-il ; mais il peut l’être aussi bien pour le cardinal que pour moi. Voyons, éprouvons-le. »
"My friend," said he, slowly, "I wish, as the son of an ancient friend--for I consider this story of the lost letter perfectly true--I wish, I say, in order to repair the coldness you may have remarked in my reception of you, to discover to you the secrets of our policy. The king and the cardinal are the best of friends; their apparent bickerings are only feints to deceive fools. I am not willing that a compatriot, a handsome cavalier, a brave youth, quite fit to make his way, should become the dupe of all these artifices and fall into the snare after the example of so many others who have been ruined by it. Be assured that I am devoted to both these all-powerful masters, and that my earnest endeavors have no other aim than the service of the king, and also the cardinal--one of the most illustrious geniuses that France has ever produced.« Mon ami, lui dit-il lentement, je veux, comme au fils de mon ancien ami, car je tiens pour vraie l’histoire de cette lettre perdue, je veux, dis-je, pour réparer la froideur que vous avez d’abord remarquée dans mon accueil, vous découvrir les secrets de notre politique. Le roi et le cardinal sont les meilleurs amis ; leurs apparents démêlés ne sont que pour tromper les sots. Je ne prétends pas qu’un compatriote, un joli cavalier, un brave garçon, fait pour avancer, soit la dupe de toutes ces feintises et donne comme un niais dans le panneau, à la suite de tant d’autres qui s’y sont perdus. Songez bien que je suis dévoué à ces deux maîtres tout-puissants, et que jamais mes démarches sérieuses n’auront d’autre but que le service du roi et celui de M. le cardinal, un des plus illustres génies que la France ait produits.
"Now, young man, regulate your conduct accordingly; and if you entertain, whether from your family, your relations, or even from your instincts, any of these enmities which we see constantly breaking out against the cardinal, bid me adieu and let us separate. I will aid you in many ways, but without attaching you to my person. I hope that my frankness at least will make you my friend; for you are the only young man to whom I have hitherto spoken as I have done to you."“Maintenant, jeune homme, réglez-vous là-dessus, et si vous avez, soit de famille, soit par relations, soit d’instinct même, quelqu’une de ces inimitiés contre le cardinal telles que nous les voyons éclater chez les gentilshommes, dites-moi adieu, et quittons-nous. Je vous aiderai en mille circonstances, mais sans vous attacher à ma personne. J’espère que ma franchise, en tout cas, vous fera mon ami ; car vous êtes jusqu’à présent le seul jeune homme à qui j’aie parlé comme je le fais. »
Treville said to himself:Tréville se disait à part lui :
"If the cardinal has set this young fox upon me, he will certainly not have failed--he, who knows how bitterly I execrate him--to tell his spy that the best means of making his court to me is to rail at him. Therefore, in spite of all my protestations, if it be as I suspect, my cunning gossip will assure me that he holds his Eminence in horror."« Si le cardinal m’a dépêché ce jeune renard, il n’aura certes pas manqué, lui qui sait à quel point je l’exècre, de dire à son espion que le meilleur moyen de me faire la cour est de me dire pis que pendre de lui ; aussi, malgré mes protestations, le rusé compère va-t-il me répondre bien certainement qu’il a l’Éminence en horreur. »
It, however, proved otherwise. D'Artagnan answered, with the greatest simplicity:Il en fut tout autrement que s’y attendait Tréville ; d’Artagnan répondit avec la plus grande simplicité :
"I came to Paris with exactly such intentions. My father advised me to stoop to nobody but the king, the cardinal, and yourself--whom he considered the first three personages in France."« Monsieur, j’arrive à Paris avec des intentions toutes semblables. Mon père m’a recommandé de ne souffrir rien du roi, de M. le cardinal et de vous, qu’il tient pour les trois premiers de France. »
D'Artagnan added M. de Treville to the others, as may be perceived; but he thought this addition would do no harm.D’Artagnan ajoutait M. de Tréville aux deux autres, comme on peut s’en apercevoir, mais il pensait que cette adjonction ne devait rien gâter.
"I have the greatest veneration for the cardinal," continued he, "and the most profound respect for his actions. So much the better for me, sir, if you speak to me, as you say, with frankness--for then you will do me the honor to esteem the resemblance of our opinions; but if you have entertained any doubt, as naturally you may, I feel that I am ruining myself by speaking the truth. But I still trust you will not esteem me the less for it, and that is my object beyond all others."« J’ai donc la plus grande vénération pour M. le cardinal, continua-t-il, et le plus profond respect pour ses actes. Tant mieux pour moi, monsieur, si vous me parlez, comme vous le dites, avec franchise ; car alors vous me ferez l’honneur d’estimer cette ressemblance de goût ; mais si vous avez eu quelque défiance, bien naturelle d’ailleurs, je sens que je me perds en disant la vérité ; mais, tant pis, vous ne laisserez pas que de m’estimer, et c’est à quoi je tiens plus qu’à toute chose au monde. »
M. de Treville was surprised to the greatest degree. So much penetration, so much frankness, created admiration, but did not entirely remove his suspicions. The more this young man was superior to others, the more he was to be dreaded if he meant to deceive him. Nevertheless, he shook d’Artagnan’s hand, and told him,M. de Tréville fut surpris au dernier point. Tant de pénétration, tant de franchise enfin, lui causait de l’admiration, mais ne levait pas entièrement ses doutes : plus ce jeune homme était supérieur aux autres jeunes gens, plus il était à redouter s’il se trompait. Néanmoins il serra la main à d’Artagnan, et lui dit :
"You are an honest youth; but at the present moment I can only do for you that which I just now offered. My hotel will be always open to you. Hereafter, being able to ask for me at all hours, and consequently to take advantage of all opportunities, you will probably obtain that which you desire."« Vous êtes un honnête garçon, mais dans ce moment je ne puis faire que ce que je vous ai offert tout à l’heure. Mon hôtel vous sera toujours ouvert. Plus tard, pouvant me demander à toute heure et par conséquent saisir toutes les occasions, vous obtiendrez probablement ce que vous désirez obtenir.
"That is to say," replied d'Artagnan, "that you will wait until I have proved myself worthy of it. Well, be assured," added he, with the familiarity of a Gascon, "you shall not wait long."– C’est-à-dire, monsieur, reprit d’Artagnan, que vous attendez que je m’en sois rendu digne. Eh bien, soyez tranquille, ajouta-t-il avec la familiarité du Gascon, vous n’attendrez pas longtemps. »
And he bowed in order to retire, and as if he considered the future in his own hands.Et il salua pour se retirer, comme si désormais le reste le regardait.
"But wait a minute," said M. de Treville, stopping him. "I promised you a letter for the director of the Academy. Are you too proud to accept it, young gentleman?"« Mais attendez donc, dit M. de Tréville en l’arrêtant, je vous ai promis une lettre pour le directeur de l’académie. Êtes-vous trop fier pour l’accepter, mon jeune gentilhomme ?
"No, sir," said d'Artagnan; "I will guard it so carefully that I will be sworn it shall arrive at its address, and woe be to him who shall attempt to take it from me!"– Non, monsieur, dit d’Artagnan ; je vous réponds qu’il n’en sera pas de celle-ci comme de l’autre. Je la garderai si bien qu’elle arrivera, je vous le jure, à son adresse, et malheur à celui qui tenterait de me l’enlever ! »
M. de Treville smiled at this flourish; and leaving his young man compatriot in the embrasure of the window, where they had talked together, he seated himself at a table in order to write the promised letter of recommendation. While he was doing this, d'Artagnan, having no better employment, amused himself with beating a march upon the window and with looking at the Musketeers, who went away, one after another, following them with his eyes until they disappeared at the corner of the street.M. de Tréville sourit à cette fanfaronnade, et, laissant son jeune compatriote dans l’embrasure de la fenêtre où ils se trouvaient et où ils avaient causé ensemble, il alla s’asseoir à une table et se mit à écrire la lettre de recommandation promise. Pendant ce temps, d’Artagnan, qui n’avait rien de mieux à faire, se mit à battre une marche contre les carreaux, regardant les mousquetaires qui s’en allaient les uns après les autres, et les suivant du regard jusqu’à ce qu’ils eussent disparu au tournant de la rue.
M. de Treville, after having written the letter, sealed it, and rising, approached the young man in order to give it to him. But at the very moment when d'Artagnan stretched out his hand to receive it, M. de Treville was highly astonished to see his protege make a sudden spring, become crimson with passion, and rush from the cabinet crying,M. de Tréville, après avoir écrit la lettre, la cacheta et, se levant, s’approcha du jeune homme pour la lui donner ; mais au moment même où d’Artagnan étendait la main pour la recevoir, M. de Tréville fut bien étonné de voir son protégé faire un soubresaut, rougir de colère et s’élancer hors du cabinet en criant :
"S'blood, he shall not escape me this time!"« Ah ! sangdieu ! il ne m’échappera pas, cette fois.
"And who?" asked M. de Treville.– Et qui cela ? demanda M. de Tréville.
"He, my thief!" replied d'Artagnan. "Ah, the traitor!"– Lui, mon voleur ! répondit d’Artagnan. Ah ! traître ! »
And he disappeared.Et il disparut.
"The devil take the madman!" murmured M. de Treville, "unless," added he, "this is a cunning mode of escaping, seeing that he had failed in his purpose!" « Diable de fou ! murmura M. de Tréville. À moins toutefois, ajouta-t-il, que ce ne soit une manière adroite de s’esquiver, en voyant qu’il a manqué son coup. »
4 THE SHOULDER OF ATHOS, THE BALDRIC OF PORTHOS AND THE HANDKERCHIEF OF ARAMISCHAPITRE IV L’ÉPAULE D’ATHOS, LE BAUDRIER DE PORTHOS ET LE MOUCHOIR D’ARAMIS
D'Artagnan, in a state of fury, crossed the antechamber at three bounds, and was darting toward the stairs, which he reckoned upon descending four at a time, when, in his heedless course, he ran head foremost against a Musketeer who was coming out of one of M. de Treville's private rooms, and striking his shoulder violently, made him utter a cry, or rather a howl.D’Artagnan, furieux, avait traversé l’antichambre en trois bonds et s’élançait sur l’escalier, dont il comptait descendre les degrés quatre à quatre, lorsque, emporté par sa course, il alla donner tête baissée dans un mousquetaire qui sortait de chez M. de Tréville par une porte de dégagement, et, le heurtant du front à l’épaule, lui fit pousser un cri ou plutôt un hurlement.
"Excuse me," said d'Artagnan, endeavoring to resume his course, "excuse me, but I am in a hurry."« Excusez-moi, dit d’Artagnan, essayant de reprendre sa course, excusez-moi, mais je suis pressé. »
Scarcely had he descended the first stair, when a hand of iron seized him by the belt and stopped him.À peine avait-il descendu le premier escalier, qu’un poignet de fer le saisit par son écharpe et l’arrêta.
"You are in a hurry?" said the Musketeer, as pale as a sheet. "Under that pretense you run against me! You say. 'Excuse me,' and you believe that is sufficient? Not at all, my young man. Do you fancy because you have heard Monsieur de Treville speak to us a little cavalierly today that other people are to treat us as he speaks to us? Undeceive yourself, comrade, you are not Monsieur de Treville."« Vous êtes pressé ! s’écria le mousquetaire, pâle comme un linceul ; sous ce prétexte, vous me heurtez, vous dites : “Excusez-moi”, et vous croyez que cela suffit ? Pas tout à fait, mon jeune homme. Croyez-vous, parce que vous avez entendu M. de Tréville nous parler un peu cavalièrement aujourd’hui, que l’on peut nous traiter comme il nous parle ? Détrompez-vous, compagnon, vous n’êtes pas M. de Tréville, vous.
"My faith!" replied d'Artagnan, recognizing Athos, who, after the dressing performed by the doctor, was returning to his own apartment. "I did not do it intentionally, and not doing it intentionally, I said 'Excuse me.' It appears to me that this is quite enough. I repeat to you, however, and this time on my word of honor--I think perhaps too often--that I am in haste, great haste. Leave your hold, then, I beg of you, and let me go where my business calls me."– Ma foi, répliqua d’Artagnan, qui reconnut Athos, lequel, après le pansement opéré par le docteur, regagnait son appartement, ma foi, je ne l’ai pas fait exprès, j’ai dit : “Excusez-moi.” Il me semble donc que c’est assez. Je vous répète cependant, et cette fois c’est trop peut-être, parole d’honneur ! je suis pressé, très pressé. Lâchez-moi donc, je vous prie, et laissez-moi aller où j’ai affaire.
"Monsieur," said Athos, letting him go, "you are not polite; it is easy to perceive that you come from a distance."– Monsieur, dit Athos en le lâchant, vous n’êtes pas poli. On voit que vous venez de loin. »
D'Artagnan had already strode down three or four stairs, but at Athos's last remark he stopped short.D’Artagnan avait déjà enjambé trois ou quatre degrés, mais à la remarque d’Athos il s’arrêta court.
"MORBLEU, monsieur!" said he, "however far I may come, it is not you who can give me a lesson in good manners, I warn you."« Morbleu, monsieur ! dit-il, de si loin que je vienne, ce n’est pas vous qui me donnerez une leçon de belles manières, je vous préviens.
"Perhaps," said Athos.– Peut-être, dit Athos.
"Ah! If I were not in such haste, and if I were not running after someone," said d'Artagnan.– Ah ! si je n’étais pas si pressé, s’écria d’Artagnan, et si je ne courais pas après quelqu’un…
"Monsieur Man-in-a-hurry, you can find me without running--ME, you understand?"– Monsieur l’homme pressé, vous me trouverez sans courir, moi, entendez-vous ?
"And where, I pray you?"– Et où cela, s’il vous plaît ?
"Near the Carmes-Deschaux."– Près des Carmes-Deschaux.
"At what hour?"– À quelle heure ?
"About noon."– Vers midi.
"About noon? That will do; I will be there."– Vers midi, c’est bien, j’y serai.
"Endeavor not to make me wait; for at quarter past twelve I warn you that it is I who will run after you and I will cut off your ears as you run."– Tâchez de ne pas me faire attendre, car à midi un quart je vous préviens que c’est moi qui courrai après vous et vous couperai les oreilles à la course.
"Good!" cried d'Artagnan, "I will be there ten minutes before twelve."– Bon ! lui cria d’Artagnan ; on y sera à midi moins dix minutes. »
And he set off running as if the devil possessed him, hoping that he might yet find the stranger, whose slow pace could not have carried him far.Et il se mit à courir comme si le diable l’emportait, espérant retrouver encore son inconnu, que son pas tranquille ne devait pas avoir conduit bien loin.
But at the street gate, Porthos was talking with the soldier on guard. Between the two talkers there was just enough room for a man to pass. D'Artagnan thought it would suffice for him, and he sprang forward like a dart between them. But d'Artagnan had reckoned without the wind. As he was about to pass, the wind blew out Porthos's long cloak, and d'Artagnan rushed straight into the middle of it. Without doubt, Porthos had reasons for not abandoning this part of his vestments, for instead of quitting his hold on the flap in his hand, he pulled it toward him, so that d'Artagnan rolled himself up in the velvet by a movement of rotation explained by the persistency of Porthos.Mais, à la porte de la rue, causait Porthos avec un soldat aux gardes. Entre les deux causeurs, il y avait juste l’espace d’un homme. D’Artagnan crut que cet espace lui suffirait, et il s’élança pour passer comme une flèche entre eux deux. Mais d’Artagnan avait compté sans le vent. Comme il allait passer, le vent s’engouffra dans le long manteau de Porthos, et d’Artagnan vint donner droit dans le manteau. Sans doute, Porthos avait des raisons de ne pas abandonner cette partie essentielle de son vêtement car, au lieu de laisser aller le pan qu’il tenait, il tira à lui, de sorte que d’Artagnan s’enroula dans le velours par un mouvement de rotation qu’explique la résistance de l’obstiné Porthos.
D'Artagnan, hearing the Musketeer swear, wished to escape from the cloak, which blinded him, and sought to find his way from under the folds of it. He was particularly anxious to avoid marring the freshness of the magnificent baldric we are acquainted with; but on timidly opening his eyes, he found himself with his nose fixed between the two shoulders of Porthos--that is to say, exactly upon the baldric.D’Artagnan, entendant jurer le mousquetaire, voulut sortir de dessous le manteau qui l’aveuglait, et chercha son chemin dans le pli. Il redoutait surtout d’avoir porté atteinte à la fraîcheur du magnifique baudrier que nous connaissons ; mais, en ouvrant timidement les yeux, il se trouva le nez collé entre les deux épaules de Porthos c’est-à-dire précisément sur le baudrier.
Alas, like most things in this world which have nothing in their favor but appearances, the baldric was glittering with gold in the front, but was nothing but simple buff behind. Vainglorious as he was, Porthos could not afford to have a baldric wholly of gold, but had at least half. One could comprehend the necessity of the cold and the urgency of the cloak.Hélas ! comme la plupart des choses de ce monde qui n’ont pour elles que l’apparence, le baudrier était d’or par-devant et de simple buffle par-derrière. Porthos, en vrai glorieux qu’il était, ne pouvant avoir un baudrier d’or tout entier, en avait au moins la moitié : on comprenait dès lors la nécessité du rhume et l’urgence du manteau.
"Bless me!" cried Porthos, making strong efforts to disembarrass himself of d'Artagnan, who was wriggling about his back; "you must be mad to run against people in this manner."« Vertubleu ! cria Porthos faisant tous ses efforts pour se débarrasser de d’Artagnan qui lui grouillait dans le dos, vous êtes donc enragé de vous jeter comme cela sur les gens !
"Excuse me," said d'Artagnan, reappearing under the shoulder of the giant, "but I am in such haste--I was running after someone and--"– Excusez-moi, dit d’Artagnan reparaissant sous l’épaule du géant, mais je suis très pressé, je cours après quelqu’un, et…
"And do you always forget your eyes when you run?" asked Porthos.– Est-ce que vous oubliez vos yeux quand vous courez, par hasard ? demanda Porthos.
"No," replied d'Artagnan, piqued, "and thanks to my eyes, I can see what other people cannot see."– Non, répondit d’Artagnan piqué, non, et grâce à mes yeux je vois même ce que ne voient pas les autres. »
Whether Porthos understood him or did not understand him, giving way to his anger,Porthos comprit ou ne comprit pas, toujours est-il que, se laissant aller à sa colère :
"Monsieur," said he, "you stand a chance of getting chastised if you rub Musketeers in this fashion."« Monsieur, dit-il, vous vous ferez étriller, je vous en préviens, si vous vous frottez ainsi aux mousquetaires.
"Chastised, Monsieur!" said d'Artagnan, "the expression is strong."– Étriller, monsieur ! dit d’Artagnan, le mot est dur.
"It is one that becomes a man accustomed to look his enemies in the face."– C’est celui qui convient à un homme habitué à regarder en face ses ennemis.
"Ah, PARDIEU! I know full well that you don't turn your back to yours."– Ah ! pardieu ! je sais bien que vous ne tournez pas le dos aux vôtres, vous. »
And the young man, delighted with his joke, went away laughing loudly.Et le jeune homme, enchanté de son espièglerie, s’éloigna en riant à gorge déployée.
Porthos foamed with rage, and made a movement to rush after d'Artagnan.Porthos écuma de rage et fit un mouvement pour se précipiter sur d’Artagnan.
"Presently, presently," cried the latter, "when you haven't your cloak on."« Plus tard, plus tard, lui cria celui-ci, quand vous n’aurez plus votre manteau.
"At one o'clock, then, behind the Luxembourg."– À une heure donc, derrière le Luxembourg.
"Very well, at one o'clock, then," replied d'Artagnan, turning the angle of the street.– Très bien, à une heure », répondit d’Artagnan en tournant l’angle de la rue.
But neither in the street he had passed through, nor in the one which his eager glance pervaded, could he see anyone; however slowly the stranger had walked, he was gone on his way, or perhaps had entered some house. D'Artagnan inquired of everyone he met with, went down to the ferry, came up again by the Rue de Seine, and the Red Cross; but nothing, absolutely nothing! This chase was, however, advantageous to him in one sense, for in proportion as the perspiration broke from his forehead, his heart began to cool.Mais ni dans la rue qu’il venait de parcourir, ni dans celle qu’il embrassait maintenant du regard, il ne vit personne. Si doucement qu’eût marché l’inconnu, il avait gagné du chemin ; peut-être aussi était-il entré dans quelque maison. D’Artagnan s’informa de lui à tous ceux qu’il rencontra, descendit jusqu’au bac, remonta par la rue de Seine et la Croix-Rouge ; mais rien, absolument rien. Cependant cette course lui fut profitable en ce sens qu’à mesure que la sueur inondait son front, son cœur se refroidissait.
He began to reflect upon the events that had passed; they were numerous and inauspicious. It was scarcely eleven o'clock in the morning, and yet this morning had already brought him into disgrace with M. de Treville, who could not fail to think the manner in which d'Artagnan had left him a little cavalier.Il se mit alors à réfléchir sur les événements qui venaient de se passer ; ils étaient nombreux et néfastes : il était onze heures du matin à peine, et déjà la matinée lui avait apporté la disgrâce de M. de Tréville, qui ne pouvait manquer de trouver un peu cavalière la façon dont d’Artagnan l’avait quitté.
Besides this, he had drawn upon himself two good duels with two men, each capable of killing three d'Artagnans--with two Musketeers, in short, with two of those beings whom he esteemed so greatly that he placed them in his mind and heart above all other men.En outre, il avait ramassé deux bons duels avec deux hommes capables de tuer chacun trois d’Artagnan, avec deux mousquetaires enfin, c’est-à-dire avec deux de ces êtres qu’il estimait si fort qu’il les mettait, dans sa pensée et dans son cœur, au-dessus de tous les autres hommes.
The outlook was sad. Sure of being killed by Athos, it may easily be understood that the young man was not very uneasy about Porthos. As hope, however, is the last thing extinguished in the heart of man, he finished by hoping that he might survive, even though with terrible wounds, in both these duels; and in case of surviving, he made the following reprehensions upon his own conduct:La conjecture était triste. Sûr d’être tué par Athos, on comprend que le jeune homme ne s’inquiétait pas beaucoup de Porthos. Pourtant, comme l’espérance est la dernière chose qui s’éteint dans le cœur de l’homme, il en arriva à espérer qu’il pourrait survivre, avec des blessures terribles, bien entendu, à ces deux duels, et, en cas de survivance, il se fit pour l’avenir les réprimandes suivantes :
"What a madcap I was, and what a stupid fellow I am! That brave and unfortunate Athos was wounded on that very shoulder against which I must run head foremost, like a ram. The only thing that astonishes me is that he did not strike me dead at once. He had good cause to do so; the pain I gave him must have been atrocious. As to Porthos--oh, as to Porthos, faith, that's a droll affair!"« Quel écervelé je fais, et quel butor je suis ! Ce brave et malheureux Athos était blessé juste à l’épaule contre laquelle je m’en vais, moi, donner de la tête comme un bélier. La seule chose qui m’étonne, c’est qu’il ne m’ait pas tué roide ; il en avait le droit, et la douleur que je lui ai causée a dû être atroce. Quant à Porthos ! Oh ! quant à Porthos, ma foi, c’est plus drôle. »
And in spite of himself, the young man began to laugh aloud, looking round carefully, however, to see that his solitary laugh, without a cause in the eyes of passers-by, offended no one.Et malgré lui le jeune homme se mit à rire, tout en regardant néanmoins si ce rire isolé, et sans cause aux yeux de ceux qui le voyaient rire, n’allait pas blesser quelque passant.
"As to Porthos, that is certainly droll; but I am not the less a giddy fool. Are people to be run against without warning? No! And have I any right to go and peep under their cloaks to see what is not there? He would have pardoned me, he would certainly have pardoned me, if I had not said anything to him about that cursed baldric--in ambiguous words, it is true, but rather drolly ambiguous. Ah, cursed Gascon that I am, I get from one hobble into another. Friend d'Artagnan," continued he, speaking to himself with all the amenity that he thought due himself, "if you escape, of which there is not much chance, I would advise you to practice perfect politeness for the future. You must henceforth be admired and quoted as a model of it. To be obliging and polite does not necessarily make a man a coward. Look at Aramis, now; Aramis is mildness and grace personified. Well, did anybody ever dream of calling Aramis a coward? No, certainly not, and from this moment I will endeavor to model myself after him. Ah! That's strange! Here he is!"« Quant à Porthos, c’est plus drôle ; mais je n’en suis pas moins un misérable étourdi. Se jette-t-on ainsi sur les gens sans dire gare ! non ! et va-t-on leur regarder sous le manteau pour y voir ce qui n’y est pas ! Il m’eût pardonné bien certainement ; il m’eût pardonné si je n’eusse pas été lui parler de ce maudit baudrier, à mots couverts, c’est vrai ; oui, couverts joliment ! Ah ! maudit Gascon que je suis, je ferais de l’esprit dans la poêle à frire. Allons, d’Artagnan mon ami, continua-t-il, se parlant à lui-même avec toute l’aménité qu’il croyait se devoir, si tu en réchappes, ce qui n’est pas probable, il s’agit d’être à l’avenir d’une politesse parfaite. Désormais il faut qu’on t’admire, qu’on te cite comme modèle. Être prévenant et poli, ce n’est pas être lâche. Regardez plutôt Aramis : Aramis, c’est la douceur, c’est la grâce en personne. Eh bien, personne s’est-il jamais avisé de dire qu’Aramis était un lâche ? Non, bien certainement, et désormais je veux en tout point me modeler sur lui. Ah ! justement le voici. »
D'Artagnan, walking and soliloquizing, had arrived within a few steps of the hotel d'Arguillon and in front of that hotel perceived Aramis, chatting gaily with three gentlemen of the king’s guards. Next to him Aramis perceived d’Artagnan; but as he had not forgotten that it was in presence of this young man that M. de Treville had been so angry in the morning, and as a witness of the rebuke the Musketeers had received was not likely to be at all agreeable, he pretended not to see him. D'Artagnan, on the contrary, quite full of his plans of conciliation and courtesy, approached the four young men with a profound bow, accompanied by a most gracious smile. Aramis bent slightly his head but did not hardly smile. All four, besides, immediately broke off their conversation.D’Artagnan, tout en marchant et en monologuant, était arrivé à quelques pas de l’hôtel d’Aiguillon, et devant cet hôtel il avait aperçu Aramis causant gaiement avec trois gentilshommes des gardes du roi. De son côté, Aramis aperçut d’Artagnan ; mais comme il n’oubliait point que c’était devant ce jeune homme que M. de Tréville s’était si fort emporté le matin, et qu’un témoin des reproches que les mousquetaires avaient reçus ne lui était d’aucune façon agréable, il fit semblant de ne pas le voir. D’Artagnan, tout entier au contraire à ses plans de conciliation et de courtoisie, s’approcha des quatre jeunes gens en leur faisant un grand salut accompagné du plus gracieux sourire. Aramis inclina légèrement la tête, mais ne sourit point. Tous quatre, au reste, interrompirent à l’instant même leur conversation.
D'Artagnan was not so dull as not to perceive that he was one too many; but he was not sufficiently broken into the fashions of the gay world to know how to extricate himself gallantly from a false position, like that of a man who begins to mingle with people he is scarcely acquainted with and in a conversation that does not concern him. He was seeking in his mind, then, for the least awkward means of retreat, when he remarked that Aramis had let his handkerchief fall, and by mistake, no doubt, had placed his foot upon it. This appeared to be a favorable opportunity to repair his intrusion. He stooped, and with the most gracious air he could assume, drew the handkerchief from under the foot of the Musketeer in spite of the efforts the latter made to detain it, and holding it out to him, said,D’Artagnan n’était pas assez niais pour ne point s’apercevoir qu’il était de trop ; mais il n’était pas encore assez rompu aux façons du beau monde pour se tirer galamment d’une situation fausse comme l’est, en général, celle d’un homme qui est venu se mêler à des gens qu’il connaît à peine et à une conversation qui ne le regarde pas. Il cherchait donc en lui-même un moyen de faire sa retraite le moins gauchement possible, lorsqu’il remarqua qu’Aramis avait laissé tomber son mouchoir et, par mégarde sans doute, avait mis le pied dessus ; le moment lui parut arrivé de réparer son inconvenance : il se baissa, et de l’air le plus gracieux qu’il pût trouver, il tira le mouchoir de dessous le pied du mousquetaire, quelques efforts que celui-ci fît pour le retenir, et lui dit en le lui remettant :
"I believe, monsieur, that this is a handkerchief you would be sorry to lose?"« Je crois, monsieur que voici un mouchoir que vous seriez fâché de perdre. »
The handkerchief was indeed richly embroidered, and had a coronet and arms at one of its corners. Aramis blushed excessively, and snatched rather than took the handkerchief from the hand of the Gascon.Le mouchoir était en effet richement brodé et portait une couronne et des armes à l’un de ses coins. Aramis rougit excessivement et arracha plutôt qu’il ne prit le mouchoir des mains du Gascon.
"Ah, ah!" cried one of the Guards, "will you persist in saying, most discreet Aramis, that you are not on good terms with Madame de Bois-Tracy, when that gracious lady has the kindness to lend you one of her handkerchiefs?"« Ah ! Ah ! s’écria un des gardes, diras-tu encore, discret Aramis, que tu es mal avec Mme de Bois-Tracy, quand cette gracieuse dame a l’obligeance de te prêter ses mouchoirs ? »
Aramis darted at d'Artagnan one of those looks which inform a man that he has acquired a mortal enemy. Then, resuming his mild air,Aramis lança à d’Artagnan un de ces regards qui font comprendre à un homme qu’il vient de s’acquérir un ennemi mortel ; puis, reprenant son air doucereux :
"You are deceived, gentlemen," said he, "this handkerchief is not mine, and I cannot fancy why Monsieur has taken it into his head to offer it to me rather than to one of you; and as a proof of what I say, here is mine in my pocket."« Vous vous trompez, messieurs, dit-il, ce mouchoir n’est pas à moi, et je ne sais pourquoi monsieur a eu la fantaisie de me le remettre plutôt qu’à l’un de vous, et la preuve de ce que je dis, c’est que voici le mien dans ma poche. »
So saying, he pulled out his own handkerchief, likewise a very elegant handkerchief, and of fine cambric--though cambric was dear at the period--but a handkerchief without embroidery and without arms, only ornamented with a single cipher, that of its proprietor.À ces mots, il tira son propre mouchoir, mouchoir fort élégant aussi, et de fine batiste, quoique la batiste fût chère à cette époque, mais mouchoir sans broderie, sans armes et orné d’un seul chiffre, celui de son propriétaire.
This time d'Artagnan was not hasty. He perceived his mistake; but the friends of Aramis were not at all convinced by his denial, and one of them addressed the young Musketeer with affected seriousness.Cette fois, d’Artagnan ne souffla pas mot, il avait reconnu sa bévue ; mais les amis d’Aramis ne se laissèrent pas convaincre par ses dénégations, et l’un d’eux, s’adressant au jeune mousquetaire avec un sérieux affecté :
"If it were as you pretend it is," said he, "I should be forced, my dear Aramis, to reclaim it myself; for, as you very well know, Bois-Tracy is an intimate friend of mine, and I cannot allow the property of his wife to be sported as a trophy."« Si cela était, dit-il, ainsi que tu le prétends, je serais forcé, mon cher Aramis, de te le redemander ; car, comme tu le sais, Bois-Tracy est de mes intimes, et je ne veux pas qu’on fasse trophée des effets de sa femme.
"You make the demand badly," replied Aramis; "and while acknowledging the justice of your reclamation, I refuse it on account of the form."– Tu demandes cela mal, répondit Aramis, et tout en reconnaissant la justesse de ta réclamation quant au fond, je refuserais à cause de la forme.
"The fact is," hazarded d'Artagnan, timidly, "I did not see the handkerchief fall from the pocket of Monsieur Aramis. He had his foot upon it, that is all; and I thought from having his foot upon it the handkerchief was his."– Le fait est, hasarda timidement d’Artagnan, que je n’ai pas vu sortir le mouchoir de la poche de M. Aramis. Il avait le pied dessus, voilà tout, et j’ai pensé que, puisqu’il avait le pied dessus, le mouchoir était à lui.
"And you were deceived, my dear sir," replied Aramis, coldly, very little sensible to the reparation.– Et vous vous êtes trompé, mon cher monsieur », répondit froidement Aramis, peu sensible à la réparation.
Then turning toward that one of the guards who had declared himself the friend of Bois-Tracy,Puis, se retournant vers celui des gardes qui s’était déclaré l’ami de Bois-Tracy :
"Besides," continued he, "I have reflected, my dear intimate of Bois-Tracy, that I am not less tenderly his friend than you can possibly be; so that decidedly this handkerchief is as likely to have fallen from your pocket as mine."« D’ailleurs, continua-t-il, je réfléchis, mon cher intime de Bois-Tracy, que je suis son ami non moins tendre que tu peux l’être toi-même ; de sorte qu’à la rigueur ce mouchoir peut aussi bien être sorti de ta poche que de la mienne.
"No, upon my honor!" cried his Majesty's Guardsman.– Non, sur mon honneur ! s’écria le garde de Sa Majesté.
"You are about to swear upon your honor and I upon my word, and then it will be pretty evident that one of us will have lied. Now, here, Montaran, we will do better than that--let each take a half."– Tu vas jurer sur ton honneur et moi sur ma parole et alors il y aura évidemment un de nous deux qui mentira. Tiens, faisons mieux, Montaran, prenons-en chacun la moitié.
"Of the handkerchief?"– Du mouchoir ?
"Yes."– Oui.
"Perfectly just," cried the other two Guardsmen, "the judgment of King Solomon! Aramis, you certainly are full of wisdom!"– Parfaitement, s’écrièrent les deux autres gardes, le jugement du roi Salomon. Décidément, Aramis, tu es plein de sagesse. »
The young men burst into a laugh, and as may be supposed, the affair had no other sequel. In a moment or two the conversation ceased, and the three Guardsmen and the Musketeer, after having cordially shaken hands, separated, the Guardsmen going one way and Aramis another.Les jeunes gens éclatèrent de rire, et comme on le pense bien, l’affaire n’eut pas d’autre suite. Au bout d’un instant, la conversation cessa, et les trois gardes et le mousquetaire, après s’être cordialement serré la main, tirèrent, les trois gardes de leur côté et Aramis du sien.
"Now is my time to make peace with this gallant man," said d'Artagnan to himself, having stood on one side during the whole of the latter part of the conversation; and with this good feeling drawing near to Aramis, who was departing without paying any attention to him,« Voilà le moment de faire ma paix avec ce galant homme », se dit à part lui d’Artagnan, qui s’était tenu un peu à l’écart pendant toute la dernière partie de cette conversation. Et, sur ce bon sentiment, se rapprochant d’Aramis, qui s’éloignait sans faire autrement attention à lui :
"Monsieur," said he, "you will excuse me, I hope."« Monsieur, lui dit-il, vous m’excuserez, je l’espère.
"Ah, monsieur," interrupted Aramis, "permit me to observe to you that you have not acted in this affair as a gallant man ought."– Ah ! monsieur, interrompit Aramis, permettez-moi de vous faire observer que vous n’avez point agi en cette circonstance comme un galant homme le devait faire.
"What, monsieur!" cried d'Artagnan, "and do you suppose--"– Quoi, monsieur ! s’écria d’Artagnan, vous supposez…
"I suppose, monsieur that you are not a fool, and that you knew very well, although coming from Gascony, that people do not tread upon handkerchiefs without a reason. What the devil! Paris is not paved with cambric!"– Je suppose, monsieur, que vous n’êtes pas un sot, et que vous savez bien, quoique arrivant de Gascogne, qu’on ne marche pas sans cause sur les mouchoirs de poche. Que diable ! Paris n’est point pavé en batiste.
"Monsieur, you act wrongly in endeavoring to mortify me," said d'Artagnan, in whom the natural quarrelsome spirit began to speak more loudly than his pacific resolutions. "I am from Gascony, it is true; and since you know it, there is no occasion to tell you that Gascons are not very patient, so that when they have begged to be excused once, were it even for a folly, they are convinced that they have done already at least as much again as they ought to have done."– Monsieur, vous avez tort de chercher à m’humilier, dit d’Artagnan, chez qui le naturel querelleur commençait à parler plus haut que les résolutions pacifiques. Je suis de Gascogne, c’est vrai, et puisque vous le savez, je n’aurai pas besoin de vous dire que les Gascons sont peu endurants ; de sorte que, lorsqu’ils se sont excusés une fois, fût-ce d’une sottise, ils sont convaincus qu’ils ont déjà fait moitié plus qu’ils ne devaient faire.
"Monsieur, what I say to you about the matter," said Aramis, "is not for the sake of seeking a quarrel. Thank God, I am not a bravo! And being a Musketeer but for a time, I only fight when I am forced to do so, and always with great repugnance; but this time the affair is serious, for here is a lady compromised by you."– Monsieur, ce que je vous en dis, répondit Aramis, n’est point pour vous chercher une querelle. Dieu merci ! je ne suis pas un spadassin, et n’étant mousquetaire que par intérim, je ne me bats que lorsque j’y suis forcé, et toujours avec une grande répugnance ; mais cette fois l’affaire est grave, car voici une dame compromise par vous.
"By US, you mean!" cried d'Artagnan.– Par nous, c’est-à-dire, s’écria d’Artagnan.
"Why did you so maladroitly restore me the handkerchief?"– Pourquoi avez-vous eu la maladresse de me rendre le mouchoir ?
"Why did you so awkwardly let it fall?"– Pourquoi avez-vous eu celle de le laisser tomber ?
"I have said, monsieur, and I repeat, that the handkerchief did not fall from my pocket."– J’ai dit et je répète, monsieur, que ce mouchoir n’est point sorti de ma poche.
"And thereby you have lied twice, monsieur, for I saw it fall."– Eh bien, vous en avez menti deux fois, monsieur, car je l’en ai vu sortir, moi !
"Ah, you take it with that tone, do you, Master Gascon? Well, I will teach you how to behave yourself."– Ah ! vous le prenez sur ce ton, monsieur le Gascon ! eh bien, je vous apprendrai à vivre.
"And I will send you back to your Mass book, Master Abbe. Draw, if you please, and instantly--"– Et moi je vous renverrai à votre messe, monsieur l’abbé ! Dégainez, s’il vous plaît, et à l’instant même.
"Not so, if you please, my good friend--not here, at least. Do you not perceive that we are opposite the Hotel d'Arguillon, which is full of the cardinal's creatures? How do I know that this is not his Eminence who has honored you with the commission to procure my head? Now, I entertain a ridiculous partiality for my head, it seems to suit my shoulders so correctly. I wish to kill you, be at rest as to that, but to kill you quietly in a snug, remote place, where you will not be able to boast of your death to anybody."– Non pas, s’il vous plaît, mon bel ami ; non, pas ici, du moins. Ne voyez-vous pas que nous sommes en face de l’hôtel d’Aiguillon, lequel est plein de créatures du cardinal ? Qui me dit que ce n’est pas Son Éminence qui vous a chargé de lui procurer ma tête ? Or j’y tiens ridiculement, à ma tête, attendu qu’elle me semble aller assez correctement à mes épaules. Je veux donc vous tuer, soyez tranquille, mais vous tuer tout doucement, dans un endroit clos et couvert, là où vous ne puissiez vous vanter de votre mort à personne.
"I agree, monsieur; but do not be too confident. Take your handkerchief; whether it belongs to you or another, you may perhaps stand in need of it."– Je le veux bien, mais ne vous y fiez pas, et emportez votre mouchoir, qu’il vous appartienne ou non ; peut-être aurez-vous l’occasion de vous en servir.
"Monsieur is a Gascon?" asked Aramis.– Monsieur est Gascon ? demanda Aramis.
"Yes. Monsieur does not postpone an interview through prudence?"– Oui. Monsieur ne remet pas un rendez-vous par prudence ?
"Prudence, monsieur, is a virtue sufficiently useless to Musketeers, I know, but indispensable to churchmen; and as I am only a Musketeer provisionally, I hold it good to be prudent. At two o'clock I shall have the honor of expecting you at the hotel of Monsieur de Treville. There I will indicate to you the best place and time."– La prudence, monsieur, est une vertu assez inutile aux mousquetaires, je le sais, mais indispensable aux gens d’Église, et comme je ne suis mousquetaire que provisoirement, je tiens à rester prudent. À deux heures, j’aurai l’honneur de vous attendre à l’hôtel de M. de Tréville. Là je vous indiquerai les bons endroits. »
The two young men bowed and separated, Aramis ascending the street which led to the Luxembourg, while d'Artagnan, perceiving the appointed hour was approaching, took the road to the Carmes-Deschaux, saying to himself,Les deux jeunes gens se saluèrent, puis Aramis s’éloigna en remontant la rue qui remontait au Luxembourg, tandis que d’Artagnan, voyant que l’heure s’avançait, prenait le chemin des Carmes-Deschaux, tout en disant à part soi :
"Decidedly I can't draw back; but at least, if I am killed, I shall be killed by a Musketeer." « Décidément, je n’en puis pas revenir ; mais au moins, si je suis tué, je serai tué par un mousquetaire. »
5 THE KING'S MUSKETEERS AND THE CARDINAL'S GUARDSCHAPITRE V LES MOUSQUETAIRES DU ROI ET LES GARDES DE M. LE CARDINAL
D'Artagnan was acquainted with nobody in Paris. He went therefore to his appointment with Athos without a second, determined to be satisfied with those his adversary should choose. Besides, his intention was formed to make the brave Musketeer all suitable apologies, but without meanness or weakness, fearing that might result from this duel which generally results from an affair of this kind, when a young and vigorous man fights with an adversary who is wounded and weakened--if conquered, he doubles the triumph of his antagonist; if a conqueror, he is accused of foul play and want of courage.D’Artagnan ne connaissait personne à Paris. Il alla donc au rendez-vous d’Athos sans amener de second, résolu de se contenter de ceux qu’aurait choisis son adversaire. D’ailleurs son intention était formelle de faire au brave mousquetaire toutes les excuses convenables, mais sans faiblesse, craignant qu’il ne résultât de ce duel ce qui résulte toujours de fâcheux, dans une affaire de ce genre, quand un homme jeune et vigoureux se bat contre un adversaire blessé et affaibli : vaincu, il double le triomphe de son antagoniste ; vainqueur, il est accusé de forfaiture et de facile audace.
Now, we must have badly painted the character of our adventure seeker, or our readers must have already perceived that d'Artagnan was not an ordinary man; therefore, while repeating to himself that his death was inevitable, he did not make up his mind to die quietly, as one less courageous and less restrained might have done in his place. He reflected upon the different characters of men he had to fight with, and began to view his situation more clearly. He hoped, by means of loyal excuses, to make a friend of Athos, whose lordly air and austere bearing pleased him much. He flattered himself he should be able to frighten Porthos with the adventure of the baldric, which he might, if not killed upon the spot, relate to everybody a recital which, well managed, would cover Porthos with ridicule. As to the astute Aramis, he did not entertain much dread of him; and supposing he should be able to get so far, he determined to dispatch him in good style or at least, by hitting him in the face, as Caesar recommended his soldiers do to those of Pompey, to damage forever the beauty of which he was so proud.Au reste, ou nous avons mal exposé le caractère de notre chercheur d’aventures, ou notre lecteur a déjà dû remarquer que d’Artagnan n’était point un homme ordinaire. Aussi, tout en se répétant à lui-même que sa mort était inévitable, il ne se résigna point à mourir tout doucettement, comme un autre moins courageux et moins modéré que lui eût fait à sa place. Il réfléchit aux différents caractères de ceux avec lesquels il allait se battre, et commença à voir plus clair dans sa situation. Il espérait, grâce aux excuses loyales qu’il lui réservait, se faire un ami d’Athos, dont l’air grand seigneur et la mine austère lui agréaient fort. Il se flattait de faire peur à Porthos avec l’aventure du baudrier, qu’il pouvait, s’il n’était pas tué sur le coup, raconter à tout le monde, récit qui, poussé adroitement à l’effet, devait couvrir Porthos de ridicule ; enfin, quant au sournois Aramis, il n’en avait pas très grand-peur, et en supposant qu’il arrivât jusqu’à lui, il se chargeait de l’expédier bel et bien, ou du moins en le frappant au visage, comme César avait recommandé de faire aux soldats de Pompée, d’endommager à tout jamais cette beauté dont il était si fier.
In addition to this, d'Artagnan possessed that invincible stock of resolution which the counsels of his father had implanted in his heart: "Endure nothing from anyone but the king, the cardinal, and Monsieur de Treville." He flew, then, rather than walked, toward the convent of the Carmes Dechausses, or rather Deschaux, as it was called at that period, a sort of building without a window, surrounded by barren fields--an accessory to the Preaux-Clercs, and which was generally employed as the place for the duels of men who had no time to lose.Ensuite il y avait chez d’Artagnan ce fonds inébranlable de résolution qu’avaient déposé dans son cœur les conseils de son père, conseils dont la substance était : « Ne rien souffrir de personne que du roi, du cardinal et de M. de Tréville. » Il vola donc plutôt qu’il ne marcha vers le couvent des Carmes Déchaussés, ou plutôt Deschaux, comme on disait à cette époque, sorte de bâtiment sans fenêtres, bordé de prés arides, succursale du Pré-aux-Clercs, et qui servait d’ordinaire aux rencontres des gens qui n’avaient pas de temps à perdre.
When d'Artagnan arrived in sight of the bare spot of ground which extended along the foot of the monastery, Athos had been waiting about five minutes, and twelve o'clock was striking. He was, then, as punctual as the Samaritan woman, and the most rigorous casuist with regard to duels could have nothing to say.Lorsque d’Artagnan arriva en vue du petit terrain vague qui s’étendait au pied de ce monastère, Athos attendait depuis cinq minutes seulement, et midi sonnait. Il était donc ponctuel comme la Samaritaine, et le plus rigoureux casuiste à l’égard des duels n’avait rien a dire.
Athos, who still suffered grievously from his wound, though it had been dressed anew by M. de Treville's surgeon, was seated on a post and waiting for his adversary with this peaceful composure and this dignified air that never abandoned him. In the aspect of d'Artagnan, he got up and politely took a few steps in front of him. He in turn only approached his adversary that the hat in hand, his feather even touching the ground.Athos, qui souffrait toujours cruellement de sa blessure, quoiqu’elle eût été pansée à neuf par le chirurgien de M. de Tréville, s’était assis sur une borne et attendait son adversaire avec cette contenance paisible et cet air digne qui ne l’abandonnaient jamais. À l’aspect de d’Artagnan, il se leva et fit poliment quelques pas au-devant de lui. Celui-ci, de son côté, n’aborda son adversaire que le chapeau à la main et sa plume traînant jusqu’à terre.
"Monsieur," said Athos, "I have engaged two of my friends as seconds; but these two friends are not yet come, at which I am astonished, as it is not at all their custom."« Monsieur, dit Athos, j’ai fait prévenir deux de mes amis qui me serviront de seconds, mais ces deux amis ne sont point encore arrivés. Je m’étonne qu’ils tardent : ce n’est pas leur habitude.
"I have no seconds on my part, monsieur," said d'Artagnan; "for having only arrived yesterday in Paris, I as yet know no one but Monsieur de Treville, to whom I was recommended by my father, who has the honor to be, in some degree, one of his friends."– Je n’ai pas de seconds, moi, monsieur, dit d’Artagnan, car arrivé d’hier seulement à Paris, je n’y connais encore personne que M. de Tréville, auquel j’ai été recommandé par mon père qui a l’honneur d’être quelque peu de ses amis. »
Athos reflected for an instant.Athos réfléchit un instant.
"You know no one but Monsieur de Treville?" he asked.« Vous ne connaissez que M. de Tréville ? demanda-t-il.
"Yes, monsieur, I know only him."– Oui, monsieur, je ne connais que lui.
"Well, but then," continued Athos, speaking half to himself, haft to d’Artagnan, "but if I kill you, I shall have the air of a boy-slayer."– Ah çà, mais…, continua Athos parlant moitié à lui-même, moitié à d’Artagnan, ah… çà, mais si je vous tue, j’aurai l’air d’un mangeur d’enfants, moi !
"Not too much so," replied d'Artagnan, with a bow that was not deficient in dignity, "since you do me the honor to draw a sword with me while suffering from a wound which is very inconvenient."– Pas trop, monsieur, répondit d’Artagnan avec un salut qui ne manquait pas de dignité ; pas trop, puisque vous me faites l’honneur de tirer l’épée contre moi avec une blessure dont vous devez être fort incommodé.
"Very inconvenient, upon my word; and you hurt me devilishly, I can tell you. But I will take the left hand--it is my custom in such circumstances. Do not fancy that I do you a favor; I use either hand easily. And it will be even a disadvantage to you; a left-handed man is very troublesome to people who are not prepared for it. I regret I did not inform you sooner of this circumstance."– Très incommodé, sur ma parole, et vous m’avez fait un mal du diable, je dois le dire ; mais je prendrai la main gauche, c’est mon habitude en pareille circonstance. Ne croyez donc pas que je vous fasse une grâce, je tire proprement des deux mains ; et il y aura même désavantage pour vous : un gaucher est très gênant pour les gens qui ne sont pas prévenus. Je regrette de ne pas vous avoir fait part plus tôt de cette circonstance.
"You have truly, monsieur," said d'Artagnan, bowing again, "a courtesy, for which, I assure you, I am very grateful."– Vous êtes vraiment, monsieur, dit d’Artagnan en s’inclinant de nouveau, d’une courtoisie dont je vous suis on ne peut plus reconnaissant.
"You confuse me," replied Athos, with his gentlemanly air; "let us talk of something else, if you please, unless it is disagreeable to you. Ah, s'blood, how you have hurt me! My shoulder quite burns."– Vous me rendez confus, répondit Athos avec son air de gentilhomme ; causons donc d’autre chose, je vous prie, à moins que cela ne vous soit désagréable. Ah ! sangbleu ! que vous m’avez fait mal ! l’épaule me brûle.
"If you would permit me--" said d'Artagnan, with timidity.– Si vous vouliez permettre…, dit d’Artagnan avec timidité.
"What, monsieur?"– Quoi, monsieur ?
"I have a miraculous balsam for wounds— a balsam given to me by my mother and of which I have made a trial upon myself."– J’ai un baume miraculeux pour les blessures, un baume qui me vient de ma mère, et dont j’ai fait l’épreuve sur moi-même.
"Well?"– Eh bien ?
"Well, I am sure that in less than three days this balsam would cure you; and at the end of three days, when you would be cured-well, sir, it would still do me a great honor to be your man."– Eh bien, je suis sûr qu’en moins de trois jours ce baume vous guérirait, et au bout de trois jours, quand vous seriez guéri : eh bien, monsieur, ce me serait toujours un grand honneur d’être votre homme. »
D'Artagnan spoke these words with a simplicity that did honor to his courtesy, without throwing the least doubt upon his courage.D’Artagnan dit ces mots avec une simplicité qui faisait honneur à sa courtoisie, sans porter aucunement atteinte à son courage.
"PARDIEU, monsieur!" said Athos, "that's a proposition that pleases me; not that I can accept it, but a league off it savors of the gentleman. Thus spoke and acted the gallant knights of the time of Charlemagne, in whom every cavalier ought to seek his model. Unfortunately, we do not live in the times of the great emperor, we live in the times of the cardinal; and three days hence, however well the secret might be guarded, it would be known, I say, that we were to fight, and our combat would be prevented. I think these fellows will never come."« Pardieu, monsieur, dit Athos, voici une proposition qui me plaît, non pas que je l’accepte, mais elle sent son gentilhomme d’une lieue. C’est ainsi que parlaient et faisaient ces preux du temps de Charlemagne, sur lesquels tout cavalier doit chercher à se modeler. Malheureusement, nous ne sommes plus au temps du grand empereur. Nous sommes au temps de M. le cardinal, et d’ici à trois jours on saurait, si bien gardé que soit le secret, on saurait, dis-je, que nous devons nous battre, et l’on s’opposerait à notre combat. Ah çà, mais ! ces flâneurs ne viendront donc pas ?
"If you are in haste, monsieur," said d'Artagnan, with the same simplicity with which a moment before he had proposed to him to put off the duel for three days, "and if it be your will to dispatch me at once, do not inconvenience yourself, I pray you."– Si vous êtes pressé, monsieur, dit d’Artagnan à Athos avec la même simplicité qu’un instant auparavant il lui avait proposé de remettre le duel à trois jours, si vous êtes pressé et qu’il vous plaise de m’expédier tout de suite, ne vous gênez pas, je vous en prie.
"There is another word which pleases me," cried Athos, with a gracious nod to d'Artagnan. "That did not come from a man without a heart. Monsieur, I love men of your temper; and I foresee plainly that if we don't kill each other, I shall hereafter have much pleasure in your conversation. Let us wait for these gentlemen, I beg you; I have plenty of time, and it will be more correct. Ah, here is one of them, I believe."– Voilà encore un mot qui me plaît, dit Athos en faisant un gracieux signe de tête à d’Artagnan, il n’est point d’un homme sans cervelle, et il est à coup sûr d’un homme de cœur. Monsieur, j’aime les hommes de votre trempe, et je vois que si nous ne nous tuons pas l’un l’autre, j’aurai plus tard un vrai plaisir dans votre conversation. Attendons ces messieurs, je vous prie, j’ai tout le temps, et cela sera plus correct. Ah ! en voici un, je crois. »
In fact, at the end of the Rue Vaugirard the gigantic Porthos appeared.En effet, au bout de la rue de Vaugirard commençait à apparaître le gigantesque Porthos.
"What!" cried d'Artagnan, "is your first witness Monsieur Porthos?"« Quoi ! s’écria d’Artagnan, votre premier témoin est M. Porthos ?
"Yes, that disturbs you?"– Oui, cela vous contrarie-t-il ?
"By no means."– Non, aucunement.
"And here is the second."– Et voici le second. »
D'Artagnan turned in the direction pointed to by Athos, and perceived Aramis.D’Artagnan se retourna du côté indiqué par Athos, et reconnut Aramis.
"What!" cried he, in an accent of greater astonishment than before, "your second witness is Monsieur Aramis?"« Quoi ! s’écria-t-il d’un accent plus étonné que la première fois, votre second témoin est M. Aramis ?
"Doubtless! Are you not aware that we are never seen one without the others, and that we are called among the Musketeers and the Guards, at court and in the city, Athos, Porthos, and Aramis, or the Three Inseparables? And yet, as you come from Dax or Pau--"– Sans doute, ne savez-vous pas qu’on ne nous voit jamais l’un sans l’autre, et qu’on nous appelle, dans les mousquetaires et dans les gardes, à la cour et à la ville, Athos, Porthos et Aramis ou les trois inséparables ? Après cela, comme vous arrivez de Dax ou de Pau…
"From Tarbes," said d'Artagnan.– De Tarbes, dit d’Artagnan.
"It is probable you are ignorant of this little fact," said Athos.–… Il vous est permis d’ignorer ce détail, dit Athos.
"My faith!" replied d'Artagnan, "you are well named, gentlemen; and my adventure, if it should make any noise, will prove at least that your union is not founded upon contrasts."– Ma foi, dit d’Artagnan, vous êtes bien nommés, messieurs, et mon aventure, si elle fait quelque bruit, prouvera du moins que votre union n’est point fondée sur les contrastes. »
In the meantime, Porthos had come up, waved his hand to Athos, and then turning toward d'Artagnan, stood quite astonished.Pendant ce temps, Porthos s’était rapproché, avait salué de la main Athos ; puis, se retournant vers d’Artagnan, il était resté tout étonné.
Let us say in passing that he had changed his baldric and relinquished his cloak.Disons, en passant, qu’il avait changé de baudrier et quitté son manteau.
"Ah, ah!" said he, "what does this mean?"« Ah ! ah ! fit-il, qu’est-ce que cela ?
"This is the gentleman I am going to fight with," said Athos, pointing to d'Artagnan with his hand and saluting him with the same gesture.– C’est avec monsieur que je me bats, dit Athos en montrant de la main d’Artagnan, et en le saluant du même geste.
"Why, it is with him I am also going to fight," said Porthos.– C’est avec lui que je me bats aussi, dit Porthos.
"But not before one o'clock," replied d'Artagnan.– Mais à une heure seulement, répondit d’Artagnan.
"And I also am to fight with this gentleman," said Aramis, coming in his turn onto the place.– Et moi aussi, c’est avec monsieur que je me bats, dit Aramis en arrivant à son tour sur le terrain.
"But not until two o'clock," said d'Artagnan, with the same calmness.– Mais à deux heures seulement, fit d’Artagnan avec le même calme.
"But what are you going to fight about, Athos?" asked Aramis.– Mais à propos de quoi te bats-tu, toi, Athos ? demanda Aramis.
"Faith! I don't very well know. He hurt my shoulder. And you, Porthos?"– Ma foi, je ne sais pas trop, il m’a fait mal à l’épaule ; et toi, Porthos ?
"Faith! I am going to fight--because I am going to fight," answered Porthos, reddening.– Ma foi, je me bats parce que je me bats », répondit Porthos en rougissant.
Athos, whose keen eye lost nothing, perceived a faintly sly smile pass over the lips of the young Gascon as he replied, "We had a short discussion upon dress."Athos, qui ne perdait rien, vit passer un fin sourire sur les lèvres du Gascon. « Nous avons eu une discussion sur la toilette, dit le jeune homme.
"And you, Aramis?" asked Athos.– Et toi, Aramis ? demanda Athos.
"Oh, ours is a theological quarrel," replied Aramis, making a sign to d'Artagnan to keep secret the cause of their duel.– Moi, je me bats pour cause de théologie », répondit Aramis tout en faisant signe à d’Artagnan qu’il le priait de tenir secrète la cause de son duel.
Athos indeed saw a second smile on the lips of d'Artagnan.Athos vit passer un second sourire sur les lèvres de d’Artagnan.
"Indeed?" said Athos.« Vraiment, dit Athos.
"Yes; a passage of St. Augustine, upon which we could not agree," said the Gascon.– Oui, un point de saint Augustin sur lequel nous ne sommes pas d’accord, dit le Gascon.
"Decidedly, this is a clever fellow," murmured Athos.– Décidément c’est un homme d’esprit, murmura Athos.
"And now you are assembled, gentlemen," said d'Artagnan, "permit me to offer you my apologies."– Et maintenant que vous êtes rassemblés, messieurs, dit d’Artagnan, permettez-moi de vous faire mes excuses. »
At this word APOLOGIES, a cloud passed over the brow of Athos, a haughty smile curled the lip of Porthos, and a negative sign was the reply of Aramis.À ce mot d’excuses, un nuage passa sur le front d’Athos, un sourire hautain glissa sur les lèvres de Porthos, et un signe négatif fut la réponse d’Aramis.
"You do not understand me, gentlemen," said d'Artagnan, throwing up his head, the sharp and bold lines of which were at the moment gilded by a bright ray of the sun. "I asked to be excused in case I should not be able to discharge my debt to all three; for Monsieur Athos has the right to kill me first, which must much diminish the face-value of your claim, Monsieur Porthos, and render yours almost null, Monsieur Aramis. And now, gentlemen, I repeat, excuse me, but on that account only, and--on guard!"« Vous ne me comprenez pas, messieurs, dit d’Artagnan en relevant sa tête, sur laquelle jouait en ce moment un rayon de soleil qui en dorait les lignes fines et hardies : je vous demande excuse dans le cas où je ne pourrais vous payer ma dette à tous trois, car M. Athos a le droit de me tuer le premier, ce qui ôte beaucoup de sa valeur à votre créance, monsieur Porthos, et ce qui rend la vôtre à peu près nulle, monsieur Aramis. Et maintenant, messieurs, je vous le répète, excusez-moi, mais de cela seulement, et en garde ! »
At these words, with the most gallant air possible, d'Artagnan drew his sword.À ces mots, du geste le plus cavalier qui se puisse voir, d’Artagnan tira son épée.
The blood had mounted to the head of d'Artagnan, and at that moment he would have drawn his sword against all the Musketeers in the kingdom as willingly as he now did against Athos, Porthos, and Aramis.Le sang était monté à la tête de d’Artagnan, et dans ce moment il eût tiré son épée contre tous les mousquetaires du royaume, comme il venait de faire contre Athos, Porthos et Aramis.
It was a quarter past midday. The sun was in its zenith, and the spot chosen for the scene of the duel was exposed to its full ardor.Il était midi et un quart. Le soleil était à son zénith et l’emplacement choisi pour être le théâtre du duel se trouvait exposé à toute son ardeur.
"It is very hot," said Athos, drawing his sword in its turn, "and yet I cannot take off my doublet; for I just now felt my wound begin to bleed again, and I should not like to annoy Monsieur with the sight of blood which he has not drawn from me himself."« Il fait très chaud, dit Athos en tirant son épée à son tour, et cependant je ne saurais ôter mon pourpoint ; car, tout à l’heure encore, j’ai senti que ma blessure saignait, et je craindrais de gêner monsieur en lui montrant du sang qu’il ne m’aurait pas tiré lui-même.
"That is true, Monsieur," replied d'Artagnan, "and whether drawn by myself or another, I assure you I shall always view with regret the blood of so brave a gentleman. I will therefore fight in my doublet, like yourself."– C’est vrai, monsieur, dit d’Artagnan, et tiré par un autre ou par moi, je vous assure que je verrai toujours avec bien du regret le sang d’un aussi brave gentilhomme ; je me battrai donc en pourpoint comme vous.
"Come, come, enough of such compliments!" cried Porthos. "Remember, we are waiting for our turns."– Voyons, voyons, dit Porthos, assez de compliments comme cela, et songez que nous attendons notre tour.
"Speak for yourself, Porthos, when you are inclined to utter such incongruities," interrupted Aramis. "For my part, I think what they say is very well said, and quite worthy of two gentlemen."– Parlez pour vous seul, Porthos, quand vous aurez à dire de pareilles incongruités, interrompit Aramis. Quant à moi, je trouve les choses que ces messieurs se disent fort bien dites et tout à fait dignes de deux gentilshommes.
"When you please, monsieur," said Athos, putting himself on guard.– Quand vous voudrez, monsieur, dit Athos en se mettant en garde.
"I waited your orders," said d'Artagnan, crossing swords.– J’attendais vos ordres », dit d’Artagnan en croisant le fer.
But scarcely had the two rapiers clashed, when a company of the Guards of his Eminence, commanded by M. de Jussac, turned the corner of the convent.Mais les deux rapières avaient à peine résonné en se touchant, qu’une escouade des gardes de Son Éminence, commandée par M. de Jussac, se montra à l’angle du couvent.
"The cardinal's Guards!" cried Aramis and Porthos at the same time. "Sheathe your swords, gentlemen, sheathe your swords!"« Les gardes du cardinal ! s’écrièrent à la fois Porthos et Aramis. L’épée au fourreau, messieurs ! l’épée au fourreau !
But it was too late. The two combatants had been seen in a position which left no doubt of their intentions.Mais il était trop tard. Les deux combattants avaient été vus dans une pose qui ne permettait pas de douter de leurs intentions.
"Halloo!" cried Jussac, advancing toward them and making a sign to his men to do so likewise, "halloo, Musketeers? Fighting here, are you? And the edicts? What is become of them?"« Holà ! cria Jussac en s’avançant vers eux et en faisant signe à ses hommes d’en faire autant, holà ! mousquetaires, on se bat donc ici ? Et les édits, qu’en faisons-nous ?
"You are very generous, gentlemen of the Guards," said Athos, full of rancor, for Jussac was one of the aggressors of the preceding day. "If we were to see you fighting, I can assure you that we would make no effort to prevent you. Leave us alone, then, and you will enjoy a little amusement without cost to yourselves."– Vous êtes bien généreux, messieurs les gardes, dit Athos plein de rancune, car Jussac était l’un des agresseurs de l’avant-veille. Si nous vous voyions battre, je vous réponds, moi, que nous nous garderions bien de vous en empêcher. Laissez-nous donc faire, et vous allez avoir du plaisir sans prendre aucune peine.
"Gentlemen," said Jussac, "it is with great regret that I pronounce the thing impossible. Duty before everything. Sheathe, then, if you please, and follow us."– Messieurs, dit Jussac, c’est avec grand regret que je vous déclare que la chose est impossible. Notre devoir avant tout. Rengainez donc, s’il vous plaît, et nous suivez.
"Monsieur," said Aramis, parodying Jussac, "it would afford us great pleasure to obey your polite invitation if it depended upon ourselves; but unfortunately the thing is impossible--Monsieur de Treville has forbidden it. Pass on your way, then; it is the best thing to do."– Monsieur, dit Aramis parodiant Jussac, ce serait avec un grand plaisir que nous obéirions à votre gracieuse invitation, si cela dépendait de nous ; mais malheureusement la chose est impossible : M. de Tréville nous l’a défendu. Passez donc votre chemin, c’est ce que vous avez de mieux à faire. »
This raillery exasperated Jussac.Cette raillerie exaspéra Jussac.
"We will charge upon you, then," said he, "if you disobey."« Nous vous chargerons donc, dit-il, si vous désobéissez.
"There are five of them," said Athos, half aloud, "and we are but three; we shall be beaten again, and must die on the spot, for, on my part, I declare I will never appear again before the captain as a conquered man."– Ils sont cinq, dit Athos à demi-voix, et nous ne sommes que trois ; nous serons encore battus, et il nous faudra mourir ici, car je le déclare, je ne reparais pas vaincu devant le capitaine. »
Athos, Porthos, and Aramis instantly drew near one another, while Jussac drew up his soldiers.Alors Porthos et Aramis se rapprochèrent à l’instant les uns des autres, pendant que Jussac alignait ses soldats.
This short interval was sufficient to determine d'Artagnan on the part he was to take. It was one of those events which decide the life of a man; it was a choice between the king and the cardinal--the choice made, it must be persisted in. To fight, that was to disobey the law, that was to risk his head, that was to make at one blow an enemy of a minister more powerful than the king himself. All this young man perceived, and yet, to his praise we speak it, he did not hesitate a second. Turning towards Athos and his friends,Ce seul moment suffit à d’Artagnan pour prendre son parti : c’était là un de ces événements qui décident de la vie d’un homme, c’était un choix à faire entre le roi et le cardinal ; ce choix fait, il allait y persévérer. Se battre, c’est-à-dire désobéir à la loi, c’est-à-dire risquer sa tête, c’est-à-dire se faire d’un seul coup l’ennemi d’un ministre plus puissant que le roi lui-même : voilà ce qu’entrevit le jeune homme, et, disons-le à sa louange, il n’hésita point une seconde. Se tournant donc vers Athos et ses amis :
"Gentlemen," said he, "allow me to correct your words, if you please. You said you were but three, but it appears to me we are four."« Messieurs, dit-il, je reprendrai, s’il vous plaît, quelque chose à vos paroles. Vous avez dit que vous n’étiez que trois, mais il me semble, à moi, que nous sommes quatre.
"But you are not one of us," said Porthos.– Mais vous n’êtes pas des nôtres, dit Porthos.
"That's true," replied d'Artagnan; "I have not the uniform, but I have the spirit. My heart is that of a Musketeer; I feel it, monsieur, and that impels me on."– C’est vrai, répondit d’Artagnan ; je n’ai pas l’habit, mais j’ai l’âme. Mon cœur est mousquetaire, je le sens bien, monsieur, et cela m’entraîne.
"Withdraw, young man," cried Jussac, who doubtless, by his gestures and the expression of his countenance, had guessed d'Artagnan's design. "You may retire; we consent to that. Save your skin; begone quickly."– Écartez-vous, jeune homme, cria Jussac, qui sans doute à ses gestes et à l’expression de son visage avait deviné le dessein de d’Artagnan. Vous pouvez vous retirer, nous y consentons. Sauvez votre peau ; allez vite. »
D'Artagnan did not budge.D’Artagnan ne bougea point.
"Decidedly, you are a brave fellow," said Athos, pressing the young man's hand.« Décidément vous êtes un joli garçon, dit Athos en serrant la main du jeune homme.
"Come, come, choose your part," replied Jussac.– Allons ! allons ! prenons un parti, reprit Jussac.
"Well," said Porthos to Aramis, "we must do something."– Voyons, dirent Porthos et Aramis, faisons quelque chose.
"Monsieur is full of generosity," said Athos.– Monsieur est plein de générosité », dit Athos.
But all three reflected upon the youth of d'Artagnan, and dreaded his inexperience.Mais tous trois pensaient à la jeunesse de d’Artagnan et redoutaient son inexpérience.
"We should only be three, one of whom is wounded, with the addition of a boy," resumed Athos; "and yet it will not be the less said we were four men."« Nous ne serons que trois, dont un blessé, plus un enfant, reprit Athos, et l’on n’en dira pas moins que nous étions quatre hommes.
"Yes, but to yield!" said Porthos.– Oui, mais reculer ! dit Porthos.
"That IS difficult," replied Athos.– C’est difficile », reprit Athos.
D'Artagnan comprehended their irresolution.D’Artagnan comprit leur irrésolution.
"Try me, gentlemen," said he, "and I swear to you by my honor that I will not go hence if we are conquered."« Messieurs, essayez-moi toujours, dit-il, et je vous jure sur l’honneur que je ne veux pas m’en aller d’ici si nous sommes vaincus.
"What is your name, my brave fellow?" said Athos.– Comment vous appelle-t-on, mon brave ? dit Athos.
"D'Artagnan, monsieur."– D’Artagnan, monsieur.
"Well, then, Athos, Porthos, Aramis, and d'Artagnan, forward!" cried Athos.– Eh bien, Athos, Porthos, Aramis et d’Artagnan, en avant ! cria Athos.
"Come, gentlemen, have you decided?" cried Jussac for the third time.– Eh bien, voyons, messieurs, vous décidez-vous à vous décider ? cria pour la troisième fois Jussac.
"It is done, gentlemen," said Athos.– C’est fait, messieurs, dit Athos.
"And what is your choice?" asked Jussac.– Et quel parti prenez-vous ? demanda Jussac.
"We are about to have the honor of charging you," replied Aramis, lifting his hat with one hand and drawing his sword with the other.« Nous allons avoir l’honneur de vous charger, répondit Aramis en levant son chapeau d’une main et tirant son épée de l’autre.
"Ah! You resist, do you?" cried Jussac.– Ah ! vous résistez ! s’écria Jussac.
"S'blood; does that astonish you?"– Sangdieu ! cela vous étonne ? »
And the nine combatants rushed upon each other with a fury which however did not exclude a certain degree of method.Et les neuf combattants se précipitèrent les uns sur les autres avec une furie qui n’excluait pas une certaine méthode.
Athos fixed upon a certain Cahusac, a favorite of the cardinal's. Porthos had Biscarat, and Aramis found himself opposed to two adversaries. As to d'Artagnan, he sprang toward Jussac himself.Athos prit un certain Cahusac, favori du cardinal ; Porthos eut Biscarat, et Aramis se vit en face de deux adversaires. Quant à d’Artagnan, il se trouva lancé contre Jussac lui-même.
The heart of the young Gascon beat as if it would burst through his side--not from fear, God he thanked, he had not the shade of it, but with emulation; he fought like a furious tiger, turning ten times round his adversary, and changing his ground and his guard twenty times. Jussac was, as was then said, a fine blade, and had had much practice; nevertheless it required all his skill to defend himself against an adversary who, active and energetic, departed every instant from received rules, attacking him on all sides at once, and yet parrying like a man who had the greatest respect for his own epidermis.Le cœur du jeune Gascon battait à lui briser la poitrine, non pas de peur, Dieu merci ! il n’en avait pas l’ombre, mais d’émulation ; il se battait comme un tigre en fureur, tournant dix fois autour de son adversaire, changeant vingt fois ses gardes et son terrain. Jussac était, comme on le disait alors, friand de la lame, et avait fort pratiqué ; cependant il avait toutes les peines du monde à se défendre contre un adversaire qui, agile et bondissant, s’écartait à tout moment des règles reçues, attaquant de tous côtés à la fois, et tout cela en parant en homme qui a le plus grand respect pour son épiderme.
This contest at length exhausted Jussac's patience. Furious at being held in check by one whom he had considered a boy, he became warm and began to make mistakes. D'Artagnan, who though wanting in practice had a sound theory, redoubled his agility. Jussac, anxious to put an end to this, springing forward, aimed a terrible thrust at his adversary, but the latter parried it; and while Jussac was recovering himself, glided like a serpent beneath his blade, and passed his sword through his body. Jussac fell like a dead mass.Enfin cette lutte finit par faire perdre patience à Jussac. Furieux d’être tenu en échec par celui qu’il avait regardé comme un enfant, il s’échauffa et commença à faire des fautes. D’Artagnan, qui, à défaut de la pratique, avait une profonde théorie, redoubla d’agilité. Jussac, voulant en finir, porta un coup terrible à son adversaire en se fendant à fond ; mais celui-ci para prime, et tandis que Jussac se relevait, se glissant comme un serpent sous son fer, il lui passa son épée au travers du corps. Jussac tomba comme une masse.
D'Artagnan then cast an anxious and rapid glance over the field of battle.D’Artagnan jeta alors un coup d’œil inquiet et rapide sur le champ de bataille.
Aramis had killed one of his adversaries, but the other pressed him warmly. Nevertheless, Aramis was in a good situation, and able to defend himself.Aramis avait déjà tué un de ses adversaires ; mais l’autre le pressait vivement. Cependant Aramis était en bonne situation et pouvait encore se défendre.
Biscarat and Porthos had just made counterhits. Porthos had received a thrust through his arm, and Biscarat one through his thigh. But neither of these two wounds was serious, and they only fought more earnestly.Biscarat et Porthos venaient de faire coup fourré : Porthos avait reçu un coup d’épée au travers du bras, et Biscarat au travers de la cuisse. Mais comme ni l’une ni l’autre des deux blessures n’était grave, ils ne s’en escrimaient qu’avec plus d’acharnement.
Athos, wounded anew by Cahusac, became evidently paler, but did not give way a foot. He only changed his sword hand, and fought with his left hand.Athos, blessé de nouveau par Cahusac, pâlissait à vue d’œil, mais il ne reculait pas d’une semelle : il avait seulement changé son épée de main, et se battait de la main gauche.
According to the laws of dueling at that period, d'Artagnan was at liberty to assist whom he pleased. While he was endeavoring to find out which of his companions stood in greatest need, he caught a glance from Athos. The glance was of sublime eloquence. Athos would have died rather than appeal for help; but he could look, and with that look ask assistance. D'Artagnan interpreted it; with a terrible bound he sprang to the side of Cahusac, crying,D’Artagnan, selon les lois du duel de cette époque, pouvait secourir quelqu’un ; pendant qu’il cherchait du regard celui de ses compagnons qui avait besoin de son aide, il surprit un coup d’œil d’Athos. Ce coup d’œil était d’une éloquence sublime. Athos serait mort plutôt que d’appeler au secours ; mais il pouvait regarder, et du regard demander un appui. D’Artagnan le devina, fit un bond terrible et tomba sur le flanc de Cahusac en criant :
"To me, Monsieur Guardsman; I will slay you!"« À moi, monsieur le garde, je vous tue ! »
Cahusac turned. It was time; for Athos, whose great courage alone supported him, sank upon his knee.Cahusac se retourna ; il était temps. Athos, que son extrême courage soutenait seul, tomba sur un genou.
"S'blood!" cried he to d'Artagnan, "do not kill him, young man, I beg of you. I have an old affair to settle with him when I am cured and sound again. Disarm him only--make sure of his sword. That's it! Very well done!"« Sangdieu ! criait-il à d’Artagnan, ne le tuez pas, jeune homme, je vous en prie ; j’ai une vieille affaire à terminer avec lui, quand je serai guéri et bien portant. Désarmez-le seulement, liez-lui l’épée. C’est cela. Bien ! très bien ! »
The exclamation was drawn from Athos by seeing the sword of Cahusac fly twenty paces from him. D'Artagnan and Cahusac sprang forward at the same instant, the one to recover, the other to obtain, the sword; but d'Artagnan, being the more active, reached it first and placed his foot upon it.Cette exclamation était arrachée à Athos par l’épée de Cahusac qui sautait à vingt pas de lui. D’Artagnan et Cahusac s’élancèrent ensemble, l’un pour la ressaisir, l’autre pour s’en emparer ; mais d’Artagnan, plus leste, arriva le premier et mit le pied dessus.
Cahusac immediately ran to the Guardsman whom Aramis had killed, seized his rapier, and returned toward d'Artagnan; but on his way he met Athos, who during his relief which d'Artagnan had procured him had recovered his breath, and who, for fear that d'Artagnan would kill his enemy, wished to resume the fight.Cahusac courut à celui des gardes qu’avait tué Aramis, s’empara de sa rapière, et voulut revenir à d’Artagnan ; mais sur son chemin il rencontra Athos, qui, pendant cette pause d’un instant que lui avait procurée d’Artagnan, avait repris haleine, et qui, de crainte que d’Artagnan ne lui tuât son ennemi, voulait recommencer le combat.
D'Artagnan perceived that it would be disobliging Athos not to leave him alone; and in a few minutes Cahusac fell, with a sword thrust through his throat.D’Artagnan comprit que ce serait désobliger Athos que de ne pas le laisser faire. En effet, quelques secondes après, Cahusac tomba la gorge traversée d’un coup d’épée.
At the same instant Aramis placed his sword point on the breast of his fallen enemy, and forced him to ask for mercy.Au même instant, Aramis appuyait son épée contre la poitrine de son adversaire renversé, et le forçait à demander merci.
There only then remained Porthos and Biscarat. Porthos made a thousand flourishes, asking Biscarat what o'clock it could be, and offering him his compliments upon his brother's having just obtained a company in the regiment of Navarre; but, jest as he might, he gained nothing. Bicarat was one of those iron men who never fell dead.Restaient Porthos et Biscarat. Porthos faisait mille fanfaronnades, demandant à Biscarat quelle heure il pouvait bien être, et lui faisait ses compliments sur la compagnie que venait d’obtenir son frère dans le régiment de Navarre ; mais tout en raillant, il ne gagnait rien. Biscarat était un de ces hommes de fer qui ne tombent que morts.
Nevertheless, it was necessary to finish. The watch might come up and take all the combatants, wounded or not, royalists or cardinalists. Athos, Aramis, and d'Artagnan surrounded Biscarat, and required him to surrender. Though alone against all and with a wound in his thigh, Biscarat wished to hold out; but Jussac, who had risen upon his elbow, cried out to him to yield. Biscarat was a Gascon, as d'Artagnan was; he turned a deaf ear, and contented himself with laughing, and between two parries finding time to point to a spot of earth with his sword,Cependant il fallait en finir. Le guet pouvait arriver et prendre tous les combattants, blessés ou non, royalistes ou cardinalistes. Athos, Aramis et d’Artagnan entourèrent Biscarat et le sommèrent de se rendre. Quoique seul contre tous, et avec un coup d’épée qui lui traversait la cuisse, Biscarat voulait tenir ; mais Jussac, qui s’était élevé sur son coude, lui cria de se rendre. Biscarat était un Gascon comme d’Artagnan ; il fit la sourde oreille et se contenta de rire, et entre deux parades, trouvant le temps de désigner, du bout de son épée, une place à terre :
"Here," cried he, parodying a verse of the Bible, "here will Biscarat die; for I only am left, and they seek my life."« Ici, dit-il, parodiant un verset de la Bible, ici mourra Biscarat, seul de ceux qui sont avec lui.
"But there are four against you; leave off, I command you."– Mais ils sont quatre contre toi ; finis-en, je te l’ordonne.
"Ah, if you command me, that's another thing," said Biscarat. "As you are my commander, it is my duty to obey."– Ah ! si tu l’ordonnes, c’est autre chose, dit Biscarat, comme tu es mon brigadier, je dois obéir. »
And springing backward, he broke his sword across his knee to avoid the necessity of surrendering it, threw the pieces over the convent wall, and crossed his arms, whistling a cardinalist air.Et, faisant un bond en arrière, il cassa son épée sur son genou pour ne pas la rendre, en jeta les morceaux pardessus le mur du couvent et se croisa les bras en sifflant un air cardinaliste.
Bravery is always respected, even in an enemy. The Musketeers saluted Biscarat with their swords, and returned them to their sheaths. D'Artagnan did the same. Then, assisted by Biscarat, the only one left standing, he bore Jussac, Cahusac, and one of Aramis's adversaries who was only wounded, under the porch of the convent. The fourth, as we have said, was dead. They then rang the bell, and carrying away four swords out of five, they took their road, intoxicated with joy, toward the hotel of M. de Treville.La bravoure est toujours respectée, même dans un ennemi. Les mousquetaires saluèrent Biscarat de leurs épées et les remirent au fourreau. D’Artagnan en fit autant, puis, aidé de Biscarat, le seul qui fut resté debout, il porta sous le porche du couvent Jussac, Cahusac et celui des adversaires d’Aramis qui n’était que blessé. Le quatrième, comme nous l’avons dit, était mort. Puis ils sonnèrent la cloche, et, emportant quatre épées sur cinq, ils s’acheminèrent ivres de joie vers l’hôtel de M. de Tréville.
They walked arm in arm, occupying the whole width of the street and taking in every Musketeer they met, so that in the end it became a triumphal march. The heart of d'Artagnan swam in delirium; he marched between Athos and Porthos, pressing them tenderly.On les voyait entrelacés, tenant toute la largeur de la rue, et accostant chaque mousquetaire qu’ils rencontraient, si bien qu’à la fin ce fut une marche triomphale. Le cœur de d’Artagnan nageait dans l’ivresse, il marchait entre Athos et Porthos en les étreignant tendrement.
"If I am not yet a Musketeer," said he to his new friends, as he passed through the gateway of M. de Treville's hotel, "at least I have entered upon my apprenticeship, haven't I?" « Si je ne suis pas encore mousquetaire, dit-il à ses nouveaux amis en franchissant la porte de l’hôtel de M. de Tréville, au moins me voilà reçu apprenti, n’est-ce pas ? »
6 HIS MAJESTY KING LOUIS XIIICHAPITRE VI SA MAJESTÉ LE ROI LOUIS TREIZIÈME
This affair made a great noise. M. de Treville scolded his Musketeers in public, and congratulated them in private; but as no time was to be lost in gaining the king, M. de Treville hastened to report himself at the Louvre. It was already too late. The king was closeted with the cardinal, and M. de Treville was informed that the king was busy and could not receive him at that moment. In the evening M. de Treville attended the king's gaming table. The king was winning; and as he was very avaricious, he was in an excellent humor. Perceiving M. de Treville at a distance--L’affaire fit grand bruit. M. de Tréville gronda beaucoup tout haut contre ses mousquetaires, et les félicita tout bas ; mais comme il n’y avait pas de temps à perdre pour prévenir le roi, M. de Tréville s’empressa de se rendre au Louvre. Il était déjà trop tard, le roi était enfermé avec le cardinal, et l’on dit à M. de Tréville que le roi travaillait et ne pouvait recevoir en ce moment. Le soir, M. de Tréville vint au jeu du roi. Le roi gagnait, et comme Sa Majesté était fort avare, elle était d’excellente humeur ; aussi, du plus loin que le roi aperçut Tréville :
"Come here, Monsieur Captain," said he, "come here, that I may growl at you. Do you know that his Eminence has been making fresh complaints against your Musketeers, and that with so much emotion, that this evening his Eminence is indisposed? Ah, these Musketeers of yours are very devils--fellows to be hanged."« Venez ici, monsieur le capitaine, dit-il, venez que je vous gronde ; savez-vous que Son Éminence est venue me faire des plaintes sur vos mousquetaires, et cela avec une telle émotion, que ce soir Son Éminence en est malade ? Ah çà, mais ce sont des diables à quatre, des gens à pendre, que vos mousquetaires !
"No, sire," replied Treville, who saw at the first glance how things would go, "on the contrary, they are good creatures, as meek as lambs, and have but one desire, I'll be their warranty. And that is that their swords may never leave their scabbards but in your majesty's service. But what are they to do? The Guards of Monsieur the Cardinal are forever seeking quarrels with them, and for the honor of the corps even, the poor young men are obliged to defend themselves."– Non, Sire, répondit Tréville, qui vit du premier coup d’œil comment la chose allait tourner ; non, tout au contraire, ce sont de bonnes créatures, douces comme des agneaux, et qui n’ont qu’un désir, je m’en ferais garant : c’est que leur épée ne sorte du fourreau que pour le service de Votre Majesté. Mais, que voulez-vous, les gardes de M. le cardinal sont sans cesse à leur chercher querelle, et, pour l’honneur même du corps, les pauvres jeunes gens sont obligés de se défendre.
"Listen to M. de Treville," said the king; "listen to him! Would not one say he was speaking of a religious community? In truth, my dear Captain, I have a great mind to take away your commission and give it to Mademoiselle de Chemerault, to whom I promised an abbey. But don't fancy that I am going to take you on your bare word. I am called Louis the Just, Monsieur de Treville, and by and by, by and by we will see."– Écoutez M. de Tréville ! dit le roi, écoutez-le ! ne dirait-on pas qu’il parle d’une communauté religieuse ! En vérité, mon cher capitaine, j’ai envie de vous ôter votre brevet et de le donner à Mlle de Chémerault, à laquelle j’ai promis une abbaye. Mais ne pensez pas que je vous croirai ainsi sur parole. On m’appelle Louis le Juste, monsieur de Tréville, et tout à l’heure, tout à l’heure nous verrons.
"Ah, sire; it is because I confide in that justice that I shall wait patiently and quietly the good pleasure of your Majesty."– Ah ! c’est parce que je me fie à cette justice, Sire, que j’attendrai patiemment et tranquillement le bon plaisir de Votre Majesté.
"Wait, then, monsieur, wait," said the king; "I will not detain you long."– Attendez donc, monsieur, attendez donc, dit le roi, je ne vous ferai pas longtemps attendre. »
In fact, fortune changed; and as the king began to lose what he had won, he was not sorry to find an excuse for playing Charlemagne--if we may use a gaming phrase of whose origin we confess our ignorance. The king therefore arose a minute after, and putting the money which lay before him into his pocket, the major part of which arose from his winnings,En effet, la chance tournait, et comme le roi commençait à perdre ce qu’il avait gagné, il n’était pas fâché de trouver un prétexte pour faire – qu’on nous passe cette expression de joueur, dont, nous l’avouons, nous ne connaissons pas l’origine –, pour faire charlemagne. Le roi se leva donc au bout d’un instant, et mettant dans sa poche l’argent qui était devant lui et dont la majeure partie venait de son gain :
"La Vieuville," said he, "take my place; I must speak to M. de Treville on an affair of importance. Ah, I had eighty louis before me; put down the same sum, so that they who have lost may have nothing to complain of. Justice before everything."« La Vieuville, dit-il, prenez ma place, il faut que je parle à M. de Tréville pour affaire d’importance. Ah !… j’avais quatre-vingts louis devant moi ; mettez la même somme, afin que ceux qui ont perdu n’aient point à se plaindre. La justice avant tout. »
Then turning toward M. de Treville and walking with him toward the embrasure of a window,Puis, se retournant vers M. de Tréville et marchant avec lui vers l’embrasure d’une fenêtre :
"Well, monsieur," continued he, "you say it is his Eminence's Guards who have sought a quarrel with your Musketeers?"« Eh bien, monsieur, continua-t-il, vous dites que ce sont les gardes de l’Éminentissime qui ont été chercher querelle à vos mousquetaires ?
"Yes, sire, as they always do."– Oui, Sire, comme toujours.
"And how did the thing happen? Let us see, for you know, my dear Captain, a judge must hear both sides."– Et comment la chose est-elle venue, voyons ? car, vous le savez, mon cher capitaine, il faut qu’un juge écoute les deux parties.
"Good Lord! In the most simple and natural manner possible. Three of my best soldiers, whom your Majesty knows by name, and whose devotedness you have more than once appreciated, and who have, I dare affirm to the king, his service much at heart--three of my best soldiers, I say, Athos, Porthos, and Aramis, had made a party of pleasure with a young fellow from Gascony, whom I had introduced to them the same morning. The party was to take place at St. Germain, I believe, and they had appointed to meet at the Carmes-Deschaux, when they were disturbed by de Jussac, Cahusac, Biscarat, and two other Guardsmen, who certainly did not go there in such a numerous company without some ill intention against the edicts."– Ah ! mon Dieu ! de la façon la plus simple et la plus naturelle. Trois de mes meilleurs soldats, que Votre Majesté connaît de nom et dont elle a plus d’une fois apprécié le dévouement, et qui ont, je puis l’affirmer au roi, son service fort à cœur ; – trois de mes meilleurs soldats, dis-je, MM. Athos, Porthos et Aramis, avaient fait une partie de plaisir avec un jeune cadet de Gascogne que je leur avais recommandé le matin même. La partie allait avoir lieu à Saint-Germain, je crois, et ils s’étaient donné rendez-vous aux Carmes-Deschaux, lorsqu’elle fut troublée par M. de Jussac et MM. Cahusac, Biscarat, et deux autres gardes qui ne venaient certes pas là en si nombreuse compagnie sans mauvaise intention contre les édits.
"Ah, ah! You incline me to think so," said the king. "There is no doubt they went thither to fight themselves."– Ah ! ah ! vous m’y faites penser, dit le roi : sans doute, ils venaient pour se battre eux-mêmes.
"I do not accuse them, sire; but I leave your Majesty to judge what five armed men could possibly be going to do in such a deserted place as the neighborhood of the Convent des Carmes."– Je ne les accuse pas, Sire, mais je laisse Votre Majesté apprécier ce que peuvent aller faire cinq hommes armés dans un lieu aussi désert que le sont les environs du couvent des Carmes.
"Yes, you are right, Treville, you are right!"– Oui, vous avez raison, Tréville, vous avez raison.
"Then, upon seeing my Musketeers they changed their minds, and forgot their private hatred for partisan hatred; for your Majesty cannot be ignorant that the Musketeers, who belong to the king and nobody but the king, are the natural enemies of the Guardsmen, who belong to the cardinal."– Alors, quand ils ont vu mes mousquetaires, ils ont changé d’idée et ils ont oublié leur haine particulière pour la haine de corps ; car Votre Majesté n’ignore pas que les mousquetaires, qui sont au roi et rien qu’au roi, sont les ennemis naturels des gardes, qui sont à M. le cardinal.
"Yes, Treville, yes," said the king, in a melancholy tone; "and it is very sad, believe me, to see thus two parties in France, two heads to royalty. But all this will come to an end, Treville, will come to an end. You say, then, that the Guardsmen sought a quarrel with the Musketeers?"– Oui, Tréville, oui, dit le roi mélancoliquement, et c’est bien triste, croyez-moi, de voir ainsi deux partis en France, deux têtes à la royauté ; mais tout cela finira, Tréville, tout cela finira. Vous dites donc que les gardes ont cherché querelle aux mousquetaires ?
"I say that it is probable that things have fallen out so, but I will not swear to it, sire. You know how difficult it is to discover the truth; and unless a man be endowed with that admirable instinct which causes Louis XIII to be named the Just--"– Je dis qu’il est probable que les choses se sont passées ainsi, mais je n’en jure pas, Sire. Vous savez combien la vérité est difficile à connaître, et à moins d’être doué de cet instinct admirable qui a fait nommer Louis XIII le Juste…
"You are right, Treville; but they were not alone, your Musketeers. They had a youth with them?"– Et vous avez raison, Tréville ; mais ils n’étaient pas seuls, vos mousquetaires, il y avait avec eux un enfant ?
"Yes, sire, and one wounded man; so that three of the king's Musketeers--one of whom was wounded--and a youth not only maintained their ground against five of the most terrible of the cardinal's Guardsmen, but absolutely brought four of them to earth."– Oui, Sire, et un homme blessé, de sorte que trois mousquetaires du roi, dont un blessé, et un enfant, non seulement ont tenu tête à cinq des plus terribles gardes de M. le cardinal, mais encore en ont porté quatre à terre.
"Why, this is a victory!" cried the king, all radiant, "a complete victory!"– Mais c’est une victoire, cela ! s’écria le roi tout rayonnant ; une victoire complète !
"Yes, sire; as complete as that of the Bridge of Ce."– Oui, Sire, aussi complète que celle du pont de Cé.
"Four men, one of them wounded, and a youth, say you?"– Quatre hommes, dont un blessé, et un enfant, dites-vous ?
"One hardly a young man; but who, however, behaved himself so admirably on this occasion that I will take the liberty of recommending him to your Majesty."– Un jeune homme à peine ; lequel s’est même si parfaitement conduit en cette occasion, que je prendrai la liberté de le recommander à Votre Majesté.
"How does he call himself?"– Comment s’appelle-t-il ?
"d'Artagnan, sire; he is the son of one of my oldest friends--the son of a man who served under the king your father, of glorious memory, in the civil war."– D’Artagnan, Sire. C’est le fils d’un de mes plus anciens amis ; le fils d’un homme qui a fait avec le roi votre père, de glorieuse mémoire, la guerre de partisan.
"And you say this young man behaved himself well? Tell me how, Treville— you know how I delight in accounts of war and fighting."– Et vous dites qu’il s’est bien conduit, ce jeune homme ? Racontez-moi cela, Tréville ; vous savez que j’aime les récits de guerre et de combat. »
And Louis XIII twisted his mustache proudly, placing his hand upon his hip.Et le roi Louis XIII releva fièrement sa moustache en se posant sur la hanche.
"Sire," resumed Treville, "as I told you, Monsieur d'Artagnan is little more than a boy; and as he has not the honor of being a Musketeer, he was dressed as a citizen. The Guards of the cardinal, perceiving his youth and that he did not belong to the corps, invited him to retire before they attacked."« Sire, reprit Tréville, comme je vous l’ai dit M. d’Artagnan est presque un enfant, et comme il n’a pas l’honneur d’être mousquetaire, il était en habit bourgeois ; les gardes de M. le cardinal, reconnaissant sa grande jeunesse et, de plus, qu’il était étranger au corps, l’invitèrent donc à se retirer avant qu’ils attaquassent.
"So you may plainly see, Treville," interrupted the king, "it was they who attacked?"– Alors, vous voyez bien, Tréville, interrompit le roi, que ce sont eux qui ont attaqué.
"That is true, sire; there can be no more doubt on that head. They called upon him then to retire; but he answered that he was a Musketeer at heart, entirely devoted to your Majesty, and that therefore he would remain with Messieurs the Musketeers."– C’est juste, Sire : ainsi, plus de doute ; ils le sommèrent donc de se retirer ; mais il répondit qu’il était mousquetaire de cœur et tout à Sa Majesté, qu’ainsi donc il resterait avec messieurs les mousquetaires.
"Brave young man!" murmured the king.– Brave jeune homme ! murmura le roi.
"Well, he did remain with them; and your Majesty has in him so firm a champion that it was he who gave Jussac the terrible sword thrust which has made the cardinal so angry."– En effet, il demeura avec eux ; et Votre Majesté a là un si ferme champion, que ce fut lui qui donna à Jussac ce terrible coup d’épée qui met si fort en colère M. le cardinal.
"He who wounded Jussac!" cried the king, "he, a boy! Treville, that's impossible!"– C’est lui qui a blessé Jussac ? s’écria le roi ; lui, un enfant ! Ceci, Tréville, c’est impossible.
"It is as I have the honor to relate it to your Majesty."– C’est comme j’ai l’honneur de le dire à Votre Majesté.
"Jussac, one of the first swordsmen in the kingdom?"– Jussac, une des premières lames du royaume !
"Well, sire, for once he found his master."– Eh bien, Sire ! il a trouvé son maître.
"I will see this young man, Treville--I will see him; and if anything can be done--well, we will make it our business."– Je veux voir ce jeune homme, Tréville, je veux le voir, et si l’on peut faire quelque chose, eh bien, nous nous en occuperons.
"When will your Majesty deign to receive him?"– Quand Votre Majesté daignera-t-elle le recevoir ?
"Tomorrow, at midday, Treville."– Demain à midi, Tréville.
"Shall I bring him alone?"– L’amènerai-je seul ?
"No, bring me all four together. I wish to thank them all at once. Devoted men are so rare, Treville, and it is necessary to reward devotion."– Non, amenez-les-moi tous les quatre ensemble. Je veux les remercier tous à la fois ; les hommes dévoués sont rares, Tréville, et il faut récompenser le dévouement.
« At noon, sire, we will be at the Louvre. »– À midi, Sire, nous serons au Louvre.
« Ah ! by the back staircase, Treville, by the back staircase. It is useless to let the cardinal knows…– Ah ! par le petit escalier, Tréville, par le petit escalier. Il est inutile que le cardinal sache…
"Yes, sire."– Oui, Sire.
"You understand, Treville--an edict is still an edict, it is forbidden to fight, after all."– Vous comprenez, Tréville, un édit est toujours un édit ; il est défendu de se battre, au bout du compte.
"But this encounter, sire, is quite out of the ordinary conditions of a duel. It is a brawl; and the proof is that there were five of the cardinal's Guardsmen against my three Musketeers and Monsieur d'Artagnan."– Mais cette rencontre, Sire, sort tout à fait des conditions ordinaires d’un duel : c’est une rixe, et la preuve, c’est qu’ils étaient cinq gardes du cardinal contre mes trois mousquetaires et M. d’Artagnan.
"That is true," said the king; "but never mind, Treville, come still by the back staircase."– C’est juste, dit le roi ; mais n’importe, Tréville, venez toujours par le petit escalier. »
Treville smiled; but as it was indeed something to have prevailed upon this child to rebel against his master, he saluted the king respectfully, and with this agreement, took leave of him.Tréville sourit. Mais comme c’était déjà beaucoup pour lui d’avoir obtenu de cet enfant qu’il se révoltât contre son maître, il salua respectueusement le roi, et avec son agrément prit congé de lui.
That evening the three Musketeers were informed of the honor accorded them. As they had long been acquainted with the king, they were not much excited; but d'Artagnan, with his Gascon imagination, saw in it his future fortune, and passed the night in golden dreams. By eight o'clock in the morning he was at the apartment of Athos.Dès le soir même, les trois mousquetaires furent prévenus de l’honneur qui leur était accordé. Comme ils connaissaient depuis longtemps le roi, ils n’en furent pas trop échauffés : mais d’Artagnan, avec son imagination gasconne, y vit sa fortune à venir, et passa la nuit à faire des rêves d’or. Aussi, dès huit heures du matin, était-il chez Athos.
D'Artagnan found the Musketeer dressed and ready to go out. As the hour to wait upon the king was not till twelve, he had made a party with Porthos and Aramis to play a game at tennis in a tennis court situated near the stables of the Luxembourg. Athos invited d'Artagnan to follow them; and although ignorant of the game, which he had never played, he accepted, not knowing what to do with his time from nine o'clock in the morning, as it then scarcely was, till twelve.D’Artagnan trouva le mousquetaire tout habillé et prêt à sortir. Comme on n’avait rendez-vous chez le roi qu’à midi, il avait formé le projet, avec Porthos et Aramis, d’aller faire une partie de paume dans un tripot situé tout près des écuries du Luxembourg. Athos invita d’Artagnan à les suivre, et malgré son ignorance de ce jeu, auquel il n’avait jamais joué, celui-ci accepta, ne sachant que faire de son temps, depuis neuf heures du matin qu’il était à peine jusqu’à midi.
The two Musketeers were already there, and were playing together. Athos, who was very expert in all bodily exercises, passed with d'Artagnan to the opposite side and challenged them; but at the first effort he made, although he played with his left hand, he found that his wound was yet too recent to allow of such exertion. D'Artagnan remained, therefore, alone; and as he declared he was too ignorant of the game to play it regularly they only continued giving balls to one another without counting. But one of these balls, launched by Porthos' herculean hand, passed so close to d'Artagnan's face that he thought that if, instead of passing near, it had hit him, his audience would have been probably lost, as it would have been impossible for him to present himself before the king. Now, as upon this audience, in his Gascon imagination, depended his future life, he saluted Aramis and Porthos politely, declaring that he would not resume the game until he should be prepared to play with them on more equal terms, and went and took his place near the cord and in the gallery.Les deux mousquetaires étaient déjà arrivés et pelotaient ensemble. Athos, qui était très fort à tous les exercices du corps, passa avec d’Artagnan du côté opposé, et leur fit défi. Mais au premier mouvement qu’il essaya, quoiqu’il jouât de la main gauche, il comprit que sa blessure était encore trop récente pour lui permettre un pareil exercice. D’Artagnan resta donc seul, et comme il déclara qu’il était trop maladroit pour soutenir une partie en règle, on continua seulement à s’envoyer des balles sans compter le jeu. Mais une de ces balles, lancée par le poignet herculéen de Porthos, passa si près du visage de d’Artagnan, qu’il pensa que si, au lieu de passer à côté, elle eût donné dedans, son audience était probablement perdue, attendu qu’il lui eût été de toute impossibilité de se présenter chez le roi. Or, comme de cette audience, dans son imagination gasconne, dépendait tout son avenir, il salua poliment Porthos et Aramis, déclarant qu’il ne reprendrait la partie que lorsqu’il serait en état de leur tenir tête, et il s’en revint prendre place près de la corde et dans la galerie.
Unfortunately for d'Artagnan, among the spectators was one of his Eminence's Guardsmen, who, still irritated by the defeat of his companions, which had happened only the day before, had promised himself to seize the first opportunity of avenging it. He believed this opportunity was now come and addressed his neighbor:Malheureusement pour d’Artagnan, parmi les spectateurs se trouvait un garde de Son Éminence, lequel, tout échauffé encore de la défaite de ses compagnons, arrivée la veille seulement, s’était promis de saisir la première occasion de la venger. Il crut donc que cette occasion était venue, et s’adressant à son voisin :
"It is not astonishing that that young man should be afraid of a ball, for he is doubtless a Musketeer apprentice."« Il n’est pas étonnant, dit-il, que ce jeune homme ait eu peur d’une balle, c’est sans doute un apprenti mousquetaire. »
D'Artagnan turned round as if a serpent had stung him, and fixed his eyes intensely upon the Guardsman who had just made this insolent speech.D’Artagnan se retourna comme si un serpent l’eût mordu, et regarda fixement le garde qui venait de tenir cet insolent propos.
"PARDIEU," resumed the latter, twisting his mustache, "look at me as long as you like, my little gentleman! I have said what I have said."« Pardieu ! reprit celui-ci en frisant insolemment, sa moustache, regardez-moi tant que vous voudrez, mon petit monsieur, j’ai dit ce que j’ai dit.
"And as since that which you have said is too clear to require any explanation," replied d'Artagnan, in a low voice, "I beg you to follow me."– Et comme ce que vous avez dit est trop clair pour que vos paroles aient besoin d’explication, répondit d’Artagnan à voix basse, je vous prierai de me suivre.
"And when?" asked the Guardsman, with the same jeering air.– Et quand cela ? demanda le garde avec le même air railleur.
"At once, if you please."– Tout de suite, s’il vous plaît.
"And you know who I am, without doubt?"– Et vous savez qui je suis, sans doute ?
"I? I am completely ignorant; nor does it much disquiet me."–Moi, je l’ignore complètement, et je ne m’en inquiète guère.
"You're in the wrong there; for if you knew my name, perhaps you would not be so pressing."– Et vous avez tort, car, si vous saviez mon nom, peut-être seriez-vous moins pressé.
"What is your name?"– Comment vous appelez-vous ?
"Bernajoux, at your service."– Bernajoux, pour vous servir.
"Well, then, Monsieur Bernajoux," said d'Artagnan, tranquilly, "I will wait for you at the door."– Eh bien, monsieur Bernajoux, dit tranquillement d’Artagnan, je vais vous attendre sur la porte.
"Go, monsieur, I will follow you."– Allez, monsieur, je vous suis.
"Do not hurry yourself, monsieur, lest it be observed that we go out together. You must be aware that for our undertaking, company would be in the way."– Ne vous pressez pas trop, monsieur, qu’on ne s’aperçoive pas que nous sortons ensemble ; vous comprenez que pour ce que nous allons faire, trop de monde nous gênerait.
"That's true," said the Guardsman, astonished that his name had not produced more effect upon the young man.– C’est bien », répondit le garde, étonné que son nom n’eût pas produit plus d’effet sur le jeune homme.
Indeed, the name of Bernajoux was known to all the world, d'Artagnan alone excepted, perhaps; for it was one of those which figured most frequently in the daily brawls which all the edicts of the cardinal could not repress.En effet, le nom de Bernajoux était connu de tout le monde, de d’Artagnan seul excepté, peut-être ; car c’était un de ceux qui figuraient le plus souvent dans les rixes journalières que tous les édits du roi et du cardinal n’avaient pu réprimer.
Porthos and Aramis were so engaged with their game, and Athos was watching them with so much attention, that they did not even perceive their young companion go out, who, as he had told the Guardsman of his Eminence, stopped outside the door. An instant after, the Guardsman descended in his turn. As d'Artagnan had no time to lose, on account of the audience of the king, which was fixed for midday, he cast his eyes around, and seeing that the street was empty, said to his adversary,Porthos et Aramis étaient si occupés de leur partie, et Athos les regardait avec tant d’attention, qu’ils ne virent pas même sortir leur jeune compagnon, lequel, ainsi qu’il l’avait dit au garde de Son Éminence, s’arrêta sur la porte ; un instant après, celui-ci descendit à son tour. Comme d’Artagnan n’avait pas de temps à perdre, vu l’audience du roi qui était fixée à midi, il jeta les yeux autour de lui, et voyant que la rue était déserte :
"My faith! It is fortunate for you, although your name is Bernajoux, to have only to deal with an apprentice Musketeer. Never mind; be content, I will do my best. On guard!"« Ma foi, dit-il à son adversaire, il est bien heureux pour vous, quoique vous vous appeliez Bernajoux, de n’avoir affaire qu’à un apprenti mousquetaire ; cependant, soyez tranquille, je ferai de mon mieux. En garde !
"But," said he whom d'Artagnan thus provoked, "it appears to me that this place is badly chosen, and that we should be better behind the Abbey St. Germain or in the Pre-aux-Clercs."– Mais, dit celui que d’Artagnan provoquait ainsi, il me semble que le lieu est assez mal choisi, et que nous serions mieux derrière l’abbaye de Saint-Germain ou dans le Pré-aux-Clercs.
"What you say is full of sense," replied d'Artagnan; "but unfortunately I have very little time to spare, having an appointment at twelve precisely. On guard, then, monsieur, on guard!"– Ce que vous dites est plein de sens, répondit d’Artagnan ; malheureusement j’ai peu de temps à moi, ayant un rendez-vous à midi juste. En garde donc, monsieur, en garde ! »
Bernajoux was not a man to have such a compliment paid to him twice. In an instant his sword glittered in his hand, and he sprang upon his adversary, whom, thanks to his great youthfulness, he hoped to intimidate.Bernajoux n’était pas homme à se faire répéter deux fois un pareil compliment. Au même instant son épée brilla à sa main, et il fondit sur son adversaire que, grâce à sa grande jeunesse, il espérait intimider.
But d'Artagnan had on the preceding day served his apprenticeship. Fresh sharpened by his victory, full of hopes of future favor, he was resolved not to recoil a step. So the two swords were crossed close to the hilts, and as d'Artagnan stood firm, it was his adversary who made the retreating step; but d'Artagnan seized the moment at which, in this movement, the sword of Bernajoux deviated from the line. He freed his weapon, made a lunge, and touched his adversary on the shoulder. d'Artagnan immediately made a step backward and raised his sword; but Bernajoux cried out that it was nothing, and rushing blindly upon him, absolutely spitted himself upon d'Artagnan's sword. As, however, he did not fall, as he did not declare himself conquered, but only broke away toward the hotel of M. de la Tremouille, in whose service he had a relative, d'Artagnan was ignorant of the seriousness of the last wound his adversary had received, and pressing him warmly, without doubt would soon have completed his work with a third blow, when the noise which arose from the street being heard in the tennis court, two of the friends of the Guardsman, who had seen him go out after exchanging some words with d'Artagnan, rushed, sword in hand, from the court, and fell upon the conqueror. But Athos, Porthos, and Aramis quickly appeared in their turn, and the moment the two Guardsmen attacked their young companion, drove them back. Bernajoux now fell, and as the Guardsmen were only two against four, they began to cry, "To the rescue! The Hotel de la Tremouille!" At these cries, all who were in the hotel rushed out and fell upon the four companions, who on their side cried aloud, "To the rescue, Musketeers!"Mais d’Artagnan avait fait la veille son apprentissage, et tout frais émoulu de sa victoire, tout gonflé de sa future faveur, il était résolu à ne pas reculer d’un pas : aussi les deux fers se trouvèrent-ils engagés jusqu’à la garde, et comme d’Artagnan tenait ferme à sa place, ce fut son adversaire qui fit un pas de retraite. Mais d’Artagnan saisit le moment où, dans ce mouvement, le fer de Bernajoux déviait de la ligne, il dégagea, se fendit et toucha son adversaire à l’épaule. Aussitôt d’Artagnan, à son tour, fit un pas de retraite et releva son épée ; mais Bernajoux lui cria que ce n’était rien, et se fendant aveuglément sur lui, il s’enferra de lui-même. Cependant, comme il ne tombait pas, comme il ne se déclarait pas vaincu, mais que seulement il rompait du côté de l’hôtel de M. de La Trémouille au service duquel il avait un parent, d’Artagnan, ignorant lui-même la gravité de la dernière blessure que son adversaire avait reçue, le pressait vivement, et sans doute allait l’achever d’un troisième coup, lorsque la rumeur qui s’élevait de la rue s’étant étendue jusqu’au jeu de paume, deux des amis du garde, qui l’avaient entendu échanger quelques paroles avec d’Artagnan et qui l’avaient vu sortir à la suite de ces paroles, se précipitèrent l’épée à la main hors du tripot et tombèrent sur le vainqueur. Mais aussitôt Athos, Porthos et Aramis parurent à leur tour et au moment où les deux gardes attaquaient leur jeune camarade, les forcèrent à se retourner. En ce moment Bernajoux tomba ; et comme les gardes étaient seulement deux contre quatre, ils se mirent à crier : « À nous, l’hôtel de La Trémouille ! » À ces cris, tout ce qui était dans l’hôtel sortit, se ruant sur les quatre compagnons, qui de leur côté se mirent à crier : « À nous, mousquetaires ! »
This cry was generally heeded; for the Musketeers were known to be enemies of the cardinal, and were beloved on account of the hatred they bore to his Eminence. Thus the soldiers of other companies than those which belonged to the Red Duke, as Aramis had called him, often took part with the king's Musketeers in these quarrels. Of three Guardsmen of the company of M. Dessessart who were passing, two came to the assistance of the four companions, while the other ran toward the hotel of M. de Treville, crying, "To the rescue, Musketeers! To the rescue!" As usual, this hotel was full of soldiers of this company, who hastened to the succor of their comrades. The MELEE became general, but strength was on the side of the Musketeers. The cardinal's Guards and M. de la Tremouille's people retreated into the hotel, the doors of which they closed just in time to prevent their enemies from entering with them. As to the wounded man, he had been taken in at once, and, as we have said, in a very bad state.Ce cri était ordinairement entendu ; car on savait les mousquetaires ennemis de Son Éminence, et on les aimait pour la haine qu’ils portaient au cardinal. Aussi les gardes des autres compagnies que celles appartenant au duc Rouge, comme l’avait appelé Aramis, prenaient-ils en général parti dans ces sortes de querelles pour les mousquetaires du roi. De trois gardes de la compagnie de M. des Essarts qui passaient, deux vinrent donc en aide aux quatre compagnons, tandis que l’autre courait à l’hôtel de M. de Tréville, criant : « À nous, mousquetaires, à nous ! » Comme d’habitude, l’hôtel de M. de Tréville était plein de soldats de cette arme, qui accoururent au secours de leurs camarades ; la mêlée devint générale, mais la force était aux mousquetaires : les gardes du cardinal et les gens de M. de La Trémouille se retirèrent dans l’hôtel, dont ils fermèrent les portes assez à temps pour empêcher que leurs ennemis n’y fissent irruption en même temps qu’eux. Quant au blessé, il y avait été tout d’abord transporté et, comme nous l’avons dit, en fort mauvais état.
Excitement was at its height among the Musketeers and their allies, and they even began to deliberate whether they should not set fire to the hotel to punish the insolence of M. de la Tremouille's domestics in daring to make a SORTIE upon the king's Musketeers. The proposition had been made, and received with enthusiasm, when fortunately eleven o'clock struck. D'Artagnan and his companions remembered their audience, and as they would very much have regretted that such an opportunity should be lost, they succeeded in calming their friends, who contented themselves with hurling some paving stones against the gates; but the gates were too strong. They soon tired of the sport. Besides, those who must be considered the leaders of the enterprise had quit the group and were making their way toward the hotel of M. de Treville, who was waiting for them, already informed of this fresh disturbance.L’agitation était à son comble parmi les mousquetaires et leurs alliés, et l’on délibérait déjà si, pour punir l’insolence qu’avaient eue les domestiques de M. de La Trémouille de faire une sortie sur les mousquetaires du roi, on ne mettrait pas le feu à son hôtel. La proposition en avait été faite et accueillie avec enthousiasme, lorsque heureusement onze heures sonnèrent ; d’Artagnan et ses compagnons se souvinrent de leur audience, et comme ils eussent regretté que l’on fît un si beau coup sans eux, ils parvinrent à calmer les têtes. On se contenta donc de jeter quelques pavés dans les portes, mais les portes résistèrent : alors on se lassa ; d’ailleurs ceux qui devaient être regardés comme les chefs de l’entreprise avaient depuis un instant quitté le groupe et s’acheminaient vers l’hôtel de M. de Tréville, qui les attendait, déjà au courant de cette algarade.
"Quick to the Louvre," said he, "to the Louvre without losing an instant, and let us endeavor to see the king before he is prejudiced by the cardinal. We will describe the thing to him as a consequence of the affair of yesterday, and the two will pass off together."« Vite, au Louvre, dit-il, au Louvre sans perdre un instant, et tâchons de voir le roi avant qu’il soit prévenu par le cardinal ; nous lui raconterons la chose comme une suite de l’affaire d’hier, et les deux passeront ensemble. »
M. de Treville, accompanied by the four young fellows, directed his course toward the Louvre; but to the great astonishment of the captain of the Musketeers, he was informed that the king had gone stag hunting in the forest of St. Germain. M. de Treville required this intelligence to be repeated to him twice, and each time his companions saw his brow become darker.M. de Tréville, accompagné des quatre jeunes gens, s’achemina donc vers le Louvre ; mais, au grand étonnement du capitaine des mousquetaires, on lui annonça que le roi était allé courre le cerf dans la forêt de Saint-Germain. M. de Tréville se fit répéter deux fois cette nouvelle, et à chaque fois ses compagnons virent son visage se rembrunir.
"Had his Majesty," asked he, "any intention of holding this hunting party yesterday?"« Est-ce que Sa Majesté, demanda-t-il, avait dès hier le projet de faire cette chasse ?
"No, your Excellency," replied the valet de chambre, "the Master of the Hounds came this morning to inform him that he had marked down a stag. At first the king answered that he would not go; but he could not resist his love of sport, and set out after dinner."– Non, Votre Excellence, répondit le valet de chambre, c’est le grand veneur qui est venu lui annoncer ce matin qu’on avait détourné cette nuit un cerf à son intention. Il a d’abord répondu qu’il n’irait pas, puis il n’a pas su résister au plaisir que lui promettait cette chasse, et après le dîner il est parti.
"And the king has seen the cardinal?" asked M. de Treville.– Et le roi a-t-il vu le cardinal ? demanda M. de Tréville.
"In all probability he has," replied the valet, "for I saw the horses harnessed to his Eminence's carriage this morning, and when I asked where he was going, they told me, "To St. Germain.'"– Selon toute probabilité, répondit le valet de chambre, car j’ai vu ce matin les chevaux au carrosse de Son Éminence, j’ai demandé où elle allait, et l’on m’a répondu : “À Saint-Germain.”
"He is beforehand with us," said M. de Treville. "Gentlemen, I will see the king this evening; but as to you, I do not advise you to risk doing so."– Nous sommes prévenus, dit M. de Tréville, messieurs, je verrai le roi ce soir ; mais quant à vous, je ne vous conseille pas de vous y hasarder. »
This advice was too reasonable, and moreover came from a man who knew the king too well, to allow the four young men to dispute it. M. de Treville recommended everyone to return home and wait for news.L’avis était trop raisonnable et surtout venait d’un homme qui connaissait trop bien le roi, pour que les quatre jeunes gens essayassent de le combattre. M. de Tréville les invita donc à rentrer chacun chez eux et à attendre de ses nouvelles.
On entering his hotel, M. de Treville thought it best to be first in making the complaint. He sent one of his servants to M. de la Tremouille with a letter in which he begged of him to eject the cardinal's Guardsmen from his house, and to reprimand his people for their audacity in making SORTIE against the king's Musketeers. But M. de la Tremouille--already prejudiced by his esquire, whose relative, as we already know, Bernajoux was-replied that it was neither for M. de Treville nor the Musketeers to complain, but, on the contrary, for him, whose people the Musketeers had assaulted and whose hotel they had endeavored to burn. Now, as the debate between these two nobles might last a long time, each becoming, naturally, more firm in his own opinion, M. de Treville thought of an expedient which might terminate it quietly. This was to go himself to M. de la Tremouille.En entrant à son hôtel, M. de Tréville songea qu’il fallait prendre date en portant plainte le premier. Il envoya un de ses domestiques chez M. de La Trémouille avec une lettre dans laquelle il le priait de mettre hors de chez lui le garde de M. le cardinal, et de réprimander ses gens de l’audace qu’ils avaient eue de faire leur sortie contre les mousquetaires. Mais M. de La Trémouille, déjà prévenu par son écuyer dont, comme on le sait, Bernajoux était le parent, lui fit répondre que ce n’était ni à M. de Tréville, ni à ses mousquetaires de se plaindre, mais bien au contraire à lui dont les mousquetaires avaient chargé les gens et voulu brûler l’hôtel. Or, comme le débat entre ces deux seigneurs eût pu durer longtemps, chacun devant naturellement s’entêter dans son opinion, M. de Tréville avisa un expédient qui avait pour but de tout terminer : c’était d’aller trouver lui-même M. de La Trémouille.
He repaired, therefore, immediately to his hotel, and caused himself to be announced.Il se rendit donc aussitôt à son hôtel et se fit annoncer.
The two nobles saluted each other politely, for if no friendship existed between them, there was at least esteem. Both were men of courage and honor; and as M. de la Tremouille--a Protestant, and seeing the king seldom--was of no party, he did not, in general, carry any bias into his social relations. This time, however, his address, although polite, was cooler than usual.Les deux seigneurs se saluèrent poliment, car, s’il n’y avait pas amitié entre eux, il y avait du moins estime. Tous deux étaient gens de cœur et d’honneur ; et comme M. de La Trémouille, protestant, et voyant rarement le roi, n’était d’aucun parti, il n’apportait en général dans ses relations sociales aucune prévention. Cette fois, néanmoins, son accueil quoique poli fut plus froid que d’habitude.
"Monsieur," said M. de Treville, "we fancy that we have each cause to complain of the other, and I have come to endeavor to clear up this affair."« Monsieur, dit M. de Tréville, nous croyons avoir à nous plaindre chacun l’un de l’autre, et je suis venu moi-même pour que nous tirions de compagnie cette affaire au clair.
"I have no objection," replied M. de la Tremouille, "but I warn you that I am well informed, and all the fault is with your Musketeers."– Volontiers, répondit M. de La Trémouille ; mais je vous préviens que je suis bien renseigné, et tout le tort est à vos mousquetaires.
"You are too just and reasonable a man, monsieur!" said Treville, "not to accept the proposal I am about to make to you."– Vous êtes un homme trop juste et trop raisonnable, monsieur, dit M. de Tréville, pour ne pas accepter la proposition que je vais faire.
"Make it, monsieur, I listen."– Faites, monsieur, j’écoute.
"How is Monsieur Bernajoux, your esquire's relative?"– Comment se trouve M. Bernajoux, le parent de votre écuyer ?
"Why, monsieur, very ill indeed! In addition to the sword thrust in his arm, which is not dangerous, he has received another right through his lungs, of which the doctor says bad things."– Mais, monsieur, fort mal. Outre le coup d’épée qu’il a reçu dans le bras, et qui n’est pas autrement dangereux, il en a encore ramassé un autre qui lui a traversé le poumon, de sorte que le médecin en dit de pauvres choses.
"But has the wounded man retained his senses?"– Mais le blessé a-t-il conservé sa connaissance ?
"Perfectly."– Parfaitement.
"Does he talk?"– Parle-t-il ?
"With difficulty, but he can speak."– Avec difficulté, mais il parle.
"Well, monsieur, let us go to him. Let us adjure him, in the name of the God before whom he must perhaps appear, to speak the truth. I will take him for judge in his own cause, monsieur, and will believe what he will say."– Eh bien, monsieur ! rendons-nous près de lui ; adjurons-le, au nom du Dieu devant lequel il va être appelé peut-être, de dire la vérité. Je le prends pour juge dans sa propre cause, monsieur, et ce qu’il dira je le croirai. »
M. de la Tremouille reflected for an instant; then as it was difficult to suggest a more reasonable proposal, he agreed to it.M. de La Trémouille réfléchit un instant, puis, comme il était difficile de faire une proposition plus raisonnable, il accepta.
Both descended to the chamber in which the wounded man lay. The latter, on seeing these two noble lords who came to visit him, endeavored to raise himself up in his bed; but he was too weak, and exhausted by the effort, he fell back again almost senseless.Tous deux descendirent dans la chambre où était le blessé. Celui-ci, en voyant entrer ces deux nobles seigneurs qui venaient lui faire visite, essaya de se relever sur son lit, mais il était trop faible, et, épuisé par l’effort qu’il avait fait, il retomba presque sans connaissance.
M. de la Tremouille approached him, and made him inhale some salts, which recalled him to life. Then M. de Treville, unwilling that it should be thought that he had influenced the wounded man, requested M. de la Tremouille to interrogate him himself.M. de La Trémouille s’approcha de lui et lui fit respirer des sels qui le rappelèrent à la vie. Alors M. de Tréville, ne voulant pas qu’on pût l’accuser d’avoir influencé le malade, invita M. de La Trémouille à l’interroger lui-même.
That happened which M. de Treville had foreseen. Placed between life and death, as Bernajoux was, he had no idea for a moment of concealing the truth; and he described to the two nobles the affair exactly as it had passed.Ce qu’avait prévu M. de Tréville arriva. Placé entre la vie et la mort comme l’était Bernajoux, il n’eut pas même l’idée de taire un instant la vérité, et il raconta aux deux seigneurs les choses exactement, telles qu’elles s’étaient passées.
This was all that M. de Treville wanted. He wished Bernajoux a speedy convalescence, took leave of M. de la Tremouille, returned to his hotel, and immediately sent word to the four friends that he awaited their company at dinner.C’était tout ce que voulait M. de Tréville ; il souhaita à Bernajoux une prompte convalescence, prit congé de M. de La Trémouille, rentra à son hôtel et fit aussitôt prévenir les quatre amis qu’il les attendait à dîner.
M. de Treville entertained good company, wholly anticardinalst, though. It may easily be understood, therefore, that the conversation during the whole of dinner turned upon the two checks that his Eminence's Guardsmen had received. Now, as d'Artagnan had been the hero of these two fights, it was upon him that all the felicitations fell, which Athos, Porthos, and Aramis abandoned to him, not only as good comrades, but as men who had so often had their turn that could very well afford him his.M. de Tréville recevait fort bonne compagnie, toute anticardinaliste d’ailleurs. On comprend donc que la conversation roula pendant tout le dîner sur les deux échecs que venaient d’éprouver les gardes de Son Éminence. Or, comme d’Artagnan avait été le héros de ces deux journées, ce fut sur lui que tombèrent toutes les félicitations, qu’Athos, Porthos et Aramis lui abandonnèrent non seulement en bons camarades, mais en hommes qui avaient eu assez souvent leur tour pour qu’ils lui laissassent le sien.
Toward six o'clock M. de Treville announced that it was time to go to the Louvre; but as the hour of audience granted by his Majesty was past, instead of claiming the ENTREE by the back stairs, he placed himself with the four young men in the antechamber. The king had not yet returned from hunting. Our young men had been waiting about half an hour, amid a crowd of courtiers, when all the doors were thrown open, and his Majesty was announced.Vers six heures, M. de Tréville annonça qu’il était tenu d’aller au Louvre ; mais comme l’heure de l’audience accordée par Sa Majesté était passée, au lieu de réclamer l’entrée par le petit escalier, il se plaça avec les quatre jeunes gens dans l’antichambre. Le roi n’était pas encore revenu de la chasse. Nos jeunes gens attendaient depuis une demi-heure à peine, mêlés à la foule des courtisans, lorsque toutes les portes s’ouvrirent et qu’on annonça Sa Majesté.
At his announcement d'Artagnan felt himself tremble to the very marrow of his bones. The coming instant would in all probability decide the rest of his life. His eyes therefore were fixed in a sort of agony upon the door through which the king must enter.À cette annonce, d’Artagnan se sentit frémir jusqu’à la moelle des os. L’instant qui allait suivre devait, selon toute probabilité, décider du reste de sa vie. Aussi ses yeux se fixèrent-ils avec angoisse sur la porte par laquelle devait entrer le roi.
Louis XIII appeared, walking fast. He was in hunting costume covered with dust, wearing large boots, and holding a whip in his hand. At the first glance, d'Artagnan judged that the mind of the king was stormy.Louis XIII parut, marchant le premier ; il était en costume de chasse, encore tout poudreux, ayant de grandes bottes et tenant un fouet à la main. Au premier coup d’œil, d’Artagnan jugea que l’esprit du roi était à l’orage.
This disposition, visible as it was in his Majesty, did not prevent the courtiers from ranging themselves along his pathway. In royal antechambers it is worth more to be viewed with an angry eye than not to be seen at all. The three Musketeers therefore did not hesitate to make a step forward. D'Artagnan on the contrary remained concealed behind them; but although the king knew Athos, Porthos, and Aramis personally, he passed before them without speaking or looking--indeed, as if he had never seen them before. As for M. de Treville, when the eyes of the king fell upon him, he sustained the look with so much firmness that it was the king who dropped his eyes; after which his Majesty, grumbling, entered his apartment.Cette disposition, toute visible qu’elle était chez Sa Majesté, n’empêcha pas les courtisans de se ranger sur son passage : dans les antichambres royales, mieux vaut encore être vu d’un œil irrité que de n’être pas vu du tout. Les trois mousquetaires n’hésitèrent donc pas, et firent un pas en avant, tandis que d’Artagnan au contraire restait caché derrière eux ; mais quoique le roi connût personnellement Athos, Porthos et Aramis, il passa devant eux sans les regarder, sans leur parler et comme s’il ne les avait jamais vus. Quant à M. de Tréville, lorsque les yeux du roi s’arrêtèrent un instant sur lui, il soutint ce regard avec tant de fermeté, que ce fut le roi qui détourna la vue ; après quoi, tout en grommelant, Sa Majesté rentra dans son appartement.
"Matters go but badly," said Athos, smiling; "and we shall not be made Chevaliers of the Order this time."« Les affaires vont mal, dit Athos en souriant, et nous ne serons pas encore fait chevaliers de l’ordre cette fois-ci.
"Wait here ten minutes," said M. de Treville; "and if at the expiration of ten minutes you do not see me come out, return to my hotel, for it will be useless for you to wait for me longer."– Attendez ici dix minutes, dit M. de Tréville ; et si au bout de dix minutes vous ne me voyez pas sortir, retournez à mon hôtel : car il sera inutile que vous m’attendiez plus longtemps. »
The four young men waited ten minutes, a quarter of an hour, twenty minutes; and seeing that M. de Treville did not return, went away very uneasy as to what was going to happen.Les quatre jeunes gens attendirent dix minutes, un quart d’heure, vingt minutes ; et voyant que M. de Tréville ne reparaissait point, ils sortirent fort inquiets de ce qui allait arriver.
M. de Treville entered the king's cabinet boldly, and found his Majesty in a very ill humor, seated on an armchair, beating his boot with the handle of his whip. This, however, did not prevent his asking, with the greatest coolness, after his Majesty's health.M. de Tréville était entré hardiment dans le cabinet du roi, et avait trouvé Sa Majesté de très méchante humeur, assise sur un fauteuil et battant ses bottes du manche de son fouet, ce qui ne l’avait pas empêché de lui demander avec le plus grand flegme des nouvelles de sa santé.
"Bad, monsieur, bad!" replied the king; "I am bored."« Mauvaise, monsieur, mauvaise, répondit le roi, je m’ennuie. »
This was, in fact, the worst complaint of Louis XIII, who would sometimes take one of his courtiers to a window and say, "Monsieur So-and-so, let us weary ourselves together."C’était en effet la pire maladie de Louis XIII, qui souvent prenait un de ses courtisans, l’attirait à une fenêtre et lui disait : « Monsieur un tel, ennuyons-nous ensemble. »
"How! Your Majesty is bored? Have you not enjoyed the pleasures of the chase today?"« Comment ! Votre Majesté s’ennuie ! dit M. de Tréville. N’a-t-elle donc pas pris aujourd’hui le plaisir de la chasse ?
"A fine pleasure, indeed, monsieur! Upon my soul, everything degenerates; and I don't know whether it is the game which leaves no scent, or the dogs that have no noses. We started a stag of ten branches. We chased him for six hours, and when he was near being taken--when St.-Simon was already putting his horn to his mouth to sound the mort--crack, all the pack takes the wrong scent and sets off after a two-year-older. I shall be obliged to give up hunting, as I have given up hawking. Ah, I am an unfortunate king, Monsieur de Treville! I had but one gerfalcon, and he died day before yesterday."– Beau plaisir, monsieur ! Tout dégénère, sur mon âme, et je ne sais si c’est le gibier qui n’a plus de voie ou les chiens qui n’ont plus de nez. Nous lançons un cerf dix cors, nous le courons six heures, et quand il est prêt à tenir, quand Saint-Simon met déjà le cor à sa bouche pour sonner l’hallali, crac ! toute la meute prend le change et s’emporte sur un daguet. Vous verrez que je serai obligé de renoncer à la chasse à courre comme j’ai renoncé à la chasse au vol. Ah ! je suis un roi bien malheureux, monsieur de Tréville ! je n’avais plus qu’un gerfaut, et il est mort avant-hier.
"Indeed, sire, I wholly comprehend your disappointment. The misfortune is great; but I think you have still a good number of falcons, sparrow hawks, and tiercets."– En effet, Sire, je comprends votre désespoir, et le malheur est grand ; mais il vous reste encore, ce me semble, bon nombre de faucons, d’éperviers et de tiercelets.
"And not a man to instruct them. Falconers are declining. I know no one but myself who is acquainted with the noble art of venery. After me it will all be over, and people will hunt with gins, snares, and traps. If I had but the time to train pupils! But there is the cardinal always at hand, who does not leave me a moment's repose; who talks to me about Spain, who talks to me about Austria, who talks to me about England! Ah! A PROPOS of the cardinal, Monsieur de Treville, I am vexed with you!"– Et pas un homme pour les instruire, les fauconniers s’en vont, il n’y a plus que moi qui connaisse l’art de la vénerie. Après moi tout sera dit, et l’on chassera avec des traquenards, des pièges, des trappes. Si j’avais le temps encore de former des élèves ! mais oui, M. le cardinal est là qui ne me laisse pas un instant de repos, qui me parle de l’Espagne, qui me parle de l’Autriche, qui me parle de l’Angleterre ! Ah ! à propos de M. le cardinal, monsieur de Tréville, je suis mécontent de vous. »
This was the chance at which M. de Treville waited for the king. He knew the king of old, and he knew that all these complaints were but a preface--a sort of excitation to encourage himself--and that he had now come to his point at last.M. de Tréville attendait le roi à cette chute. Il connaissait le roi de longue main ; il avait compris que toutes ses plaintes n’étaient qu’une préface, une espèce d’excitation pour s’encourager lui-même, et que c’était où il était arrivé enfin qu’il en voulait venir.
"And in what have I been so unfortunate as to displease your Majesty?" asked M. de Treville, feigning the most profound astonishment.« Et en quoi ai-je été assez malheureux pour déplaire à Votre Majesté ? demanda M. de Tréville en feignant le plus profond étonnement.
"Is it thus you perform your charge, monsieur?" continued the king, without directly replying to de Treville's question. "Is it for this I name you captain of my Musketeers, that they should assassinate a man, disturb a whole quarter, and endeavor to set fire to Paris, without your saying a word? But yet," continued the king, "undoubtedly my haste accuses you wrongfully; without doubt the rioters are in prison, and you come to tell me justice is done."– Est-ce ainsi que vous faites votre charge, monsieur ? continua le roi sans répondre directement à la question de M. de Tréville ; est-ce pour cela que je vous ai nommé capitaine de mes mousquetaires, que ceux-ci assassinent un homme, émeuvent tout un quartier et veulent brûler Paris sans que vous en disiez un mot ? Mais, au reste, continua le roi, sans doute que je me hâte de vous accuser, sans doute que les perturbateurs sont en prison et que vous venez m’annoncer que justice est faite.
"Sire," replied M. de Treville, calmly, "on the contrary, I come to demand it of you."– Sire, répondit tranquillement M. de Tréville, je viens vous la demander au contraire.
"And against whom?" cried the king.– Et contre qui ? s’écria le roi.
"Against calumniators," said M. de Treville.– Contre les calomniateurs, dit M. de Tréville.
"Ah! This is something new," replied the king. "Will you tell me that your three damned Musketeers, Athos, Porthos, and Aramis, and your youngster from Bearn, have not fallen, like so many furies, upon poor Bernajoux, and have not maltreated him in such a fashion that probably by this time he is dead? Will you tell me that they did not lay siege to the hotel of the Duc de la Tremouille, and that they did not endeavor to burn it?--which would not, perhaps, have been a great misfortune in time of war, seeing that it is nothing but a nest of Huguenots, but which is, in time of peace, a frightful example. Tell me, now, can you deny all this?"– Ah ! voilà qui est nouveau, reprit le roi. N’allez-vous pas dire que vos trois mousquetaires damnés, Athos, Porthos et Aramis et votre cadet de Béarn, ne se sont pas jetés comme des furieux sur le pauvre Bernajoux, et ne l’ont pas maltraité de telle façon qu’il est probable qu’il est en train de trépasser à cette heure ! N’allez-vous pas dire qu’ensuite ils n’ont pas fait le siège de l’hôtel du duc de La Trémouille, et qu’ils n’ont point voulu le brûler ! ce qui n’aurait peut-être pas été un très grand malheur en temps de guerre, vu que c’est un nid de huguenots, mais ce qui, en temps de paix, est un fâcheux exemple. Dites, n’allez-vous pas nier tout cela ?
"And who told you this fine story, sire?" asked Treville, quietly.– Et qui vous a fait ce beau récit, Sire ? demanda tranquillement M. de Tréville.
"Who has told me this fine story, monsieur? Who should it be but he who watches while I sleep, who labors while I amuse myself, who conducts everything at home and abroad--in France as in Europe?"– Qui m’a fait ce beau récit, monsieur ! et qui voulez-vous que ce soit, si ce n’est celui qui veille quand je dors qui travaille quand je m’amuse, qui mène tout au-dedans et au-dehors du royaume, en France comme en Europe ?
"Your Majesty probably refers to God," said M. de Treville; "for I know no one except God who can be so far above your Majesty."– Sa Majesté veut parler de Dieu, sans doute, dit M. de Tréville, car je ne connais que Dieu qui soit si fort au-dessus de Sa Majesté.
"No, monsieur; I speak of the prop of the state, of my only servant, of my only friend— of the cardinal."– Non monsieur ; je veux parler du soutien de l’État, de mon seul serviteur, de mon seul ami, de M. le cardinal.
"His Eminence is not his holiness, sire."– Son Éminence n’est pas Sa Sainteté, Sire.
"What do you mean by that, monsieur?"– Qu’entendez-vous par là, monsieur ?
"That it is only the Pope who is infallible, and that this infallibility does not extend to cardinals."– Qu’il n’y a que le pape qui soit infaillible, et que cette infaillibilité ne s’étend pas aux cardinaux.
"You mean to say that he deceives me; you mean to say that he betrays me? You accuse him, then? Come, speak; avow freely that you accuse him!"– Vous voulez dire qu’il me trompe, vous voulez dire qu’il me trahit. Vous l’accusez alors. Voyons, dites, avouez franchement que vous l’accusez.
"No, sire, but I say that he deceives himself. I say that he is ill-informed. I say that he has hastily accused your Majesty's Musketeers, toward whom he is unjust, and that he has not obtained his information from good sources."– Non, Sire ; mais je dis qu’il se trompe lui-même, je dis qu’il a été mal renseigné ; je dis qu’il a eu hâte d’accuser les mousquetaires de Votre Majesté, pour lesquels il est injuste, et qu’il n’a pas été puiser ses renseignements aux bonnes sources.
"The accusation comes from M. de la Tremouille, from the duke himself. What do you say to that?"– L’accusation vient de M. de La Trémouille, du duc lui-même. Que répondrez-vous à cela ?
"I might answer, sire, that he is too deeply interested in the question to be a very impartial witness; but so far from that, sire, I know the duke to be a royal gentleman, and I refer the matter to him--but upon one condition, sire."– Je pourrais répondre, Sire, qu’il est trop intéressé dans la question pour être un témoin bien impartial ; mais loin de là, Sire, je connais le duc pour un loyal gentilhomme, et je m’en rapporterai à lui, mais à une condition, Sire.
"What?"– Laquelle ?
"It is that your Majesty will make him come here, will interrogate him yourself, TETE-A-TETE, without witnesses, and that I shall see your Majesty as soon as you have seen the duke."– C’est que Votre Majesté le fera venir, l’interrogera, mais elle-même, en tête-à-tête, sans témoins, et que je reverrai Votre Majesté aussitôt qu’elle aura reçu le duc.
"What, then! You will bind yourself," cried the king, "by what Monsieur de la Tremouille shall say?"– Oui-da ! fit le roi, et vous vous en rapporterez à ce que dira M. de La Trémouille ?
"Yes, sire."– Oui, Sire.
"You will accept his judgment?"– Vous accepterez son jugement ?
"Undoubtedly."– Sans doute.
"Any you will submit to the reparation he may require?"– Et vous vous soumettrez aux réparations qu’il exigera ?
"Certainly."– Parfaitement.
"La Chesnaye," said the king. "La Chesnaye!"– La Chesnaye ! fit le roi. La Chesnaye ! »
Louis XIII's confidential valet, who never left the door, entered in reply to the call.Le valet de chambre de confiance de Louis XIII, qui se tenait toujours à la porte, entra.
"La Chesnaye," said the king, "let someone go instantly and find Monsieur de la Tremouille; I wish to speak with him this evening."« La Chesnaye, dit le roi, qu’on aille à l’instant même me quérir M. de La Trémouille ; je veux lui parler ce soir.
"Your Majesty gives me your word that you will not see anyone between Monsieur de la Tremouille and myself?"– Votre Majesté me donne sa parole qu’elle ne verra personne entre M. de La Trémouille et moi ?
"Nobody, by the faith of a gentleman."– Personne, foi de gentilhomme.
"Tomorrow, then, sire?"– À demain, Sire, alors.
"Tomorrow, monsieur."– À demain, monsieur.
"At what o'clock, please your Majesty?"– À quelle heure, s’il plaît à Votre Majesté ?
"At any hour you will."– À l’heure que vous voudrez.
"But in coming too early I should be afraid of awakening your Majesty."– Mais, en venant par trop matin, je crains de réveiller votre Majesté.
"Awaken me! Do you think I ever sleep, then? I sleep no longer, monsieur. I sometimes dream, that's all. Come, then, as early as you like--at seven o'clock; but beware, if you and your Musketeers are guilty."– Me réveiller ? Est-ce que je dors ? Je ne dors plus, monsieur ; je rêve quelquefois, voilà tout. Venez donc d’aussi bon matin que vous voudrez, à sept heures ; mais gare à vous, si vos mousquetaires sont coupables !
"If my Musketeers are guilty, sire, the guilty shall be placed in your Majesty's hands, who will dispose of them at your good pleasure. Does your Majesty require anything further? Speak, I am ready to obey."– Si mes mousquetaires sont coupables, Sire, les coupables seront remis aux mains de Votre Majesté, qui ordonnera d’eux selon son bon plaisir. Votre Majesté exige-t-elle quelque chose de plus ? qu’elle parle, je suis prêt à lui obéir.
"No, monsieur, no; I am not called Louis the Just without reason. Tomorrow, then, monsieur--tomorrow."– Non, monsieur, non, et ce n’est pas sans raison qu’on m’a appelé Louis le Juste. À demain donc, monsieur, à demain.
"Till then, God preserve your Majesty!"– Dieu garde jusque-là Votre Majesté ! »
However ill the king might sleep, M. de Treville slept still worse. He had ordered his three Musketeers and their companion to be with him at half past six in the morning. He took them with him, without encouraging them or promising them anything, and without concealing from them that their luck, and even his own, depended upon the cast of the dice.Si peu que dormit le roi, M. de Tréville dormit plus mal encore ; il avait fait prévenir dès le soir même ses trois mousquetaires et leur compagnon de se trouver chez lui à six heures et demie du matin. Il les emmena avec lui sans rien leur affirmer, sans leur rien promettre, et ne leur cachant pas que leur faveur et même la sienne tenaient à un coup de dés.
Arrived at the foot of the back stairs, he desired them to wait. If the king was still irritated against them, they would depart without being seen; if the king consented to see them, they would only have to be called.Arrivé au bas du petit escalier, il les fit attendre. Si le roi était toujours irrité contre eux, ils s’éloigneraient sans être vus ; si le roi consentait à les recevoir, on n’aurait qu’à les faire appeler.
On arriving at the king's private antechamber, M. de Treville found La Chesnaye, who informed him that they had not been able to find M. de la Tremouille on the preceding evening at his hotel, that he returned too late to present himself at the Louvre, that he had only that moment arrived and that he was at that very hour with the king.En arrivant dans l’antichambre particulière du roi, M. de Tréville trouva La Chesnaye, qui lui apprit qu’on n’avait pas rencontré le duc de La Trémouille la veille au soir à son hôtel, qu’il était rentré trop tard pour se présenter au Louvre, qu’il venait seulement d’arriver, et qu’il était à cette heure chez le roi.
This circumstance pleased M. de Treville much, as he thus became certain that no foreign suggestion could insinuate itself between M. de la Tremouille's testimony and himself.Cette circonstance plut beaucoup à M. de Tréville, qui, de cette façon, fut certain qu’aucune suggestion étrangère ne se glisserait entre la déposition de M. de La Trémouille et lui.
In fact, ten minutes had scarcely passed away when the door of the king's closet opened, and M. de Treville saw M. de la Tremouille come out, came straight up to him, and said:En effet, dix minutes s’étaient à peine écoulées, que la porte du cabinet s’ouvrit et que M. de Tréville en vit sortir le duc de La Trémouille, lequel vint à lui et lui dit :
"Monsieur de Treville, his Majesty has just sent for me in order to inquire respecting the circumstances which took place yesterday at my hotel. I have told him the truth; that is to say, that the fault lay with my people, and that I was ready to offer you my excuses. Since I have the good fortune to meet you, I beg you to receive them, and to hold me always as one of your friends."« Monsieur de Tréville, Sa Majesté vient de m’envoyer quérir pour savoir comment les choses s’étaient passées hier matin à mon hôtel. Je lui ai dit la vérité, c’est-à-dire que la faute était à mes gens, et que j’étais prêt à vous en faire mes excuses. Puisque je vous rencontre, veuillez les recevoir, et me tenir toujours pour un de vos amis.
"Monsieur the Duke," said M. de Treville, "I was so confident of your loyalty that I required no other defender before his Majesty than yourself. I find that I have not been mistaken, and I thank you that there is still one man in France of whom may be said, without disappointment, what I have said of you."– Monsieur le duc, dit M. de Tréville, j’étais si plein de confiance dans votre loyauté, que je n’avais pas voulu près de Sa Majesté d’autre défenseur que vous-même. Je vois que je ne m’étais pas abusé, et je vous remercie de ce qu’il y a encore en France un homme de qui on puisse dire sans se tromper ce que j’ai dit de vous.
"That's well said," cried the king, who had heard all these compliments through the open door; "only tell him, Treville, since he wishes to be considered your friend, that I also wish to be one of his, but he neglects me; that it is nearly three years since I have seen him, and that I never do see him unless I send for him. Tell him all this for me, for these are things which a king cannot say for himself."– C’est bien, c’est bien ! dit le roi qui avait écouté tous ces compliments entre les deux portes ; seulement, dites-lui, Tréville, puisqu’il se prétend un de vos amis, que moi aussi je voudrais être des siens, mais qu’il me néglige ; qu’il y a tantôt trois ans que je ne l’ai vu, et que je ne le vois que quand je l’envoie chercher. Dites-lui tout cela de ma part, car ce sont de ces choses qu’un roi ne peut dire lui-même.
"Thanks, sire, thanks," said the duke; "but your Majesty may be assured that it is not those--I do not speak of Monsieur de Treville— whom your Majesty sees at all hours of the day that are most devoted to you."– Merci, Sire, merci, dit le duc ; mais que Votre Majesté croie bien que ce ne sont pas ceux, je ne dis point cela pour M. de Tréville, que ce ne sont point ceux qu’elle voit à toute heure du jour qui lui sont le plus dévoués.
"Ah! You have heard what I said? So much the better, Duke, so much the better," said the king, advancing toward the door. "Ah! It is you, Treville. Where are your Musketeers? I told you the day before yesterday to bring them with you; why have you not done so?"– Ah ! vous avez entendu ce que j’ai dit ; tant mieux, duc, tant mieux, dit le roi en s’avançant jusque sur la porte. Ah ! c’est vous, Tréville ! où sont vos mousquetaires ? Je vous avais dit avant-hier de me les amener, pourquoi ne l’avez-vous pas fait ?
"They are below, sire, and with your permission La Chesnaye will bid them come up."– Ils sont en bas, Sire, et avec votre congé La Chesnaye va leur dire de monter.
"Yes, yes, let them come up immediately. It is nearly eight o'clock, and at nine I expect a visit. Go, Monsieur Duke, and return often. Come in, Treville."– Oui, oui, qu’ils viennent tout de suite ; il va être huit heures, et à neuf heures j’attends une visite. Allez, monsieur le duc, et revenez surtout. Entrez, Tréville. »
The Duke saluted and retired. At the moment he opened the door, the three Musketeers and d'Artagnan, conducted by La Chesnaye, appeared at the top of the staircase.Le duc salua et sortit. Au moment où il ouvrait la porte, les trois mousquetaires et d’Artagnan, conduits par La Chesnaye, apparaissaient au haut de l’escalier.
"Come in, my braves," said the king, "come in; I am going to scold you."« Venez, mes braves, dit le roi, venez ; j’ai à vous gronder. »
The Musketeers advanced, bowing, d'Artagnan following closely behind them.Les mousquetaires s’approchèrent en s’inclinant ; d’Artagnan les suivait par-derrière.
"What the devil!" continued the king. "Seven of his Eminence's Guards placed HORS DE COMBAT by you four in two days! That's too many, gentlemen, too many! If you go on so, his Eminence will be forced to renew his company in three weeks, and I to put the edicts in force in all their rigor. One now and then I don't say much about; but seven in two days, I repeat, it is too many, it is far too many!"« Comment diable ! continua le roi ; à vous quatre, sept gardes de Son Éminence mis hors de combat en deux jours ! C’est trop, messieurs, c’est trop. À ce compte-là, Son Éminence serait forcée de renouveler sa compagnie dans trois semaines, et moi de faire appliquer les édits dans toute leur rigueur. Un par hasard, je ne dis pas ; mais sept en deux jours, je le répète, c’est trop, c’est beaucoup trop.
"Therefore, sire, your Majesty sees that they are come, quite contrite and repentant, to offer you their excuses."– Aussi, Sire, Votre Majesté voit qu’ils viennent tout contrits et tout repentants lui faire leurs excuses.
"Quite contrite and repentant! Hem!" said the king. "I place no confidence in their hypocritical faces. In particular, there is one yonder of a Gascon look. Come hither, monsieur."– Tout contrits et tout repentants ! Hum ! fit le roi, je ne me fie point à leurs faces hypocrites ; il y a surtout là-bas une figure de Gascon. Venez ici, monsieur. »
D'Artagnan, who understood that it was to him this compliment was addressed, approached, assuming a most deprecating air.D’Artagnan, qui comprit que c’était à lui que le compliment s’adressait, s’approcha en prenant son air le plus désespéré.
"Why you told me he was a young man? This is a boy, Treville, a mere boy! Do you mean to say that it was he who bestowed that severe thrust at Jussac?"« Eh bien, que me disiez-vous donc que c’était un jeune homme ? c’est un enfant, monsieur de Tréville, un véritable enfant ! Et c’est celui-là qui a donné ce rude coup d’épée à Jussac ?
"And those two equally fine thrusts at Bernajoux."– Et ces deux beaux coups d’épée à Bernajoux.
"Truly!"– Véritablement !
"Without reckoning," said Athos, "that if he had not rescued me from the hands of Cahusac, I should not now have the honor of making my very humble reverence to your Majesty."– Sans compter, dit Athos, que s’il ne m’avait pas tiré des mains de Biscarat, je n’aurais très certainement pas l’honneur de faire en ce moment-ci ma très humble révérence à Votre Majesté.
"Why he is a very devil, this Bearnais! VENTRE-SAINT-GRIS, Monsieur de Treville, as the king my father would have said. But at this sort of work, many doublets must be slashed and many swords broken. Now, Gascons are always poor, are they not?"– Mais c’est donc un véritable démon que ce Béarnais, ventre-saint-gris ! monsieur de Tréville comme eût dit le roi mon père. À ce métier-là, on doit trouer force pourpoints et briser force épées. Or les Gascons sont toujours pauvres, n’est-ce pas ?
"Sire, I can assert that they have hitherto discovered no gold mines in their mountains; though the Lord owes them this miracle in recompense for the manner in which they supported the pretensions of the king your father."– Sire, je dois dire qu’on n’a pas encore trouvé des mines d’or dans leurs montagnes, quoique le Seigneur dût bien ce miracle en récompense de la manière dont ils ont soutenu les prétentions du roi votre père.
"Which is to say that the Gascons made a king of me, myself, seeing that I am my father's son, is it not, Treville? Well, happily, I don't say nay to it. La Chesnaye, go and see if by rummaging all my pockets you can find forty pistoles; and if you can find them, bring them to me. And now let us see, young man, with your hand upon your conscience, how did all this come to pass?"– Ce qui veut dire que ce sont les Gascons qui m’ont fait roi moi-même, n’est-ce pas, Tréville, puisque je suis le fils de mon père ? Eh bien, à la bonne heure, je ne dis pas non. La Chesnaye, allez voir si, en fouillant dans toutes mes poches, vous trouverez quarante pistoles ; et si vous les trouvez, apportez-les-moi. Et maintenant, voyons, jeune homme, la main sur la conscience, comment cela s’est-il passé ? »
D'Artagnan related the adventure of the preceding day in all its details; how, not having been able to sleep for the joy he felt in the expectation of seeing his Majesty, he had gone to his three friends three hours before the hour of audience; how they had gone together to the tennis court, and how, upon the fear he had manifested lest he receive a ball in the face, he had been jeered at by Bernajoux who had nearly paid for his jeer with his life and M. de la Tremouille, who had nothing to do with the matter, with the loss of his hotel.D’Artagnan raconta l’aventure de la veille dans tous ses détails : comment, n’ayant pas pu dormir de la joie qu’il éprouvait à voir Sa Majesté, il était arrivé chez ses amis trois heures avant l’heure de l’audience ; comment ils étaient allés ensemble au tripot, et comment, sur la crainte qu’il avait manifestée de recevoir une balle au visage, il avait été raillé par Bernajoux, lequel avait failli payer cette raillerie de la perte de la vie, et M. de La Trémouille, qui n’y était pour rien, de la perte de son hôtel.
"This is all very well," murmured the king, "yes, this is just the account the duke gave me of the affair. Poor cardinal! Seven men in two days, and those of his very best! But that's quite enough, gentlemen; please to understand, that's enough. You have taken your revenge for the Rue Ferou, and even exceeded it; you ought to be satisfied."« C’est bien cela, murmurait le roi ; oui, c’est ainsi que le duc m’a raconté la chose. Pauvre cardinal ! sept hommes en deux jours, et de ses plus chers ; mais c’est assez comme cela, messieurs, entendez-vous ! c’est assez : vous avez pris votre revanche de la rue Férou, et au-delà ; vous devez être satisfaits.
"If your Majesty is so," said Treville, "we are."– Si Votre Majesté l’est, dit Tréville, nous le sommes.
"Oh, yes; I am," added the king, taking a handful of gold from La Chesnaye, and putting it into the hand of d'Artagnan. "Here," said he, "is a proof of my satisfaction."– Oui, je le suis, ajouta le roi en prenant une poignée d’or de la main de La Chesnaye, et la mettant dans celle de d’Artagnan. Voici, dit-il, une preuve de ma satisfaction. »
At this epoch, the ideas of pride which are in fashion in our days did not prevail. A gentleman received, from hand to hand, money from the king, and was not the least in the world humiliated. D'Artagnan put his forty pistoles into his pocket without any scruple--on the contrary, thanking his Majesty greatly.À cette époque, les idées de fierté qui sont de mise de nos jours n’étaient point encore de mode. Un gentilhomme recevait de la main à la main de l’argent du roi, et n’en était pas le moins du monde humilié. D’Artagnan mit donc les quarante pistoles dans sa poche sans faire aucune façon, et en remerciant tout au contraire grandement Sa Majesté.
"There," said the king, looking at a clock, "there, now, as it is half past eight, you may retire; for as I told you, I expect someone at nine. Thanks for your devotedness, gentlemen. I may continue to rely upon it, may I not?"« Là, dit le roi en regardant sa pendule, là, et maintenant qu’il est huit heures et demie, retirez-vous ; car, je vous l’ai dit, j’attends quelqu’un à neuf heures. Merci de votre dévouement, messieurs. J’y puis compter, n’est-ce pas ?
"Oh, sire!" cried the four companions, with one voice, "we would allow ourselves to be cut to pieces in your Majesty's service."– Oh ! Sire, s’écrièrent d’une même voix les quatre compagnons, nous nous ferions couper en morceaux pour Votre Majesté.
"Well, well, but keep whole; that will be better, and you will be more useful to me. Treville," added the king, in a low voice, as the others were retiring, "as you have no room in the Musketeers, and as we have besides decided that a novitiate is necessary before entering that corps, place this young man in the company of the Guards of Monsieur Dessessart, your brother-in-law. Ah, PARDIEU, Treville! I enjoy beforehand the face the cardinal will make. He will be furious; but I don't care. I am doing what is right."– Bien, bien ; mais restez entiers : cela vaut mieux, et vous me serez plus utiles. Tréville, ajouta le roi à demi-voix pendant que les autres se retiraient, comme vous n’avez pas de place dans les mousquetaires et que d’ailleurs pour entrer dans ce corps nous avons décidé qu’il fallait faire un noviciat, placez ce jeune homme dans la compagnie des gardes de M. des Essarts, votre beau-frère. Ah ! pardieu ! Tréville, je me réjouis de la grimace que va faire le cardinal : il sera furieux, mais cela m’est égal ; je suis dans mon droit. »
The king waved his hand to Treville, who left him and rejoined the Musketeers, whom he found sharing the forty pistoles with d'Artagnan.Et le roi salua de la main Tréville, qui sortit et s’en vint rejoindre ses mousquetaires, qu’il trouva partageant avec d’Artagnan les quarante pistoles.
The cardinal, as his Majesty had said, was really furious, so furious that during eight days he absented himself from the king's gaming table. This did not prevent the king from being as complacent to him as possible whenever he met him, or from asking in the kindest tone,Et le cardinal, comme l’avait dit Sa Majesté, fut effectivement furieux, si furieux que pendant huit jours il abandonna le jeu du roi, ce qui n’empêchait pas le roi de lui faire la plus charmante mine du monde, et toutes les fois qu’il le rencontrait de lui demander de sa voix la plus caressante :
"Well, Monsieur Cardinal, how fares it with that poor Jussac and that poor Bernajoux of yours?" « Eh bien, monsieur le cardinal, comment vont ce pauvre Bernajoux et ce pauvre Jussac, qui sont à vous ? »
7 THE INTERIOR OF "THE MUSKETEERS"CHAPITRE VII L’INTÉRIEUR DES MOUSQUETAIRES
When d'Artagnan was out of the Louvre, and consulted his friends upon the use he had best make of his share of the forty pistoles, Athos advised him to order a good repast at the Pomme-de-Pin, Porthos to engage a lackey, and Aramis to provide himself with a suitable mistress.Lorsque d’Artagnan fut hors du Louvre, et qu’il consulta ses amis sur l’emploi qu’il devait faire de sa part des quarante pistoles, Athos lui conseilla de commander un bon repas à la Pomme de Pin, Porthos de prendre un laquais, et Aramis de se faire une maîtresse convenable.
The repast was carried into effect that very day, and the lackey waited at table. The repast had been ordered by Athos, and the lackey furnished by Porthos. He was a Picard, whom the glorious Musketeer had picked up on the Bridge Tournelle, making rings and plashing in the water.Le repas fut exécuté le jour même, et le laquais y servit à table. Le repas avait été commandé par Athos, et le laquais fourni par Porthos. C’était un Picard que le glorieux mousquetaire avait embauché le jour même et à cette occasion sur le pont de la Tournelle, pendant qu’il faisait des ronds en crachant dans l’eau.
Porthos pretended that this occupation was proof of a reflective and contemplative organization, and he had brought him away without any other recommendation. The noble appearance of this gentleman, for whom he believed himself to be engaged, had won Planchet--that was the name of the Picard. He felt a slight disappointment, however, when he saw that this place was already taken by a compeer named Mousqueton, and when Porthos signified to him that the state of his household, though great, would not support two servants, and that he must enter into the service of d'Artagnan. Nevertheless, when he waited at the dinner his master gave, and saw him take out a handful of gold from his pouch, he believed his fortune made, and returned thanks to heaven for having thrown him into the service of such a Croesus. He preserved this opinion even after the feast, with the remnants of which he repaired his own long abstinence; but when in the evening he made his master's bed, the chimeras of Planchet faded away. The bed was the only one in the apartment, which consisted of an Antechamber and a bedroom. Planchet slept in the antechamber upon a coverlet taken from the bed of d'Artagnan, and which d'Artagnan from that time made shift to do without.Porthos avait prétendu que cette occupation était la preuve d’une organisation réfléchie et contemplative, et il l’avait emmené sans autre recommandation. La grande mine de ce gentilhomme, pour le compte duquel il se crut engagé, avait séduit Planchet – c’était le nom du Picard – ; il y eut chez lui un léger désappointement lorsqu’il vit que la place était déjà prise par un confrère nommé Mousqueton, et lorsque Porthos lui eut signifié que son état de maison, quoi que grand, ne comportait pas deux domestiques, et qu’il lui fallait entrer au service de d’Artagnan. Cependant, lorsqu’il assista au dîner que donnait son maître et qu’il vit celui-ci tirer en payant une poignée d’or de sa poche, il crut sa fortune faite et remercia le Ciel d’être tombé en la possession d’un pareil Crésus ; il persévéra dans cette opinion jusqu’après le festin, des reliefs duquel il répara de longues abstinences. Mais en faisant, le soir, le lit de son maître, les chimères de Planchet s’évanouirent. Le lit était le seul de l’appartement, qui se composait d’une antichambre et d’une chambre à coucher. Planchet coucha dans l’antichambre sur une couverture tirée du lit de d’Artagnan, et dont d’Artagnan se passa depuis.
Athos, on his part, had a valet whom he had trained in his service in a thoroughly peculiar fashion, and who was named Grimaud. He was very taciturn, this worthy signor. Be it understood we are speaking of Athos. During the five or six years that he had lived in the strictest intimacy with his companions, Porthos and Aramis, they could remember having often seen him smile, but had never heard him laugh. His words were brief and expressive, conveying all that was meant, and no more; no embellishments, no embroidery, no arabesques. His conversation was a matter of fact, without a single romance.Athos, de son côté, avait un valet qu’il avait dressé à son service d’une façon toute particulière, et que l’on appelait Grimaud. Il était fort silencieux, ce digne seigneur. Nous parlons d’Athos, bien entendu. Depuis cinq ou six ans qu’il vivait dans la plus profonde intimité avec ses compagnons Porthos et Aramis, ceux-ci se rappelaient l’avoir vu sourire souvent, mais jamais ils ne l’avaient entendu rire. Ses paroles étaient brèves et expressives, disant toujours ce qu’elles voulaient dire, rien de plus : pas d’enjolivements, pas de broderies, pas d’arabesques. Sa conversation était un fait sans aucun épisode.
Although Athos was scarcely thirty years old, and was of great personal beauty and intelligence of mind, no one knew whether he had ever had a mistress. He never spoke of women. He certainly did not prevent others from speaking of them before him, although it was easy to perceive that this kind of conversation, in which he only mingled by bitter words and misanthropic remarks, was very disagreeable to him. His reserve, his roughness, and his silence made almost an old man of him. He had, then, in order not to disturb his habits, accustomed Grimaud to obey him upon a simple gesture or upon a simple movement of his lips. He only spoke to him under the most extraordinary occasions.Quoique Athos eût à peine trente ans et fût d’une grande beauté de corps et d’esprit, personne ne lui connaissait de maîtresse. Jamais il ne parlait de femmes. Seulement il n’empêchait pas qu’on en parlât devant lui, quoiqu’il fût facile de voir que ce genre de conversation, auquel il ne se mêlait que par des mots amers et des aperçus misanthropiques, lui était parfaitement désagréable. Sa réserve, sa sauvagerie et son mutisme en faisaient presque un vieillard ; il avait donc, pour ne point déroger à ses habitudes, habitué Grimaud à lui obéir sur un simple geste ou sur un simple mouvement des lèvres. Il ne lui parlait que dans des circonstances suprêmes.
Sometimes, Grimaud, who feared his master as he did fire, while entertaining a strong attachment to his person and a great veneration for his talents, believed he perfectly understood what he wanted, flew to execute the order received, and did precisely the contrary. Athos then shrugged his shoulders, and, without putting himself in a passion, thrashed Grimaud. On these days he spoke a little.Quelquefois Grimaud, qui craignait son maître comme le feu, tout en ayant pour sa personne un grand attachement et pour son génie une grande vénération, croyait avoir parfaitement compris ce qu’il désirait, s’élançait pour exécuter l’ordre reçu, et faisait précisément le contraire. Alors Athos haussait les épaules et, sans se mettre en colère, rossait Grimaud. Ces jours-là, il parlait un peu.
Porthos, as we have seen, had a character exactly opposite to that of Athos. He not only talked much, but he talked loudly, little caring, we must render him that justice, whether anybody listened to him or not. He talked for the pleasure of talking and for the pleasure of hearing himself talk. He spoke upon all subjects except the sciences, alleging in this respect the inveterate hatred he had borne to scholars from his childhood. He had not so noble an air as Athos, and the commencement of their intimacy often rendered him unjust toward that gentleman, whom he endeavored to eclipse by his splendid dress. But with his simple Musketeer's uniform and nothing but the manner in which he threw back his head and advanced his foot, Athos instantly took the place which was his due and consigned the ostentatious Porthos to the second rank. Porthos consoled himself by filling the antechamber of M. de Treville and the guardroom of the Louvre with the accounts of his love scrapes, after having passed from professional ladies to military ladies, from the lawyer's dame to the baroness, there was question of nothing less with Porthos than a foreign princess, who was enormously fond of him.Porthos, comme on a pu le voir, avait un caractère tout opposé à celui d’Athos : non seulement il parlait beaucoup, mais il parlait haut ; peu lui importait au reste, il faut lui rendre cette justice, qu’on l’écoutât ou non ; il parlait pour le plaisir de parler et pour le plaisir de s’entendre ; il parlait de toutes choses excepté de sciences, excipant à cet endroit de la haine invétérée que depuis son enfance il portait, disait-il, aux savants. Il avait moins grand air qu’Athos, et le sentiment de son infériorité à ce sujet l’avait, dans le commencement de leur liaison, rendu souvent injuste pour ce gentilhomme, qu’il s’était alors efforcé de dépasser par ses splendides toilettes. Mais, avec sa simple casaque de mousquetaire et rien que par la façon dont il rejetait la tête en arrière et avançait le pied, Athos prenait à l’instant même la place qui lui était due et reléguait le fastueux Porthos au second rang. Porthos s’en consolait en remplissant l’antichambre de M. de Tréville et les corps de garde du Louvre du bruit de ses bonnes fortunes, dont Athos ne parlait jamais, et pour le moment, après avoir passé de la noblesse de robe à la noblesse d’épée, de la robine à la baronne, il n’était question de rien de moins pour Porthos que d’une princesse étrangère qui lui voulait un bien énorme.
An old proverb says, "Like master, like man." Let us pass, then, from the valet of Athos to the valet of Porthos, from Grimaud to Mousqueton.Un vieux proverbe dit : « Tel maître, tel valet. » Passons donc du valet d’Athos au valet de Porthos, de Grimaud à Mousqueton.
Mousqueton was a Norman, whose pacific name of Boniface his master had changed into the infinitely more sonorous name of Mousqueton. He had entered the service of Porthos upon condition that he should only be clothed and lodged, though in a handsome manner; but he claimed two hours a day to himself, consecrated to an employment which would provide for his other wants. Porthos agreed to the bargain; the thing suited him wonderfully well. He had doublets cut out of his old clothes and cast-off cloaks for Mousqueton, and thanks to a very intelligent tailor, who made his clothes look as good as new by turning them, and whose wife was suspected of wishing to make Porthos descend from his aristocratic habits, Mousqueton made a very good figure when attending on his master.Mousqueton était un Normand dont son maître avait changé le nom pacifique de Boniface en celui infiniment plus sonore et plus belliqueux de Mousqueton. Il était entré au service de Porthos à la condition qu’il serait habillé et logé seulement, mais d’une façon magnifique ; il ne réclamait que deux heures par jour pour les consacrer à une industrie qui devait suffire à pourvoir à ses autres besoins. Porthos avait accepté le marché ; la chose lui allait à merveille. Il faisait tailler à Mousqueton des pourpoints dans ses vieux habits et dans ses manteaux de rechange, et, grâce à un tailleur fort intelligent qui lui remettait ses hardes à neuf en les retournant, et dont la femme était soupçonnée de vouloir faire descendre Porthos de ses habitudes aristocratiques, Mousqueton faisait à la suite de son maître fort bonne figure.
As for Aramis, of whom we believe we have sufficiently explained the character--a character which, like that of his companions, we will be able to follow his development, his lackey was called Bazin. Thanks to the hopes which his master entertained of someday entering into orders, he was always clothed in black, as became the servant of a churchman. He was a Berrichon, thirty-five or forty years old, mild, peaceable, sleek, employing the leisure his master left him in the perusal of pious works, providing rigorously for two a dinner of few dishes, but excellent. For the rest, he was dumb, blind, and deaf, and of unimpeachable fidelity.Quant à Aramis, dont nous croyons avoir suffisamment exposé le caractère, caractère du reste que, comme celui de ses compagnons, nous pourrons suivre dans son développement, son laquais s’appelait Bazin. Grâce à l’espérance qu’avait son maître d’entrer un jour dans les ordres, il était toujours vêtu de noir, comme doit l’être le serviteur d’un homme d’Église. C’était un Berrichon de trente-cinq à quarante ans, doux, paisible, grassouillet, occupant à lire de pieux ouvrages les loisirs que lui laissait son maître, faisant à la rigueur pour deux un dîner de peu de plats, mais excellent. Au reste, muet, aveugle, sourd et d’une fidélité à toute épreuve.
And now that we are acquainted, superficially at least, with the masters and the valets, let us pass on to the dwellings occupied by each of them.Maintenant que nous connaissons, superficiellement du moins, les maîtres et les valets, passons aux demeures occupées par chacun d’eux.
Athos dwelt in the Rue Ferou, within two steps of the Luxembourg. His apartment consisted of two small chambers, very nicely fitted up, in a furnished house, the hostess of which, still young and still really handsome, cast tender glances uselessly at him. Some fragments of past splendor appeared here and there upon the walls of this modest lodging; a sword, for example, richly embossed, which belonged by its make to the times of Francis I, the hilt of which alone, encrusted with precious stones, might be worth two hundred pistoles, and which, nevertheless, in his moments of greatest distress Athos had never pledged or offered for sale. This sword had long been an object of ambition for Porthos. Porthos would have given ten years of his life to possess this sword.Athos habitait rue Férou, à deux pas du Luxembourg ; son appartement se composait de deux petites chambres, fort proprement meublées, dans une maison garnie dont l’hôtesse encore jeune et véritablement encore belle lui faisait inutilement les doux yeux. Quelques fragments d’une grande splendeur passée éclataient çà et là aux murailles de ce modeste logement : c’était une épée, par exemple, richement damasquinée, qui remontait pour la façon à l’époque de François Ier, et dont la poignée seule, incrustée de pierres précieuses, pouvait valoir deux cents pistoles, et que cependant, dans ses moments de plus grande détresse, Athos n’avait jamais consenti à engager ni à vendre. Cette épée avait longtemps fait l’ambition de Porthos. Porthos aurait donné dix années de sa vie pour posséder cette épée.
One day, when he had an appointment with a duchess, he endeavored even to borrow it of Athos. Athos, without saying anything, emptied his pockets, got together all his jewels, purses, aiguillettes, and gold chains, and offered them all to Porthos; but as to the sword, he said it was sealed to its place and should never quit it until its master should himself quit his lodgings. In addition to the sword, there was a portrait representing a nobleman of the time of Henry III, dressed with the greatest elegance, and who wore the Order of the Holy Ghost; and this portrait had certain resemblances of lines with Athos, certain family likenesses which indicated that this great noble, a knight of the Order of the King, was his ancestor.Un jour qu’il avait rendez-vous avec une duchesse, il essaya même de l’emprunter à Athos. Athos, sans rien dire, vida ses poches, ramassa tous ses bijoux : bourses, aiguillettes et chaînes d’or, il offrit tout à Porthos ; mais quant à l’épée, lui dit-il, elle était scellée à sa place et ne devait la quitter que lorsque son maître quitterait lui-même son logement. Outre son épée, il y avait encore un portrait représentant un seigneur du temps de Henri III vêtu avec la plus grande élégance, et qui portait l’ordre du Saint-Esprit, et ce portrait avait avec Athos certaines ressemblances de lignes, certaines similitudes de famille, qui indiquaient que ce grand seigneur, chevalier des ordres du roi, était son ancêtre.
Besides these, a casket of magnificent goldwork, with the same arms as the sword and the portrait, formed a middle ornament to the mantelpiece, and assorted badly with the rest of the furniture. Athos always carried the key of this coffer about him; but he one day opened it before Porthos, and Porthos was convinced that this coffer contained nothing but letters and papers--love letters and family papers, no doubt.Enfin, un coffre de magnifique orfèvrerie, aux mêmes armes que l’épée et le portrait, faisait un milieu de cheminée qui jurait effroyablement avec le reste de la garniture. Athos portait toujours la clef de ce coffre sur lui. Mais un jour il l’avait ouvert devant Porthos, et Porthos avait pu s’assurer que ce coffre ne contenait que des lettres et des papiers : des lettres d’amour et des papiers de famille, sans doute.
Porthos lived in an apartment, large in size and of very sumptuous appearance, in the Rue du Vieux-Colombier. Every time he passed with a friend before his windows, at one of which Mousqueton was sure to be placed in full livery, Porthos raised his head and his hand, and said, "That is my abode!" But he was never to be found at home; he never invited anybody to go up with him, and no one could form an idea of what his sumptuous apartment contained in the shape of real riches.Porthos habitait un appartement très vaste et d’une très somptueuse apparence, rue du Vieux-Colombier. Chaque fois qu’il passait avec quelque ami devant ses fenêtres, à l’une desquelles Mousqueton se tenait toujours en grande livrée, Porthos levait la tête et la main, et disait : Voilà ma demeure ! Mais jamais on ne le trouvait chez lui, jamais il n’invitait personne à y monter, et nul ne pouvait se faire une idée de ce que cette somptueuse apparence renfermait de richesses réelles.
As to Aramis, he dwelt in a little lodging composed of a boudoir, an eating room, and a bedroom, which room, situated, as the others were, on the ground floor, looked out upon a little fresh green garden, shady and impenetrable to the eyes of his neighbors.Quant à Aramis, il habitait un petit logement composé d’un boudoir, d’une salle à manger et d’une chambre à coucher, laquelle chambre, située comme le reste de l’appartement au rez-de-chaussée, donnait sur un petit jardin frais, vert, ombreux et impénétrable aux yeux du voisinage.
With regard to d'Artagnan, we know how he was lodged, and we have already made acquaintance with his lackey, Master Planchet.Quant à d’Artagnan, nous savons comment il était logé, et nous avons déjà fait connaissance avec son laquais, maître Planchet.
D'Artagnan, who was by nature very curious— as people generally are who possess the genius of intrigue—did all he could to make out who Athos, Porthos, and Aramis really were (for under these pseudonyms each of these young men concealed his family name)— Athos in particular, who, a league away, savored of nobility. He addressed himself then to Porthos to gain information respecting Athos and Aramis, and to Aramis in order to learn something of Porthos.D’Artagnan, qui était fort curieux de sa nature, comme sont les gens, du reste, qui ont le génie de l’intrigue, fit tous ses efforts pour savoir ce qu’étaient au juste Athos, Porthos et Aramis ; car, sous ces noms de guerre, chacun des jeunes gens cachait son nom de gentilhomme, Athos surtout, qui sentait son grand seigneur d’une lieue. Il s’adressa donc à Porthos pour avoir des renseignements sur Athos et Aramis, et à Aramis pour connaître Porthos.
Unfortunately Porthos knew nothing of the life of his silent companion but what revealed itself. It was said Athos had met with great crosses in love, and that a frightful treachery had forever poisoned the life of this gallant man. What could this treachery be? All the world was ignorant of it.Malheureusement, Porthos lui-même ne savait de la vie de son silencieux camarade que ce qui en avait transpiré. On disait qu’il avait eu de grands malheurs dans ses affaires amoureuses, et qu’une affreuse trahison avait empoisonné à jamais la vie de ce galant homme. Quelle était cette trahison ? Tout le monde l’ignorait.
As to Porthos, except his real name (as was the case with those of his two comrades), his life was very easily known. Vain and indiscreet, it was as easy to see through him as through a crystal. The only thing to mislead the investigator would have been belief in all the good things he said of himself.Quant à Porthos, excepté son véritable nom, que M. de Tréville savait seul, ainsi que celui de ses deux camarades, sa vie était facile à connaître. Vaniteux et indiscret, on voyait à travers lui comme à travers un cristal. La seule chose qui eût pu égarer l’investigateur eût été que l’on eût cru tout le bien qu’il disait de lui.
With respect to Aramis, though having the air of having nothing secret about him, he was a young fellow made up of mysteries, answering little to questions put to him about others, and eluding those that were about himself. One day d’Artagnan, after having interrogated it on Porthos a long time and having learned from him the report which prevailed concerning the success of the Musketeer with a princess, wished to gain a little insight into the amorous adventures of his interlocutor.Quant à Aramis, tout en ayant l’air de n’avoir aucun secret, c’était un garçon tout confit de mystères, répondant peu aux questions qu’on lui faisait sur les autres, et éludant celles que l’on faisait sur lui-même. Un jour, d’Artagnan, après l’avoir longtemps interrogé sur Porthos et en avoir appris ce bruit qui courait de la bonne fortune du mousquetaire avec une princesse, voulut savoir aussi à quoi s’en tenir sur les aventures amoureuses de son interlocuteur.
"And you, my dear companion," said he, "you speak of the baronesses, countesses, and princesses of others?"« Et vous, mon cher compagnon, lui dit-il, vous qui parlez des baronnes, des comtesses et des princesses des autres ?
"Pardon! I spoke of them because Porthos talked of them himself, because he had paraded all these fine things before me. But be assured, my dear Monsieur d'Artagnan, that if I had obtained them from any other source, or if they had been confided to me, there exists no confessor more discreet than myself."– Pardon, interrompit Aramis, j’ai parlé parce que Porthos en parle lui-même, parce qu’il a crié toutes ces belles choses devant moi. Mais croyez bien, mon cher monsieur d’Artagnan, que si je les tenais d’une autre source ou qu’il me les eût confiées, il n’y aurait pas eu de confesseur plus discret que moi.
"Oh, I don't doubt that," replied d'Artagnan; "but it seems to me that you are tolerably familiar with coats of arms--a certain embroidered handkerchief, for instance, to which I owe the honor of your acquaintance?"– Je n’en doute pas, reprit d’Artagnan ; mais enfin, il me semble que vous-même vous êtes assez familier avec les armoiries, témoin certain mouchoir brodé auquel je dois l’honneur de votre connaissance. »
This time Aramis was not angry, but assumed the most modest air and replied in a friendly tone,Aramis, cette fois, ne se fâcha point, mais il prit son air le plus modeste et répondit affectueusement :
"My dear friend, do not forget that I wish to belong to the Church, and that I avoid all mundane opportunities. The handkerchief you saw had not been given to me, but it had been forgotten and left at my house by one of my friends. I was obliged to pick it up in order not to compromise him and the lady he loves. As for myself, I neither have, nor desire to have, a mistress, following in that respect the very judicious example of Athos, who has none any more than I have."« Mon cher, n’oubliez pas que je veux être Église, et que je fuis toutes les occasions mondaines. Ce mouchoir que vous avez vu ne m’avait point été confié, mais il avait été oublié chez moi par un de mes amis. J’ai dû le recueillir pour ne pas les compromettre, lui et la dame qu’il aime. Quant à moi, je n’ai point et ne veux point avoir de maîtresse, suivant en cela l’exemple très judicieux d’Athos, qui n’en a pas plus que moi.
"But what the devil! You are not a priest, you are a Musketeer!"– Mais, que diable ! vous n’êtes pas abbé, puisque vous êtes mousquetaire.
"A Musketeer for a time, my friend, as the cardinal says, a Musketeer against my will, but a churchman at heart, believe me. Athos and Porthos dragged me into this to occupy me. I had, at the moment of being ordained, a little difficulty with—But that would not interest you, and I am taking up your valuable time."– Mousquetaire par intérim, mon cher, comme dit le cardinal, mousquetaire contre mon gré, mais homme Église dans le cœur, croyez-moi. Athos et Porthos m’ont fourré là-dedans pour m’occuper : j’ai eu, au moment d’être ordonné, une petite difficulté avec… Mais cela ne vous intéresse guère, et je vous prends un temps précieux.
"Not at all; it interests me very much," cried d'Artagnan; "and at this moment I have absolutely nothing to do."– Point du tout, cela m’intéresse fort, s’écria d’Artagnan, et je n’ai pour le moment absolument rien à faire.
"Yes, but I have my breviary to repeat," answered Aramis; "then some verses to compose, which Madame d'Aiguillon begged of me. Then I must go to the Rue St. Honore in order to purchase some rouge for Madame de Chevreuse. So you see, my dear friend, that if you are not in a hurry, I am very much in a hurry."– Oui, mais moi j’ai mon bréviaire à dire, répondit Aramis, puis quelques vers à composer que m’a demandés Mme d’Aiguillon ; ensuite je dois passer rue Saint-Honoré afin d’acheter du rouge pour Mme de Chevreuse. Vous voyez, mon cher ami, que si rien ne vous presse, je suis très pressé, moi. »
Aramis held out his hand in a cordial manner to his young companion, and took leave of him.Et Aramis tendit affectueusement la main à son compagnon, et prit congé de lui.
Notwithstanding all the pains he took, d'Artagnan was unable to learn any more concerning his three new-made friends. He formed, therefore, the resolution of believing for the present all that was said of their past, hoping for more certain and extended revelations in the future. In the meanwhile, he looked upon Athos as an Achilles, Porthos as an Ajax, and Aramis as a Joseph.D’Artagnan ne put, quelque peine qu’il se donnât, en savoir davantage sur ses trois nouveaux amis. Il prit donc son parti de croire dans le présent tout ce qu’on disait de leur passé, espérant des révélations plus sûres et plus étendues de l’avenir. En attendant, il considéra Athos comme un Achille, Porthos comme un Ajax, et Aramis comme un Joseph.
As to the rest, the life of the four young friends was joyous enough. Athos played, and that as a rule unfortunately. Nevertheless, he never borrowed a sou of his companions, although his purse was ever at their service; and when he had played upon honor, he always awakened his creditor by six o'clock the next morning to pay the debt of the preceding evening.Au reste, la vie des quatre jeunes gens était joyeuse : Athos jouait, et toujours malheureusement. Cependant il n’empruntait jamais un sou à ses amis, quoique sa bourse fût sans cesse à leur service, et lorsqu’il avait joué sur parole, il faisait toujours réveiller son créancier à six heures du matin pour lui payer sa dette de la veille.
Porthos had his fits. On the days when he won he was insolent and ostentatious; if he lost, he disappeared completely for several days, after which he reappeared with a pale face and thinner person, but with money in his purse.Porthos avait des fougues : ces jours-là, s’il gagnait, on le voyait insolent et splendide ; s’il perdait, il disparaissait complètement pendant quelques jours, après lesquels il reparaissait le visage blême et la mine allongée, mais avec de l’argent dans ses poches.
As to Aramis, he never played. He was the worst Musketeer and the most unconvivial companion imaginable. He had always something or other to do. Sometimes in the midst of dinner, when everyone, under the attraction of wine and in the warmth of conversation, believed they had two or three hours longer to enjoy themselves at table, Aramis looked at his watch, arose with a bland smile, and took leave of the company, to go, as he said, to consult a casuist with whom he had an appointment. At other times he would return home to write a treatise, and requested his friends not to disturb him.Quant à Aramis, il ne jouait jamais. C’était bien le plus mauvais mousquetaire et le plus méchant convive qui se pût voir… Il avait toujours besoin de travailler. Quelquefois au milieu d’un dîner, quand chacun, dans l’entraînement du vin et dans la chaleur de la conversation, croyait que l’on en avait encore pour deux ou trois heures à rester à table, Aramis regardait sa montre, se levait avec un gracieux sourire et prenait congé de la société, pour aller, disait-il, consulter un casuiste avec lequel il avait rendez-vous. D’autres fois, il retournait à son logis pour écrire une thèse, et priait ses amis de ne pas le distraire.
At this Athos would smile, with his charming, melancholy smile, which so became his noble countenance, and Porthos would drink, swearing that Aramis would never be anything but a village CURE.Cependant Athos souriait de ce charmant sourire mélancolique, si bien séant à sa noble figure, et Porthos buvait en jurant qu’Aramis ne serait jamais qu’un curé de village.
Planchet, d'Artagnan's valet, supported his good fortune nobly. He received thirty sous per day, and for a month he returned to his lodgings gay as a chaffinch, and affable toward his master. When the wind of adversity began to blow upon the housekeeping of the Rue des Fossoyeurs--that is to say, when the forty pistoles of King Louis XIII were consumed or nearly so--he commenced complaints which Athos thought nauseous, Porthos indecent, and Aramis ridiculous. Athos counseled d'Artagnan to dismiss the fellow; Porthos was of opinion that he should give him a good thrashing first; and Aramis contended that a master should never attend to anything but the civilities paid to him.Planchet, le valet de d’Artagnan, supporta noblement la bonne fortune ; il recevait trente sous par jour, et pendant un mois il revenait au logis gai comme pinson et affable envers son maître. Quand le vent de l’adversité commença à souffler sur le ménage de la rue des Fossoyeurs, c’est-à-dire quand les quarante pistoles du roi Louis XIII furent mangées ou à peu près, il commença des plaintes qu’Athos trouva nauséabondes, Porthos indécentes, et Aramis ridicules. Athos conseilla donc à d’Artagnan de congédier le drôle, Porthos voulait qu’on le bâtonnât auparavant, et Aramis prétendit qu’un maître ne devait entendre que les compliments qu’on fait de lui.
"This is all very easy for you to say," replied d'Artagnan, "for you, Athos, who live like a dumb man with Grimaud, who forbid him to speak, and consequently never exchange ill words with him; for you, Porthos, who carry matters in such a magnificent style, and are a god to your valet, Mousqueton; and for you, Aramis, who, always abstracted by your theological studies, inspire your servant, Bazin, a mild, religious man, with a profound respect; but for me, who am without any settled means and without resources--for me, who am neither a Musketeer nor even a Guardsman, what I am to do to inspire either the affection, the terror, or the respect in Planchet?"« Cela vous est bien aisé à dire, reprit d’Artagnan : à vous, Athos, qui vivez muet avec Grimaud, qui lui défendez de parler, et qui, par conséquent, n’avez jamais de mauvaises paroles avec lui ; à vous, Porthos, qui menez un train magnifique et qui êtes un dieu pour votre valet Mousqueton ; à vous enfin, Aramis, qui, toujours distrait par vos études théologiques, inspirez un profond respect à votre serviteur Bazin, homme doux et religieux ; mais moi qui suis sans consistance et sans ressources, moi qui ne suis pas mousquetaire ni même garde, moi, que ferai-je pour inspirer de l’affection, de la terreur ou du respect à Planchet ?
"This is serious," answered the three friends; "it is a family affair. It is with valets as with wives, they must be placed at once upon the footing in which you wish them to remain. Reflect upon it."– La chose est grave, répondirent les trois amis, c’est une affaire d’intérieur ; il en est des valets comme des femmes, il faut les mettre tout de suite sur le pied où l’on désire qu’ils restent. Réfléchissez donc. »
D'Artagnan did reflect, and resolved to thrash Planchet provisionally; which he did with the conscientiousness that d'Artagnan carried into everything. After having well beaten him, he forbade him to leave his service without his permission. "For," added he, "the future cannot fail to mend; I inevitably look for better times. Your fortune is therefore made if you remain with me, and I am too good a master to allow you to miss such a chance by granting you the dismissal you require."D’Artagnan réfléchit et se résolut à rouer Planchet par provision, ce qui fut exécuté avec la conscience que d’Artagnan mettait en toutes choses ; puis, après l’avoir bien rossé, il lui défendit de quitter son service sans sa permission. « Car, ajouta-t-il, l’avenir ne peut me faire faute ; j’attends inévitablement des temps meilleurs. Ta fortune est donc faite si tu restes près de moi, et je suis trop bon maître pour te faire manquer ta fortune en t’accordant le congé que tu me demandes. »
This manner of acting roused much respect for d'Artagnan's policy among the Musketeers. Planchet was equally seized with admiration, and said no more about going away.Cette manière d’agir donna beaucoup de respect aux mousquetaires pour la politique de d’Artagnan. Planchet fut également saisi d’admiration et ne parla plus de s’en aller.
The life of the four young men had become fraternal. D'Artagnan, who had no settled habits of his own, as he came from his province into the midst of his world quite new to him, fell easily into the habits of his friends.La vie des quatre jeunes gens était devenue commune ; d’Artagnan, qui n’avait aucune habitude, puisqu’il arrivait de sa province et tombait au milieu d’un monde tout nouveau pour lui, prit aussitôt les habitudes de ses amis.
They rose about eight o'clock in the winter, about six in summer, and went to take the countersign and see how things went on at M. de Treville's. D'Artagnan, although he was not a Musketeer, performed the duty of one with remarkable punctuality. He went on guard because he always kept company with whoever of his friends was on duty. He was well known at the Hotel of the Musketeers, where everyone considered him a good comrade. M. de Treville, who had appreciated him at the first glance and who bore him a real affection, never ceased recommending him to the king.On se levait vers huit heures en hiver, vers six heures en été, et l’on allait prendre le mot d’ordre et l’air des affaires chez M. de Tréville. D’Artagnan, bien qu’il ne fût pas mousquetaire, en faisait le service avec une ponctualité touchante : il était toujours de garde, parce qu’il tenait toujours compagnie à celui de ses trois amis qui montait la sienne. On le connaissait à l’hôtel des mousquetaires, et chacun le tenait pour un bon camarade ; M. de Tréville, qui l’avait apprécié du premier coup d’œil, et qui lui portait une véritable affection, ne cessait de le recommander au roi.
On their side, the three Musketeers were much attached to their young comrade. The friendship which united these four men, and the need they felt of seeing another three or four times a day, whether for dueling, business, or pleasure, caused them to be continually running after one another like shadows; and the inseparables were constantly to be met with seeking one another, from the Luxembourg to the Place St. Sulpice, or from the Rue du Vieux-Colombier to the Luxembourg.De leur côté, les trois mousquetaires aimaient fort leur jeune camarade. L’amitié qui unissait ces quatre hommes, et le besoin de se voir trois ou quatre fois par jour, soit pour duel, soit pour affaires, soit pour plaisir, les faisaient sans cesse courir l’un après l’autre comme des ombres ; et l’on rencontrait toujours les inséparables se cherchant du Luxembourg à la place Saint-Sulpice, ou de la rue du Vieux-Colombier au Luxembourg.
In the meanwhile the promises of M. de Treville went on prosperously. One fine morning the king commanded M. de Chevalier Dessessart to admit d'Artagnan as a cadet in his company of Guards. D'Artagnan, with a sigh, donned his uniform, which he would have exchanged for that of a Musketeer at the expense of ten years of his existence. But M. de Treville promised this favor after a novitiate of two years--a novitiate which might besides be abridged if an opportunity should present itself for d'Artagnan to render the king any signal service, or to distinguish himself by some brilliant action. Upon this promise d'Artagnan withdrew, and the next day he began service.En attendant, les promesses de M. de Tréville allaient leur train. Un beau jour, le roi commanda à M. le chevalier des Essarts de prendre d’Artagnan comme cadet dans sa compagnie des gardes. D’Artagnan endossa en soupirant cet habit, qu’il eût voulu, au prix de dix années de son existence, troquer contre la casaque de mousquetaire. Mais M. de Tréville promit cette faveur après un noviciat de deux ans, noviciat qui pouvait être abrégé au reste, si l’occasion se présentait pour d’Artagnan de rendre quelque service au roi ou de faire quelque action d’éclat. D’Artagnan se retira sur cette promesse et, dès le lendemain, commença son service.
Then it became the turn of Athos, Porthos, and Aramis to mount guard with d'Artagnan when he was on duty. The company of M. le Chevalier Dessessart thus received four instead of one when it admitted d'Artagnan. Alors ce fut le tour d’Athos, de Porthos et d’Aramis de monter la garde avec d’Artagnan quand il était de garde. La compagnie de M. le chevalier des Essarts prit ainsi quatre hommes au lieu d’un, le jour où elle prit d’Artagnan.
8 CONCERNING A COURT INTRIGUECHAPITRE VIII UNE INTRIGUE DE COUR
In the meantime, the forty pistoles of King Louis XIII, like all other things of this world, after having had a beginning had an end, and after this end our four companions began to be somewhat embarrassed. At first, Athos supported the association for a time with his own means.Cependant les quarante pistoles du roi Louis XIII, ainsi que toutes les choses de ce monde, après avoir eu un commencement avaient eu une fin, et depuis cette fin nos quatre compagnons étaient tombés dans la gêne. D’abord Athos avait soutenu pendant quelque temps l’association de ses propres deniers.
Porthos succeeded him; and thanks to one of those disappearances to which he was accustomed, he was able to provide for the wants of all for a fortnight. At last it became Aramis's turn, who performed it with a good grace and who succeeded--as he said, by selling some theological books--in procuring a few pistoles.Porthos lui avait succédé, et, grâce à une de ces disparitions auxquelles on était habitué, il avait pendant près de quinze jours encore subvenu aux besoins de tout le monde ; enfin était arrivé le tour d’Aramis, qui s’était exécuté de bonne grâce, et qui était parvenu, disait-il, en vendant ses livres de théologie, à se procurer quelques pistoles.
Then, as they had been accustomed to do, they had recourse to M. de Treville, who made some advances on their pay; but these advances could not go far with three Musketeers who were already much in arrears and a Guardsman who as yet had no pay at all.On eut alors, comme d’habitude, recours à M. de Tréville, qui fit quelques avances sur la solde ; mais ces avances ne pouvaient conduire bien loin trois mousquetaires qui avaient déjà force comptes arriérés, et un garde qui n’en avait pas encore.
At length when they found they were likely to be really in want, they got together, as a last effort, eight or ten pistoles, with which Porthos went to the gaming table. Unfortunately he was in a bad vein; he lost all, together with twenty-five pistoles for which he had given his word.Enfin, quand on vit qu’on allait manquer tout à fait, on rassembla par un dernier effort huit ou dix pistoles que Porthos joua. Malheureusement, il était dans une mauvaise veine : il perdit tout, plus vingt-cinq pistoles sur parole.
Then the inconvenience became distress. The hungry friends, followed by their lackeys, were seen haunting the quays and Guard rooms, picking up among their friends abroad all the dinners they could meet with; for according to the advice of Aramis, it was prudent to sow repasts right and left in prosperity, in order to reap a few in time of need.Alors la gêne devint de la détresse, on vit les affamés suivis de leurs laquais courir les quais et les corps de garde, ramassant chez leurs amis du dehors tous les dîners qu’ils purent trouver ; car, suivant l’avis d’Aramis, on devait dans la prospérité semer des repas à droite et à gauche pour en récolter quelques-uns dans la disgrâce.
Athos was invited four times, and each time took his friends and their lackeys with him. Porthos had six occasions, and contrived in the same manner that his friends should partake of them; Aramis had eight of them. He was a man, as must have been already perceived, who made but little noise, and yet was much sought after.Athos fut invité quatre fois et mena chaque fois ses amis avec leurs laquais. Porthos eut six occasions et en fit également jouir ses camarades ; Aramis en eut huit. C’était un homme, comme on a déjà pu s’en apercevoir, qui faisait peu de bruit et beaucoup de besogne.
As to d'Artagnan, who as yet knew nobody in the capital, he only found one chocolate breakfast at the house of a priest of his own province, and one dinner at the house of a cornet of the Guards. He took his army to the priest's, where they devoured as much provision as would have lasted him for two months, and to the cornet's, who performed wonders; but as Planchet said, "People do not eat at once for all time, even when they eat a good deal."Quant à d’Artagnan, qui ne connaissait encore personne dans la capitale, il ne trouva qu’un déjeuner de chocolat chez un prêtre de son pays, et un dîner chez un cornette des gardes. Il mena son armée chez le prêtre, auquel on dévora sa provision de deux mois, et chez le cornette, qui fit des merveilles ; mais, comme le disait Planchet, on ne mange toujours qu’une fois, même quand on mange beaucoup.
D'Artagnan thus felt himself humiliated in having only procured one meal and a half for his companions--as the breakfast at the priest's could only be counted as half a repast--in return for the feasts which Athos, Porthos, and Aramis had procured him. He fancied himself a burden to the society, forgetting in his perfectly juvenile good faith that he had fed this society for a month; and he set his mind actively to work. He reflected that this coalition of four young, brave, enterprising, and active men ought to have some other object than swaggering walks, fencing lessons, and practical jokes, more or less witty.D’Artagnan se trouva donc assez humilié de n’avoir eu qu’un repas et demi, car le déjeuner chez le prêtre ne pouvait compter que pour un demi-repas, à offrir à ses compagnons en échange des festins que s’étaient procurés Athos, Porthos et Aramis. Il se croyait à charge à la société, oubliant dans sa bonne foi toute juvénile qu’il avait nourri cette société pendant un mois, et son esprit préoccupé se mit à travailler activement. Il réfléchit que cette coalition de quatre hommes jeunes, braves, entreprenants et actifs devait avoir un autre but que des promenades déhanchées, des leçons d’escrime et des lazzi plus ou moins spirituels.
In fact, four men such as they were--four men devoted to one another, from their purses to their lives; four men always supporting one another, never yielding, executing singly or together the resolutions formed in common; four arms threatening the four cardinal points, or turning toward a single point--must inevitably, either subterraneously, in open day, by mining, in the trench, by cunning, or by force, open themselves a way toward the object they wished to attain, however well it might be defended, or however distant it may seem. The only thing that astonished d'Artagnan was that his friends had never thought of this.En effet, quatre hommes comme eux, quatre hommes dévoués les uns aux autres depuis la bourse jusqu’à la vie, quatre hommes se soutenant toujours, ne reculant jamais, exécutant isolément ou ensemble les résolutions prises en commun ; quatre bras menaçant les quatre points cardinaux ou se tournant vers un seul point, devaient inévitablement, soit souterrainement, soit au jour, soit par la mine, soit par la tranchée, soit par la ruse, soit par la force, s’ouvrir un chemin vers le but qu’ils voulaient atteindre, si bien défendu ou si éloigné qu’il fût. La seule chose qui étonnât d’Artagnan, c’est que ses compagnons n’eussent point songé à cela.
He was thinking by himself, and even seriously racking his brain to find a direction for this single force four times multiplied, with which he did not doubt, as with the lever for which Archimedes sought, they should succeed in moving the world, when someone tapped gently at his door. D'Artagnan awakened Planchet and ordered him to open it.Il y songeait, lui, et sérieusement même, se creusant la cervelle pour trouver une direction à cette force unique quatre fois multipliée avec laquelle il ne doutait pas que, comme avec le levier que cherchait Archimède, on ne parvînt à soulever le monde, – lorsque l’on frappa doucement à la porte. D’Artagnan réveilla Planchet et lui ordonna d’aller ouvrir.
From this phrase, "d'Artagnan awakened Planchet," the reader must not suppose it was night, or that day was hardly come. No, it had just struck four. Planchet, two hours before, had asked his master for some dinner, and he had answered him with the proverb, "He who sleeps, dines." And Planchet dined by sleeping.Que de cette phrase : d’Artagnan réveilla Planchet, le lecteur n’aille pas augurer qu’il faisait nuit ou que le jour n’était point encore venu. Non ! quatre heures venaient de sonner. Planchet, deux heures auparavant, était venu demander à dîner à son maître, lequel lui avait répondu par le proverbe : « Qui dort dîne. » Et Planchet dînait en dormant.
A man was introduced of simple mien, who had the appearance of a tradesman.Un homme fut introduit, de mine assez simple et qui avait l’air d’un bourgeois.
Planchet, by way of dessert, would have liked to hear the conversation; but the citizen declared to d'Artagnan that what he had to say being important and confidential, he desired to be left alone with him.Planchet, pour son dessert, eût bien voulu entendre la conversation ; mais le bourgeois déclara à d’Artagnan que ce qu’il avait à lui dire étant important et confidentiel, il désirait demeurer en tête-à-tête avec lui.
D'Artagnan dismissed Planchet, and requested his visitor to be seated.D’Artagnan congédia Planchet et fit asseoir son visiteur.
There was a moment of silence, during which the two men looked at each other, as if to make a preliminary acquaintance, after which d'Artagnan bowed, as a sign that he listened.Il y eut un moment de silence pendant lequel les deux hommes se regardèrent comme pour faire une connaissance préalable, après quoi d’Artagnan s’inclina en signe qu’il écoutait.
"I have heard Monsieur d'Artagnan spoken of as a very brave young man," said the citizen; "and this reputation which he justly enjoys had decided me to confide a secret to him."« J’ai entendu parler de M. d’Artagnan comme d’un jeune homme fort brave, dit le bourgeois, et cette réputation dont il jouit à juste titre m’a décidé à lui confier un secret.
"Speak, monsieur, speak," said d'Artagnan, who instinctively scented something advantageous.– Parlez, monsieur, parlez », dit d’Artagnan, qui d’instinct flaira quelque chose d’avantageux.
The citizen made a fresh pause and continued,Le bourgeois fit une nouvelle pause et continua :
"I have a wife who is seamstress to the queen, monsieur, and who is not deficient in either virtue or beauty. I was induced to marry her about three years ago, although she had but very little dowry, because Monsieur Laporte, the queen's cloak bearer, is her godfather, and befriends her."« J’ai ma femme qui est lingère chez la reine, monsieur, et qui ne manque ni de sagesse, ni de beauté. On me l’a fait épouser voilà bientôt trois ans, quoiqu’elle n’eût qu’un petit avoir, parce que M. de La Porte, le portemanteau de la reine, est son parrain et la protège…
"Well, monsieur?" asked d'Artagnan.– Eh bien, monsieur ? demanda d’Artagnan.
"Well!" resumed the citizen, "well, monsieur, my wife was abducted yesterday morning, as she was coming out of her workroom."– Eh bien, reprit le bourgeois, eh bien, monsieur, ma femme a été enlevée hier matin, comme elle sortait de sa chambre de travail.
"And by whom was your wife abducted?"– Et par qui votre femme a-t-elle été enlevée ?
"I know nothing surely, monsieur, but I suspect someone."– Je n’en sais rien sûrement, monsieur, mais je soupçonne quelqu’un.
"And who is the person whom you suspect?"– Et quelle est cette personne que vous soupçonnez ?
"A man who has persued her a long time."– Un homme qui la poursuivait depuis longtemps.
"The devil!"– Diable !
"But allow me to tell you, monsieur," continued the citizen, "that I am convinced that there is less love than politics in all this."– Mais voulez-vous que je vous dise, monsieur, continua le bourgeois, je suis convaincu, moi, qu’il y a moins d’amour que de politique dans tout cela.
"Less love than politics," replied d'Artagnan, with a reflective air; "and what do you suspect?"– Moins d’amour que de politique, reprit d’Artagnan d’un air fort réfléchi, et que soupçonnez-vous ?
"I do not know whether I ought to tell you what I suspect."– Je ne sais pas si je devrais vous dire ce que je soupçonne…
"Monsieur, I beg you to observe that I ask you absolutely nothing. It is you who have come to me. It is you who have told me that you had a secret to confide in me. Act, then, as you think proper; there is still time to withdraw."– Monsieur, je vous ferai observer que je ne vous demande absolument rien, moi. C’est vous qui êtes venu. C’est vous qui m’avez dit que vous aviez un secret à me confier. Faites donc à votre guise, il est encore temps de vous retirer.
"No, monsieur, no; you appear to be an honest young man, and I will have confidence in you. I believe, then, that it is not on account of any intrigues of her own that my wife has been arrested, but because of those of a lady much greater than herself."– Non, monsieur, non ; vous m’avez l’air d’un honnête jeune homme, et j’aurai confiance en vous. Je crois donc que ce n’est pas à cause de ses amours que ma femme a été arrêtée, mais à cause de celles d’une plus grande dame qu’elle.
"Ah, ah! Can it be on account of the amours of Madame de Bois-Tracy?" said d'Artagnan, wishing to have the air, in the eyes of the citizen, of being posted as to court affairs.– Ah ! ah ! serait-ce à cause des amours de Mme de Bois-Tracy ? fit d’Artagnan, qui voulut avoir l’air, vis-à-vis de son bourgeois, d’être au courant des affaires de la cour.
"Higher, monsieur, higher."– Plus haut, monsieur, plus haut.
"Of Madame d'Aiguillon?"– De Mme d’Aiguillon ?
"Still higher."– Plus haut encore.
"Of Madame de Chevreuse?"– De Mme de Chevreuse ?
« Higher, a lot higher ! »– Plus haut, beaucoup plus haut !
"Of the--" d'Artagnan checked himself.– De la… d’Artagnan s’arrêta.
"Yes, monsieur," replied the terrified citizen, in a tone so low that he was scarcely audible.– Oui, monsieur, répondit si bas, qu’à peine si on put l’entendre, le bourgeois épouvanté.
"And with whom?"– Et avec qui ?
"With whom can it be, if not the Duke of--"– Avec qui cela peut-il être, si ce n’est avec le duc de…
"The Duke of--"– Le duc de…
"Yes, monsieur," replied the citizen, giving a still fainter intonation to his voice.– Oui, monsieur ! répondit le bourgeois, en donnant à sa voix une intonation plus sourde encore.
"But how do you know all this?"– Mais comment savez-vous tout cela, vous ?
"How do I know it?"– Ah ! comment je le sais ?
"Yes, how do you know it? No half-confidence, or--you understand!"– Oui, comment le savez-vous ? Pas de demi-confidence, ou… vous comprenez.
"I know it from my wife, monsieur--from my wife herself."– Je le sais par ma femme, monsieur, par ma femme elle-même.
"Who learns it from whom?" "– Qui le sait, elle, par qui ?
“From Monsieur Laporte. Did I not tell you that she was the goddaughter of M. Laporte, the confidential man of the queen? Well, Monsieur Laporte placed her near her Majesty in order that our poor queen might at least have someone in whom she could place confidence, abandoned as she is by the king, watched as she is by the cardinal, betrayed as she is by everybody."– Par M. de La Porte. Ne vous ai-je pas dit qu’elle était la filleule de M. de La Porte, l’homme de confiance de la reine ? Eh bien, M. de La Porte l’avait mise près de Sa Majesté pour que notre pauvre reine au moins eût quelqu’un à qui se fier, abandonnée comme elle l’est par le roi, espionnée comme elle l’est par le cardinal, trahie comme elle l’est par tous.
"Ah, ah! It begins to develop itself," said d'Artagnan.– Ah ! ah ! voilà qui se dessine, dit d’Artagnan.
"Now, my wife came home four days ago, monsieur. One of her conditions was that she should come and see me twice a week; for, as I had the honor to tell you, my wife loves me dearly--my wife, then, came and confided to me that the queen at that very moment entertained great fears."– Or ma femme est venue il y a quatre jours, monsieur ; une de ses conditions était qu’elle devait me venir voir deux fois la semaine ; car, ainsi que j’ai eu l’honneur de vous le dire, ma femme m’aime beaucoup ; ma femme est donc venue, et m’a confié que la reine, en ce moment-ci, avait de grandes craintes.
"Truly!"– Vraiment ?
"Yes. The cardinal, as it appears, pursues her and persecutes her more than ever. He cannot pardon her the history of the Saraband. You know the history of the Saraband?"– Oui, M. le cardinal, à ce qu’il paraît, la poursuit et la persécute plus que jamais. Il ne peut pas lui pardonner l’histoire de la sarabande. Vous savez l’histoire de la sarabande ?
"PARDIEU! Know it!" replied d'Artagnan, who knew nothing about it, but who wished to appear to know everything that was going on.– Pardieu, si je la sais ! répondit d’Artagnan, qui ne savait rien du tout, mais qui voulait avoir l’air d’être au courant.
"So that now it is no longer hatred, but vengeance."– De sorte que, maintenant, ce n’est plus de la haine, c’est de la vengeance.
"Indeed!"– Vraiment ?
"And the queen believes--"– Et la reine croit…
"Well, what does the queen believe?"– Eh bien, que croit la reine ?
"She believes that someone has written to the Duke of Buckingham in her name."– Elle croit qu’on a écrit à M. le duc de Buckingham en son nom.
"In the queen's name?"– Au nom de la reine ?
"Yes, to make him come to Paris; and when once come to Paris, to draw him into some snare."– Oui, pour le faire venir à Paris, et une fois venu à Paris, pour l’attirer dans quelque piège.
"The devil! But your wife, monsieur, what has she to do with all this?"– Diable ! mais votre femme, mon cher monsieur, qu’a-t-elle à faire dans tout cela ?
"Her devotion to the queen is known; and they wish either to remove her from her mistress, or to intimidate her, in order to obtain her Majesty's secrets, or to seduce her and make use of her as a spy."– On connaît son dévouement pour la reine, et l’on veut ou l’éloigner de sa maîtresse, ou l’intimider pour avoir les secrets de Sa Majesté, ou la séduire pour se servir d’elle comme d’un espion.
"That is likely," said d'Artagnan; "but the man who has abducted her--do you know him?"– C’est probable, dit d’Artagnan ; mais l’homme qui l’a enlevée, le connaissez-vous ?
"I have told you that I believe I know him."– Je vous ai dit que je croyais le connaître.
"His name?"– Son nom ?
"I do not know that; what I do know is that he is a creature of the cardinal, his evil genius."– Je ne le sais pas ; ce que je sais seulement, c’est que c’est une créature du cardinal, son âme damnée.
"But you have seen him?"– Mais vous l’avez vu ?
"Yes, my wife pointed him out to me one day."– Oui, ma femme me l’a montré un jour.
'Has he anything remarkable about him by which one may recognize him?"– A-t-il un signalement auquel on puisse le reconnaître ?
"Oh, certainly; he is a noble of very lofty carriage, black hair, swarthy complexion, piercing eye, white teeth, and has a scar on his temple."– Oh ! certainement, c’est un seigneur de haute mine, poil noir, teint basané, œil perçant, dents blanches et une cicatrice à la tempe.
"A scar on his temple!" cried d'Artagnan; "and with that, white teeth, a piercing eye, dark complexion, black hair, and haughty carriage--why, that's my man of Meung."– Une cicatrice à la tempe ! s’écria d’Artagnan, et avec cela dents blanches, œil perçant, teint basané, poil noir, et haute mine ; c’est mon homme de Meung !
"He is your man, do you say?"– C’est votre homme, dites-vous ?
"Yes, yes; but that has nothing to do with it. No, I am wrong. On the contrary, that simplifies the matter greatly. If your man is mine, with one blow I shall obtain two revenges, that's all; but where to find this man?"– Oui, oui ; mais cela ne fait rien à la chose. Non, je me trompe, cela la simplifie beaucoup, au contraire : si votre homme est le mien, je ferai d’un coup deux vengeances, voilà tout ; mais où rejoindre cet homme ?
"I know not."– Je n’en sais rien.
"Have you no information as to his abiding place?"– Vous n’avez aucun renseignement sur sa demeure ?
"None. One day, as I was conveying my wife back to the Louvre, he was coming out as she was going in, and she showed him to me."– Aucun ; un jour que je reconduisais ma femme au Louvre, il en sortait comme elle allait y entrer, et elle me l’a fait voir.
"The devil! The devil!" murmured d'Artagnan; "all this is vague enough. From whom have you learned of the abduction of your wife?"– Diable ! diable ! murmura d’Artagnan, tout ceci est bien vague ; par qui avez-vous su l’enlèvement de votre femme ?
"From Monsieur Laporte."– Par M. de La Porte.
"Did he give you any details?"– Vous a-t-il donné quelque détail ?
"He knew none himself."– Il n’en avait aucun.
"And you have learned nothing from any other quarter?"– Et vous n’avez rien appris d’un autre côté ?
"Yes, I have received--"– Si fait, j’ai reçu…
"What?"– Quoi ?
"I fear I am committing a great imprudence."– Mais je ne sais pas si je ne commets pas une grande imprudence ?
"You always come back to that; but I must make you see this time that it is too late to retreat."– Vous revenez encore là-dessus ; cependant je vous ferai observer que, cette fois, il est un peu tard pour reculer.
"I do not retreat, MORDIEU!" cried the citizen, swearing in order to rouse his courage. "Besides, by the faith of Bonacieux--"– Aussi je ne recule pas, mordieu ! s’écria le bourgeois en jurant pour se monter la tête. D’ailleurs, foi de Bonacieux…
"You call yourself Bonacieux?" interrupted d'Artagnan.– Vous vous appelez Bonacieux ? interrompit d’Artagnan.
"Yes, that is my name."– Oui, c’est mon nom.
"You said, then, by the word of Bonacieux. Pardon me for interrupting you, but it appears to me that that name is familiar to me."– Vous disiez donc : foi de Bonacieux ! pardon si je vous ai interrompu ; mais il me semblait que ce nom ne m’était pas inconnu.
"Possibly, monsieur. I am your landlord."– C’est possible, monsieur. Je suis votre propriétaire.
"Ah, ah!" said d'Artagnan, half rising and bowing; "you are my landlord?"– Ah ! ah ! fit d’Artagnan en se soulevant à demi et en saluant, vous êtes mon propriétaire ?
"Yes, monsieur, yes. And as it is three months since you have been here, and though, distracted as you must be in your important occupations, you have forgotten to pay me my rent--as, I say, I have not tormented you a single instant, I thought you would appreciate my delicacy."– Oui, monsieur, oui. Et comme depuis trois mois que vous êtes chez moi, et que distrait sans doute par vos grandes occupations vous avez oublié de me payer mon loyer ; comme, dis-je, je ne vous ai pas tourmenté un seul instant, j’ai pensé que vous auriez égard à ma délicatesse.
"How can it be otherwise, my dear Bonacieux?" replied d'Artagnan; "trust me, I am fully grateful for such unparalleled conduct, and if, as I told you, I can be of any service to you--"– Comment donc ! mon cher monsieur Bonacieux, reprit d’Artagnan, croyez que je suis plein de reconnaissance pour un pareil procédé, et que, comme je vous l’ai dit, si je puis vous être bon à quelque chose…
"I believe you, monsieur, I believe you; and as I was about to say, by the word of Bonacieux, I have confidence in you."– Je vous crois, monsieur, je vous crois, et comme j’allais vous le dire, foi de Bonacieux, j’ai confiance en vous.
"Finish, then, what you were about to say."– Achevez donc ce que vous avez commencé à me dire. »
The citizen took a paper from his pocket, and presented it to d'Artagnan.Le bourgeois tira un papier de sa poche, et le présenta à d’Artagnan.
"A letter?" said the young man.« Une lettre ! fit le jeune homme.
"Which I received this morning."– Que j’ai reçue ce matin. »
D'Artagnan opened it, and as the day was beginning to decline, he approached the window to read it. The citizen followed him.D’Artagnan l’ouvrit, et comme le jour commençait à baisser, il s’approcha de la fenêtre. Le bourgeois le suivit.
"'Do not seek your wife,'" read d'Artagnan; "'she will be restored to you when there is no longer occasion for her. If you make a single step to find her you are lost.'« Ne cherchez pas votre femme, lut d’Artagnan, elle vous sera rendue quand on n’aura plus besoin d’elle. Si vous faites une seule démarche pour la retrouver, vous êtes perdu. »
"That's pretty positive," continued d'Artagnan; "but after all, it is but a menace."« Voilà qui est positif, continua d’Artagnan ; mais après tout, ce n’est qu’une menace.
"Yes; but that menace terrifies me. I am not a fighting man at all, monsieur, and I am afraid of the Bastille."– Oui, mais cette menace m’épouvante ; moi, monsieur, je ne suis pas homme d’épée du tout, et j’ai peur de la Bastille.
"Hum!" said d'Artagnan. "I have no greater regard for the Bastille than you. If it were nothing but a sword thrust, why then--"– Hum ! fit d’Artagnan ; mais c’est que je ne me soucie pas plus de la Bastille que vous, moi. S’il ne s’agissait que d’un coup d’épée, passe encore.
"I have counted upon you on this occasion, monsieur."– Cependant, monsieur, j’avais bien compté sur vous dans cette occasion.
"Yes?"– Oui ?
"Seeing you constantly surrounded by Musketeers of a very superb appearance, and knowing that these Musketeers belong to Monsieur de Treville, and were consequently enemies of the cardinal, I thought that you and your friends, while rendering justice to your poor queen, would be pleased to play his Eminence an ill turn."– Vous voyant sans cesse entouré de mousquetaires à l’air fort superbe, et reconnaissant que ces mousquetaires étaient ceux de M. de Tréville, et par conséquent des ennemis du cardinal, j’avais pensé que vous et vos amis, tout en rendant justice à notre pauvre reine, seriez enchantés de jouer un mauvais tour à Son Éminence.
"Without doubt."– Sans doute.
"And then I have thought that considering three months' lodging, about which I have said nothing--"– Et puis j’avais pensé que, me devant trois mois de loyer dont je ne vous ai jamais parlé…
"Yes, yes; you have already given me that reason, and I find it excellent."– Oui, oui, vous m’avez déjà donné cette raison, et je la trouve excellente.
"Reckoning still further, that as long as you do me the honor to remain in my house I shall never speak to you about rent--"– Comptant de plus, tant que vous me ferez l’honneur de rester chez moi, ne jamais vous parler de votre loyer à venir…
"Very kind!"– Très bien.
"And adding to this, if there be need of it, meaning to offer you fifty pistoles, if, against all probability, you should be short at the present moment."– Et ajoutez à cela, si besoin est, comptant vous offrir une cinquantaine de pistoles si, contre toute probabilité, vous vous trouviez gêné en ce moment.
"Admirable! You are rich then, my dear Monsieur Bonacieux?"– À merveille ; mais vous êtes donc riche, mon cher monsieur Bonacieux ?
"I am comfortably off, monsieur, that's all; I have scraped together some such thing as an income of two or three thousand crown in the haberdashery business, but more particularly in venturing some funds in the last voyage of the celebrated navigator Jean Moquet; so that you understand, monsieur--But" cried the citizen.– Je suis à mon aise, monsieur, c’est le mot ; j’ai amassé quelque chose comme deux ou trois mille écus de rente dans le commerce de la mercerie, et surtout en plaçant quelques fonds sur le dernier voyage du célèbre navigateur Jean Mocquet ; de sorte que, vous comprenez, monsieur… Ah ! mais… s’écria le bourgeois.
"What!" demanded d'Artagnan.– Quoi ? demanda d’Artagnan.
"Whom do I see yonder?"– Que vois-je là ?
"Where?"– Où ?
"In the street, facing your window, in the embrasure of that door--a man wrapped in a cloak."– Dans la rue, en face de vos fenêtres, dans l’embrasure de cette porte : un homme enveloppé dans un manteau.
"It is he!" cried d'Artagnan and the citizen at the same time, each having recognized his man.– C’est lui ! s’écrièrent à la fois d’Artagnan et le bourgeois, chacun d’eux en même temps ayant reconnu son homme.
"Ah, this time," cried d'Artagnan, springing to his sword, "this time he will not escape me!"– Ah ! cette fois-ci, s’écria d’Artagnan en sautant sur son épée, cette fois-ci, il ne m’échappera pas. »
Drawing his sword from its scabbard, he rushed out of the apartment.Et tirant son épée du fourreau, il se précipita hors de l’appartement.
On the staircase he met Athos and Porthos, who were coming to see him. They separated, and d'Artagnan rushed between them like a dart.Sur l’escalier, il rencontra Athos et Porthos qui le venaient voir. Ils s’écartèrent, d’Artagnan passa entre eux comme un trait.
"Pah! Where are you going?" cried the two Musketeers in a breath.« Ah çà, où cours-tu ainsi ? lui crièrent à la fois les deux mousquetaires.
"The man of Meung!" replied d'Artagnan, and disappeared.– L’homme de Meung ! » répondit d’Artagnan, et il disparut.
D'Artagnan had more than once related to his friends his adventure with the stranger, as well as the apparition of the beautiful foreigner, to whom this man had confided some important missive.D’Artagnan avait plus d’une fois raconté à ses amis son aventure avec l’inconnu, ainsi que l’apparition de la belle voyageuse à laquelle cet homme avait paru confier une si importante missive.
The opinion of Athos was that d'Artagnan had lost his letter in the skirmish. A gentleman, in his opinion--and according to d'Artagnan's portrait of him, the stranger must be a gentleman—a gentleman would be incapable of the baseness of stealing a letter.L’avis d’Athos avait été que d’Artagnan avait perdu sa lettre dans la bagarre. Un gentilhomme, selon lui – et, au portrait que d’Artagnan avait fait de l’inconnu, ce ne pouvait être qu’un gentilhomme –, un gentilhomme devait être incapable de cette bassesse, de voler une lettre.
Porthos saw nothing in all this but a love meeting, given by a lady to a cavalier, or by a cavalier to a lady, which had been disturbed by the presence of d'Artagnan and his yellow horse.Porthos n’avait vu dans tout cela qu’un rendez-vous amoureux donné par une dame à un cavalier ou par un cavalier à une dame, et qu’était venu troubler la présence de d’Artagnan et de son cheval jaune.
Aramis said that as these sorts of affairs were mysterious, it was better not to fathom them.Aramis avait dit que ces sortes de choses étant mystérieuses, mieux valait ne les point approfondir.
They understood, then, from the few words which escaped from d'Artagnan, what affair was in hand, and as they thought that overtaking his man, or losing sight of him, d'Artagnan would return to his rooms, they kept on their way.Ils comprirent donc, sur les quelques mots échappés à d’Artagnan, de quelle affaire il était question, et comme ils pensèrent qu’après avoir rejoint son homme ou l’avoir perdu de vue, d’Artagnan finirait toujours par remonter chez lui, ils continuèrent leur chemin.
When they entered D'Artagan's chamber, it was empty; the landlord, dreading the consequences of the encounter which was doubtless about to take place between the young man and the stranger, had, consistent with the character he had given himself, judged it prudent to decamp. Lorsqu’ils entrèrent dans la chambre de d’Artagnan, la chambre était vide : le propriétaire, craignant les suites de la rencontre qui allait sans doute avoir lieu entre le jeune homme et l’inconnu, avait, par suite de l’exposition qu’il avait faite lui-même de son caractère, jugé qu’il était prudent de décamper.
9 D'ARTAGNAN SHOWS HIMSELFCHAPITRE IX D’ARTAGNAN SE DESSINE
As Athos and Porthos had foreseen, at the expiration of a half hour, d'Artagnan returned. He had again missed his man, who had disappeared as if by enchantment. D'Artagnan had run, sword in hand, through all the neighboring streets, but had found nobody resembling the man he sought for. Then he came back to the point where, perhaps, he ought to have begun, and that was to knock at the door against which the stranger had leaned; but this proved useless--for though he knocked ten or twelve times in succession, no one answered, and some of the neighbors, who put their noses out of their windows or were brought to their doors by the noise, had assured him that that house, all the openings of which were tightly closed, had not been inhabited for six months.Comme l’avaient prévu Athos et Porthos, au bout d’une demi-heure d’Artagnan rentra. Cette fois encore il avait manqué son homme, qui avait disparu comme par enchantement. D’Artagnan avait couru, l’épée à la main, toutes les rues environnantes, mais il n’avait rien trouvé qui ressemblât à celui qu’il cherchait, puis enfin il en était revenu à la chose par laquelle il aurait dû commencer peut-être, et qui était de frapper à la porte contre laquelle l’inconnu était appuyé ; mais c’était inutilement qu’il avait dix ou douze fois de suite fait résonner le marteau, personne n’avait répondu, et des voisins qui, attirés par le bruit, étaient accourus sur le seuil de leur porte ou avaient mis le nez à leurs fenêtres, lui avaient assuré que cette maison, dont au reste toutes les ouvertures étaient closes, était depuis six mois complètement inhabitée.
While d'Artagnan was running through the streets and knocking at doors, Aramis had joined his companions; so that on returning home d'Artagnan found the reunion complete.Pendant que d’Artagnan courait les rues et frappait aux portes, Aramis avait rejoint ses deux compagnons, de sorte qu’en revenant chez lui, d’Artagnan trouva la réunion au grand complet.
"Well!" cried the three Musketeers all together, on seeing d'Artagnan enter with his brow covered with perspiration and his countenance upset with anger.« Eh bien ? dirent ensemble les trois mousquetaires en voyant entrer d’Artagnan, la sueur sur le front et la figure bouleversée par la colère.
"Well!" cried he, throwing his sword upon the bed, "this man must be the devil in person; he has disappeared like a phantom, like a shade, like a specter."– Eh bien, s’écria celui-ci en jetant son épée sur le lit, il faut que cet homme soit le diable en personne ; il a disparu comme un fantôme, comme une ombre, comme un spectre.
"Do you believe in apparitions?" asked Athos of Porthos.– Croyez-vous aux apparitions ? demanda Athos à Porthos.
"I never believe in anything I have not seen, and as I never have seen apparitions, I don't believe in them."– Moi, je ne crois que ce que j’ai vu, et comme je n’ai jamais vu d’apparitions, je n’y crois pas.
"The Bible," said Aramis, "make our belief in them a law; the ghost of Samuel appeared to Saul, and it is an article of faith that I should be very sorry to see any doubt thrown upon, Porthos."– La Bible, dit Aramis, nous fait une loi d’y croire : l’ombre de Samuel apparut à Saül, et c’est un article de foi que je serais fâché de voir mettre en doute, Porthos.
"At all events, man or devil, body or shadow, illusion or reality, this man is born for my damnation; for his flight has caused us to miss a glorious affair, gentlemen--an affair by which there were a hundred pistoles, and perhaps more, to be gained."– Dans tous les cas, homme ou diable, corps ou ombre, illusion ou réalité, cet homme est né pour ma damnation, car sa fuite nous fait manquer une affaire superbe, messieurs, une affaire dans laquelle il y avait cent pistoles et peut-être plus à gagner.
"How is that?" cried Porthos and Aramis in a breath.– Comment cela ? » dirent à la fois Porthos et Aramis.
As to Athos, faithful to his system of reticence, he contented himself with interrogating d'Artagnan by a look.Quant à Athos, fidèle à son système de mutisme, il se contenta d’interroger d’Artagnan du regard.
"Planchet," said d'Artagnan to his domestic, who just then insinuated his head through the half-open door in order to catch some fragments of the conversation, "go down to my landlord, Monsieur Bonacieux, and ask him to send me half a dozen bottles of Beaugency wine; I prefer that."« Planchet, dit d’Artagnan à son domestique, qui passait en ce moment la tête par la porte entrebâillée pour tâcher de surprendre quelques bribes de la conversation, descendez chez mon propriétaire, M. Bonacieux, et dites-lui de nous envoyer une demi-douzaine de bouteilles de vin de Beaugency : c’est celui que je préfère.
"Ah, ah! You have credit with your landlord, then?" asked Porthos.– Ah çà, mais vous avez donc crédit ouvert chez votre propriétaire ? demanda Porthos.
"Yes," replied d'Artagnan, "from this very day; and mind, if the wine is bad, we will send him to find some better."– Oui, répondit d’Artagnan, à compter d’aujourd’hui, et soyez tranquilles, si son vin est mauvais, nous lui en enverrons quérir d’autre.
"We must use, and not abuse," said Aramis, sententiously.– Il faut user et non abuser, dit sentencieusement Aramis.
"I always said that d'Artagnan had the longest head of the four," said Athos, who, having uttered his opinion, to which d'Artagnan replied with a bow, immediately resumed his accustomed silence.– J’ai toujours dit que d’Artagnan était la forte tête de nous quatre, fit Athos, qui, après avoir émis cette opinion à laquelle d’Artagnan répondit par un salut, retomba aussitôt dans son silence accoutumé.
"But come, what is this about?" asked Porthos.– Mais enfin, voyons, qu’y a-t-il ? demanda Porthos.
"Yes," said Aramis, "impart it to us, my dear friend, unless the honor of any lady be hazarded by this confidence; in that case you would do better to keep it to yourself."– Oui, dit Aramis, confiez-nous cela, mon cher ami, à moins que l’honneur de quelque dame ne se trouve intéressé à cette confidence, à ce quel cas vous feriez mieux de la garder pour vous.
"Be satisfied," replied d'Artagnan; "the honor of no one will have cause to complain of what I have to tell.– Soyez tranquilles, répondit d’Artagnan, l’honneur de personne n’aura à se plaindre de ce que j’ai à vous dire. »
He then related to his friends, word for word, all that had passed between him and his host, and how the man who had abducted the wife of his worthy landlord was the same with whom he had had the difference at the hostelry of the Jolly Miller.Et alors il raconta mot à mot à ses amis ce qui venait de se passer entre lui et son hôte, et comment l’homme qui avait enlevé la femme du digne propriétaire était le même avec lequel il avait eu maille à partir à l’hôtellerie du Franc Meunier.
"Your affair is not bad," said Athos, after having tasted like a connoisseur and indicated by a nod of his head that he thought the wine good; "and one may draw fifty or sixty pistoles from this good man. Then there only remains to ascertain whether these fifty or sixty pistoles are worth the risk of four heads."« Votre affaire n’est pas mauvaise, dit Athos après avoir goûté le vin en connaisseur et indiqué d’un signe de tête qu’il le trouvait bon, et l’on pourra tirer de ce brave homme cinquante à soixante pistoles. Maintenant, reste à savoir si cinquante à soixante pistoles valent la peine de risquer quatre têtes.
"But observe," cried d'Artagnan, "that there is a woman in the affair--a woman carried off, a woman who is doubtless threatened, tortured perhaps, and all because she is faithful to her mistress."– Mais faites attention, s’écria d’Artagnan qu’il y a une femme dans cette affaire, une femme enlevée, une femme qu’on menace sans doute, qu’on torture peut-être, et tout cela parce qu’elle est fidèle à sa maîtresse !
"Beware, d'Artagnan, beware," said Aramis. "You grow a little too warm, in my opinion, about the fate of Madame Bonacieux. Woman was created for our destruction, and it is from her we inherit all our miseries."– Prenez garde, d’Artagnan, prenez garde, dit Aramis, vous vous échauffez un peu trop, à mon avis, sur le sort de Mme Bonacieux. La femme a été créée pour notre perte, et c’est d’elle que nous viennent toutes nos misères. »
At this speech of Aramis, the brow of Athos became clouded and he bit his lips.Athos, à cette sentence d’Aramis, fronça le sourcil et se mordit les lèvres.
"It is not Madame Bonacieux about whom I am anxious," cried d'Artagnan, "but the queen, whom the king abandons, whom the cardinal persecutes, and who sees the heads of all her friends fall, one after the other."« Ce n’est point de Mme Bonacieux que je m’inquiète, s’écria d’Artagnan, mais de la reine, que le roi abandonne, que le cardinal persécute, et qui voit tomber, les unes après les autres, les têtes de tous ses amis.
"Why does she love what we hate most in the world, the Spaniards and the English?"– Pourquoi aime-t-elle ce que nous détestons le plus au monde, les Espagnols et les Anglais ?
"Spain is her country," replied d'Artagnan; "and it is very natural that she should love the Spanish, who are the children of the same soil as herself. As to the second reproach, I have heard it said that she does not love the English, but an Englishman."– L’Espagne est sa patrie, répondit d’Artagnan, et il est tout simple qu’elle aime les Espagnols, qui sont enfants de la même terre qu’elle. Quant au second reproche que vous lui faites, j’ai entendu dire qu’elle aimait non pas les Anglais, mais un Anglais.
"Well, and by my faith," said Athos, "it must be acknowledged that this Englishman is worthy of being loved. I never saw a man with a nobler air than his."– Eh ! ma foi, dit Athos, il faut avouer que cet Anglais était bien digne d’être aimé. Je n’ai jamais vu un plus grand air que le sien.
"Without reckoning that he dresses as nobody else can," said Porthos. "I was at the Louvre on the day when he scattered his pearls; and, PARDIEU, I picked up two that I sold for ten pistoles each. Do you know him, Aramis?"– Sans compter qu’il s’habille comme personne, dit Porthos. J’étais au Louvre le jour où il a semé ses perles, et pardieu ! j’en ai ramassé deux que j’ai bien vendues dix pistoles pièce. Et toi, Aramis, le connais-tu ?
"As well as you do, gentlemen; for I was among those who seized him in the garden at Amiens, into which Monsieur Putange, the queen's equerry, introduced me. I was at school at the time, and the adventure appeared to me to be cruel for the king."– Aussi bien que vous, messieurs, car j’étais de ceux qui l’ont arrêté dans le jardin d’Amiens, où m’avait introduit M. de Putange, l’écuyer de la reine. J’étais au séminaire à cette époque, et l’aventure me parut cruelle pour le roi.
"Which would not prevent me," said d'Artagnan, "if I knew where the Duke of Buckingham was, from taking him by the hand and conducting him to the queen, were it only to enrage the cardinal; because our true, our only, our eternal enemy, sir, and if we could find means to play him a sharp turn, I vow that I would voluntarily risk my head in doing it."– Ce qui ne m’empêcherait pas, dit d’Artagnan, si je savais où est le duc de Buckingham, de le prendre par la main et de le conduire près de la reine, ne fût-ce que pour faire engager M. le cardinal ; car notre véritable, notre seul, notre éternel ennemi, messieurs, c’est le cardinal, et si nous pouvions trouver moyen de lui jouer quelque tour bien cruel, j’avoue que j’y engagerais volontiers ma tête.
"And did the mercer*," rejoined Athos, "tell you, d'Artagnan, that the queen thought that Buckingham had been brought over by a forged letter?"– Et, reprit Athos, le mercier vous a dit, d’Artagnan, que la reine pensait qu’on avait fait venir Buckingham sur un faux avis ?
"She is afraid so."– Elle en a peur.
"Wait a minute, then," said Aramis.– Attendez donc, dit Aramis.
"What for?" demanded Porthos.– Quoi ? demanda Porthos.
"Go on, while I endeavor to recall circumstances."– Allez toujours, je cherche à me rappeler des circonstances.
"And now I am convinced," said d'Artagnan, "that this abduction of the queen's woman is connected with the events of which we are speaking, and perhaps with the presence of Buckingham in Paris."– Et maintenant je suis convaincu, dit d’Artagnan, que l’enlèvement de cette femme de la reine se rattache aux événements dont nous parlons, et peut-être à la présence de M. de Buckingham à Paris.
"The Gascon is full of ideas," said Porthos, with admiration.– Le Gascon est plein d’idées, dit Porthos avec admiration.
"I like to hear him talk," said Athos; "his dialect amuses me."– J’aime beaucoup l’entendre parler, dit Athos, son patois m’amuse.
"Gentlemen," cried Aramis, "listen to this."– Messieurs, reprit Aramis, écoutez ceci.
"Listen to Aramis," said his three friends.– Écoutons Aramis, dirent les trois amis.
"Yesterday I was at the house of a doctor of theology, whom I sometimes consult about my studies."– Hier je me trouvais chez un savant docteur en théologie que je consulte quelquefois pour mes études… »
Athos smiled.Athos sourit.
"He resides in a quiet quarter," continued Aramis; "his tastes and his profession require it. Now, at the moment when I left his house--"« Il habite un quartier désert, continua Aramis : ses goûts, sa profession l’exigent. Or, au moment où je sortais de chez lui… »
Here Aramis paused.Ici Aramis s’arrêta.
"Well," cried his auditors; "at the moment you left his house?"« Eh bien ? demandèrent ses auditeurs, au moment où vous sortiez de chez lui ? »
Aramis appeared to make a strong inward effort, like a man who, in the full relation of a falsehood, finds himself stopped by some unforeseen obstacle; but the eyes of his three companions were fixed upon him, their ears were wide open, and there were no means of retreat.Aramis parut faire un effort sur lui-même, comme un homme qui, en plein courant de mensonge, se voit arrêter par quelque obstacle imprévu ; mais les yeux de ses trois compagnons étaient fixés sur lui, leurs oreilles attendaient béantes, il n’y avait pas moyen de reculer.
"This doctor has a niece," continued Aramis.« Ce docteur a une nièce, continua Aramis.
"Ah, he has a niece!" interrupted Porthos.– Ah ! il a une nièce ! interrompit Porthos.
"A very respectable lady," said Aramis.– Dame fort respectable », dit Aramis.
The three friends burst into laughter.Les trois amis se mirent à rire.
"Ah, if you laugh, if you doubt me," replied Aramis, "you shall know nothing."« Ah ! si vous riez ou si vous doutez, reprit Aramis, vous ne saurez rien.
"We believe like Mohammedans, and are as mute as tombstones," said Athos.– Nous sommes croyants comme des mahométistes et muets comme des catafalques, dit Athos.
"I will continue, then," resumed Aramis. "This niece comes sometimes to see her uncle; and by chance was there yesterday at the same time that I was, and it was my duty to offer to conduct her to her carriage."– Je continue donc, reprit Aramis. Cette nièce vient quelquefois voir son oncle ; or elle s’y trouvait hier en même temps que moi, par hasard, et je dus m’offrir pour la conduire à son carrosse.
"Ah! She has a carriage, then, this niece of the doctor?" interrupted Porthos, one of whose faults was a great looseness of tongue. "A nice acquaintance, my friend!"– Ah ! elle a un carrosse, la nièce du docteur ? interrompit Porthos, dont un des défauts était une grande incontinence de langue ; belle connaissance, mon ami.
"Porthos," replied Aramis, "I have had the occasion to observe to you more than once that you are very indiscreet; and that is injurious to you among the women."– Porthos, reprit Aramis, je vous ai déjà fait observer plus d’une fois que vous êtes fort indiscret, et que cela vous nuit près des femmes.
"Gentlemen, gentlemen," cried d'Artagnan, who began to get a glimpse of the result of the adventure, "the thing is serious. Let us try not to jest, if we can. Go on Aramis, go on."– Messieurs, messieurs, s’écria d’Artagnan, qui entrevoyait le fond de l’aventure, la chose est sérieuse ; tâchons donc de ne pas plaisanter si nous pouvons. Allez, Aramis, allez.
"All at once, a tall, dark, with manners of a gentleman--just like yours, d'Artagnan."– Tout à coup, un homme grand, brun, aux manières de gentilhomme…, tenez, dans le genre du vôtre, d’Artagnan.
"The same, perhaps," said he.– Le même peut-être, dit celui-ci.
"Possibly," continued Aramis, "came toward me, accompanied by five or six men who followed about ten paces behind him; and in the politest tone, 'Monsieur Duke,' said he to me, 'and you madame,' continued he, addressing the lady on my arm—"– C’est possible, continua Aramis,… s’approcha de moi, accompagné de cinq ou six hommes qui le suivaient à dix pas en arrière, et du ton le plus poli : “Monsieur le duc, me dit-il, et vous, madame”, continua-t-il en s’adressant à la dame que j’avais sous le bras…
"The doctor's niece?"– À la nièce du docteur ?
"Hold your tongue, Porthos," said Athos; "you are insupportable."– Silence donc, Porthos ! dit Athos, vous êtes insupportable.
"'--will you enter this carriage, and that without offering the least resistance, without making the least noise?'"– Veuillez monter dans ce carrosse, et cela sans essayer la moindre résistance, sans faire le moindre bruit. »
"He took you for Buckingham!" cried d'Artagnan.– Il vous avait pris pour Buckingham ! s’écria d’Artagnan.
"I believe so," replied Aramis.– Je le crois, répondit Aramis.
"But the lady?" asked Porthos.– Mais cette dame ? demanda Porthos.
"He took her for the queen!" said d'Artagnan.– Il l’avait prise pour la reine ! dit d’Artagnan.
"Just so," replied Aramis.– Justement, répondit Aramis.
"The Gascon is the devil!" cried Athos; "nothing escapes him."– Le Gascon est le diable ! s’écria Athos, rien ne lui échappe.
"The fact is," said Porthos, "Aramis is of the same height, and something of the shape of the duke; but it nevertheless appears to me that the dress of a Musketeer--"– Le fait est, dit Porthos, qu’Aramis est de la taille et a quelque chose de la tournure du beau duc ; mais cependant, il me semble que l’habit de mousquetaire…
"I wore an enormous cloak," said Aramis.– J’avais un manteau énorme, dit Aramis.
"In the month of July? The devil!" said Porthos. "Is the doctor afraid that you may be recognized?"– Au mois de juillet, diable ! fit Porthos, est-ce que le docteur craint que tu ne sois reconnu ?
"I can comprehend that the spy may have been deceived by the person; but the face--"– Je comprends encore, dit Athos, que l’espion se soit laissé prendre par la tournure ; mais le visage…
"I had a large hat," said Aramis.– J’avais un grand chapeau, dit Aramis.
"Oh, good lord," cried Porthos, "what precautions for the study of theology!"– Oh ! mon Dieu, s’écria Porthos, que de précautions pour étudier la théologie !
"Gentlemen, gentlemen," said d'Artagnan, "do not let us lose our time in jesting. Let us separate, and let us seek the mercer's wife--that is the key of the intrigue."– Messieurs, messieurs, dit d’Artagnan, ne perdons pas notre temps à badiner ; éparpillons-nous et cherchons la femme du mercier, c’est la clef de l’intrigue.
"A woman of such inferior condition! Can you believe so?" said Porthos, protruding his lips with contempt.– Une femme de condition si inférieure ! vous croyez, d’Artagnan ? fit Porthos en allongeant les lèvres avec mépris.
"She is goddaughter to Laporte, the confidential valet of the queen. Have I not told you so, gentlemen? Besides, it has perhaps been her Majesty's calculation to seek on this occasion for support so lowly. High heads expose themselves from afar, and the cardinal is longsighted."– C’est la filleule de La Porte, le valet de confiance de la reine. Ne vous l’ai-je pas dit, messieurs ? Et d’ailleurs, c’est peut-être un calcul de Sa Majesté d’avoir été, cette fois, chercher ses appuis si bas. Les hautes têtes se voient de loin, et le cardinal a bonne vue.
"Well," said Porthos, "in the first place make a bargain with the mercer, and a good bargain."– Eh bien, dit Porthos, faites d’abord prix avec le mercier, et bon prix.
"That's useless," said d'Artagnan; "for I believe if he does not pay us, we shall be well enough paid by another party."– C’est inutile, dit d’Artagnan, car je crois que s’il ne nous paie pas, nous serons assez payés d’un autre côté. »
At this moment a sudden noise of footsteps was heard upon the stairs; the door was thrown violently open, and the unfortunate mercer rushed into the chamber in which the council was held.En ce moment, un bruit précipité de pas retentit dans l’escalier, la porte s’ouvrit avec fracas, et le malheureux mercier s’élança dans la chambre où se tenait le conseil.
"Save me, gentlemen, for the love of heaven, save me!" cried he. "There are four men come to arrest me. Save me! Save me!"« Ah ! messieurs, s’écria-t-il, sauvez-moi, au nom du Ciel, sauvez-moi ! Il y a quatre hommes qui viennent pour m’arrêter ; sauvez-moi, sauvez-moi ! »
Porthos and Aramis arose.Porthos et Aramis se levèrent.
"A moment," cried d'Artagnan, making them a sign to replace in the scabbard their half-drawn swords. "It is not courage that is needed; it is prudence."« Un moment, s’écria d’Artagnan en leur faisant signe de repousser au fourreau leurs épées à demi tirées ; un moment, ce n’est pas du courage qu’il faut ici, c’est de la prudence.
"And yet," cried Porthos, "we will not leave--"– Cependant, s’écria Porthos, nous ne laisserons pas…
"You will leave d'Artagnan to act as he thinks proper," said Athos. "He has, I repeat, the longest head of the four, and for my part I declare that I will obey him. Do as you think best, d'Artagnan."– Vous laisserez faire d’Artagnan, dit Athos, c’est, je le répète, la forte tête de nous tous, et moi, pour mon compte, je déclare que je lui obéis. Fais ce que tu voudras, d’Artagnan. »
At this moment the four Guards appeared at the door of the antechamber, but seeing four Musketeers standing, and their swords by their sides, they hesitated about going farther.En ce moment, les quatre gardes apparurent à la porte de l’antichambre, et voyant quatre mousquetaires debout et l’épée au côté, hésitèrent à aller plus loin.
"Come in, gentlemen, come in," called d'Artagnan; "you are here in my apartment, and we are all faithful servants of the king and cardinal."« Entrez, messieurs, entrez, cria d’Artagnan ; vous êtes ici chez moi, et nous sommes tous de fidèles serviteurs du roi et de M. le cardinal.
"Then, gentlemen, you will not oppose our executing the orders we have received?" asked one who appeared to be the leader of the party.– Alors, messieurs, vous ne vous opposerez pas à ce que nous exécutions les ordres que nous avons reçus ? demanda celui qui paraissait le chef de l’escouade.
"On the contrary, gentlemen, we would assist you if it were necessary."– Au contraire, messieurs, et nous vous prêterions main-forte, si besoin était.
"What does he say?" grumbled Porthos.– Mais que dit-il donc ? marmotta Porthos.
"You are a simpleton," said Athos. "Silence!"– Tu es un niais, dit Athos, silence !
"But you promised me—" whispered the poor mercer.– Mais vous m’avez promis…, dit tout bas le pauvre mercier.
"We can only save you by being free ourselves," replied d'Artagnan, in a rapid, low tone; "and if we appear inclined to defend you, they will arrest us with you."– Nous ne pouvons vous sauver qu’en restant libres, répondit rapidement et tout bas d’Artagnan, et si nous faisons mine de vous défendre, on nous arrête avec vous.
"It seems, nevertheless--"– Il me semble, cependant…
"Come, gentlemen, come!" said d'Artagnan, aloud; "I have no motive for defending Monsieur. I saw him today for the first time, and he can tell you on what occasion; he came to demand the rent of my lodging. Is that not true, Monsieur Bonacieux? Answer!"– Venez, messieurs, venez, dit tout haut d’Artagnan ; je n’ai aucun motif de défendre monsieur. Je l’ai vu aujourd’hui pour la première fois, et encore à quelle occasion, il vous le dira lui-même, pour me venir réclamer le prix de mon loyer. Est-ce vrai, monsieur Bonacieux ? Répondez !
"That is the very truth," cried the mercer; "but Monsieur does not tell you--"– C’est la vérité pure, s’écria le mercier, mais monsieur ne vous dit pas…
"Silence, with respect to me, silence, with respect to my friends; silence about the queen, above all, or you will ruin everybody without saving yourself! Come, come, gentlemen, remove the fellow."– Silence sur moi, silence sur mes amis, silence sur la reine surtout, ou vous perdriez tout le monde sans vous sauver. Allez, allez, messieurs, emmenez cet homme ! »
And d'Artagnan pushed the half-stupefied mercer among the Guards, saying to him,Et d’Artagnan poussa le mercier tout étourdi aux mains des gardes, en lui disant :
"You are a shabby old fellow, my dear. You come to demand money of me--of a Musketeer! To prison with him! Gentlemen, once more, take him to prison, and keep him under key as long as possible; that will give me time to pay him."« Vous êtes un maraud, mon cher ; vous venez me demander de l’argent, à moi ! à un mousquetaire ! En prison, messieurs, encore une fois, emmenez-le en prison et gardez-le sous clef le plus longtemps possible, cela me donnera du temps pour payer. »
The officers were full of thanks, and took away their prey.Les sbires se confondirent en remerciements et emmenèrent leur proie.
As they were going down d'Artagnan laid his hand on the shoulder of their leader.Au moment où ils descendaient, d’Artagnan frappa sur l’épaule du chef :
"May I not drink to your health, and you to mine?" said d'Artagnan, filling two glasses with the Beaugency wine which he had obtained from the liberality of M. Bonacieux.« Ne boirai-je pas à votre santé et vous à la mienne ? dit-il, en remplissant deux verres du vin de Beaugency qu’il tenait de la libéralité de M. Bonacieux.
"That will do me great honor," said the leader of the posse, "and I accept thankfully."– Ce sera bien de l’honneur pour moi, dit le chef des sbires, et j’accepte avec reconnaissance.
"Then to yours, monsieur--what is your name?"– Donc, à la vôtre, monsieur… comment vous nommez-vous ?
"Boisrenard."– Boisrenard.
"Monsieur Boisrenard."– Monsieur Boisrenard !
"To yours, my gentlemen! What is your name, in your turn, if you please?"– À la vôtre, mon gentilhomme : comment vous nommez-vous, à votre tour, s’il vous plaît ?
"d'Artagnan."– D’Artagnan.
"To yours, monsieur d’Artagnan."– À la vôtre, monsieur d’Artagnan !
"And above all others," cried d'Artagnan, as if carried away by his enthusiasm, "to that of the king and the cardinal."– Et par-dessus toutes celles-là, s’écria d’Artagnan comme emporté par son enthousiasme, à celle du roi et du cardinal. »
The leader of the posse would perhaps have doubted the sincerity of d'Artagnan if the wine had been bad; but the wine was good, and he was convinced.Le chef des sbires eût peut-être douté de la sincérité de d’Artagnan, si le vin eût été mauvais ; mais le vin était bon, il fut convaincu.
"What diabolical villainy you have performed here," said Porthos, when the officer had rejoined his companions and the four friends found themselves alone. "Shame, shame, for four Musketeers to allow an unfortunate fellow who cried for help to be arrested in their midst! And a gentleman to hobnob with a bailiff!"« Mais quelle diable de vilenie avez-vous donc faite là ? dit Porthos lorsque l’alguazil en chef eut rejoint ses compagnons, et que les quatre amis se retrouvèrent seuls. Fi donc ! quatre mousquetaires laisser arrêter au milieu d’eux un malheureux qui crie à l’aide ! Un gentilhomme trinquer avec un recors !
"Porthos," said Aramis, "Athos has already told you that you are a simpleton, and I am quite of his opinion. D'Artagnan, you are a great man; and when you occupy Monsieur de Treville's place, I will come and ask your influence to secure me an abbey."– Porthos, dit Aramis, Athos t’a déjà prévenu que tu étais un niais, et je me range de son avis. D’Artagnan, tu es un grand homme, et quand tu seras à la place de M. de Tréville, je te demande ta protection pour me faire avoir une abbaye.
"Well, I am in a maze," said Porthos; "do YOU approve of what d'Artagnan has done?"– Ah çà, je m’y perds, dit Porthos, vous approuvez ce que d’Artagnan vient de faire ?
"PARBLEU! Indeed I do," said Athos; "I not only approve of what he has done, but I congratulate him upon it."– Je le crois parbleu bien, dit Athos ; non seulement j’approuve ce qu’il vient de faire, mais encore je l’en félicite.
"And now, gentlemen," said d'Artagnan, without stopping to explain his conduct to Porthos, "All for one, one for all--that is our motto, is it not?"– Et maintenant, messieurs, dit d’Artagnan sans se donner la peine d’expliquer sa conduite à Porthos, tous pour un, un pour tous, c’est notre devise, n’est-ce pas ?
"And yet--" said Porthos.– Cependant… dit Porthos.
"Hold out your hand and swear!" cried Athos and Aramis at once.– Étends la main et jure ! » s’écrièrent à la fois Athos et Aramis.
Overcome by example, grumbling to himself, nevertheless, Porthos stretched out his hand, and the four friends repeated with one voice the formula dictated by d'Artagnan:Vaincu par l’exemple, maugréant tout bas, Porthos étendit la main, et les quatre amis répétèrent d’une seule voix la formule dictée par d’Artagnan :
"All for one, one for all."« Tous pour un, un pour tous. »
"That's well! Now let us everyone retire to his own home," said d'Artagnan, as if he had done nothing but command all his life; "and attention! For from this moment we are at feud with the cardinal." « C’est bien, que chacun se retire maintenant chez soi, dit d’Artagnan comme s’il n’avait fait autre chose que de commander toute sa vie, et attention, car à partir de ce moment, nous voilà aux prises avec le cardinal. »
10 A MOUSETRAP IN THE SEVENTEENTH CENTURYCHAPITRE X UNE SOURICIÈRE AU XVIIe SIÈCLE
The invention of the mousetrap does not date from our days; as soon as societies, in forming, had invented any kind of police, that police invented mousetraps.L’invention de la souricière ne date pas de nos jours ; dès que les sociétés, en se formant, eurent inventé une police quelconque, cette police, à son tour, inventa les souricières.
As perhaps our readers are not familiar with the slang of the Rue de Jerusalem, and as it is fifteen years since we applied this word for the first time to this thing, allow us to explain to them what is a mousetrap.Comme peut-être nos lecteurs ne sont pas familiarisés encore avec l’argot de la rue de Jérusalem, et que c’est, depuis que nous écrivons – et il y a quelque quinze ans de cela –, la première fois que nous employons ce mot appliqué à cette chose, expliquons-leur ce que c’est qu’une souricière.
When in a house, of whatever kind it may be, an individual suspected of any crime is arrested, the arrest is held secret. Four or five men are placed in ambuscade in the first room. The door is opened to all who knock. It is closed after them, and they are arrested; so that at the end of two or three days they have in their power almost all the HABITUES of the establishment.Quand, dans une maison quelle qu’elle soit, on a arrêté un individu soupçonné d’un crime quelconque, on tient secrète l’arrestation ; on place quatre ou cinq hommes en embuscade dans la première pièce, on ouvre la porte à tous ceux qui frappent, on la referme sur eux et on les arrête ; de cette façon, au bout de deux ou trois jours, on tient à peu près tous les familiers de l’établissement.
And that is a mousetrap.Voilà ce que c’est qu’une souricière.
The apartment of M. Bonacieux, then, became a mousetrap; and whoever appeared there was taken and interrogated by the cardinal's people. It must be observed that as a separate passage led to the first floor, in which d'Artagnan lodged, those who called on him were exempted from this detention.On fit donc une souricière de l’appartement de maître Bonacieux, et quiconque y apparut fut pris et interrogé par les gens de M. le cardinal. Il va sans dire que, comme une allée particulière conduisait au premier étage qu’habitait d’Artagnan, ceux qui venaient chez lui étaient exemptés de toutes visites.
Besides, nobody came thither but the three Musketeers; they had all been engaged in earnest search and inquiries, but had discovered nothing. Athos had even gone so far as to question M. de Treville--a thing which, considering the habitual reticence of the worthy Musketeer, had very much astonished his captain.D’ailleurs les trois mousquetaires y venaient seuls ; ils s’étaient mis en quête chacun de son côté, et n’avaient rien trouvé, rien découvert. Athos avait été même jusqu’à questionner M. de Tréville, chose qui, vu le mutisme habituel du digne mousquetaire, avait fort étonné son capitaine.
But M. de Treville knew nothing, except that the last time he had seen the cardinal, the king, and the queen, the cardinal looked very thoughtful, the king uneasy, and the redness of the queen's eyes donated that she had been sleepless or tearful. But this last circumstance was not striking, as the queen since her marriage had slept badly and wept much.Mais M. de Tréville ne savait rien, sinon que, la dernière fois qu’il avait vu le cardinal, le roi et la reine, le cardinal avait l’air fort soucieux, que le roi était inquiet, et que les yeux rouges de la reine indiquaient qu’elle avait veillé ou pleuré. Mais cette dernière circonstance l’avait peu frappé, la reine, depuis son mariage, veillant et pleurant beaucoup.
M. de Treville requested Athos, whatever might happen, to be observant of his duty to the king, but particularly to the queen, begging him to convey his desires to his comrades.M. de Tréville recommanda en tout cas à Athos le service du roi et surtout celui de la reine, le priant de faire la même recommandation à ses camarades.
As to d'Artagnan, he did not budge from his apartment. He converted his chamber into an observatory. From his windows he saw all the visitors who were caught. Then, having removed a plank from his floor, and nothing remaining but a simple ceiling between him and the room beneath, in which the interrogatories were made, he heard all that passed between the inquisitors and the accused.Quant à d’Artagnan, il ne bougeait pas de chez lui. Il avait converti sa chambre en observatoire. Des fenêtres il voyait arriver ceux qui venaient se faire prendre ; puis, comme il avait ôté les carreaux du plancher, qu’il avait creusé le parquet et qu’un simple plafond le séparait de la chambre au-dessous, où se faisaient les interrogatoires, il entendait tout ce qui se passait entre les inquisiteurs et les accusés.
The interrogatories, preceded by a minute search operated upon the persons arrested, were almost always framed thus:Les interrogatoires, précédés d’une perquisition minutieuse opérée sur la personne arrêtée, étaient presque toujours ainsi conçus :
"Has Madame Bonacieux sent anything to you for her husband, or any other person?« Mme Bonacieux vous a-t-elle remis quelque chose pour son mari ou pour quelque autre personne ?
Has Monsieur Bonacieux sent anything to you for his wife, or for any other person?– M. Bonacieux vous a-t-il remis quelque chose pour sa femme ou pour quelque autre personne ?
Has either of them confided anything to you by word of mouth?"– L’un et l’autre vous ont-ils fait quelque confidence de vive voix ? »
"If they knew anything, they would not question people in this manner," said d'Artagnan to himself. "Now, what is it they want to know? Why, they want to know if the Duke of Buckingham is in Paris, and if he has had, or is likely to have, an interview with the queen."« S’ils savaient quelque chose, ils ne questionneraient pas ainsi, se dit à lui-même d’Artagnan. Maintenant, que cherchent-ils à savoir ? Si le duc de Buckingham ne se trouve point à Paris et s’il n’a pas eu ou s’il ne doit point avoir quelque entrevue avec la reine. »
D'Artagnan held onto this idea, which, from what he had heard, was not wanting in probability.D’Artagnan s’arrêta à cette idée, qui, d’après tout ce qu’il avait entendu, ne manquait pas de probabilité.
In the meantime, the mousetrap continued in operation, and likewise d'Artagnan's vigilance.En attendant, la souricière était en permanence, et la vigilance de d’Artagnan aussi.
On the evening of the day after the arrest of poor Bonacieux, as Athos had just left d'Artagnan to report at M. de Treville's, as nine o'clock had just struck, and as Planchet, who had not yet made the bed, was beginning his task, a knocking was heard at the street door. The door was instantly opened and shut; someone was taken in the mousetrap.Le soir du lendemain de l’arrestation du pauvre Bonacieux, comme Athos venait de quitter d’Artagnan pour se rendre chez M. de Tréville, comme neuf heures venaient de sonner, et comme Planchet, qui n’avait pas encore fait le lit, commençait sa besogne, on entendit frapper à la porte de la rue ; aussitôt cette porte s’ouvrit et se referma : quelqu’un venait de se prendre à la souricière.
D'Artagnan flew to his hole, laid himself down on the floor at full length, and listened.D’Artagnan s’élança vers l’endroit décarrelé, se coucha ventre à terre et écouta.
Cries were soon heard, and then moans, which someone appeared to be endeavoring to stifle. There were no questions.Des cris retentirent bientôt, puis des gémissements qu’on cherchait à étouffer. D’interrogatoire, il n’en était pas question.
"The devil!" said d'Artagnan to himself. "It seems like a woman! They search her; she resists; they use force--the scoundrels!"« Diable ! se dit d’Artagnan, il me semble que c’est une femme : on la fouille, elle résiste, – on la violente, – les misérables ! »
In spite of his prudence, d'Artagnan restrained himself with great difficulty from taking a part in the scene that was going on below.Et d’Artagnan, malgré sa prudence, se tenait à quatre pour ne pas se mêler à la scène qui se passait au-dessous de lui.
"But I tell you that I am the mistress of the house, gentlemen! I tell you I am Madame Bonacieux; I tell you I belong to the queen!" cried the unfortunate woman.« Mais je vous dis que je suis la maîtresse de la maison, messieurs ; je vous dis que je suis Mme Bonacieux, je vous dis que j’appartiens à la reine ! » s’écriait la malheureuse femme.
"Madame Bonacieux!" murmured d'Artagnan. "Can I be so lucky as to find what everybody is seeking for?"« Mme Bonacieux ! murmura d’Artagnan ; serais-je assez heureux pour avoir trouvé ce que tout le monde cherche ? »
« C’est justement vous que nous attendions », reprirent les interrogateurs.
The voice became more and more indistinct; a tumultuous movement shook the partition. The victim resisted as much as a woman could resist four men.La voix devint de plus en plus étouffée : un mouvement tumultueux fit retentir les boiseries. La victime résistait autant qu’une femme peut résister à quatre hommes.
"Pardon, gentlemen--par--" murmured the voice, which could now only be heard in inarticulate sounds.« Pardon, messieurs, par… », murmura la voix, qui ne fit plus entendre que des sons inarticulés.
"They are binding her; they are going to drag her away," cried d'Artagnan to himself, springing up from the floor. "My sword! Good, it is by my side! Planchet!"« Ils la bâillonnent, ils vont l’entraîner, s’écria d’Artagnan en se redressant comme par un ressort. Mon épée ; bon, elle est à mon côté. Planchet !
"Monsieur."– Monsieur ?
"Run and seek Athos, Porthos and Aramis. One of the three will certainly be at home, perhaps all three. Tell them to take arms, to come here, and to run! Ah, I remember, Athos is at Monsieur de Treville's."– Cours chercher Athos, Porthos et Aramis. L’un des trois sera sûrement chez lui, peut-être tous les trois seront-ils rentrés. Qu’ils prennent des armes, qu’ils viennent, qu’ils accourent. Ah ! je me souviens, Athos est chez M. de Tréville.
"But where are you going, monsieur, where are you going?"– Mais où allez-vous, monsieur, où allez-vous ?
"I am going down by the window, in order to be there the sooner," cried d'Artagnan. "You put back the boards, sweep the floor, go out at the door, and run as I told you."– Je descends par la fenêtre, s’écria d’Artagnan, afin d’être plus tôt arrivé ; toi, remets les carreaux, balaie le plancher, sors par la porte et cours où je te dis.
"Oh, monsieur! Monsieur! You will kill yourself," cried Planchet.– Oh ! monsieur, monsieur, vous allez vous tuer, s’écria Planchet.
"Hold your tongue, stupid fellow," said d'Artagnan; and laying hold of the casement, he let himself gently down from the first story, which fortunately was not very elevated, without doing himself the slightest injury.– Tais-toi, imbécile », dit d’Artagnan. Et s’accrochant de la main au rebord de sa fenêtre, il se laissa tomber du premier étage, qui heureusement n’était pas élevé, sans se faire une écorchure.
He then went straight to the door and knocked, murmuring,Puis il alla aussitôt frapper à la porte en murmurant :
"I will go myself and be caught in the mousetrap, but woe be to the cats that shall pounce upon such a mouse!"« Je vais me faire prendre à mon tour dans la souricière, et malheur aux chats qui se frotteront à pareille souris. »
The knocker had scarcely sounded under the hand of the young man before the tumult ceased, steps approached, the door was opened, and d'Artagnan, sword in hand, rushed into the rooms of M. Bonacieux, the door of which doubtless acted upon by a spring, closed after him.À peine le marteau eut-il résonné sous la main du jeune homme, que le tumulte cessa, que des pas s’approchèrent, que la porte s’ouvrit, et que d’Artagnan, l’épée nue, s’élança dans l’appartement de maître Bonacieux, dont la porte, sans doute mue par un ressort, se referma d’elle-même sur lui.
Then those who dwelt in Bonacieux's unfortunate house, together with the nearest neighbors, heard loud cries, stamping of feet, clashing of swords, and breaking of furniture. A moment after, those who, surprised by this tumult, had gone to their windows to learn the cause of it, saw the door open, and four men, clothed in black, not COME out of it, but FLY, like so many frightened crows, leaving on the ground and on the corners of the furniture, feathers from their wings; that is to say, patches of their clothes and fragments of their cloaks.Alors ceux qui habitaient encore la malheureuse maison de Bonacieux et les voisins les plus proches entendirent de grands cris, des trépignements, un cliquetis d’épées et un bruit prolongé de meubles. Puis, un moment après, ceux qui, surpris par ce bruit, s’étaient mis aux fenêtres pour en connaître la cause, purent voir la porte se rouvrir et quatre hommes vêtus de noir non pas en sortir, mais s’envoler comme des corbeaux effarouchés, laissant par terre et aux angles des tables des plumes de leurs ailes, c’est-à-dire des loques de leurs habits et des bribes de leurs manteaux.
D'Artagnan was conqueror--without much effort, it must be confessed, for only one of the officers was armed, and even he defended himself for form's sake. It is true that the three others had endeavored to knock the young man down with chairs, stools, and crockery; but two or three scratches made by the Gascon's blade terrified them. Ten minutes sufficed for their defeat, and d'Artagnan remained master of the field of battle.D’Artagnan était vainqueur sans beaucoup de peine, il faut le dire, car un seul des alguazils était armé, encore se défendit-il pour la forme. Il est vrai que les trois autres avaient essayé d’assommer le jeune homme avec les chaises, les tabourets et les poteries ; mais deux ou trois égratignures faites par la flamberge du Gascon les avaient épouvantés. Dix minutes avaient suffi à leur défaite et d’Artagnan était resté maître du champ de bataille.
The neighbors who had opened their windows, with the coolness peculiar to the inhabitants of Paris in these times of perpetual riots and disturbances, closed them again as soon as they saw the four men in black flee—their instinct telling them that for the time all was over.Les voisins, qui avaient ouvert leurs fenêtres avec le sang-froid particulier aux habitants de Paris dans ces temps d’émeutes et de rixes perpétuelles, les refermèrent dès qu’ils eurent vu s’enfuir les quatre hommes noirs : leur instinct leur disait que, pour le moment, tout était fini.
Besides, it began to grow late, and then, as today, people went to bed early in the quarter of the Luxembourg.D’ailleurs il se faisait tard, et alors comme aujourd’hui on se couchait de bonne heure dans le quartier du Luxembourg.
On being left alone with Mme. Bonacieux, d'Artagnan turned toward her; the poor woman reclined where she had been left, half-fainting upon an armchair. D'Artagnan examined her with a rapid glance.D’Artagnan, resté seul avec Mme Bonacieux, se retourna vers elle : la pauvre femme était renversée sur un fauteuil et à demi évanouie. D’Artagnan l’examina d’un coup d’œil rapide.
She was a charming woman of twenty-five or twenty-six years, with dark hair, blue eyes, and a nose slightly turned up, admirable teeth, and a complexion marbled with rose and opal. There, however, ended the signs which might have confounded her with a lady of rank. The hands were white, but without delicacy; the feet did not bespeak the woman of quality. Happily, d'Artagnan was not yet acquainted with such niceties.C’était une charmante femme de vingt-cinq à vingt-six ans, brune avec des yeux bleus, ayant un nez légèrement retroussé, des dents admirables, un teint marbré de rose et d’opale. Là cependant s’arrêtaient les signes qui pouvaient la faire confondre avec une grande dame. Les mains étaient blanches, mais sans finesse : les pieds n’annonçaient pas la femme de qualité. Heureusement d’Artagnan n’en était pas encore à se préoccuper de ces détails.
While d'Artagnan was examining Mme. Bonacieux, and was, as we have said, close to her, he saw on the ground a fine cambric handkerchief, which he picked up, as was his habit, and at the corner of which he recognized the same cipher he had seen on the handkerchief which had nearly caused him and Aramis to cut each other's throat.Tandis que d’Artagnan examinait Mme Bonacieux, et en était aux pieds, comme nous l’avons dit, il vit à terre un fin mouchoir de batiste, qu’il ramassa selon son habitude, et au coin duquel il reconnut le même chiffre qu’il avait vu au mouchoir qui avait failli lui faire couper la gorge avec Aramis.
From that time, d'Artagnan had been cautious with respect to handkerchiefs with arms on them, and he therefore placed in the pocket of Mme. Bonacieux the one he had just picked up.Depuis ce temps, d’Artagnan se méfiait des mouchoirs armoriés ; il remit donc sans rien dire celui qu’il avait ramassé dans la poche de Mme Bonacieux.
At that moment Mme. Bonacieux recovered her senses. She opened her eyes, looked around her with terror, saw that the apartment was empty and that she was alone with her liberator. She extended her hands to him with a smile. Mme. Bonacieux had the sweetest smile in the world.En ce moment, Mme Bonacieux reprenait ses sens. Elle ouvrit les yeux, regarda avec terreur autour d’elle, vit que l’appartement était vide, et qu’elle était seule avec son libérateur. Elle lui tendit aussitôt les mains en souriant. Mme Bonacieux avait le plus charmant sourire du monde.
"Ah, monsieur!" said she, "you have saved me; permit me to thank you."« Ah ! monsieur ! dit-elle, c’est vous qui m’avez sauvée ; permettez-moi que je vous remercie.
"Madame," said d'Artagnan, "I have only done what every gentleman would have done in my place; you owe me no thanks."– Madame, dit d’Artagnan, je n’ai fait que ce que tout gentilhomme eût fait à ma place, vous ne me devez donc aucun remerciement.
"Oh, yes, monsieur, oh, yes; and I hope to prove to you that you have not served an ingrate. But what could these men, whom I at first took for robbers, want with me, and why is Monsieur Bonacieux not here?"– Si fait, monsieur, si fait, et j’espère vous prouver que vous n’avez pas rendu service à une ingrate. Mais que me voulaient donc ces hommes, que j’ai pris d’abord pour des voleurs, et pourquoi M. Bonacieux n’est-il point ici ?
"Madame, those men were more dangerous than any robbers could have been, for they are the agents of the cardinal; and as to your husband, Monsieur Bonacieux, he is not here because he was yesterday evening conducted to the Bastille."– Madame, ces hommes étaient bien autrement dangereux que ne pourraient être des voleurs, car ce sont des agents de M. le cardinal, et quant à votre mari, M. Bonacieux, il n’est point ici parce qu’hier on est venu le prendre pour le conduire à la Bastille.
"My husband in the Bastille!" cried Mme. Bonacieux. "Oh, my God! What has he done? Poor dear man, he is innocence itself!"– Mon mari à la Bastille ! s’écria Mme Bonacieux, oh ! mon Dieu ! qu’a-t-il donc fait ? pauvre cher homme ! lui, l’innocence même ! »
And something like a faint smile lighted the still-terrified features of the young woman.Et quelque chose comme un sourire perçait sur la figure encore tout effrayée de la jeune femme.
"What has he done, madame?" said d'Artagnan. "I believe that his only crime is to have at the same time the good fortune and the misfortune to be your husband."« Ce qu’il a fait, madame ? dit d’Artagnan. Je crois que son seul crime est d’avoir à la fois le bonheur et le malheur d’être votre mari.
"But, monsieur, you know then--"– Mais, monsieur, vous savez donc…
"I know that you have been abducted, madame."– Je sais que vous avez été enlevée, madame.
"And by whom? Do you know him? Oh, if you know him, tell me!"– Et par qui ? Le savez-vous ? Oh ! si vous le savez, dites-le-moi.
"By a man of from forty to forty-five years, with black hair, a dark complexion, and a scar on his left temple."– Par un homme de quarante à quarante-cinq ans, aux cheveux noirs, au teint basané, avec une cicatrice à la tempe gauche.
"That is he, that is he; but his name?"– C’est cela, c’est cela ; mais son nom ?
"Ah, his name? I do not know that."– Ah ! son nom ? c’est ce que j’ignore.
"And did my husband know I had been carried off?"– Et mon mari savait-il que j’avais été enlevée ?
"He was informed of it by a letter, written to him by the abductor himself."– Il en avait été prévenu par une lettre que lui avait écrite le ravisseur lui-même.
"And does he suspect," said Mme. Bonacieux, with some embarrassment, "the cause of this event?"– Et soupçonne-t-il, demanda Mme Bonacieux avec embarras, la cause de cet événement ?
"He attributed it, I believe, to a political cause."– Il l’attribuait, je crois, à une cause politique.
"I doubted from the first; and now I think entirely as he does. Then my dear Monsieur Bonacieux has not suspected me a single instant?"– J’en ai douté d’abord, et maintenant je le pense comme lui. Ainsi donc, ce cher M. Bonacieux ne m’a pas soupçonnée un seul instant…?
"So far from it, madame, he was too proud of your prudence, and above all, of your love."– Ah ! loin de là, madame, il était trop fier de votre sagesse et surtout de votre amour. »
A second smile, almost imperceptible, stole over the rosy lips of the pretty young woman.Un second sourire presque imperceptible effleura les lèvres rosées de la belle jeune femme.
"But," continued d'Artagnan, "how did you escape?"« Mais, continua d’Artagnan, comment vous êtes-vous enfuie ?
"I took advantage of a moment when they left me alone; and as I had known since morning the reason of my abduction, with the help of the sheets I let myself down from the window. Then, as I believed my husband would be at home, I hastened hither."– J’ai profité d’un moment où l’on m’a laissée seule, et comme je savais depuis ce matin à quoi m’en tenir sur mon enlèvement, à l’aide de mes draps je suis descendue par la fenêtre ; alors, comme je croyais mon mari ici, je suis accourue.
"To place yourself under his protection?"– Pour vous mettre sous sa protection ?
"Oh, no, poor dear man! I knew very well that he was incapable of defending me; but as he could serve us in other ways, I wished to inform him."– Oh ! non, pauvre cher homme, je savais bien qu’il était incapable de me défendre ; mais comme il pouvait nous servir à autre chose, je voulais le prévenir.
"Of what?"– De quoi ?
"Oh, that is not my secret; I must not, therefore, tell you."– Oh ! ceci n’est pas mon secret, je ne puis donc pas vous le dire.
"Besides," said d'Artagnan, "pardon me, madame, if, guardsman as I am, I remind you of prudence--besides, I believe we are not here in a very proper place for imparting confidences. The men I have put to flight will return reinforced; if they find us here, we are lost. I have sent for three of my friends, but who knows whether they were at home?"– D’ailleurs, dit d’Artagnan (pardon, madame, si, tout garde que je suis, je vous rappelle à la prudence), d’ailleurs je crois que nous ne sommes pas ici en lieu opportun pour faire des confidences. Les hommes que j’ai mis en fuite vont revenir avec main-forte ; s’ils nous retrouvent ici nous sommes perdus. J’ai bien fait prévenir trois de mes amis, mais qui sait si on les aura trouvés chez eux !
"Yes, yes! You are right," cried the affrighted Mme. Bonacieux; "let us fly! Let us save ourselves."– Oui, oui, vous avez raison, s’écria Mme Bonacieux effrayée ; fuyons, sauvons-nous. »
At these words she passed her arm under that of d'Artagnan, and urged him forward eagerly.À ces mots, elle passa son bras sous celui de d’Artagnan et l’entraîna vivement.
"But whither shall we fly--whither escape?"« Mais où fuir ? dit d’Artagnan, où nous sauver ?
"Let us first withdraw from this house; afterward we shall see."– Éloignons-nous d’abord de cette maison, puis après nous verrons. »
The young woman and the young man, without taking the trouble to shut the door after them, descended the Rue des Fossoyeurs rapidly, turned into the Rue des Fosses-Monsieur-le-Prince, and did not stop till they came to the Place St. Sulpice.Et la jeune femme et le jeune homme, sans se donner la peine de refermer la porte, descendirent rapidement la rue des Fossoyeurs, s’engagèrent dans la rue des Fossés-Monsieur-le-Prince et ne s’arrêtèrent qu’à la place Saint-Sulpice.
"And now what are we to do, and where do you wish me to conduct you?" asked d'Artagnan.« Et maintenant, qu’allons-nous faire, demanda d’Artagnan, et où voulez-vous que je vous conduise ?
"I am at quite a loss how to answer you, I admit," said Mme. Bonacieux. "My intention was to inform Monsieur Laporte, through my husband, in order that Monsieur Laporte might tell us precisely what had taken place at the Louvre in the last three days, and whether there is any danger in presenting myself there."– Je suis fort embarrassée de vous répondre, je vous l’avoue, dit Mme Bonacieux ; mon intention était de faire prévenir M. de La Porte par mon mari, afin que M. de La Porte pût nous dire précisément ce qui s’était passé au Louvre depuis trois jours, et s’il n’y avait pas danger pour moi de m’y présenter.
"But I," said d'Artagnan, "can go and inform Monsieur Laporte."– Mais moi, dit d’Artagnan, je puis aller prévenir M. de La Porte.
"No doubt you could, only there is one misfortune, and that is that Monsieur Bonacieux is known at the Louvre, and would be allowed to pass; whereas you are not known there, and the gate would be closed against you."– Sans doute ; seulement il n’y a qu’un malheur : c’est qu’on connaît M. Bonacieux au Louvre et qu’on le laisserait passer, lui, tandis qu’on ne vous connaît pas, vous, et que l’on vous fermera la porte.
"Ah, bah!" said d'Artagnan; "you have at some wicket of the Louvre a CONCIERGE who is devoted to you, and who, thanks to a password, would--"– Ah ! bah, dit d’Artagnan, vous avez bien à quelque guichet du Louvre un concierge qui vous est dévoué, et qui grâce à un mot d’ordre… »
Mme. Bonacieux looked earnestly at the young man.Mme Bonacieux regarda fixement le jeune homme.
"And if I give you this password," said she, "would you forget it as soon as you used it?"« Et si je vous donnais ce mot d’ordre, dit-elle, l’oublieriez-vous aussitôt que vous vous en seriez servi ?
"By my honor, by the faith of a gentleman!" said d'Artagnan, with an accent so truthful that no one could mistake it.– Parole d’honneur, foi de gentilhomme ! dit d’Artagnan avec un accent à la vérité duquel il n’y avait pas à se tromper.
"Then I believe you. You appear to be a brave young man; besides, your fortune may perhaps be the result of your devotedness."– Tenez, je vous crois ; vous avez l’air d’un brave jeune homme, d’ailleurs votre fortune est peut-être au bout de votre dévouement.
"I will do, without a promise and voluntarily, all that I can do to serve the king and be agreeable to the queen. Dispose of me, then, as a friend."– Je ferai sans promesse et de conscience tout ce que je pourrai pour servir le roi et être agréable à la reine, dit d’Artagnan ; disposez donc de moi comme d’un ami.
"But I--where shall I go meanwhile?"– Mais moi, où me mettrez-vous pendant ce temps-là ?
"Is there nobody from whose house Monsieur Laporte can come and fetch you?"– N’avez-vous pas une personne chez laquelle M. de La Porte puisse revenir vous prendre ?
"No, I can trust nobody."– Non, je ne veux me fier à personne.
"Stop," said d'Artagnan; "we are near Athos's door. Yes, here it is."– Attendez, dit d’Artagnan ; nous sommes à la porte d’Athos. Oui, c’est cela.
"Who is this Athos?"– Qu’est-ce qu’Athos ?
"One of my friends."– Un de mes amis.
"But if he should be at home and see me?"– Mais s’il est chez lui et qu’il me voie ?
"He is not at home, and I will carry away the key, after having placed you in his apartment."– Il n’y est pas, et j’emporterai la clef après vous avoir fait entrer dans son appartement.
"But if he should return?"– Mais s’il revient ?
"Oh, he won't return; and if he should, he will be told that I have brought a woman with me, and that woman is in his apartment."– Il ne reviendra pas ; d’ailleurs on lui dirait que j’ai amené une femme, et que cette femme est chez lui.
"But that will compromise me sadly, you know."– Mais cela me compromettra très fort, savez-vous !
"Of what consequence? Nobody knows you. Besides, we are in a situation to overlook ceremony."– Que vous importe ! on ne vous connaît pas ; d’ailleurs nous sommes dans une situation à passer par-dessus quelques convenances !
"Come, then, let us go to your friend's house. Where does he live?"– Allons donc chez votre ami. Où demeure-t-il ?
"Rue Ferou, two steps from here."– Rue Férou, à deux pas d’ici.
"Let us go!"– Allons. »
Both resumed their way. As d'Artagnan had foreseen, Athos was not within. He took the key, which was customarily given him as one of the family, ascended the stairs, and introduced Mme. Bonacieux into the little apartment of which we have given a description.Et tous deux reprirent leur course. Comme l’avait prévu d’Artagnan, Athos n’était pas chez lui : il prit la clef, qu’on avait l’habitude de lui donner comme à un ami de la maison, monta l’escalier et introduisit Mme Bonacieux dans le petit appartement dont nous avons déjà fait la description.
"You are at home," said he. "Remain here, fasten the door inside, and open it to nobody unless you hear three taps like this;" and he tapped thrice--two taps close together and pretty hard, the other after an interval, and lighter.« Vous êtes chez vous, dit-il ; attendez, fermez la porte en dedans et n’ouvrez à personne, à moins que vous n’entendiez frapper trois coups ainsi : tenez ; et il frappa trois fois : deux coups rapprochés l’un de l’autre et assez forts, un coup plus distant et plus léger.
"That is well," said Mme. Bonacieux. "Now, in my turn, let me give you my instructions."– C’est bien, dit Mme Bonacieux ; maintenant, à mon tour de vous donner mes instructions.
"I am all attention."– J’écoute.
"Present yourself at the wicket of the Louvre, on the side of the Rue de l'Echelle, and ask for Germain."– Présentez-vous au guichet du Louvre, du côté de la rue de l’Échelle, et demandez Germain.
"Well, and then?"– C’est bien. Après ?
"He will ask you what you want, and you will answer by these two words, 'Tours' and 'Bruxelles.' He will at once put himself at your orders."– Il vous demandera ce que vous voulez, et alors vous lui répondrez par ces deux mots : Tours et Bruxelles. Aussitôt il se mettra à vos ordres.
"And what shall I command him?"– Et que lui ordonnerai-je ?
"To go and fetch Monsieur Laporte, the queen's VALET DE CHAMBRE."– D’aller chercher M. de La Porte, le valet de chambre de la reine.
"And when he shall have informed him, and Monsieur Laporte is come?"– Et quand il l’aura été chercher et que M. de La Porte sera venu ?
"You will send him to me."– Vous me l’enverrez.
"That is well; but where and how shall I see you again?"– C’est bien, mais où et comment vous reverrai-je ?
"Do you wish to see me again?"– Y tenez-vous beaucoup à me revoir ?
"Certainly."– Certainement.
"Well, let that care be mine, and be at ease."– Eh bien, reposez-vous sur moi de ce soin, et soyez tranquille.
"I depend upon your word."– Je compte sur votre parole.
"You may."– Comptez-y. »
D'Artagnan bowed to Mme. Bonacieux, darting at her the most loving glance that he could possibly concentrate upon her charming little person; and while he descended the stairs, he heard the door closed and double-locked. In two bounds he was at the Louvre; as he entered the wicket of L'Echelle, ten o'clock struck. All the events we have described had taken place within a half hour.D’Artagnan salua Mme Bonacieux en lui lançant le coup d’œil le plus amoureux qu’il lui fût possible de concentrer sur sa charmante petite personne, et tandis qu’il descendait l’escalier, il entendit la porte se fermer derrière lui à double tour. En deux bonds il fut au Louvre : comme il entrait au guichet de Échelle, dix heures sonnaient. Tous les événements que nous venons de raconter s’étaient succédé en une demi-heure.
Everything fell out as Mme. Bonacieux prophesied. On hearing the password, Germain bowed. In a few minutes, Laporte was at the lodge; in two words d'Artagnan informed him where Mme. Bonacieux was. Laporte assured himself, by having it twice repeated, of the accurate address, and set off running. Hardly, however, had he taken ten steps before he returned.Tout s’exécuta comme l’avait annoncé Mme Bonacieux. Au mot d’ordre convenu, Germain s’inclina ; dix minutes après, La Porte était dans la loge ; en deux mots, d’Artagnan le mit au fait et lui indiqua où était Mme Bonacieux. La Porte s’assura par deux fois de l’exactitude de l’adresse, et partit en courant. Cependant, à peine eut-il fait dix pas, qu’il revint.
"Young man," said he to d'Artagnan, "a suggestion."« Jeune homme, dit-il à d’Artagnan, un conseil.
"What?"– Lequel ?
"You may get into trouble by what has taken place."– Vous pourriez être inquiété pour ce qui vient de se passer.
"You believe so?"– Vous croyez ?
"Yes. Have you any friend whose clock is too slow?"– Oui. Avez-vous quelque ami dont la pendule retarde ?
"Well?"– Eh bien ?
"Go and call upon him, in order that he may give evidence of your having been with him at half past nine. In a court of justice that is called an alibi."– Allez le voir pour qu’il puisse témoigner que vous étiez chez lui à neuf heures et demie. En justice, cela s’appelle un alibi. »
D'Artagnan found his advice prudent. He took to his heels, and was soon at M. de Treville's; but instead of going into the saloon with the rest of the crowd, he asked to be introduced to M. de Treville's office. As d'Artagnan so constantly frequented the hotel, no difficulty was made in complying with his request, and a servant went to inform M. de Treville that his young compatriot, having something important to communicate, solicited a private audience. Five minutes after, M. de Treville was asking d'Artagnan what he could do to serve him, and what caused his visit at so late an hour.D’Artagnan trouva le conseil prudent ; il prit ses jambes à son cou, il arriva chez M. de Tréville, mais, au lieu de passer au salon avec tout le monde, il demanda à entrer dans son cabinet. Comme d’Artagnan était un des habitués de l’hôtel, on ne fit aucune difficulté d’accéder à sa demande ; et l’on alla prévenir M. de Tréville que son jeune compatriote, ayant quelque chose d’important à lui dire, sollicitait une audience particulière. Cinq minutes après, M. de Tréville demandait à d’Artagnan ce qu’il pouvait faire pour son service et ce qui lui valait sa visite à une heure si avancée.
"Pardon me, monsieur," said d'Artagnan, who had profited by the moment he had been left alone to put back M. de Treville's clock three-quarters of an hour, "but I thought, as it was yet only twenty-five minutes past nine, it was not too late to wait upon you."« Pardon, monsieur ! dit d’Artagnan, qui avait profité du moment où il était resté seul pour retarder l’horloge de trois quarts d’heure ; j’ai pensé que, comme il n’était que neuf heures vingt-cinq minutes, il était encore temps de me présenter chez vous.
"Twenty-five minutes past nine!" cried M. de Treville, looking at the clock; "why, that's impossible!"– Neuf heures vingt-cinq minutes ! s’écria M. de Tréville en regardant sa pendule ; mais c’est impossible !
"Look, rather, monsieur," said d'Artagnan, "the clock shows it."– Voyez plutôt, monsieur, dit d’Artagnan, voilà qui fait foi.
"That's true," said M. de Treville; "I believed it later. But what can I do for you?"– C’est juste, dit M. de Tréville, j’aurais cru qu’il était plus tard. Mais voyons, que me voulez-vous ? »
Then d'Artagnan told M. de Treville a long history about the queen. He expressed to him the fears he entertained with respect to her Majesty; he related to him what he had heard of the projects of the cardinal with regard to Buckingham, and all with a tranquillity and candor of which M. de Treville was the more the dupe, from having himself, as we have said, observed something fresh between the cardinal, the king, and the queen.Alors d’Artagnan fit à M. de Tréville une longue histoire sur la reine. Il lui exposa les craintes qu’il avait conçues à l’égard de Sa Majesté ; il lui raconta ce qu’il avait entendu dire des projets du cardinal à l’endroit de Buckingham, et tout cela avec une tranquillité et un aplomb dont M. de Tréville fut d’autant mieux la dupe, que lui-même, comme nous l’avons dit, avait remarqué quelque chose de nouveau entre le cardinal, le roi et la reine.
As ten o'clock was striking, d'Artagnan left M. de Treville, who thanked him for his information, recommended him to have the service of the king and queen always at heart, and returned to the saloon; but at the foot of the stairs, d'Artagnan remembered he had forgotten his cane. He consequently sprang up again, re-entered the office, with a turn of his finger set the clock right again, that it might not be perceived the next day that it had been put wrong, and certain from that time that he had a witness to prove his alibi, he ran downstairs and soon found himself in the street. À dix heures sonnant, d’Artagnan quitta M. de Tréville, qui le remercia de ses renseignements, lui recommanda d’avoir toujours à cœur le service du roi et de la reine, et qui rentra dans le salon. Mais, au bas de l’escalier, d’Artagnan se souvint qu’il avait oublié sa canne : en conséquence, il remonta précipitamment, rentra dans le cabinet, d’un tour de doigt remit la pendule à son heure, pour qu’on ne pût pas s’apercevoir, le lendemain, qu’elle avait été dérangée, et sûr désormais qu’il y avait un témoin pour prouver son alibi, il descendit l’escalier et se trouva bientôt dans la rue.
11 IN WHICH THE PLOT THICKENSCHAPITRE XI L’INTRIGUE SE NOUE
His visit to M. de Treville being paid, the pensive d'Artagnan took the longest way homeward.Sa visite faite à M. de Tréville, d’Artagnan prit, tout pensif, le plus long pour rentrer chez lui.
On what was d'Artagnan thinking, that he strayed thus from his path, gazing at the stars of heaven, and sometimes sighing, sometimes smiling?À quoi pensait d’Artagnan, qu’il s’écartait ainsi de sa route, regardant les étoiles du ciel, et tantôt soupirant tantôt souriant ?
He was thinking of Mme. Bonacieux. For an apprentice Musketeer the young woman was almost an ideal of love. Pretty, mysterious, initiated in almost all the secrets of the court, which reflected such a charming gravity over her pleasing features, it might be surmised that she was not wholly unmoved; and this is an irresistible charm to novices in love. Moreover, d'Artagnan had delivered her from the hands of the demons who wished to search and ill treat her; and this important service had established between them one of those sentiments of gratitude which so easily assume a more tender character.Il pensait à Mme Bonacieux. Pour un apprenti mousquetaire, la jeune femme était presque une idéalité amoureuse. Jolie, mystérieuse, initiée à presque tous les secrets de cour, qui reflétaient tant de charmante gravité sur ses traits gracieux, elle était soupçonnée de n’être pas insensible, ce qui est un attrait irrésistible pour les amants novices ; de plus, d’Artagnan l’avait délivrée des mains de ces démons qui voulaient la fouiller et la maltraiter, et cet important service avait établi entre elle et lui un de ces sentiments de reconnaissance qui prennent si facilement un plus tendre caractère.
D'Artagnan already fancied himself, so rapid is the flight of our dreams upon the wings of imagination, accosted by a messenger from the young woman, who brought him some billet appointing a meeting, a gold chain, or a diamond. We have observed that young cavaliers received presents from their king without shame. Let us add that in these times of lax morality they had no more delicacy with respect to the mistresses; and that the latter almost always left them valuable and durable remembrances, as if they essayed to conquer the fragility of their sentiments by the solidity of their gifts.D’Artagnan se voyait déjà, tant les rêves marchent vite sur les ailes de l’imagination, accosté par un messager de la jeune femme qui lui remettait quelque billet de rendez-vous, une chaîne d’or ou un diamant. Nous avons dit que les jeunes cavaliers recevaient sans honte de leur roi ; ajoutons qu’en ce temps de facile morale, ils n’avaient pas plus de vergogne à l’endroit de leurs maîtresses, et que celles-ci leur laissaient presque toujours de précieux et durables souvenirs, comme si elles eussent essayé de conquérir la fragilité de leurs sentiments par la solidité de leurs dons.
Without a blush, men made their way in the world by the means of women blushing. Such as were only beautiful gave their beauty, whence, without doubt, comes the proverb, "The most beautiful girl in the world can only give what she has." Such as were rich gave in addition a part of their money; and a vast number of heroes of that gallant period may be cited who would neither have won their spurs in the first place, nor their battles afterward, without the purse, more or less furnished, which their mistress fastened to the saddle bow.On faisait alors son chemin par les femmes, sans en rougir. Celles qui n’étaient que belles donnaient leur beauté, et de là vient sans doute le proverbe, que la plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a. Celles qui étaient riches donnaient en outre une partie de leur argent, et l’on pourrait citer bon nombre de héros de cette galante époque qui n’eussent gagné ni leurs éperons d’abord, ni leurs batailles ensuite, sans la bourse plus ou moins garnie que leur maîtresse attachait à l’arçon de leur selle.
D'Artagnan owned nothing. Provincial diffidence, that slight varnish, the ephemeral flower, that down of the peach, had evaporated to the winds through the little orthodox counsels which the three Musketeers gave their friend. D'Artagnan, following the strange custom of the times, considered himself at Paris as on a campaign, neither more nor less than if he had been in Flanders--Spain yonder, woman here. In each there was an enemy to contend with, and contributions to be levied.D’Artagnan ne possédait rien ; l’hésitation du provincial, vernis léger, fleur éphémère, duvet de la pêche, s’était évaporée au vent des conseils peu orthodoxes que les trois mousquetaires donnaient à leur ami. D’Artagnan, suivant l’étrange coutume du temps, se regardait à Paris comme en campagne, et cela ni plus ni moins que dans les Flandres : l’Espagnol là-bas, la femme ici. C’était partout un ennemi à combattre, des contributions à frapper.
But, we must say, at the present moment d'Artagnan was ruled by a feeling much more noble and disinterested. The mercer had said that he was rich; the young man might easily guess that with so weak a man as M. Bonacieux, it must have been his wife who held the key to the money. But all had influenced nothing on the sentiment produced by the sight of Mme Bonacieux, and interest was almost foreign to this commencement of love, which had been the consequence of it. We say ALMOST, for the idea that a young, handsome, kind, and witty woman is at the same time rich takes nothing from the beginning of love, but on the contrary strengthens it.Mais, disons-le, pour le moment d’Artagnan était mû d’un sentiment plus noble et plus désintéressé. Le mercier lui avait dit qu’il était riche ; le jeune homme avait pu deviner qu’avec un niais comme l’était M. Bonacieux, ce devait être la femme qui tenait la clef de la bourse. Mais tout cela n’avait influé en rien sur le sentiment produit par la vue de Mme Bonacieux, et l’intérêt était resté à peu près étranger à ce commencement d’amour qui en avait été la suite. Nous disons : à peu près, car l’idée qu’une jeune femme, belle, gracieuse, spirituelle, est riche en même temps, n’ôte rien à ce commencement d’amour, et tout au contraire le corrobore.
There are in affluence a crowd of aristocratic cares and caprices which are highly becoming to beauty. A fine and white stocking, a silken robe, a lace kerchief, a pretty slipper on the foot, a tasty ribbon on the head do not make an ugly woman pretty, but they make a pretty woman beautiful, without reckoning the hands, which gain by all this; the hands, among women particularly, to be beautiful must be idle.Il y a dans l’aisance une foule de soins et de caprices aristocratiques qui vont bien à la beauté. Un bas fin et blanc, une robe de soie, une guimpe de dentelle, un joli soulier au pied, un frais ruban sur la tête, ne font point jolie une femme laide, mais font belle une femme jolie, sans compter les mains qui gagnent à tout cela ; les mains, chez les femmes surtout, ont besoin de rester oisives pour rester belles.
Then d'Artagnan, as the reader, from whom we have not concealed the state of his fortune, very well knows--d'Artagnan was not a millionaire; he hoped to become one someday, but the time which in his own mind he fixed upon for this happy change was still far distant. In the meanwhile, how disheartening to see the woman one loves long for those thousands of nothings which constitute a woman's happiness, and be unable to give her those thousands of nothings. At least, when the woman is rich and the lover is not, that which he cannot offer she offers to herself; and although it is generally with her husband's money that she procures herself this indulgence, the gratitude for it seldom reverts to him.Puis d’Artagnan, comme le sait bien le lecteur, auquel nous n’avons pas caché l’état de sa fortune, d’Artagnan n’était pas un millionnaire ; il espérait bien le devenir un jour, mais le temps qu’il se fixait lui-même pour cet heureux changement était assez éloigné. En attendant, quel désespoir que de voir une femme qu’on aime désirer ces mille riens dont les femmes composent leur bonheur, et de ne pouvoir lui donner ces mille riens ! Au moins, quand la femme est riche et que l’amant ne l’est pas, ce qu’il ne peut lui offrir elle se l’offre elle-même ; et quoique ce soit ordinairement avec l’argent du mari qu’elle se passe cette jouissance, il est rare que ce soit à lui qu’en revienne la reconnaissance.
Then d'Artagnan, disposed to become the most tender of lovers, was at the same time a very devoted friend. In the midst of his amorous projects for the mercer's wife, he did not forget his friends. The pretty Mme Bonacieux was just the woman to walk with in the Plain Saint-Denis or in the fair of Saint-Germain, in company with Athos, Porthos, and Aramis, to whom d'Artagnan would be proud to show such a conquest. Then when one has walked a long time, hunger comes; d’Artagnan since some times had noticed that. One could enjoy charming little dinners, where one touches on one side the hand of a friend, and on the other the foot of a mistress. Besides, on pressing occasions, in extreme difficulties, d'Artagnan would become the preserver of his friends.Puis d’Artagnan, disposé à être l’amant le plus tendre, était en attendant un ami très dévoué. Au milieu de ses projets amoureux sur la femme du mercier, il n’oubliait pas les siens. La jolie Mme Bonacieux était femme à promener dans la plaine Saint-Denis ou dans la foire Saint-Germain en compagnie d’Athos, de Porthos et d’Aramis, auxquels d’Artagnan serait fier de montrer une telle conquête. Puis, quand on a marché longtemps, la faim arrive ; d’Artagnan depuis quelque temps avait remarqué cela. On ferait de ces petits dîners charmants où l’on touche d’un côté la main d’un ami, et de l’autre le pied d’une maîtresse. Enfin, dans les moments pressants, dans les positions extrêmes, d’Artagnan serait le sauveur de ses amis.
And M. Bonacieux? whom d'Artagnan had pushed into the hands of the officers, denying him aloud although he had promised in a whisper to save him. We are compelled to admit to our readers that d'Artagnan thought nothing about him in any way; or that if he did think of him, it was only to say to himself that he was very well where he was, wherever it might be. Love is the most selfish of all the passions.Et M. Bonacieux, que d’Artagnan avait poussé dans les mains des sbires en le reniant bien haut et à qui il avait promis tout bas de le sauver ? Nous devons avouer à nos lecteurs que d’Artagnan n’y songeait en aucune façon, ou que, s’il y songeait, c’était pour se dire qu’il était bien où il était, quelque part qu’il fût. L’amour est la plus égoïste de toutes les passions.
Let our readers reassure themselves. If d'Artagnan forgets his host, or appears to forget him, under the pretense of not knowing where he has been carried, we will not forget him, and we know where he is. But for the moment, let us do as did the amorous Gascon; we will see after the worthy mercer later.Cependant, que nos lecteurs se rassurent : si d’Artagnan oublie son hôte ou fait semblant de l’oublier, sous prétexte qu’il ne sait pas où on l’a conduit, nous ne l’oublions pas, nous, et nous savons où il est. Mais pour le moment faisons comme le Gascon amoureux. Quant au digne mercier, nous reviendrons à lui plus tard.
D'Artagnan, reflecting on his future amours, addressing himself to the beautiful night, and smiling at the stars, ascended the Rue Cherish-Midi, or Chase-Midi, as it was then called. As he found himself in the quarter in which Aramis lived, he took it into his head to pay his friend a visit in order to explain the motives which had led him to send Planchet with a request that he would come instantly to the mousetrap. Now, if Aramis had been at home when Planchet came to his abode, he had doubtless hastened to the Rue des Fossoyeurs, and finding nobody there but his other two companions perhaps, they would not be able to conceive what all this meant. This mystery required an explanation; at least, so d'Artagnan declared to himself.D’Artagnan, tout en réfléchissant à ses futures amours, tout en parlant à la nuit, tout en souriant aux étoiles, remontait la rue du Cherche-Midi ou Chasse-Midi, ainsi qu’on l’appelait alors. Comme il se trouvait dans le quartier d’Aramis, l’idée lui était venue d’aller faire une visite à son ami, pour lui donner quelques explications sur les motifs qui lui avaient fait envoyer Planchet avec invitation de se rendre immédiatement à la souricière. Or, si Aramis s’était trouvé chez lui lorsque Planchet y était venu, il avait sans aucun doute couru rue des Fossoyeurs, et n’y trouvant personne que ses deux autres compagnons peut-être, ils n’avaient dû savoir, ni les uns ni les autres, ce que cela voulait dire. Ce dérangement méritait donc une explication, voilà ce que disait tout haut d’Artagnan.
He likewise thought this was an opportunity for talking about pretty little Mme Bonacieux, of whom his head, if not his heart, was already full. We must never look for discretion in first love. First love is accompanied by such excessive joy that unless the joy be allowed to overflow, it will stifle you.Puis, tout bas, il pensait que c’était pour lui une occasion de parler de la jolie petite Mme Bonacieux, dont son esprit, sinon son cœur, était déjà tout plein. Ce n’est pas à propos d’un premier amour qu’il faut demander de la discrétion. Ce premier amour est accompagné d’une si grande joie, qu’il faut que cette joie déborde, sans cela elle vous étoufferait.
Paris for two hours past had been dark, and seemed a desert. Eleven o'clock sounded from all the clocks of the Faubourg St. Germain. It was delightful weather. D'Artagnan was passing along a lane on the spot where the Rue d'Assas is now situated, breathing the balmy emanations which were borne upon the wind from the Rue de Vaugirard, and which arose from the gardens refreshed by the dews of evening and the breeze of night. From a distance resounded, deadened, however, by good shutters, the songs of the tipplers, enjoying themselves in the cabarets scattered along the plain. Arrived at the end of the lane, d'Artagnan turned to the left. The house in which Aramis dwelt was situated between the Rue Cassette and the Rue Servandoni.Paris depuis deux heures était sombre et commençait à se faire désert. Onze heures sonnaient à toutes les horloges du faubourg Saint-Germain, il faisait un temps doux. D’Artagnan suivait une ruelle située sur l’emplacement où passe aujourd’hui la rue d’Assas, respirant les émanations embaumées qui venaient avec le vent de la rue de Vaugirard et qu’envoyaient les jardins rafraîchis par la rosée du soir et par la brise de la nuit. Au loin résonnaient, assourdis cependant par de bons volets, les chants des buveurs dans quelques cabarets perdus dans la plaine. Arrivé au bout de la ruelle, d’Artagnan tourna à gauche. La maison qu’habitait Aramis se trouvait située entre la rue Cassette et la rue Servandoni.
D'Artagnan had just passed the Rue Cassette, and already perceived the door of his friend's house, shaded by a mass of sycamores and clematis which formed a vast arch opposite the front of it, when he perceived something like a shadow issuing from the Rue Servandoni. This something was enveloped in a cloak, and d'Artagnan at first believed it was a man; but by the smallness of the form, the hesitation of the walk, and the indecision of the step, he soon discovered that it was a woman. Further, this woman, as if not certain of the house she was seeking, lifted up her eyes to look around her, stopped, went backward, and then returned again. D'Artagnan was perplexed.D’Artagnan venait de dépasser la rue Cassette et reconnaissait déjà la porte de la maison de son ami, enfouie sous un massif de sycomores et de clématites qui formaient un vaste bourrelet au-dessus d’elle lorsqu’il aperçut quelque chose comme une ombre qui sortait de la rue Servandoni. Ce quelque chose était enveloppé d’un manteau, et d’Artagnan crut d’abord que c’était un homme ; mais, à la petitesse de la taille, à l’incertitude de la démarche, à l’embarras du pas, il reconnut bientôt une femme. De plus, cette femme, comme si elle n’eût pas été bien sûre de la maison qu’elle cherchait, levait les yeux pour se reconnaître, s’arrêtait, retournait en arrière, puis revenait encore. D’Artagnan fut intrigué.
"Shall I go and offer her my services?" thought he. "By her step she must be young; perhaps she is pretty. Oh, yes! But a woman who wanders in the streets at this hour only ventures out to meet her lover. If I should disturb a rendezvous, that would not be the best means of commencing an acquaintance."« Si j’allais lui offrir mes services ! pensa-t-il. À son allure, on voit qu’elle est jeune ; peut-être jolie. Oh ! oui. Mais une femme qui court les rues à cette heure ne sort guère que pour aller rejoindre son amant. Peste ! si j’allais troubler les rendez-vous, ce serait une mauvaise porte pour entrer en relations. »
Meantime the young woman continued to advance, counting the houses and windows. This was neither long nor difficult. There were but three hotels in this part of the street; and only two windows looking toward the road, one of which was in a pavilion parallel to that which Aramis occupied, the other belonging to Aramis himself.Cependant, la jeune femme s’avançait toujours, comptant les maisons et les fenêtres. Ce n’était, au reste, chose ni longue, ni difficile. Il n’y avait que trois hôtels dans cette partie de la rue, et deux fenêtres ayant vue sur cette rue ; l’une était celle d’un pavillon parallèle à celui qu’occupait Aramis, l’autre était celle d’Aramis lui-même.
"PARIDIEU!" said d'Artagnan to himself, to whose mind the niece of the theologian reverted, "PARDIEU, it would be droll if this belated dove should be in search of our friend's house. But on my soul, it looks so. Ah, my dear Aramis, this time I shall find you out."« Pardieu ! se dit d’Artagnan, auquel la nièce du théologien revenait à l’esprit ; pardieu ! il serait drôle que cette colombe attardée cherchât la maison de notre ami. Mais sur mon âme, cela y ressemble fort. Ah ! mon cher Aramis, pour cette fois, j’en veux avoir le cœur net. »
And d'Artagnan, making himself as small as he could, concealed himself in the darkest side of the street near a stone bench placed at the back of a niche.Et d’Artagnan, se faisant le plus mince qu’il put, s’abrita dans le côté le plus obscur de la rue, près d’un banc de pierre situé au fond d’une niche.
The young woman continued to advance; and in addition to the lightness of her step, which had betrayed her, she emitted a little cough which denoted a sweet voice. D'Artagnan believed this cough to be a signal.La jeune femme continua de s’avancer, car outre la légèreté de son allure, qui l’avait trahie, elle venait de faire entendre une petite toux qui dénonçait une voix des plus fraîches. D’Artagnan pensa que cette toux était un signal.
Nevertheless, whether the cough had been answered by a similar signal which had fixed the irresolution of the nocturnal seeker, or whether without this aid she saw that she had arrived at the end of her journey, she resolutely drew near to Aramis's shutter, and tapped, at three equal intervals, with her bent finger.Cependant, soit qu’on eût répondu à cette toux par un signe équivalent qui avait fixé les irrésolutions de la nocturne chercheuse, soit que sans secours étranger elle eût reconnu qu’elle était arrivée au bout de sa course, elle s’approcha résolument du volet d’Aramis et frappa à trois intervalles égaux avec son doigt recourbé.
"This is all very fine, dear Aramis," murmured d'Artagnan. "Ah, Monsieur Hypocrite, I understand how you study theology."« C’est bien chez Aramis, murmura d’Artagnan. Ah ! monsieur l’hypocrite ! je vous y prends à faire de la théologie ! »
The three blows were scarcely struck, when the inside blind was opened and a light appeared through the panes of the outside shutter.Les trois coups étaient à peine frappés, que la croisée intérieure s’ouvrit et qu’une lumière parut à travers les vitres du volet.
"Ah, ah!" said the listener, "not through doors, but through windows! Ah, this visit was expected. We shall see the windows open, and the lady enter by escalade. Very pretty!"« Ah ! ah ! fit l’écouteur non pas aux portes, mais aux fenêtres, ah ! la visite était attendue. Allons, le volet va s’ouvrir et la dame entrera par escalade. Très bien ! »
But to the great astonishment of d'Artagnan, the shutter remained closed. Still more, the light which had shone for an instant disappeared, and all was again in obscurity.Mais, au grand étonnement de d’Artagnan, le volet resta fermé. De plus, la lumière qui avait flamboyé un instant, disparut, et tout rentra dans l’obscurité.
D'Artagnan thought this could not last long, and continued to look with all his eyes and listen with all his ears.D’Artagnan pensa que cela ne pouvait durer ainsi, et continua de regarder de tous ses yeux et d’écouter de toutes ses oreilles.
He was right; at the end of some seconds two sharp taps were heard inside.Il avait raison : au bout de quelques secondes, deux coups secs retentirent dans l’intérieur.
The young woman in the street replied by a single tap, and the shutter was opened a little way.La jeune femme de la rue répondit par un seul coup, et le volet s’entrouvrit.
It may be judged whether d'Artagnan looked or listened with avidity.On juge si d’Artagnan regardait et écoutait avec avidité.
Unfortunately the light had been removed into another chamber; but the eyes of the young man were accustomed to the night. Besides, the eyes of the Gascons have, as it is asserted, like those of cats, the faculty of seeing in the dark.Malheureusement, la lumière avait été transportée dans un autre appartement. Mais les yeux du jeune homme s’étaient habitués à la nuit. D’ailleurs les yeux des Gascons ont, à ce qu’on assure, comme ceux des chats, la propriété de voir pendant la nuit.
D'Artagnan then saw that the young woman took from her pocket a white object, which she unfolded quickly, and which took the form of a handkerchief. She made her interlocutor observe the corner of this unfolded object.D’Artagnan vit donc que la jeune femme tirait de sa poche un objet blanc qu’elle déploya vivement et qui prit la forme d’un mouchoir. Cet objet déployé, elle en fit remarquer le coin à son interlocuteur.
This recalled to d'Artagnan's mind the handkerchief which he had found at the feet of Mme. Bonacieux, which had reminded him of that which he had found under the feet of Aramis.Cela rappela à d’Artagnan ce mouchoir qu’il avait trouvé aux pieds de Mme Bonacieux, lequel lui avait rappelé celui qu’il avait trouvé aux pieds d’Aramis.
"What the devil could that handkerchief signify?"« Que diable pouvait donc signifier ce mouchoir ? »
Placed where he was, d'Artagnan could not perceive the face of Aramis. We say Aramis, because the young man entertained no doubt that it was his friend who held this dialogue from the interior with the lady of the exterior. Curiosity prevailed over prudence; and profiting by the preoccupation into which the sight of the handkerchief appeared to have plunged the two personages now on the scene, he stole from his hiding place, and quick as lightning, but stepping with utmost caution, he ran and placed himself close to the angle of the wall, from which his eye could pierce the interior of Aramis's room.Placé où il était, d’Artagnan ne pouvait voir le visage d’Aramis, nous disons d’Aramis, parce que le jeune homme ne faisait aucun doute que ce fût son ami qui dialoguât de l’intérieur avec la dame de l’extérieur ; la curiosité l’emporta donc sur la prudence, et, profitant de la préoccupation dans laquelle la vue du mouchoir paraissait plonger les deux personnages que nous avons mis en scène, il sortit de sa cachette, et prompt comme l’éclair, mais étouffant le bruit de ses pas, il alla se coller à un angle de la muraille, d’où son œil pouvait parfaitement plonger dans l’intérieur de l’appartement d’Aramis.
Upon gaining this advantage d'Artagnan was near uttering a cry of surprise; it was not Aramis who was conversing with the nocturnal visitor, it was a woman! D'Artagnan, however, could only see enough to recognize the form of her vestments, not enough to distinguish her features.Arrivé là, d’Artagnan pensa jeter Un cri de surprise : ce n’était pas Aramis qui causait avec la nocturne visiteuse, c’était une femme. Seulement, d’Artagnan y voyait assez pour reconnaître la forme de ses vêtements, mais pas assez pour distinguer ses traits.
At the same instant the woman inside drew a second handkerchief from her pocket, and exchanged it for that which had just been shown to her. Then some words were spoken by the two women. At length the shutter closed. The woman who was outside the window turned round, and passed within four steps of d'Artagnan, pulling down the hood of her mantle; but the precaution was too late, d'Artagnan had already recognized Mme. Bonacieux.Au même instant, la femme de l’appartement tira un second mouchoir de sa poche, et l’échangea avec celui qu’on venait de lui montrer. Puis, quelques mots furent prononcés entre les deux femmes. Enfin le volet se referma ; la femme qui se trouvait à l’extérieur de la fenêtre se retourna, et vint passer à quatre pas de d’Artagnan en abaissant la coiffe de sa mante ; mais la précaution avait été prise trop tard, d’Artagnan avait déjà reconnu Mme Bonacieux.
Mme. Bonacieux! The suspicion that it was she had crossed the mind of d'Artagnan when she drew the handkerchief from her pocket; but what probability was there that Mme. Bonacieux, who had sent for M. Laporte in order to be reconducted to the Louvre, should be running about the streets of Paris at half past eleven at night, at the risk of being abducted a second time?Mme Bonacieux ! Le soupçon que c’était elle lui avait déjà traversé l’esprit quand elle avait tiré le mouchoir de sa poche ; mais quelle probabilité que Mme Bonacieux qui avait envoyé chercher M. de La Porte pour se faire reconduire par lui au Louvre, courût les rues de Paris seule à onze heures et demie du soir, au risque de se faire enlever une seconde fois ?
This must be, then, an affair of importance; and what is the most important affair to a woman of twenty-five! Love.Il fallait donc que ce fût pour une affaire bien importante ; et quelle est l’affaire importante d’une femme de vingt-cinq ans ? L’amour.
But was it on her own account, or on account of another, that she exposed herself to such hazards? This was a question the young man asked himself, whom the demon of jealousy already gnawed, being in heart neither more nor less than an accepted lover.Mais était-ce pour son compte ou pour le compte d’une autre personne qu’elle s’exposait à de semblables hasards ? Voilà ce que se demandait à lui-même le jeune homme, que le démon de la jalousie mordait au cœur ni plus ni moins qu’un amant en titre.
There was a very simple means of satisfying himself whither Mme. Bonacieux was going; that was to follow her. This method was so simple that d'Artagnan employed it quite naturally and instinctively.Il y avait, au reste, un moyen bien simple de s’assurer où allait Mme Bonacieux : c’était de la suivre. Ce moyen était si simple, que d’Artagnan l’employa tout naturellement et d’instinct.
But at the sight of the young man, who detached himself from the wall like a statue walking from its niche, and at the noise of the steps which she heard resound behind her, Mme. Bonacieux uttered a little cry and fled.Mais, à la vue du jeune homme qui se détachait de la muraille comme une statue de sa niche, et au bruit des pas qu’elle entendit retentir derrière elle, Mme Bonacieux jeta un petit cri et s’enfuit.
D'Artagnan ran after her. It was not difficult for him to overtake a woman embarrassed with her cloak. He came up with her before she had traversed a third of the street. The unfortunate woman was exhausted, not by fatigue, but by terror, and when d'Artagnan placed his hand upon her shoulder, she sank upon one knee, crying in a choking voice,D’Artagnan courut après elle. Ce n’était pas une chose difficile pour lui que de rejoindre une femme embarrassée dans son manteau. Il la rejoignit donc au tiers de la rue dans laquelle elle s’était engagée. La malheureuse était épuisée, non pas de fatigue, mais de terreur, et quand d’Artagnan lui posa la main sur l’épaule, elle tomba sur un genou en criant d’une voix étranglée :
"Kill me, if you please, you shall know nothing!"« Tuez-moi si vous voulez, mais vous ne saurez rien. »
D'Artagnan raised her by passing his arm round her waist; but as he felt by her weight she was on the point of fainting, he made haste to reassure her by protestations of devotedness. These protestations were nothing for Mme. Bonacieux, for such protestations may be made with the worst intentions in the world; but the voice was all Mme. Bonacieux thought she recognized the sound of that voice; she reopened her eyes, cast a quick glance upon the man who had terrified her so, and at once perceiving it was d'Artagnan, she uttered a cry of joy,D’Artagnan la releva en lui passant le bras autour de la taille ; mais comme il sentait à son poids qu’elle était sur le point de se trouver mal, il s’empressa de la rassurer par des protestations de dévouement. Ces protestations n’étaient rien pour Mme Bonacieux ; car de pareilles protestations peuvent se faire avec les plus mauvaises intentions du monde ; mais la voix était tout. La jeune femme crut reconnaître le son de cette voix : elle rouvrit les yeux, jeta un regard sur l’homme qui lui avait fait si grand-peur, et, reconnaissant d’Artagnan, elle poussa un cri de joie.
"Oh, it is you, it is you! Thank God, thank God!"« Oh ! c’est vous, c’est vous ! dit-elle ; merci, mon Dieu !
"Yes, it is I," said d'Artagnan, "it is I, whom God has sent to watch over you."– Oui, c’est moi, dit d’Artagnan, moi que Dieu a envoyé pour veiller sur vous.
"Was it with that intention you followed me?" asked the young woman, with a coquettish smile, whose somewhat bantering character resumed its influence, and with whom all fear had disappeared from the moment in which she recognized a friend in one she had taken for an enemy.– Était-ce dans cette intention que vous me suiviez ? » demanda avec un sourire plein de coquetterie la jeune femme, dont le caractère un peu railleur reprenait le dessus, et chez laquelle toute crainte avait disparu du moment où elle avait reconnu un ami dans celui qu’elle avait pris pour un ennemi.
"No," said d'Artagnan; "no, I confess it. It was chance that threw me in your way; I saw a woman knocking at the window of one of my friends."« Non, dit d’Artagnan, non, je l’avoue ; c’est le hasard qui m’a mis sur votre route ; j’ai vu une femme frapper à la fenêtre d’un de mes amis…
"One of your friends?" interrupted Mme. Bonacieux.– D’un de vos amis ? interrompit Mme Bonacieux.
"Without doubt; Aramis is one of my best friends."– Sans doute ; Aramis est de mes meilleurs amis.
"Aramis! Who is he?"– Aramis ! qu’est-ce que cela ?
"Come, come, you won't tell me you don't know Aramis?"– Allons donc ! allez-vous me dire que vous ne connaissez pas Aramis ?
"This is the first time I ever heard his name pronounced."– C’est la première fois que j’entends prononcer ce nom.
"It is the first time, then, that you ever went to that house?"– C’est donc la première fois que vous venez à cette maison ?
"Undoubtedly."– Sans doute.
"And you did not know that it was inhabited by a young man?"– Et vous ne saviez pas qu’elle fût habitée par un jeune homme ?
"No."– Non.
"By a Musketeer?"– Par un mousquetaire ?
"No, indeed!"– Nullement.
"It was not he, then, you came to seek?"– Ce n’est donc pas lui que vous veniez chercher ?
"Not the least in the world. Besides, you must have seen that the person to whom I spoke was a woman."– Pas le moins du monde. D’ailleurs, vous l’avez bien vu, la personne à qui j’ai parlé est une femme.
"That is true; but this woman is a friend of Aramis--"– C’est vrai ; mais cette femme est des amies d’Aramis.
"I know nothing of that."– Je n’en sais rien.
"--since she lodges with him."– Puisqu’elle loge chez lui.
"That does not concern me."– Cela ne me regarde pas.
"But who is she?"– Mais qui est-elle ?
"Oh, that is not my secret."– Oh ! cela n’est point mon secret.
"My dear Madame Bonacieux, you are charming; but at the same time you are one of the most mysterious women."– Chère madame Bonacieux, vous êtes charmante ; mais en même temps vous êtes la femme la plus mystérieuse…
"Do I lose by that?"– Est-ce que je perds à cela ?
"No; you are, on the contrary, adorable."– Non ; vous êtes, au contraire, adorable.
"Give me your arm, then."« Alors, donnez-moi le bras.
"Most willingly. And now?"– Bien volontiers. Et maintenant ?
"Now escort me."– Maintenant, conduisez-moi.
"Where?"– Où cela ?
"Where I am going."– Où je vais.
"But where are you going?"– Mais où allez-vous ?
"You will see, because you will leave me at the door."– Vous le verrez, puisque vous me laisserez à la porte.
"Shall I wait for you?"– Faudra-t-il vous attendre ?
"That will be useless."– Ce sera inutile.
"You will return alone, then?"– Vous reviendrez donc seule ?
"Perhaps yes, perhaps no."– Peut-être oui, peut-être non.
"But will the person who shall accompany you afterward be a man or a woman?"– Mais la personne qui vous accompagnera ensuite sera-t-elle un homme, sera-t-elle une femme ?
"I don't know yet."– Je n’en sais rien encore.
"But I will know it!"– Je le saurai bien, moi !
"How so?"– Comment cela ?
"I will wait until you come out."– Je vous attendrai pour vous voir sortir.
"In that case, adieu."– En ce cas, adieu !
"Why so?"– Comment cela ?
"I do not want you."– Je n’ai pas besoin de vous.
"But you have claimed--"– Mais vous aviez réclamé…
"The aid of a gentleman, not the watchfulness of a spy."– L’aide d’un gentilhomme, et non la surveillance d’un espion.
"The word is rather hard."– Le mot est un peu dur !
"How are they called who follow others in spite of them?"– Comment appelle-t-on ceux qui suivent les gens malgré eux ?
"They are indiscreet."– Des indiscrets.
"The word is too mild."– Le mot est trop doux.
"Well, madame, I perceive I must do as you wish."– Allons, madame, je vois bien qu’il faut faire tout ce que vous voulez.
"Why did you deprive yourself of the merit of doing so at once?"– Pourquoi vous être privé du mérite de le faire tout de suite ?
"Is there no merit in repentance?"– N’y en a-t-il donc aucun à se repentir ?
"And do you really repent?"– Et vous repentez-vous réellement ?
"I know nothing about it myself. But what I know is that I promise to do all you wish if you allow me to accompany you where you are going."– Je n’en sais rien moi-même. Mais ce que je sais, c’est que je vous promets de faire tout ce que vous voudrez si vous me laissez vous accompagner jusqu’où vous allez.
"And you will leave me then?"– Et vous me quitterez après ?
"Yes."– Oui.
"Without waiting for my coming out again?"– Sans m’épier à ma sortie ?
"Yes."– Non.
"Word of honor?"– Parole d’honneur ?
"By the faith of a gentleman.– Foi de gentilhomme !
Take my arm, and let us go."– Prenez mon bras et marchons alors. »
D'Artagnan offered his arm to Mme. Bonacieux, who willingly took it, half laughing, half trembling, and both gained the top of Rue de la Harpe. Arriving there, the young woman seemed to hesitate, as she had before done in the Rue Vaugirard. She seemed, however, by certain signs, to recognize a door, and approaching that door,D’Artagnan offrit son bras à Mme Bonacieux, qui s’y suspendit, moitié rieuse, moitié tremblante, et tous deux gagnèrent le haut de la rue de La Harpe. Arrivée là, la jeune femme parut hésiter, comme elle avait déjà fait dans la rue de Vaugirard. Cependant, à de certains signes, elle sembla reconnaître une porte ; et s’approchant de cette porte :
"And now, monsieur," said she, "it is here I have business; a thousand thanks for your honorable company, which has saved me from all the dangers to which, alone I was exposed. But the moment is come to keep your word; I have reached my destination."« Et maintenant, monsieur, dit-elle, c’est ici que j’ai affaire ; mille fois merci de votre honorable compagnie, qui m’a sauvée de tous les dangers auxquels, seule, j’eusse été exposée. Mais le moment est venu de tenir votre parole : je suis arrivée à ma destination.
"And you will have nothing to fear on your return?"– Et vous n’aurez plus rien à craindre en revenant ?
"I shall have nothing to fear but robbers."– Je n’aurai à craindre que les voleurs.
"And that is nothing?"– N’est-ce donc rien ?
"What could they take from me? I have not a penny about me."– Que pourraient-ils me prendre ? je n’ai pas un denier sur moi.
"You forget that beautiful handkerchief with the coat of arms."– Vous oubliez ce beau mouchoir brodé, armorié.
"Which?"– Lequel ?
"That which I found at your feet, and replaced in your pocket."– Celui que j’ai trouvé à vos pieds et que j’ai remis dans votre poche.
"Hold your tongue, imprudent man! Do you wish to destroy me?"– Taisez-vous, taisez-vous, malheureux ! s’écria la jeune femme, voulez-vous me perdre ?
"You see very plainly that there is still danger for you, since a single word makes you tremble; and you confess that if that word were heard you would be ruined. Come, come, madame!" cried d'Artagnan, seizing her hands, and surveying her with an ardent glance, "come, be more generous. Confide in me. Have you not read in my eyes that there is nothing but devotion and sympathy in my heart?"– Vous voyez bien qu’il y a encore du danger pour vous, puisqu’un seul mot vous fait trembler, et que vous avouez que, si on entendait ce mot, vous seriez perdue. Ah ! tenez, madame, s’écria d’Artagnan en lui saisissant la main et la couvrant d’un ardent regard, tenez ! soyez plus généreuse, confiez-vous à moi ; n’avez-vous donc pas lu dans mes yeux qu’il n’y a que dévouement et sympathie dans mon cœur ?
"Yes," replied Mme. Bonacieux; "therefore, ask my own secrets, and I will reveal them to you; but those of others--that is quite another thing."– Si fait, répondit Mme Bonacieux ; aussi demandez-moi mes secrets, et je vous les dirai ; mais ceux des autres, c’est autre chose.
"Very well," said d'Artagnan, "I shall discover them; as these secrets may have an influence over your life, these secrets must become mine."– C’est bien, dit d’Artagnan, je les découvrirai ; puisque ces secrets peuvent avoir une influence sur votre vie, il faut que ces secrets deviennent les miens.
"Beware of what you do!" cried the young woman, in a manner so serious as to make d'Artagnan start in spite of himself. "Oh, meddle in nothing which concerns me. Do not seek to assist me in that which I am accomplishing. This I ask of you in the name of the interest with which I inspire you, in the name of the service you have rendered me and which I never shall forget while I have life. Rather, place faith in what I tell you. Have no more concern about me; I exist no longer for you, any more than if you had never seen me."– Gardez-vous-en bien, s’écria la jeune femme avec un sérieux qui fit frissonner d’Artagnan malgré lui. Oh ! ne vous mêlez en rien de ce qui me regarde, ne cherchez point à m’aider dans ce que j’accomplis ; et cela, je vous le demande au nom de l’intérêt que je vous inspire, au nom du service que vous m’avez rendu ! et que je n’oublierai de ma vie. Croyez bien plutôt à ce que je vous dis. Ne vous occupez plus de moi, je n’existe plus pour vous, que ce soit comme si vous ne m’aviez jamais vue.
"Must Aramis do as much as I, madame?" said d'Artagnan, deeply piqued.– Aramis doit-il en faire autant que moi, madame ? dit d’Artagnan piqué.
"This is the second or third time, monsieur, that you have repeated that name, and yet I have told you that I do not know him."– Voilà deux ou trois fois que vous avez prononcé ce nom, monsieur, et cependant je vous ai dit que je ne le connaissais pas.
"You do not know the man at whose shutter you have just knocked? Indeed, madame, you believe me too credulous!"– Vous ne connaissez pas l’homme au volet duquel vous avez été frapper. Allons donc, madame ! vous me croyez par trop crédule, aussi !
"Confess that it is for the sake of making me talk that you invent this story and create this personage."– Avouez que c’est pour me faire parler que vous inventez cette histoire, et que vous créez ce personnage.
"I invent nothing, madame; I create nothing. I only speak that exact truth."– Je n’invente rien, madame, je ne crée rien, je dis l’exacte vérité.
"And you say that one of your friends lives in that house?"– Et vous dites qu’un de vos amis demeure dans cette maison ?
"I say so, and I repeat it for the third time; that house is one inhabited by my friend, and that friend is Aramis."– Je le dis et je le répète pour la troisième fois, cette maison est celle qu’habite mon ami, et cet ami est Aramis.
"All this will be cleared up at a later period," murmured the young woman; "no, monsieur, be silent."– Tout cela s’éclaircira plus tard, murmura la jeune femme : maintenant, monsieur, taisez-vous.
"If you could see my heart," said d'Artagnan, "you would there read so much curiosity that you would pity me and so much love that you would instantly satisfy my curiosity. We have nothing to fear from those who love us."– Si vous pouviez voir mon cœur tout à découvert, dit d’Artagnan, vous y liriez tant de curiosité, que vous auriez pitié de moi, et tant d’amour, que vous satisferiez à l’instant même ma curiosité. On n’a rien à craindre de ceux qui vous aiment.
"You speak very suddenly of love, monsieur," said the young woman, shaking her head.– Vous parlez bien vite d’amour, monsieur ! dit la jeune femme en secouant la tête.
"That is because love has come suddenly upon me, and for the first time; and because I am only twenty."– C’est que l’amour m’est venu vite et pour la première fois, et que je n’ai pas vingt ans. »
The young woman looked at him furtively.La jeune femme le regarda à la dérobée.
"Listen; I am already upon the scent," resumed d'Artagnan. "About three months ago I was near having a duel with Aramis concerning a handkerchief resembling the one you showed to the woman in his house--for a handkerchief marked in the same manner, I am sure."« Écoutez, je suis déjà sur la trace, dit d’Artagnan. Il y a trois mois, j’ai manqué avoir un duel avec Aramis pour un mouchoir pareil à celui que vous avez montré à cette femme qui était chez lui, pour un mouchoir marqué de la même manière, j’en suis sûr.
"Monsieur," said the young woman, "you weary me very much, I assure you, with your questions."– Monsieur, dit la jeune femme, vous me fatiguez fort, je vous le jure, avec ces questions.
"But you, madame, prudent as you are, think, if you were to be arrested with that handkerchief, and that handkerchief were to be seized, would you not be compromised?"– Mais vous, si prudente, madame, songez-y, si vous étiez arrêtée avec ce mouchoir, et que ce mouchoir fût saisi, ne seriez-vous pas compromise ?
"In what way? The initials are only mine--C. B., Constance Bonacieux."– Pourquoi cela, les initiales ne sont-elles pas les miennes : C.B., Constance Bonacieux ?
"Or Camille de Bois-Tracy."– Ou Camille de Bois-Tracy.
"Silence, monsieur! Once again, silence! Ah, since the dangers I incur on my own account cannot stop you, think of those you may yourself run!"– Silence, monsieur, encore une fois silence ! Ah ! puisque les dangers que je cours pour moi-même ne vous arrêtent pas, songez à ceux que vous pouvez courir, vous !
"Me?"– Moi ?
"Yes; there is peril of imprisonment, risk of life in knowing me."– Oui, vous. Il y a danger de la prison, il y a danger de la vie à me connaître.
"Then I will not leave you."– Alors, je ne vous quitte plus.
"Monsieur!" said the young woman, supplicating him and clasping her hands together, "monsieur, in the name of heaven, by the honor of a soldier, by the courtesy of a gentleman, depart! There, there midnight sounds! That is the hour when I am expected."– Monsieur, dit la jeune femme suppliant et joignant les mains, monsieur, au nom du Ciel, au nom de l’honneur d’un militaire, au nom de la courtoisie d’un gentilhomme, éloignez-vous ; tenez, voilà minuit qui sonne, c’est l’heure où l’on m’attend.
"Madame," said the young man, bowing; "I can refuse nothing asked of me thus. Be content; I will depart."– Madame, dit le jeune homme en s’inclinant, je ne sais rien refuser à qui me demande ainsi ; soyez contente, je m’éloigne.
"But you will not follow me; you will not watch me?"– Mais vous ne me suivrez pas, vous ne m’épierez pas ?
"I will return home instantly."– Je rentre chez moi à l’instant.
"Ah, I was quite sure you were a good and brave young man," said Mme. Bonacieux, holding out her hand to him, and placing the other upon the knocker of a little door almost hidden in the wall.– Ah ! je le savais bien, que vous étiez un brave jeune homme ! » s’écria Mme Bonacieux en lui tendant une main et en posant l’autre sur le marteau d’une petite porte presque perdue dans la muraille.
D'Artagnan seized the hand held out to him, and kissed it ardently.– D’Artagnan saisit la main qu’on lui tendait et la baisa ardemment.
"Ah! I wish I had never seen you!" cried d'Artagnan, with that ingenuous roughness which women often prefer to the affectations of politeness, because it betrays the depths of the thought and proves that feeling prevails over reason.« Ah ! j’aimerais mieux ne vous avoir jamais vue, s’écria d’Artagnan avec cette brutalité naïve que les femmes préfèrent souvent aux afféteries de la politesse, parce qu’elle découvre le fond de la pensée et qu’elle prouve que le sentiment l’emporte sur la raison.
"Well!" resumed Mme. Bonacieux, in a voice almost caressing, and pressing the hand of d'Artagnan, who had not relinquished hers, "well: I will not say as much as you do; what is lost for today may not be lost forever. Who knows, when I shall be at liberty, that I may not satisfy your curiosity?"– Eh bien, reprit Mme Bonacieux d’une voix presque caressante, et en serrant la main de d’Artagnan qui n’avait pas abandonné la sienne ; eh bien, je n’en dirai pas autant que vous : ce qui est perdu pour aujourd’hui n’est pas perdu pour l’avenir. Qui sait, si lorsque je serai déliée un jour, je ne satisferai pas votre curiosité ?
"And will you make the same promise to my love?" cried d'Artagnan, beside himself with joy.– Et faites-vous la même promesse à mon amour ? s’écria d’Artagnan au comble de la joie.
"Oh, as to that, I do not engage myself. That depends upon the sentiments with which you may inspire me."– Oh ! de ce côté, je ne veux point m’engager, cela dépendra des sentiments que vous saurez m’inspirer.
"Then today, madame--"– Ainsi, aujourd’hui, madame…
"Oh, today, I am no further than gratitude."– Aujourd’hui, monsieur, je n’en suis encore qu’à la reconnaissance.
"Ah! You are too charming," said d'Artagnan, sorrowfully; "and you abuse my love."– Ah ! vous êtes trop charmante, dit d’Artagnan avec tristesse, et vous abusez de mon amour.
"No, I use your generosity, that's all. But be of good cheer; with certain people, everything comes round."– Non, j’use de votre générosité, voilà tout. Mais croyez-le bien, avec certaines gens tout se retrouve.
"Oh, you render me the happiest of men! Do not forget this evening--do not forget that promise."– Oh ! vous me rendez le plus heureux des hommes. N’oubliez pas cette soirée, n’oubliez pas cette promesse.
"Be satisfied. In the proper time and place I will remember everything. Now then, go, go, in the name of heaven! I was expected at sharp midnight, and I am late."– Soyez tranquille, en temps et lieu je me souviendrai de tout. Eh bien, partez donc, partez, au nom du Ciel ! On m’attendait à minuit juste, et je suis en retard.
"By five minutes."– De cinq minutes.
"Yes; but in certain circumstances five minutes are five ages."– Oui ; mais dans certaines circonstances, cinq minutes sont cinq siècles.
"When one loves."– Quand on aime.
"Well! And who told you I had no affair with a lover?"– Eh bien, qui vous dit que je n’ai pas affaire à un amoureux ?
"It is a man, then, who expects you?" cried d'Artagnan. "A man!"– C’est un homme qui vous attend ? s’écria d’Artagnan, un homme !
"The discussion is going to begin again!" said Mme. Bonacieux, with a half-smile which was not exempt from a tinge of impatience.– Allons, voilà la discussion qui va recommencer, fit Mme Bonacieux avec un demi-sourire qui n’était pas exempt d’une certaine teinte d’impatience.
"No, no; I go, I depart! I believe in you, and I would have all the merit of my devotion, even if that devotion were stupidity. Adieu, madame, adieu!"– Non, non, je m’en vais, je pars ; je crois en vous, je veux avoir tout le mérite de mon dévouement, ce dévouement dût-il être une stupidité. Adieu, madame, adieu ! »
And as if he only felt strength to detach himself by a violent effort from the hand he held, he sprang away, running, while Mme. Bonacieux knocked, as at the shutter, three light and regular taps. When he had gained the angle of the street, he turned. The door had been opened, and shut again; the mercer's pretty wife had disappeared.Et comme s’il ne se fût senti la force de se détacher de la main qu’il tenait que par une secousse, il s’éloigna tout courant, tandis que Mme Bonacieux frappait, comme au volet, trois coups lents et réguliers ; puis, arrivé à l’angle de la rue, il se retourna : la porte s’était ouverte et refermée, la jolie mercière avait disparu.
D'Artagnan pursued his way. He had given his word not to watch Mme. Bonacieux, and if his life had depended upon the spot to which she was going or upon the person who should accompany her, d'Artagnan would have returned home, since he had so promised. Five minutes later he was in the Rue des Fossoyeurs.D’Artagnan continua son chemin, il avait donné sa parole de ne pas épier Mme Bonacieux, et sa vie eût-elle dépendu de l’endroit où elle allait se rendre, ou de la personne qui devait l’accompagner, d’Artagnan serait rentré chez lui, puisqu’il avait dit qu’il y rentrait. Cinq minutes après, il était dans la rue des Fossoyeurs.
"Poor Athos!" said he; "he will never guess what all this means. He will have fallen asleep waiting for me, or else he will have returned home, where he will have learned that a woman had been there. A woman with Athos! After all," continued d'Artagnan, "there was certainly one with Aramis. All this is very strange; and I am curious to know how it will end."« Pauvre Athos, disait-il, il ne saura pas ce que cela veut dire. Il se sera endormi en m’attendant, ou il sera retourné chez lui, et en rentrant il aura appris qu’une femme y était venue. Une femme chez Athos ! Après tout, continua d’Artagnan, il y en avait bien une chez Aramis. Tout cela est fort étrange, et je serais bien curieux de savoir comment cela finira.
"Badly, monsieur, badly!" replied a voice which the young man recognized as that of Planchet; for, soliloquizing aloud, as very preoccupied people do, he had entered the alley, at the end of which were the stairs which led to his chamber.– Mal, monsieur, mal », répondit une voix que le jeune homme reconnut pour celle de Planchet ; car tout en monologuant tout haut, à la manière des gens très préoccupés, il s’était engagé dans l’allée au fond de laquelle était l’escalier qui conduisait à sa chambre.
"How badly? What do you mean by that, you idiot?" asked d'Artagnan. "What has happened?"« Comment, mal ? que veux-tu dire, imbécile ? demanda d’Artagnan, qu’est-il donc arrivé ?
"All sorts of misfortunes."– Toutes sortes de malheurs.
"What?"– Lesquels ?
"In the first place, Monsieur Athos is arrested."– D’abord M. Athos est arrêté.
"Arrested! Athos arrested! What for?"– Arrêté ! Athos ! arrêté ! pourquoi ?
"He was found in your lodging; they took him for you."– On l’a trouvé chez vous ; on l’a pris pour vous.
"And by whom was he arrested?"– Et par qui a-t-il été arrêté ?
"By Guards brought by the men in black whom you put to flight."– Par la garde qu’ont été chercher les hommes noirs que vous avez mis en fuite.
"Why did he not tell them his name? Why did he not tell them he knew nothing about this affair?"– Pourquoi ne s’est-il pas nommé ? pourquoi n’a-t-il pas dit qu’il était étranger à cette affaire ?
"He took care not to do so, monsieur; on the contrary, he came up to me and said, 'It is your master that needs his liberty at this moment and not I, since he knows everything and I know nothing. They will believe he is arrested, and that will give him time; in three days I will tell them who I am, and they cannot fail to let me go.'"– Il s’en est bien gardé, monsieur ; il s’est au contraire approché de moi et m’a dit : « C’est ton maître qui a besoin de sa liberté en ce moment, et non pas moi, puisqu’il sait tout et que je ne sais rien. On le croira arrêté, et cela lui donnera du temps ; dans trois jours je dirai qui je suis, et il faudra bien qu’on me fasse sortir. »
"Bravo, Athos! Noble heart!" murmured d'Artagnan. "I know him well there! And what did the officers do?"– Bravo, Athos ! noble cœur, murmura d’Artagnan, je le reconnais bien là ! Et qu’ont fait les sbires ?
"Four conveyed him away, I don't know where--to the Bastille or Fort l'Eveque. Two remained with the men in black, who rummaged every place and took all the papers. The last two mounted guard at the door during this examination; then, when all was over, they went away, leaving the house empty and exposed."– Quatre l’ont emmené je ne sais où, à la Bastille ou au For-l’Évêque ; deux sont restés avec les hommes noirs, qui ont fouillé partout et qui ont pris tous les papiers. Enfin les deux derniers, pendant cette expédition, montaient la garde à la porte ; puis, quand tout a été fini, ils sont partis, laissant la maison vide et tout ouvert.
"And Porthos and Aramis?"– Et Porthos et Aramis ?
"I could not find them; they did not come."– Je ne les avais pas trouvés, ils ne sont pas venus.
"But they may come any moment, for you left word that I awaited them?"– Mais ils peuvent venir d’un moment à l’autre, car tu leur as fait dire que je les attendais ?
"Yes, monsieur."– Oui, monsieur.
"Well, don't budge, then; if they come, tell them what has happened. Let them wait for me at the Pomme-de-Pin. Here it would be dangerous; the house may be watched. I will run to Monsieur de Treville to tell them all this, and will meet them there."– Eh bien, ne bouge pas d’ici ; s’ils viennent, préviens-les de ce qui m’est arrivé, qu’ils m’attendent au cabaret de la Pomme de Pin ; ici il y aurait danger, la maison peut être espionnée. Je cours chez M. de Tréville pour lui annoncer tout cela, et je les y rejoins.
"Very well, monsieur," said Planchet.– C’est bien, monsieur, dit Planchet.
"But you will remain; you are not afraid?" said d'Artagnan, coming back to recommend courage to his lackey.– Mais tu resteras, tu n’auras pas peur ! dit d’Artagnan en revenant sur ses pas pour recommander le courage à son laquais.
"Be easy, monsieur," said Planchet; "you do not know me yet. I am brave when I set about it. It is all in beginning. Besides, I am a Picard."– Soyez tranquille, monsieur, dit Planchet, vous ne me connaissez pas encore ; je suis brave quand je m’y mets, allez ; c’est le tout de m’y mettre ; d’ailleurs je suis Picard.
"Then it is understood," said d'Artagnan; "you would rather be killed than desert your post?"– Alors, c’est convenu, dit d’Artagnan, tu te fais tuer plutôt que de quitter ton poste.
"Yes, monsieur; and there is nothing I would not do to prove to Monsieur that I am attached to him."– Oui, monsieur, et il n’y a rien que je ne fasse pour prouver à monsieur que je lui suis attaché. »
"Good!" said d'Artagnan to himself. "It appears that the method I have adopted with this boy is decidedly the best. I shall use it again upon occasion."« Bon, dit en lui-même d’Artagnan, il paraît que la méthode que j’ai employée à l’égard de ce garçon est décidément la bonne : j’en userai dans l’occasion. »
And with all the swiftness of his legs, already a little fatigued however, with the perambulations of the day, d'Artagnan directed his course toward M. de Treville's.Et de toute la vitesse de ses jambes, déjà quelque peu fatiguées cependant par les courses de la journée, d’Artagnan se dirigea vers la rue du Colombier.
M. de Treville was not at his hotel. His company was on guard at the Louvre; he was at the Louvre with his company.M. de Tréville n’était point à son hôtel ; sa compagnie était de garde au Louvre ; il était au Louvre avec sa compagnie.
It was necessary to reach M. de Treville; it was important that he should be informed of what was passing. D'Artagnan resolved to try and enter the Louvre. His costume of Guardsman in the company of M. Dessessart ought to be his passport.Il fallait arriver jusqu’à M. de Tréville ; il était important qu’il fût prévenu de ce qui se passait. D’Artagnan résolut d’essayer d’entrer au Louvre. Son costume de garde dans la compagnie de M. des Essarts lui devait être un passeport.
He therefore went down the Rue des Petits Augustins, and came up to the quay, in order to take the New Bridge. He had at first an idea of crossing by the ferry; but on gaining the riverside, he had mechanically put his hand into his pocket, and perceived that he had not wherewithal to pay his passage.Il descendit donc la rue des Petits- Augustins, et remonta le quai pour prendre le Pont-Neuf. Il avait eu un instant l’idée de passer le bac ; mais en arrivant au bord de l’eau, il avait machinalement introduit sa main dans sa poche et s’était aperçu qu’il n’avait pas de quoi payer le passeur.
As he gained the top of the Rue Guenegaud, he saw two persons coming out of the Rue Dauphine whose appearance very much struck him.Comme il arrivait à la hauteur de la rue Guénégaud, il vit déboucher de la rue Dauphine un groupe composé de deux personnes et dont l’allure le frappa.
Of the two persons who composed this group, one was a man and the other a woman.Les deux personnes qui composaient le groupe étaient : l’un, un homme ; l’autre, une femme.
The woman had the outline of Mme. Bonacieux; the man resembled Aramis so much as to be mistaken for him.La femme avait la tournure de Mme Bonacieux, et l’homme ressemblait à s’y méprendre à Aramis.
Besides, the woman wore that black mantle which d'Artagnan could still see outlined on the shutter of the Rue de Vaugirard and on the door of the Rue de la Harpe;En outre, la femme avait cette mante noire que d’Artagnan voyait encore se dessiner sur le volet de la rue de Vaugirard et sur la porte de la rue de La Harpe.
still further, the man wore the uniform of a Musketeer.De plus, l’homme portait l’uniforme des mousquetaires.
The woman's hood was pulled down, and the man geld a handkerchief to his face. Both, as this double precaution indicated, had an interest in not being recognized.Le capuchon de la femme était rabattu, l’homme tenait son mouchoir sur son visage ; tous deux, cette double précaution l’indiquait, tous deux avaient donc intérêt à n’être point reconnus.
They took the bridge. That was d'Artagnan's road, as he was going to the Louvre. D'Artagnan followed them.Ils prirent le pont : c’était le chemin de d’Artagnan, puisque d’Artagnan se rendait au Louvre ; d’Artagnan les suivit.
He had not gone twenty steps before he became convinced that the woman was really Mme. Bonacieux and that the man was Aramis.D’Artagnan n’avait pas fait vingt pas, qu’il fut convaincu que cette femme, c’était Mme Bonacieux, et que cet homme, c’était Aramis.
He felt at that instant all the suspicions of jealousy agitating his heart.Il sentit à l’instant même tous les soupçons de la jalousie qui s’agitaient dans son cœur.
He felt himself doubly betrayed, by his friend and by her whom he already loved like a mistress. Mme. Bonacieux had declared to him, by all the gods, that she did not know Aramis; and a quarter of an hour after having made this assertion, he found her hanging on the arm of Aramis.Il était doublement trahi et par son ami et par celle qu’il aimait déjà comme une maîtresse. Mme Bonacieux lui avait juré ses grands dieux qu’elle ne connaissait pas Aramis, et un quart d’heure après qu’elle lui avait fait ce serment, il la retrouvait au bras d’Aramis.
D'Artagnan did not reflect that he had only known the mercer's pretty wife for three hours; that she owed him nothing but a little gratitude for having delivered her from the men in black, who wished to carry her off, and that she had promised him nothing. He considered himself an outraged, betrayed, and ridiculed lover. Blood and anger mounted to his face; he was resolved to unravel the mystery.D’Artagnan ne réfléchit pas seulement qu’il connaissait la jolie mercière depuis trois heures seulement, qu’elle ne lui devait rien qu’un peu de reconnaissance pour l’avoir délivrée des hommes noirs qui voulaient l’enlever, et qu’elle ne lui avait rien promis. Il se regarda comme un amant outragé, trahi, bafoué ; le sang et la colère lui montèrent au visage, il résolut de tout éclaircir.
The young man and young woman perceived they were watched, and redoubled their speed. D'Artagnan determined upon his course. He passed them, then returned so as to meet them exactly before the Samaritaine. Which was illuminated by a lamp which threw its light over all that part of the bridge.La jeune femme et le jeune homme s’étaient aperçus qu’ils étaient suivis, et ils avaient doublé le pas. D’Artagnan prit sa course, les dépassa, puis revint sur eux au moment où ils se trouvaient devant la Samaritaine, éclairée par un réverbère qui projetait sa lueur sur toute cette partie du pont.
D'Artagnan stopped before them, and they stopped before him.D’Artagnan s’arrêta devant eux, et ils s’arrêtèrent devant lui.
"What do you want, monsieur?" demanded the Musketeer, recoiling a step, and with a foreign accent, which proved to d'Artagnan that he was deceived in one of his conjectures.« Que voulez-vous, monsieur ? demanda le mousquetaire en reculant d’un pas et avec un accent étranger qui prouvait à d’Artagnan qu’il s’était trompé dans une partie de ses conjectures.
"It is not Aramis!" cried he.– Ce n’est pas Aramis ! s’écria-t-il.
"No, monsieur, it is not Aramis; and by your exclamation I perceive you have mistaken me for another, and pardon you."– Non, monsieur, ce n’est point Aramis, et à votre exclamation je vois que vous m’avez pris pour un autre, et je vous pardonne.
"You pardon me?" cried d'Artagnan.– Vous me pardonnez ! s’écria d’Artagnan.
"Yes," replied the stranger. "Allow me, then, to pass on, since it is not with me you have anything to do."– Oui, répondit l’inconnu. Laissez-moi donc passer, puisque ce n’est pas à moi que vous avez affaire.
"You are right, monsieur, it is not with you that I have anything to do; it is with Madame."– Vous avez raison, monsieur, dit d’Artagnan, ce n’est pas à vous que j’ai affaire, c’est à madame.
"With Madame! You do not know her," replied the stranger.– À madame ! vous ne la connaissez pas, dit l’étranger.
"You are deceived, monsieur; I know her very well."– Vous vous trompez, monsieur, je la connais.
"Ah," said Mme. Bonacieux; in a tone of reproach, "ah, monsieur, I had your promise as a soldier and your word as a gentleman. I hoped to be able to rely upon that."– Ah ! fit Mme Bonacieux d’un ton de reproche, ah monsieur ! j’avais votre parole de militaire et votre foi de gentilhomme ; j’espérais pouvoir compter dessus.
"And I, madame!" said d'Artagnan, embarrassed; "you promised me-"– Et moi, madame, dit d’Artagnan embarrassé, vous m’aviez promis…
"Take my arm, madame," said the stranger, "and let us continue our way."– Prenez mon bras, madame, dit l’étranger, et continuons notre chemin. »
D'Artagnan, however, stupefied, cast down, annihilated by all that happened, stood, with crossed arms, before the Musketeer and Mme. Bonacieux.Cependant d’Artagnan, étourdi, atterré, anéanti par tout ce qui lui arrivait, restait debout et les bras croisés devant le mousquetaire et Mme Bonacieux.
The Musketeer advanced two steps, and pushed d'Artagnan aside with his hand.Le mousquetaire fit deux pas en avant et écarta d’Artagnan avec la main.
D'Artagnan made a spring backward and drew his sword. At the same time, and with the rapidity of lightning, the stranger drew his.D’Artagnan fit un bond en arrière et tira son épée. En même temps et avec la rapidité de l’éclair, l’inconnu tira la sienne.
"In the name of heaven, my Lord!" cried Mme. Bonacieux, throwing herself between the combatants and seizing the swords with her hands.« Au nom du Ciel, Milord ! s’écria Mme Bonacieux en se jetant entre les combattants et prenant les épées à pleines mains.
"My Lord!" cried d'Artagnan, enlightened by a sudden idea, "my Lord! Pardon me, monsieur, but you are not--"– Milord ! s’écria d’Artagnan illuminé d’une idée subite, Milord ! pardon, monsieur ; mais est-ce que vous seriez…
"My Lord the Duke of Buckingham," said Mme. Bonacieux, in an undertone; "and now you may ruin us all."– Milord duc de Buckingham, dit Mme Bonacieux à demi-voix ; et maintenant vous pouvez nous perdre tous.
"My Lord, Madame, I ask a hundred pardons! But I love her, my Lord, and was jealous. You know what it is to love, my Lord. Pardon me, and then tell me how I can risk my life to serve your Grace?"– Milord, madame, pardon, cent fois pardon ; mais je l’aimais, Milord, et j’étais jaloux ; vous savez ce que c’est que d’aimer, Milord ; pardonnez-moi, et dites-moi comment je puis me faire tuer pour Votre Grâce.
"You are a brave young man," said Buckingham, holding out his hand to d'Artagnan, who pressed it respectfully. "You offer me your services; with the same frankness I accept them. Follow us at a distance of twenty paces, as far as the Louvre, and if anyone watches us, slay him!"– Vous êtes un brave jeune homme, dit Buckingham en tendant à d’Artagnan une main que celui-ci serra respectueusement ; vous m’offrez vos services, je les accepte ; suivez-nous à vingt pas jusqu’au Louvre ; et si quelqu’un nous épie, tuez-le ! »
D'Artagnan placed his naked sword under his arm, allowed the duke and Mme. Bonacieux to take twenty steps ahead, and then followed them, ready to execute the instructions of the noble and elegant minister of Charles I.D’Artagnan mit son épée nue sous son bras, laissa prendre à Mme Bonacieux et au duc vingt pas d’avance et les suivit, prêt à exécuter à la lettre les instructions du noble et élégant ministre de Charles Ier.
Fortunately, he had no opportunity to give the duke this proof of his devotion, and the young woman and the handsome Musketeer entered the Louvre by the wicket of the Echelle without any interference.Mais heureusement le jeune séide n’eut aucune occasion de donner au duc cette preuve de son dévouement, et la jeune femme et le beau mousquetaire rentrèrent au Louvre par le guichet de l’Échelle sans avoir été inquiétés…
As for d'Artagnan, he immediately repaired to the cabaret of the Pomme-de-Pin, where he found Porthos and Aramis awaiting him.Quant à d’Artagnan, il se rendit aussitôt au cabaret de la Pomme de Pin, où il trouva Porthos et Aramis qui l’attendaient.
Without giving them any explanation of the alarm and inconvenience he had caused them, he told them that he had terminated the affair alone in which he had for a moment believed he should need their assistance.Mais, sans leur donner d’autre explication sur le dérangement qu’il leur avait causé, il leur dit qu’il avait terminé seul l’affaire pour laquelle il avait cru un instant avoir besoin de leur intervention.
Meanwhile, carried away as we are by our narrative, we must leave our three friends to themselves, and follow the Duke of Buckingham and his guide through the labyrinths of the Louvre. Et maintenant, emportés que nous sommes par notre récit, laissons nos trois amis rentrer chacun chez soi, et suivons, dans les détours du Louvre, le duc de Buckingham et son guide.
12 GEORGE VILLIERS, DUKE OF BUCKINGHAMCHAPITRE XII GEORGES VILLIERS, DUC DE BUCKINGHAM
Mme. Bonacieux and the duke entered the Louvre without difficulty. Mme. Bonacieux was known to belong to the queen; the duke wore the uniform of the Musketeers of M. de Treville, who, as we have said, were that evening on guard. Besides, Germain was in the interests of the queen; and if anything should happen, Mme. Bonacieux would be accused of having introduced her lover into the Louvre, that was all. She took the risk upon herself. Her reputation would be lost, it is true; but of what value in the world was the reputation of the little wife of a mercer?Madame Bonacieux et le duc entrèrent au Louvre sans difficulté ; Mme Bonacieux était connue pour appartenir à la reine ; le duc portait l’uniforme des mousquetaires de M. de Tréville, qui, comme nous l’avons dit, était de garde ce soir-là. D’ailleurs Germain était dans les intérêts de la reine, et si quelque chose arrivait, Mme Bonacieux serait accusée d’avoir introduit son amant au Louvre, voilà tout ; elle prenait sur elle le crime : sa réputation était perdue, il est vrai, mais de quelle valeur était dans le monde la réputation d’une petite mercière ?
Once within the interior of the court, the duke and the young woman followed the wall for the space of about twenty-five steps. This space passed, Mme. Bonacieux pushed a little servants' door, open by day but generally closed at night. The door yielded. Both entered, and found themselves in darkness; but Mme. Bonacieux was acquainted with all the turnings and windings of this part of the Louvre, appropriated for the people of the household. She closed the door after her, took the duke by the hand, and after a few experimental steps, grasped a balustrade, put her foot upon the bottom step, and began to ascend the staircase. The duke counted two stories. She then turned to the right, followed the course of a long corridor, descended a flight, went a few steps farther, introduced a key into a lock, opened a door, and pushed the duke into an apartment lighted only by a lamp, saying, "Remain here, my Lord Duke; someone will come." She then went out by the same door, which she locked, so that the duke found himself literally a prisoner.Une fois entrés dans l’intérieur de la cour, le duc et la jeune femme suivirent le pied de la muraille pendant l’espace d’environ vingt-cinq pas ; cet espace parcouru, Mme Bonacieux poussa une petite porte de service, ouverte le jour, mais ordinairement fermée la nuit ; la porte céda ; tous deux entrèrent et se trouvèrent dans l’obscurité, mais Mme Bonacieux connaissait tous les tours et détours de cette partie du Louvre, destinée aux gens de la suite. Elle referma les portes derrière elle, prit le duc par la main, fit quelques pas en tâtonnant, Saisit une rampe, toucha du pied un degré, et commença de monter un escalier : le duc compta deux étages. Alors elle prit à droite, suivit un long corridor, redescendit un étage, fit quelques pas encore, introduisit une clef dans une serrure, ouvrit une porte et poussa le duc dans un appartement éclairé seulement par une lampe de nuit, en disant : « Restez ici, Milord duc, on va venir. » Puis elle sortit par la même porte, qu’elle ferma à la clef, de sorte que le duc se trouva littéralement prisonnier.
Nevertheless, isolated as he was, we must say that the Duke of Buckingham did not experience an instant of fear. One of the salient points of his character was the search for adventures and a love of romance. Brave, rash, and enterprising, this was not the first time he had risked his life in such attempts. He had learned that the pretended message from Anne of Austria, upon the faith of which he had come to Paris, was a snare; but instead of regaining England, he had, abusing the position in which he had been placed, declared to the queen that he would not depart without seeing her. The queen had at first positively refused; but at length became afraid that the duke, if exasperated, would commit some folly. She had already decided upon seeing him and urging his immediate departure, when, on the very evening of coming to this decision, Mme. Bonacieux, who was charged with going to fetch the duke and conducting him to the Louvre, was abducted. For two days no one knew what had become of her, and everything remained in suspense; but once free, and placed in communication with Laporte, matters resumed their course, and she accomplished the perilous enterprise which, but for her arrest, would have been executed three days earlier.Cependant, tout isolé qu’il se trouvait, il faut le dire, le duc de Buckingham n’éprouva pas un instant de crainte ; un des côtés saillants de son caractère était la recherche de l’aventure et l’amour du romanesque. Brave, hardi, entreprenant, ce n’était pas la première fois qu’il risquait sa vie dans de pareilles tentatives ; il avait appris que ce prétendu message d’Anne d’Autriche, sur la foi duquel il était venu à Paris, était un piège, et au lieu de regagner l’Angleterre, il avait, abusant de la position qu’on lui avait faite, déclaré à la reine qu’il ne partirait pas sans l’avoir vue. La reine avait positivement refusé d’abord, puis enfin elle avait craint que le duc, exaspéré, ne fît quelque folie. Déjà elle était décidée à le recevoir et à le supplier de partir aussitôt, lorsque, le soir même de cette décision, Mme Bonacieux, qui était chargée d’aller chercher le duc et de le conduire au Louvre, fut enlevée. Pendant deux jours on ignora complètement ce qu’elle était devenue, et tout resta en suspens. Mais une fois libre, une fois remise en rapport avec La Porte, les choses avaient repris leur cours, et elle venait d’accomplir la périlleuse entreprise que, sans son arrestation, elle eût exécutée trois jours plus tôt.
Buckingham, left alone, walked toward a mirror. His Musketeer's uniform became him marvelously.Buckingham, resté seul, s’approcha d’une glace. Cet habit de mousquetaire lui allait à merveille.
At thirty-five, which was then his age, he passed, with just title, for the handsomest gentleman and the most elegant cavalier of France or England.À trente-cinq ans qu’il avait alors, il passait à juste titre pour le plus beau gentilhomme et pour le plus élégant cavalier de France et d’Angleterre.
The favorite of two kings, immensely rich, all-powerful in a kingdom which he disordered at his fancy and calmed again at his caprice, George Villiers, Duke of Buckingham, had lived one of those fabulous existences which survive, in the course of centuries, to astonish posterity.Favori de deux rois, riche à millions, tout-puissant dans un royaume qu’il bouleversait à sa fantaisie et calmait à son caprice, Georges Villiers, duc de Buckingham, avait entrepris une de ces existences fabuleuses qui restent dans le cours des siècles comme un étonnement pour la postérité.
Sure of himself, convinced of his own power, certain that the laws which rule other men could not reach him, he went straight to the object he aimed at, even were this object were so elevated and so dazzling that it would have been madness for any other even to have contemplated it. It was thus he had succeeded in approaching several times the beautiful and proud Anne of Austria, and in making himself loved by dazzling her.Aussi, sûr de lui-même, convaincu de sa puissance, certain que les lois qui régissent les autres hommes ne pouvaient l’atteindre, allait-il droit au but qu’il s’était fixé, ce but fût-il si élevé et si éblouissant Que c’eût été folie pour un autre que de l’envisager seulement. C’est ainsi qu’il était arrivé à s’approcher plusieurs fois de la belle et fière Anne d’Autriche et à s’en faire aimer, à force d’éblouissement.
George Villiers placed himself before the glass, as we have said, restored the undulations to his beautiful hair, which the weight of his hat had disordered, twisted his mustache, and, his heart swelling with joy, happy and proud at being near the moment he had so long sighed for, he smiled upon himself with pride and hope.Georges Villiers se plaça donc devant une glace, comme nous l’avons dit, rendit à sa belle chevelure blonde les ondulations que le poids de son chapeau lui avait fait perdre, retroussa sa moustache, et le cœur tout gonflé de joie, heureux et fier de toucher au moment qu’il avait si longtemps désiré, se sourit à lui-même d’orgueil et d’espoir.
At this moment a door concealed in the tapestry opened, and a woman appeared. Buckingham saw this apparition in the glass; he uttered a cry. It was the queen!En ce moment, une porte cachée dans la tapisserie s’ouvrit et une femme apparut. Buckingham vit cette apparition dans la glace ; il jeta un cri, c’était la reine !
Anne of Austria was then twenty-six or twenty-seven years of age; that is to say, she was in the full splendor of her beauty.Anne d’Autriche avait alors vingt-six ou vingt-sept ans, c’est-à-dire qu’elle se trouvait dans tout l’éclat de sa beauté.
Her carriage was that of a queen or a goddess; her eyes, which cast the brilliancy of emeralds, were perfectly beautiful, and yet were at the same time full of sweetness and majesty.Sa démarche était celle d’une reine ou d’une déesse ; ses yeux, qui jetaient des reflets d’émeraude, étaient parfaitement beaux, et tout à la fois pleins de douceur et de majesté.
Her mouth was small and rosy; and although her underlip, like that of all princes of the House of Austria, protruded slightly beyond the other, it was eminently lovely in its smile, but as profoundly disdainful in its contempt.Sa bouche était petite et vermeille, et quoique sa lèvre inférieure, comme celle des princes de la maison d’Autriche, avançât légèrement sur l’autre, elle était éminemment gracieuse dans le sourire, mais aussi profondément dédaigneuse dans le mépris.
Her skin was admired for its velvety softness; her hands and arms were of surpassing beauty, all the poets of the time singing them as incomparable.Sa peau était citée pour sa douceur et son velouté, sa main et ses bras étaient d’une beauté surprenante, et tous les poètes du temps les chantaient comme incomparables.
Lastly, her hair, which, from being light in her youth, had become chestnut, and which she wore curled very plainly, and with much powder, admirably set off her face, in which the most rigid critic could only have desired a little less rouge, and the most fastidious sculptor a little more fineness in the nose.Enfin ses cheveux, qui, de blonds qu’ils étaient dans sa jeunesse, étaient devenus châtains, et qu’elle portait frisés très clair et avec beaucoup de poudre, encadraient admirablement son visage, auquel le censeur le plus rigide n’eût pu souhaiter qu’un peu moins de rouge, et le statuaire le plus exigeant qu’un peu plus de finesse dans le nez.
Buckingham remained for a moment dazzled. Never had Anna of Austria appeared to him so beautiful, amid balls, fetes, or carousals, as she appeared to him at this moment, dressed in a simple robe of white satin, and accompanied by Donna Estafania--the only one of her Spanish women who had not been driven from her by the jealousy of the king or by the persecutions of Richelieu.Buckingham resta un instant ébloui ; jamais Anne d’Autriche ne lui était apparue aussi belle, au milieu des bals, des fêtes, des carrousels, qu’elle lui apparut en ce moment, vêtue d’une simple robe de satin blanc et accompagnée de doña Estefania, la seule de ses femmes espagnoles qui n’eût pas été chassée par la jalousie du roi et par les persécutions de Richelieu.
Anne of Austria took two steps forward. Buckingham threw himself at her feet, and before the queen could prevent him, kissed the hem of her robe.Anne d’Autriche fit deux pas en avant ; Buckingham se précipita à ses genoux, et avant que la reine eût pu l’en empêcher, il baisa le bas de sa robe.
"Duke, you already know that it is not I who caused you to be written to."« Duc, vous savez déjà que ce n’est pas moi qui vous ai fait écrire.
"Yes, yes, madame! Yes, your Majesty!" cried the duke. "I know that I must have been mad, senseless, to believe that snow would become animated or marble warm; but what then! They who love believe easily in love. Besides, I have lost nothing by this journey because I see you."– Oh ! oui, madame, oui, Votre Majesté, s’écria le duc ; je sais que j’ai été un fou, un insensé de croire que la neige s’animerait, que le marbre s’échaufferait ; mais, que voulez-vous, quand on aime, on croit facilement à l’amour ; d’ailleurs je n’ai pas tout perdu à ce voyage, puisque je vous vois.
"Yes," replied Anne, "but you know why and how I see you, my Lord. I see you by pity for yourself; I see you because, insensible to all my sufferings, you persist in remaining in a city where, by remaining, you run the risk of your life, and make me run the risk of my honor. I see you to tell you that everything separates us--the depths of the sea, the enmity of kingdoms, the sanctity of vows. It is sacrilege to struggle against so many things, my Lord. In short, I see you to tell you that we must never see each other again."– Oui, répondit Anne, mais vous savez pourquoi et comment je vous vois, Milord. Je vous vois par pitié pour vous-même ; je vous vois parce qu’insensible à toutes mes peines, vous vous êtes obstiné à rester dans une ville où, en restant, vous courez risque de la vie et me faites courir risque de mon honneur ; je vous vois pour vous dire que tout nous sépare, les profondeurs de la mer, l’inimitié des royaumes, la sainteté des serments. Il est sacrilège de lutter contre tant de choses, Milord. Je vous vois enfin pour vous dire qu’il ne faut plus nous voir.
"Speak on, madame, speak on, Queen," said Buckingham; "the sweetness of your voice covers the harshness of your words. You talk of sacrilege! Why, the sacrilege is the separation of two hearts formed by God for each other."– Parlez, madame ; parlez, reine, dit Buckingham ; la douceur de votre voix couvre la dureté de vos paroles. Vous parlez de sacrilège ! mais le sacrilège est dans la séparation des cœurs que Dieu avait formés l’un pour l’autre.
"My Lord," cried the queen, "you forget that I have never said that I love you."– Milord, s’écria la reine, vous oubliez que je ne vous ai jamais dit que je vous aimais.
"But you have never told me that you did not love me; and truly, to speak such words to me would be, on the part of your Majesty, too great an ingratitude. For tell me, where can you find a love like mine--a love which neither time, nor absence, nor despair can extinguish, a love which contents itself with a lost ribbon, a stray look, or a chance word?– Mais vous ne m’avez jamais dit non plus que vous ne m’aimiez point ; et vraiment, me dire de semblables paroles, ce serait de la part de Votre Majesté une trop grande ingratitude. Car, dites-moi, où trouvez-vous un amour pareil au mien, un amour que ni le temps, ni l’absence, ni le désespoir ne peuvent éteindre ; un amour qui se contente d’un ruban égaré, d’un regard perdu, d’une parole échappée ?
It is now three years, madame, since I saw you for the first time, and during those three years I have loved you thus.« Il y a trois ans, madame, que je vous ai vue pour la première fois, et depuis trois ans je vous aime ainsi.
Shall I tell you how you dressed the first time that I saw you? Shall I tell you each ornament of your apparel? Mark! I see you now. You were seated upon cushions in the Spanish fashion; you wore a robe of green satin embroidered with gold and silver, hanging sleeves knotted upon your beautiful arms--those lovely arms--with large diamonds. You wore a close ruff, a small cap upon your head of the same color as your robe, and in that cap a heron's feather.« Voulez-vous que je vous dise comment vous étiez vêtue la première fois que je vous vis ? voulez-vous que je détaille chacun des ornements de votre toilette ? Tenez, je vous vois encore : vous étiez assise sur des carreaux, à la mode d’Espagne ; vous aviez une robe de satin vert avec des broderies d’or et d’argent ; des manches pendantes et renouées sur vos beaux bras, sur ces bras admirables, avec de gros diamants ; vous aviez une fraise fermée, un petit bonnet sur votre tête, de la couleur de votre robe, et sur ce bonnet une plume de héron.
Hold! Hold! I shut my eyes, and I can see you as you were then; I open them again, and I see what you are now--a hundred time more beautiful!"« Oh ! tenez, tenez, je ferme les yeux, et je vous vois telle que vous étiez alors ; je les rouvre, et je vous vois telle que vous êtes maintenant, c’est-à-dire cent fois plus belle encore !
"What folly," murmured Anne of Austria, who had not the courage to find fault with the duke for having so well preserved her portrait in his heart, "what folly to feed a useless passion with such remembrances!"– Quelle folie ! murmura Anne d’Autriche, qui n’avait pas le courage d’en vouloir au duc d’avoir si bien conservé son portrait dans son cœur ; quelle folie de nourrir une passion inutile avec de pareils souvenirs !
"And upon what then must I live? I have nothing but memory. It is my happiness, my treasure, my hope. Every time I see you is a fresh diamond which I enclose in the casket of my heart. This is the fourth which you have let fall and I have picked up; for in three years, madame, I have only seen you four times--the first, which I have described to you; the second, at Madame de Chevreuse; the third, in the gardens of Amiens."– Et avec quoi voulez-vous donc que je vive ? je n’ai que des souvenirs, moi. C’est mon bonheur, mon trésor, mon espérance. Chaque fois que je vous vois, c’est un diamant de plus que je renferme dans l’écrin de mon cœur. Celui-ci est le quatrième que vous laissez tomber et que je ramasse ; car en trois ans, madame, je ne vous ai vue que quatre fois : cette première que je viens de vous dire, la seconde chez Mme de Chevreuse, la troisième dans les jardins d’Amiens.
"Duke," said the queen, blushing, "never speak of that evening."– Duc, dit la reine en rougissant, ne parlez pas de cette soirée.
"Oh, let us speak of it; on the contrary, let us speak of it! That is the most happy and brilliant evening of my life! You remember what a beautiful night it was? How soft and perfumed was the air; how lovely the blue heavens and star-enameled sky! Ah, then, madame, I was able for one instant to be alone with you. Then you were about to tell me all--the isolation of your life, the griefs of your heart. You leaned upon my arm— upon this, madame! I felt, in bending my head toward you, your beautiful hair touch my cheek; and every time that it touched me I trembled from head to foot. Oh, Queen! Queen! You do not know what felicity from heaven, what joys from paradise, are comprised in a moment like that. Take my wealth, my fortune, my glory, all the days I have to live, for such an instant, for a night like that. For that night, madame, that night you loved me, I will swear it."– Oh ! parlons-en, au contraire, madame, parlons-en : c’est la soirée heureuse et rayonnante de ma vie. Vous rappelez-vous la belle nuit qu’il faisait ? Comme l’air était doux et parfumé, comme le ciel était bleu et tout émaillé d’étoiles ! Ah ! cette fois, madame, j’avais pu être un instant seul avec vous ; cette fois, vous étiez prête à tout me dire, l’isolement de votre vie, les chagrins de votre cœur. Vous étiez appuyée à mon bras, tenez, à celui-ci. Je sentais, en inclinant ma tête à votre côté, vos beaux cheveux effleurer mon visage, et chaque fois qu’ils l’effleuraient je frissonnais de la tête aux pieds. Oh ! reine, reine ! oh ! vous ne savez pas tout ce qu’il y a de félicités du ciel, de joies du paradis enfermées dans un moment pareil. Tenez, mes biens, ma fortune, ma gloire, tout ce qu’il me reste de jours à vivre, pour un pareil instant et pour une semblable nuit ! car cette nuit-là, madame, cette nuit-là vous m’aimiez, je vous le jure.
"My Lord, yes; it is possible that the influence of the place, the charm of the beautiful evening, the fascination of your look--the thousand circumstances, in short, which sometimes unite to destroy a woman--were grouped around me on that fatal evening; but, my Lord, you saw the queen come to the aid of the woman who faltered. At the first word you dared to utter, at the first freedom to which I had to reply, I called for help."– Milord, il est possible, oui, que l’influence du lieu, que le charme de cette belle soirée, que la fascination de votre regard, que ces mille circonstances enfin qui se réunissent parfois pour perdre une femme se soient groupées autour de moi dans cette fatale soirée ; mais vous l’avez vu, Milord, la reine est venue au secours de la femme qui faiblissait : au premier mot que vous avez osé dire, à la première hardiesse à laquelle j’ai eu à répondre, j’ai appelé.
"Yes, yes, that is true. And any other love but mine would have sunk beneath this ordeal; but my love came out from it more ardent and more eternal. You believed that you would fly from me by returning to Paris; you believed that I would not dare to quit the treasure over which my master had charged me to watch. What to me were all the treasures in the world, or all the kings of the earth! Eight days after, I was back again, madame. That time you had nothing to say to me; I had risked my life and favor to see you but for a second. I did not even touch your hand, and you pardoned me on seeing me so submissive and so repentant."– Oh ! oui, oui, cela est vrai, et un autre amour que le mien aurait succombé à cette épreuve ; mais mon amour, à moi, en est sorti plus ardent et plus éternel. Vous avez cru me fuir en revenant à Paris, vous avez cru que je n’oserais quitter le trésor sur lequel mon maître m’avait chargé de veiller. Ah ! que m’importent à moi tous les trésors du monde et tous les rois de la terre ! Huit jours après, j’étais de retour, madame. Cette fois, vous n’avez rien eu à me dire : j’avais risqué ma faveur, ma vie, pour vous voir une seconde, je n’ai pas même touché votre main, et vous m’avez pardonné en me voyant si soumis et si repentant.
"Yes, but calumny seized upon all those follies in which I took no part, as you well know, my Lord. The king, excited by the cardinal, made a terrible clamor. Madame de Vernet was driven from me, Putange was exiled, Madame de Chevreuse fell into disgrace, and when you wished to come back as ambassador to France, the king himself--remember, my lord--the king himself opposed to it."– Oui, mais la calomnie s’est emparée de toutes ces folies dans lesquelles je n’étais pour rien, vous le savez bien, Milord. Le roi, excité par M. le cardinal, a fait un éclat terrible : Mme de Vernet a été chassée, Putange exilé, Mme de Chevreuse est tombée en défaveur, et lorsque vous avez voulu revenir comme ambassadeur en France, le roi lui-même, souvenez-vous-en, Milord, le roi lui-même s’y est opposé.
"Yes, and France is about to pay for her king's refusal with a war. I am not allowed to see you, madame, but you shall every day hear of me.– Oui, et la France va payer d’une guerre le refus de son roi. Je ne puis plus vous voir, madame ; eh bien, je veux chaque jour que vous entendiez parler de moi.
“What object, think you, have this expedition to Re and this league with the Protestants of La Rochelle which I am projecting? The pleasure of seeing you.« Quel but pensez-vous qu’aient eu cette expédition de Ré et cette ligue avec les protestants de La Rochelle que je projette ? Le plaisir de vous voir !
“I have no hope of penetrating, sword in hand, to Paris, I know that well. But this war may bring round a peace; this peace will require a negotiator; that negotiator will be me. They will not dare to refuse me then; and I will return to Paris, and will see you again, and will be happy for an instant. Thousands of men, it is true, will have to pay for my happiness with their lives; but what is that to me, provided I see you again! All this is perhaps folly--perhaps insanity; but tell me what woman has a lover more truly in love; what queen a servant more ardent?"« Je n’ai pas l’espoir de pénétrer à main armée jusqu’à Paris, je le sais bien : mais cette guerre pourra amener une paix, cette paix nécessitera un négociateur, ce négociateur ce sera moi. On n’osera plus me refuser alors, et je reviendrai à Paris, et je vous reverrai, et je serai heureux un instant. Des milliers d’hommes, il est vrai, auront payé mon bonheur de leur vie ; mais que m’importera, à moi, pourvu que je vous revoie ! Tout cela est peut-être bien fou, peut-être bien insensé ; mais, dites-moi, quelle femme a un amant plus amoureux ? quelle reine a eu un serviteur plus ardent ?
"My Lord, my Lord, you invoke in your defense things which accuse you more strongly. All these proofs of love which you would give me are almost crimes."– Milord, Milord, vous invoquez pour votre défense des choses qui vous accusent encore ; Milord, toutes ces preuves d’amour que vous voulez me donner sont presque des crimes.
"Because you do not love me, madame! If you loved me, you would view all this otherwise. If you loved me, oh, if you loved me, that would be too great happiness, and I should run mad. Ah, Madame de Chevreuse whom you spoke earlier, Mme de Chevreuse was less cruel than you. Holland loved her, and she responded to his love."– Parce que vous ne m’aimez pas, madame : si vous m’aimiez, vous verriez tout cela autrement, si vous m’aimiez, oh ! mais, si vous m’aimiez, ce serait trop de bonheur et je deviendrais fou. Ah ! Mme de Chevreuse dont vous parliez tout à l’heure, Mme de Chevreuse a été moins cruelle que vous ; Holland l’a aimée, et elle a répondu à son amour.
"Madame de Chevreuse was not queen," murmured Anne of Austria, overcome, in spite of herself, by the expression of so profound a passion.– Mme de Chevreuse n’était pas reine, murmura Anne d’Autriche, vaincue malgré elle par l’expression d’un amour si profond.
"You would love me, then, if you were not queen! Madame, say that you would love me then! I can believe that it is the dignity of your rank alone which makes you cruel to me; I can believe that you had been Madame de Chevreuse, poor Buckingham might have hoped. Thanks for those sweet words! Oh, my beautiful sovereign, a hundred times, thanks!"– Vous m’aimeriez donc si vous ne l’étiez pas, vous, madame, dites, vous m’aimeriez donc ? Je puis donc croire que c’est la dignité seule de votre rang qui vous fait cruelle pour moi ; je puis donc croire que si vous eussiez été Mme de Chevreuse, le pauvre Buckingham aurait pu espérer ? Merci de ces douces paroles, ô ma belle Majesté, cent fois merci.
"Oh, my Lord! You have ill understood, wrongly interpreted; I did not mean to say--"– Ah ! Milord, vous avez mal entendu, mal interprété ; je n’ai pas voulu dire…
"Silence, silence!" cried the duke. "If I am happy in an error, do not have the cruelty to lift me from it. You have told me yourself, madame, that I have been drawn into a snare; I, perhaps, may leave my life in it--for, although it may be strange, I have for some time had a presentiment that I should shortly die." And the duke smiled, with a smile at once sad and charming.– Silence ! Silence ! dit le duc, si je suis heureux d’une erreur, n’ayez pas la cruauté de me l’enlever. Vous l’avez dit vous-même, on m’a attiré dans un piège, j’y laisserai ma vie peut-être, car, tenez, c’est étrange, depuis quelque temps j’ai des pressentiments que je vais mourir. » Et le duc sourit d’un sourire triste et charmant à la fois.
"Oh, my God!" cried Anne of Austria, with an accent of terror which proved how much greater an interest she took in the duke than she ventured to tell.« Oh ! mon Dieu ! s’écria Anne d’Autriche avec un accent d’effroi qui prouvait quel intérêt plus grand qu’elle ne le voulait dire elle prenait au duc.
"I do not tell you this, madame, to terrify you; no, it is even ridiculous for me to name it to you, and, believe me, I take no heed of such dreams. But the words you have just spoken, the hope you have almost given me, will have richly paid all--were it my life."– Je ne vous dis point cela pour vous effrayer, madame, non ; c’est même ridicule ce que je vous dis, et croyez que je ne me préoccupe point de pareils rêves. Mais ce mot que vous venez de dire, cette espérance que vous m’avez presque donnée, aura tout payé, fût-ce même ma vie.
"Oh, but I," said Anne, "I also, duke, have had presentiments; I also have had dreams. I dreamed that I saw you lying bleeding, wounded."– Eh bien, dit Anne d’Autriche, moi aussi, duc, moi, j’ai des pressentiments, moi aussi j’ai des rêves. J’ai songé que je vous voyais couché sanglant, frappé d’une blessure.
"In the left side, was it not, and with a knife?" interrupted Buckingham.– Au côté gauche, n’est-ce pas, avec un couteau ? interrompit Buckingham.
"Yes, it was so, my Lord, it was so--in the left side, and with a knife. Who can possibly have told you I had had that dream? I have imparted it to no one but my God, and that in my prayers."– Oui, c’est cela, Milord, c’est cela, au côté gauche avec un couteau. Qui a pu vous dire que j’avais fait ce rêve ? Je ne l’ai confié qu’à Dieu, et encore dans mes prières.
"I ask for no more. You love me, madame; it is enough."– Je n’en veux pas davantage, et vous m’aimez, madame, c’est bien.
"I love you, I?"– Je vous aime, moi ?
"Yes, yes. Would God send the same dreams to you as to me if you did not love me? Should we have the same presentiments if our existences did not touch at the heart? You love me, my beautiful queen, and you will weep for me?"– Oui, vous. Dieu vous enverrait-il les mêmes rêves qu’à moi, si vous ne m’aimiez pas ? Aurions-nous les mêmes pressentiments, si nos deux existences ne se touchaient pas par le cœur ? Vous m’aimez, ô reine, et vous me pleurerez ?
"Oh, my God, my God!" cried Anne of Austria, "this is more than I can bear. In the name of heaven, Duke, leave me, go! I do not know whether I love you or love you not; but what I know is that I will not be perjured. Take pity on me, then, and go! Oh, if you are struck in France, if you die in France, if I could imagine that your love for me was the cause of your death, I could not console myself; I should run mad. Depart then, depart, I implore you!"– Oh ! mon Dieu ! mon Dieu ! s’écria Anne d’Autriche, c’est plus que je n’en puis supporter. Tenez, duc, au nom du Ciel, partez, retirez-vous ; je ne sais si je vous aime, ou si je ne vous aime pas ; mais ce que je sais, c’est que je ne serai point parjure. Prenez donc pitié de moi, et partez. Oh ! si vous êtes frappé en France, si vous mourez en France, si je pouvais supposer que votre amour pour moi fût cause de votre mort, je ne me consolerais jamais, j’en deviendrais folle. Partez donc, partez, je vous en supplie.
"Oh, how beautiful you are thus! Oh, how I love you!" said Buckingham.– Oh ! que vous êtes belle ainsi ! Oh ! que je vous aime ! dit Buckingham.
"Go, go, I implore you, and return hereafter! Come back as ambassador, come back as minister, come back surrounded with guards who will defend you, with servants who will watch over you, and then I shall no longer fear for your days, and I shall be happy in seeing you."– Partez ! partez ! je vous en supplie, et revenez plus tard ; revenez comme ambassadeur, revenez comme ministre, revenez entouré de gardes qui vous défendront, de serviteurs qui veilleront sur vous, et alors je ne craindrai plus pour vos jours, et j’aurai du bonheur à vous revoir.
"Oh, is this true what you say?"– Oh ! est-ce bien vrai ce que vous me dites ?
"Yes."– Oui…
"Oh, then, some pledge of your indulgence, some object which came from you, and may remind me that I have not been dreaming; something you have worn, and that I may wear in my turn--a ring, a necklace, a chain."– Eh bien, un gage de votre indulgence, un objet qui vienne de vous et qui me rappelle que je n’ai point fait un rêve ; quelque chose que vous ayez porté et que je puisse porter à mon tour, une bague, un collier, une chaîne.
"Will you depart--will you depart, if I give you that you demand?"– Et partirez-vous, partirez-vous, si je vous donne ce que vous me demandez ?
"Yes."– Oui.
"This very instant?"– À l’instant même ?
"Yes."– Oui.
"You will leave France, you will return to England?"– Vous quitterez la France, vous retournerez en Angleterre ?
"I will, I swear to you."– Oui, je vous le jure !
"Wait, then, wait."– Attendez, alors, attendez.
Anne of Austria re-entered her apartment, and came out again almost immediately, holding a rosewood casket in her hand, with her cipher encrusted with gold.Et Anne d’Autriche rentra dans son appartement et en sortit presque aussitôt, tenant à la main un petit coffret en bois de rose à son chiffre, tout incrusté d’or.
"Her, my Lord, here," said she, "keep this in memory of me."« Tenez, Milord duc, tenez, dit-elle, gardez cela en mémoire de moi. »
Buckingham took the casket, and fell a second time on his knees.Buckingham prit le coffret et tomba une seconde fois à genoux.
"You have promised me to go," said the queen.« Vous m’avez promis de partir, dit la reine.
"And I keep my word. Your hand, madame, your hand, and I depart!"– Et je tiens ma parole. Votre main, votre main, madame, et je pars. »
Anne of Austria stretched forth her hand, closing her eyes, and leaning with the other upon Estafania, for she felt that her strength was about to fail her.Anne d’Autriche tendit sa main en fermant les yeux et en s’appuyant de l’autre sur Estefania, car elle sentait que les forces allaient lui manquer.
Buckingham pressed his lips passionately to that beautiful hand, and then rising, said,Buckingham appuya avec passion ses lèvres sur cette belle main, puis se relevant :
"Within six months, if I am not dead, I shall have seen you again, madame--even if I have to overturn the world."« Avant six mois, dit-il, si je ne suis pas mort, je vous aurai revue, madame, dussé-je bouleverser le monde pour cela. »
And faithful to the promise he had made, he rushed out of the apartment.Et, fidèle à la promesse qu’il avait faite, il s’élança hors de l’appartement.
In the corridor he met Mme. Bonacieux, who waited for him, and who, with the same precautions and the same good luck, conducted him out of the Louvre. Dans le corridor, il rencontra Mme Bonacieux qui l’attendait, et qui, avec les mêmes précautions et le même bonheur, le reconduisit hors du Louvre.
13 MONSIEUR BONACIEUXCHAPITRE XIII MONSIEUR BONACIEUX
There was in all this, as may have been observed, one personage concerned, of whom, notwithstanding his precarious position, we have appeared to take but very little notice. This personage was M. Bonacieux, the respectable martyr of the political and amorous intrigues which entangled themselves so nicely together at this gallant and chivalric period.Il y avait dans tout cela, comme on a pu le remarquer, un personnage dont, malgré sa position précaire, on n’avait paru s’inquiéter que fort médiocrement ; ce personnage était M. Bonacieux, respectable martyr des intrigues politiques et amoureuses qui s’enchevêtraient si bien les unes aux autres, dans cette époque à la fois si chevaleresque et si galante.
Fortunately, the reader may remember, or may not remember-fortunately we have promised not to lose sight of him.Heureusement – le lecteur se le rappelle ou ne se le rappelle pas – heureusement que nous avons promis de ne pas le perdre de vue.
The officers who arrested him conducted him straight to the Bastille, where he passed trembling before a party of soldiers who were loading their muskets.Les estafiers qui l’avaient arrêté le conduisirent droit à la Bastille, où on le fit passer tout tremblant devant un peloton de soldats qui chargeaient leurs mousquets.
Thence, introduced into a half-subterranean gallery, he became, on the part of those who had brought him, the object of the grossest insults and the harshest treatment. The officers perceived that they had not to deal with a gentleman, and they treated him like a very peasant.De là, introduit dans une galerie demi-souterraine, il fut, de la part de ceux qui l’avaient amené, l’objet des plus grossières injures et des plus farouches traitements. Les sbires voyaient qu’ils n’avaient pas affaire à un gentilhomme, et ils le traitaient en véritable croquant.
At the end of half an hour or thereabouts, a clerk came to put an end to his tortures, but not to his anxiety, by giving the order to conduct M. Bonacieux to the Chamber of Examination. Ordinarily, prisoners were interrogated in their cells; but they did not do so with M. Bonacieux.Au bout d’une demi-heure à peu près, un greffier vint mettre fin à ses tortures, mais non pas à ses inquiétudes, en donnant l’ordre de conduire M. Bonacieux dans la chambre des interrogatoires. Ordinairement on interrogeait les prisonniers chez eux, mais avec M. Bonacieux on n’y faisait pas tant de façons.
Two guards attended the mercer who made him traverse a court and enter a corridor in which were three sentinels, opened a door and pushed him unceremoniously into a low room, where the only furniture was a table, a chair, and a commissary. The commissary was seated in the chair, and was writing at the table.Deux gardes s’emparèrent du mercier, lui firent traverser une cour, le firent entrer dans un corridor où il y avait trois sentinelles, ouvrirent une porte et le poussèrent dans une chambre basse, où il n’y avait pour tous meubles qu’une table, une chaise et un commissaire. Le commissaire était assis sur la chaise et occupé à écrire sur la table.
The two guards led the prisoner toward the table, and upon a sign from the commissary drew back so far as to be unable to hear anything.Les deux gardes conduisirent le prisonnier devant la table et, sur un signe du commissaire, s’éloignèrent hors de la portée de la voix.
The commissary, who had till this time held his head down over his papers, looked up to see what sort of person he had to do with. This commissary was a man of very repulsive mien, with a pointed nose, with yellow and salient cheek bones, with eyes small but keen and penetrating, and an expression of countenance resembling at once the polecat and the fox. His head, supported by a long and flexible neck, issued from his large black robe, balancing itself with a motion very much like that of the tortoise thrusting his head out of his shell.Le commissaire, qui jusque-là avait tenu sa tête baissée sur ses papiers, la releva pour voir à qui il avait affaire. Ce commissaire était un homme à la mine rébarbative, au nez pointu, aux pommettes jaunes et saillantes, aux yeux petits mais investigateurs et vifs, à la physionomie tenant à la fois de la fouine et du renard. Sa tête, supportée par un cou long et mobile, sortait de sa large robe noire en se balançant avec un mouvement à peu près pareil à celui de la tortue tirant sa tête hors de sa carapace.
He began by asking M. Bonacieux his name, age, condition, and residence.Il commença par demander à M. Bonacieux ses nom et prénoms, son âge, son état et son domicile.
The accused replied that his name was Jacques Michel Bonacieux, that he was fifty-one years old, a retired mercer, and lived Rue des Fossoyeurs, No. 14.L’accusé répondit qu’il s’appelait Jacques-Michel Bonacieux, qu’il était âgé de cinquante et un ans, mercier retiré et qu’il demeurait rue des Fossoyeurs, n° 11.
The commissary then, instead of continuing to interrogate him, made him a long speech upon the danger there is for an obscure citizen to meddle with public matters.Le commissaire alors, au lieu de continuer à l’interroger, lui fit un grand discours sur le danger qu’il y a pour un bourgeois obscur à se mêler des choses publiques.
He complicated this exordium by an exposition in which he painted the power and the deeds of the cardinal, that incomparable minister, that conqueror of past ministers, that example for ministers to come--deeds and power which none could thwart with impunity.Il compliqua cet exorde d’une exposition dans laquelle il raconta la puissance et les actes de M. le cardinal, ce ministre incomparable, ce vainqueur des ministres passés, cet exemple des ministres à venir : actes et puissance que nul ne contrecarrait impunément.
After this second part of his discourse, fixing his hawk's eye upon poor Bonacieux, he bade him reflect upon the gravity of his situation.Après cette deuxième partie de son discours, fixant son regard d’épervier sur le pauvre Bonacieux, il l’invita à réfléchir à la gravité de sa situation.
The reflections of the mercer were already made; he cursed the instant when M. Laporte formed the idea of marrying him to his goddaughter, and particularly the moment when that goddaughter had been received as Lady of the Linen to her Majesty.Les réflexions du mercier étaient toutes faites : il donnait au diable l’instant où M. de La Porte avait eu l’idée de le marier avec sa filleule, et l’instant surtout où cette filleule avait été reçue dame de la lingerie chez la reine.
At bottom the character of M. Bonacieux was one of profound selfishness mixed with sordid avarice, the whole seasoned with extreme cowardice. The love with which his young wife had inspired him was a secondary sentiment, and was not strong enough to contend with the primitive feelings we have just enumerated.Le fond du caractère de maître Bonacieux était un profond égoïsme mêlé à une avarice sordide, le tout assaisonné d’une poltronnerie extrême. L’amour que lui avait inspiré sa jeune femme, étant un sentiment tout secondaire, ne pouvait lutter avec les sentiments primitifs que nous venons d’énumérer.
Bonacieux indeed reflected on what had just been said to him.Bonacieux réfléchit, en effet, sur ce qu’on venait de lui dire.
"But, Monsieur Commissary," said he, calmly, "believe that I know and appreciate, more than anybody, the merit of the incomparable eminence by whom we have the honor to be governed."« Mais, monsieur le commissaire, dit-il timidement, croyez bien que je connais et que j’apprécie plus que personne le mérite de l’incomparable Éminence par laquelle nous avons l’honneur d’être gouvernés.
"Indeed?" asked the commissary, with an air of doubt. "If that is really so, how came you in the Bastille?"– Vraiment ? demanda le commissaire d’un air de doute ; mais s’il en était véritablement ainsi, comment seriez-vous à la Bastille ?
"How I came there, or rather why I am there," replied Bonacieux, "that is entirely impossible for me to tell you, because I don't know myself; but to a certainty it is not for having, knowingly at least, disobliged Monsieur the Cardinal."– Comment j’y suis, ou plutôt pourquoi j’y suis, répliqua M. Bonacieux, voilà ce qu’il m’est parfaitement impossible de vous dire, vu que je l’ignore moi-même ; mais, à coup sûr, ce n’est pas pour avoir désobligé, sciemment du moins, M. le cardinal.
"You must, nevertheless, have committed a crime, since you are here and are accused of high treason."– Il faut cependant que vous ayez commis un crime, puisque vous êtes ici accusé de haute trahison.
"Of high treason!" cried Bonacieux, terrified; "of high treason! How is it possible for a poor mercer, who detests Huguenots and who abhors Spaniards, to be accused of high treason? Consider, monsieur, the thing is absolutely impossible."– De haute trahison ! s’écria Bonacieux épouvanté, de haute trahison ! et comment voulez-vous qu’un pauvre mercier qui déteste les huguenots et qui abhorre les Espagnols soit accusé de haute trahison ? Réfléchissez, monsieur, la chose est matériellement impossible.
"Monsieur Bonacieux," said the commissary, looking at the accused as if his little eyes had the faculty of reading to the very depths of hearts, "Monsieur Bonacieux, you have a wife?"– Monsieur Bonacieux, dit le commissaire en regardant l’accusé comme si ses petits yeux avaient la faculté de lire jusqu’au plus profond des cœurs, monsieur Bonacieux, vous avez une femme ?
"Yes, monsieur," replied the mercer, in a tremble, feeling that it was at this point affairs were likely to become perplexing; "that is to say, I HAD one."– Oui, monsieur, répondit le mercier tout tremblant, sentant que c’était là où les affaires allaient s’embrouiller ; c’est-à-dire, j’en avais une.
"What, you 'had one'? What have you done with her, then, if you have her no longer?"– Comment ? vous en aviez une ! qu’en avez-vous fait, si vous ne l’avez plus ?
"They have abducted her, monsieur."– On me l’a enlevée, monsieur.
"They have abducted her? Ah!"– On vous l’a enlevée ? dit le commissaire. Ah ! »
Bonacieux inferred from this "Ah" that the affair grew more and more intricate.Bonacieux sentit à ce « ah ! » que l’affaire s’embrouillait de plus en plus.
"They have abducted her," added the commissary; "and do you know the man who has committed this deed?"« On vous l’a enlevée ! reprit le commissaire, et savez-vous quel est l’homme qui a commis ce rapt ?
"I think I know him."– Je crois le connaître.
"Who is he?"– Quel est-il ?
"Remember that I affirm nothing, Monsieur the Commissary, and that I only suspect."– Songez que je n’affirme rien, monsieur le commissaire, et que je soupçonne seulement.
"Whom do you suspect? Come, answer freely."– Qui soupçonnez-vous ? Voyons, répondez franchement. »
M. Bonacieux was in the greatest perplexity possible. Had he better deny everything or tell everything? By denying all, it might be suspected that he must know too much to avow; by confessing all he might prove his good will. He decided, then, to tell all.M. Bonacieux était dans la plus grande perplexité : devait-il tout nier ou tout dire ? En niant tout, on pouvait croire qu’il en savait trop long pour avouer ; en disant tout, il faisait preuve de bonne volonté. Il se décida donc à tout dire.
"I suspect," said he, "a tall, dark man, of lofty carriage, who has the air of a great lord. He has followed us several times, as I think, when I have waited for my wife at the wicket of the Louvre to escort her home."« Je soupçonne, dit-il, un grand brun, de haute mine, lequel a tout à fait l’air d’un grand seigneur ; il nous a suivis plusieurs fois, à ce qu’il m’a semblé, quand j’attendais ma femme devant le guichet du Louvre pour la ramener chez moi. »
The commissary now appeared to experience a little uneasiness.Le commissaire parut éprouver quelque inquiétude.
"And his name?" said he.« Et son nom ? dit-il.
"Oh, as to his name, I know nothing about it; but if I were ever to meet him, I should recognize him in an instant, I will answer for it, were he among a thousand persons."– Oh ! quant à son nom, je n’en sais rien, mais si je le rencontre jamais, je le reconnaîtrai à l’instant même, je vous en réponds, fût-il entre mille personnes. »
The face of the commissary grew still darker.Le front du commissaire se rembrunit.
"You should recognize him among a thousand, say you?" continued he.« Vous le reconnaîtriez entre mille, dites-vous ? continua-t-il…
"That is to say," cried Bonacieux, who saw he had taken a false step, "that is to say--"– C’est-à-dire, reprit Bonacieux, qui vit qu’il avait fait fausse route, c’est-à-dire…
"You have answered that you should recognize him," said the commissary. "That is all very well, and enough for today; before we proceed further, someone must be informed that you know the ravisher of your wife."– Vous avez répondu que vous le reconnaîtriez, dit le commissaire ; c’est bien, en voici assez pour aujourd’hui ; il faut, avant que nous allions plus loin, que quelqu’un soit prévenu que vous connaissez le ravisseur de votre femme.
"But I have not told you that I know him!" cried Bonacieux, in despair. "I told you, on the contrary--"– Mais je ne vous ai pas dit que je le connaissais ! s’écria Bonacieux au désespoir. Je vous ai dit au contraire…
"Take away the prisoner," said the commissary to the two guards.– Emmenez le prisonnier, dit le commissaire aux deux gardes.
"Where must we place him?" demanded the chief.– Et où faut-il le conduire ? demanda le greffier.
"In a dungeon."– Dans un cachot.
"Which?"– Dans lequel ?
"Good Lord! In the first one handy, provided it is safe," said the commissary, with an indifference which penetrated poor Bonacieux with horror.– Oh ! mon Dieu, dans le premier venu, pourvu qu’il ferme bien », répondit le commissaire avec une indifférence qui pénétra d’horreur le pauvre Bonacieux.
"Alas, alas!" said he to himself, "misfortune is over my head; my wife must have committed some frightful crime. They believe me her accomplice, and will punish me with her. She must have spoken; she must have confessed everything--a woman is so weak! A dungeon! The first he comes to! That's it! A night is soon passed; and tomorrow to the wheel, to the gallows! Oh, my God, my God, have pity on me!"« Hélas ! hélas ! se dit-il, le malheur est sur ma tête ; ma femme aura commis quelque crime effroyable ; on me croit son complice, et l’on me punira avec elle : elle en aura parlé, elle aura avoué qu’elle m’avait tout dit ; une femme, c’est si faible ! Un cachot, le premier venu ! c’est cela ! une nuit est bientôt passée ; et demain, à la roue, à la potence ! Oh ! mon Dieu ! mon Dieu ! ayez pitié de moi ! »
Without listening the least in the world to the lamentations of M. Bonacieux--lamentations to which, besides, they must have been pretty well accustomed--the two guards took the prisoner each by an arm, and led him away, while the commissary wrote a letter in haste and dispatched it by an officer in waiting.Sans écouter le moins du monde les lamentations de maître Bonacieux, lamentations auxquelles d’ailleurs ils devaient être habitués, les deux gardes prirent le prisonnier par un bras, et l’emmenèrent, tandis que le commissaire écrivait en hâte une lettre que son greffier attendait.
Bonacieux could not close his eyes; not because his dungeon was so very disagreeable, but because his uneasiness was so great. He sat all night on his stool, starting at the least noise; and when the first rays of the sun penetrated into his chamber, the dawn itself appeared to him to have taken funereal tints.Bonacieux ne ferma pas l’œil, non pas que son cachot fût par trop désagréable, mais parce que ses inquiétudes étaient trop grandes. Il resta toute la nuit sur son escabeau, tressaillant au moindre bruit ; et quand les premiers rayons du jour se glissèrent dans sa chambre, l’aurore lui parut avoir pris des teintes funèbres.
All at once he heard his bolts drawn, and made a terrified bound. He believed they were come to conduct him to the scaffold; so that when he saw merely and simply, instead of the executioner he expected, only his commissary of the preceding evening, attended by his clerk, he was ready to embrace them both.Tout à coup, il entendit tirer les verrous, et il fit un soubresaut terrible. Il croyait qu’on venait le chercher pour le conduire à l’échafaud ; aussi, lorsqu’il vit purement et simplement paraître, au lieu de l’exécuteur qu’il attendait, son commissaire et son greffier de la veille, il fut tout près de leur sauter au cou.
"Your affair has become more complicated since yesterday evening, my good man, and I advise you to tell the whole truth; for your repentance alone can remove the anger of the cardinal."« Votre affaire s’est fort compliquée depuis hier au soir, mon brave homme, lui dit le commissaire, et je vous conseille de dire toute la vérité ; car votre repentir peut seul conjurer la colère du cardinal.
"Why, I am ready to tell everything," cried Bonacieux, "at least, all that I know. Interrogate me, I entreat you!"– Mais je suis prêt à tout dire, s’écria Bonacieux, du moins tout ce que je sais. Interrogez, je vous prie.
"Where is your wife, in the first place?"– Où est votre femme, d’abord ?
"Why, did not I tell you she had been stolen from me?"– Mais puisque je vous ai dit qu’on me l’avait enlevée.
"Yes, but yesterday at five o'clock in the afternoon, thanks to you, she escaped."– Oui, mais depuis hier cinq heures de l’après-midi, grâce à vous, elle s’est échappée.
"My wife escaped!" cried Bonacieux. "Oh, unfortunate creature! Monsieur, if she has escaped, it is not my fault, I swear."– Ma femme s’est échappée ! s’écria Bonacieux. Oh ! la malheureuse ! monsieur, si elle s’est échappée, ce n’est pas ma faute, je vous le jure.
"What business had you, then, to go into the chamber of Monsieur d'Artagnan, your neighbor, with whom you had a long conference during the day?"– Qu’alliez-vous donc alors faire chez M. d’Artagnan votre voisin, avec lequel vous avez eu une longue conférence dans la journée ?
"Ah, yes, Monsieur Commissary; yes, that is true, and I confess that I was in the wrong. I did go to Monsieur d'Artagnan's."– Ah ! oui, monsieur le commissaire, oui, cela est vrai, et j’avoue que j’ai eu tort. J’ai été chez M. d’Artagnan.
"What was the aim of that visit?"– Quel était le but de cette visite ?
"To beg him to assist me in finding my wife. I believed I had a right to endeavor to find her. I was deceived, as it appears, and I ask your pardon."– De le prier de m’aider à retrouver ma femme. Je croyais que j’avais droit de la réclamer ; je me trompais, à ce qu’il paraît, et je vous en demande bien pardon.
"And what did Monsieur d'Artagnan reply?"– Et qu’a répondu M. d’Artagnan ?
"Monsieur d'Artagnan promised me his assistance; but I soon found out that he was betraying me."– M. d’Artagnan m’a promis son aide ; mais je me suis bientôt aperçu qu’il me trahissait.
"You impose upon justice. Monsieur d'Artagnan made a compact with you; and in virtue of that compact put to flight the police who had arrested your wife, and has placed her beyond reach."– Vous en imposez à la justice ! M. d’Artagnan a fait un pacte avec vous, et en vertu de ce pacte il a mis en fuite les hommes de police qui avaient arrêté votre femme, et l’a soustraite à toutes les recherches.
– M. d’Artagnan a enlevé ma femme ! Ah çà, mais que me dites-vous là ?
"Fortunately, Monsieur d'Artagnan is in our hands, and you shall be confronted with him."– Heureusement M. d’Artagnan est entre nos mains, et vous allez lui être confronté.
"By my faith, I ask no better," cried Bonacieux; "I shall not be sorry to see the face of an acquaintance."– Ah ! ma foi, je ne demande pas mieux, s’écria Bonacieux ; je ne serais pas fâché de voir une figure de connaissance.
"Bring in the Monsieur d'Artagnan," said the commissary to the guards.– Faites entrer M. d’Artagnan », dit le commissaire aux deux gardes.
The two guards led in Athos.Les deux gardes firent entrer Athos.
"Monsieur d'Artagnan," said the commissary, addressing Athos, "declare all that passed yesterday between you and Monsieur."« Monsieur d’Artagnan, dit le commissaire en s’adressant à Athos, déclarez ce qui s’est passé entre vous et monsieur.
"But," cried Bonacieux, "this is not Monsieur d'Artagnan whom you show me."– Mais ! s’écria Bonacieux, ce n’est pas M. d’Artagnan que vous me montrez là !
"What! Not Monsieur d'Artagnan?" exclaimed the commissary.– Comment ! ce n’est pas M. d’Artagnan ? s’écria le commissaire.
"Not the least in the world," replied Bonacieux.– Pas le moins du monde, répondit Bonacieux.
"What is this gentleman's name?" asked the commissary.– Comment se nomme monsieur ? demanda le commissaire.
"I cannot tell you; I don't know him."– Je ne puis vous le dire, je ne le connais pas.
"How! You don't know him?"– Comment ! vous ne le connaissez pas ?
"No."– Non.
"Did you never see him?"– Vous ne l’avez jamais vu ?
"Yes, I have seen him, but I don't know what he calls himself."– Si fait ; mais je ne sais comment il s’appelle.
"Your name?" replied the commissary.– Votre nom ? demanda le commissaire.
"Athos," replied the Musketeer.– Athos, répondit le mousquetaire.
"But that is not a man's name; that is the name of a mountain," cried the poor questioner, who began to lose his head.– Mais ce n’est pas un nom d’homme, ça, c’est un nom de montagne ! s’écria le pauvre interrogateur qui commençait à perdre la tête.
"That is my name," said Athos, quietly.– C’est mon nom, dit tranquillement Athos.
"But you said that your name was d'Artagnan."– Mais vous avez dit que vous vous nommiez d’Artagnan.
"Who, I?"– Moi ?
"Yes, you."– Oui, vous.
"Somebody said to me, 'You are Monsieur d'Artagnan?' I answered, 'You think so?' My guards exclaimed that they were sure of it. I did not wish to contradict them; besides, I might be deceived."– C’est-à-dire que c’est à moi qu’on a dit : « Vous êtes M. d’Artagnan ? » J’ai répondu : « Vous croyez ? » Mes gardes se sont écriés qu’ils en étaient sûrs. Je n’ai pas voulu les contrarier. D’ailleurs je pouvais me tromper.
"Monsieur, you insult the majesty of justice."– Monsieur, vous insultez à la majesté de la justice.
"Not at all," said Athos, calmly.– Aucunement, fit tranquillement Athos.
"You are Monsieur d'Artagnan."– Vous êtes M. d’Artagnan.
"You see, monsieur, that you say it again."– Vous voyez bien que vous me le dites encore.
"But I tell you, Monsieur Commissary," cried Bonacieux, in his turn, "there is not the least doubt about the matter. Monsieur d'Artagnan is my tenant, although he does not pay me my rent--and even better on that account ought I to know him. Monsieur d'Artagnan is a young man, scarcely nineteen or twenty, and this gentleman must be thirty at least. Monsieur d'Artagnan is in Monsieur Dessessart's Guards, and this gentleman is in the company of Monsieur de Treville's Musketeers. Look at his uniform, Monsieur Commissary, look at his uniform!"– Mais, s’écria à son tour M. Bonacieux, je vous dis, monsieur le commissaire, qu’il n’y a pas un instant de doute à avoir. M. d’Artagnan est mon hôte, et par conséquent, quoiqu’il ne me paie pas mes loyers, et justement même à cause de cela, je dois le connaître. M. d’Artagnan est un jeune homme de dix-neuf à vingt ans à peine, et monsieur en a trente au moins. M. d’Artagnan est dans les gardes de M. des Essarts, et monsieur est dans la compagnie des mousquetaires de M. de Tréville : regardez l’uniforme, monsieur le commissaire, regardez l’uniforme.
"That's true," murmured the commissary; "PARDIEU, that's true."– C’est vrai, murmura le commissaire ; c’est pardieu vrai. »
At this moment the door was opened quickly, and a messenger, introduced by one of the gatekeepers of the Bastille, gave a letter to the commissary.En ce moment la porte s’ouvrit vivement, et un messager, introduit par un des guichetiers de la Bastille, remit une lettre au commissaire.
"Oh, unhappy woman!" cried the commissary.« Oh ! la malheureuse ! s’écria le commissaire.
"How? What do you say? Of whom do you speak? It is not of my wife, I hope!"– Comment ? que dites-vous ? de qui parlez-vous ? Ce n’est pas de ma femme, j’espère !
"On the contrary, it is of her. Yours is a pretty business."– Au contraire, c’est d’elle. Votre affaire est bonne, allez.
"But," said the agitated mercer, "do me the pleasure, monsieur, to tell me how my own proper affair can become worse by anything my wife does while I am in prison?"– Ah çà, s’écria le mercier exaspéré, faites-moi le plaisir de me dire, monsieur, comment mon affaire à moi peut s’empirer de ce que fait ma femme pendant que je suis en prison !
"Because that which she does is part of a plan concerted between you--of an infernal plan."– Parce que ce qu’elle fait est la suite d’un plan arrêté entre vous, plan infernal !
"I swear to you, Monsieur Commissary, that you are in the profoundest error, that I know nothing in the world about what my wife had to do, that I am entirely a stranger to what she has done; and that if she has committed any follies, I renounce her, I abjure her, I curse her!"– Je vous jure, monsieur le commissaire, que vous êtes dans la plus profonde erreur, que je ne sais rien au monde de ce que devait faire ma femme, que je suis entièrement étranger à ce qu’elle a fait, et que, si elle a fait des sottises, je la renie, je la démens, je la maudis.
"Bah!" said Athos to the commissary, "if you have no more need of me, send me somewhere. Your Monsieur Bonacieux is very tiresome."– Ah çà, dit Athos au commissaire, si vous n’avez plus besoin de moi ici, renvoyez-moi quelque part, il est très ennuyeux, votre monsieur Bonacieux.
The commissary designated by the same gesture Athos and Bonacieux, "Let them be guarded more closely than ever."– Reconduisez les prisonniers dans leurs cachots, dit le commissaire en désignant d’un même geste Athos et Bonacieux, et qu’ils soient gardés plus sévèrement que jamais.
"And yet," said Athos, with his habitual calmness, "if it be Monsieur d'Artagnan who is concerned in this matter, I do not perceive how I can take his place."– Cependant, dit Athos avec son calme habituel, si c’est à M. d’Artagnan que vous avez affaire, je ne vois pas trop en quoi je puis le remplacer.
"Do as I bade you," cried the commissary, "and preserve absolute secrecy. You understand!"– Faites ce que j’ai dit ! s’écria le commissaire, et le secret le plus absolu ! Vous entendez ! »
Athos shrugged his shoulders, and followed his guards silently, while M. Bonacieux uttered lamentations enough to break the heart of a tiger.Athos suivit ses gardes en levant les épaules, et M. Bonacieux en poussant des lamentations à fendre le cœur d’un tigre.
They locked the mercer in the same dungeon where he had passed the night, and left him to himself during the day. Bonacieux wept all day, like a true mercer, not being at all a military man, as he himself informed us.On ramena le mercier dans le même cachot où il avait passé la nuit, et l’on l’y laissa toute la journée. Toute la journée Bonacieux pleura comme un véritable mercier, n’étant pas du tout homme d’épée, il nous l’a dit lui-même.
In the evening, about nine o'clock, at the moment he had made up his mind to go to bed, he heard steps in his corridor. These steps drew near to his dungeon, the door was thrown open, and the guards appeared.Le soir, vers les neuf heures, au moment où il allait se décider à se mettre au lit, il entendit des pas dans son corridor. Ces pas se rapprochèrent de son cachot, sa porte s’ouvrit, des gardes parurent.
"Follow me," said an officer, who came up behind the guards.« Suivez-moi, dit un exempt qui venait à la suite des gardes.
"Follow you!" cried Bonacieux, "follow you at this hour! Where, my God?"– Vous suivre ! s’écria Bonacieux ; vous suivre à cette heure-ci ! et où cela, mon Dieu ?
"Where we have orders to lead you."– Où nous avons l’ordre de vous conduire.
"But that is not an answer."– Mais ce n’est pas une réponse, cela.
"It is, nevertheless, the only one we can give."– C’est cependant la seule que nous puissions vous faire.
"Ah, my God, my God!" murmured the poor mercer, "now, indeed, I am lost!"– Ah ! mon Dieu, mon Dieu, murmura le pauvre mercier, pour cette fois je suis perdu ! »
And he followed the guards who came for him, mechanically and without resistance.Et il suivit machinalement et sans résistance les gardes qui venaient le quérir.
He passed along the same corridor as before, crossed one court, then a second side of a building; at length, at the gate of the entrance court he found a carriage surrounded by four guards on horseback. They made him enter this carriage, the officer placed himself by his side, the door was locked, and they were left in a rolling prison.Il prit le même corridor qu’il avait déjà pris, traversa une première cour, puis un second corps de logis ; enfin, à la porte de la cour d’entrée, il trouva une voiture entourée de quatre gardes à cheval. On le fit monter dans cette voiture, l’exempt se plaça près de lui, on ferma la portière à clef, et tous deux se trouvèrent dans une prison roulante.
The carriage was put in motion as slowly as a funeral car. Through the closely fastened windows the prisoner could perceive the houses and the pavement, that was all; but, true Parisian as he was, Bonacieux could recognize every street by the milestones, the signs, and the lamps. At the moment of arriving at St. Paul--the spot where such as were condemned at the Bastille were executed--he was near fainting and crossed himself twice. He thought the carriage was about to stop there. The carriage, however, passed on.La voiture se mit en mouvement, lente comme un char funèbre. À travers la grille cadenassée, le prisonnier apercevait les maisons et le pavé, voilà tout ; mais, en véritable Parisien qu’il était, Bonacieux reconnaissait chaque rue aux bornes, aux enseignes, aux réverbères. Au moment d’arriver à Saint-Paul, lieu où l’on exécutait les condamnés de la Bastille, il faillit s’évanouir et se signa deux fois. Il avait cru que la voiture devait s’arrêter là. La voiture passa cependant.
Farther on, a still greater terror seized him on passing by the cemetery of St. Jean, where state criminals were buried. One thing, however, reassured him; he remembered that before they were buried their heads were generally cut off, and he felt that his head was still on his shoulders. But when he saw the carriage take the way to La Greve, when he perceived the pointed roof of the Hotel de Ville, and the carriage passed under the arcade, he believed it was over with him. He wished to confess to the officer, and upon his refusal, uttered such pitiable cries that the officer told him that if he continued to deafen him thus, he should put a gag in his mouth.Plus loin, une grande terreur le prit encore, ce fut en côtoyant le cimetière Saint-Jean où on enterrait les criminels d’État. Une seule chose le rassura un peu, c’est qu’avant de les enterrer on leur coupait généralement la tête, et que sa tête à lui était encore sur ses épaules. Mais lorsqu’il vit que la voiture prenait la route de la Grève, qu’il aperçut les toits aigus de l’hôtel de ville, que la voiture s’engagea sous l’arcade, il crut que tout était fini pour lui, voulut se confesser à l’exempt, et, sur son refus, poussa des cris si pitoyables que l’exempt annonça que, s’il continuait à l’assourdir ainsi, il lui mettrait un bâillon.
This measure somewhat reassured Bonacieux. If they meant to execute him at La Greve, it could scarcely be worth while to gag him, as they had nearly reached the place of execution. Indeed, the carriage crossed the fatal spot without stopping. There remained, then, no other place to fear but the Traitor's Cross; the carriage was taking the direct road to it.Cette menace rassura quelque peu Bonacieux : si l’on eût dû l’exécuter en Grève, ce n’était pas la peine de le bâillonner, puisqu’on était presque arrivé au lieu de l’exécution. En effet, la voiture traversa la place fatale sans s’arrêter. Il ne restait plus à craindre que la Croix-du-Trahoir : la voiture en prit justement le chemin.
This time there was no longer any doubt; it was at the Traitor's Cross that lesser criminals were executed. Bonacieux had flattered himself in believing himself worthy of St. Paul or of the Place de Greve; it was at the Traitor's Cross that his journey and his destiny were about to end! He could not yet see that dreadful cross, but he felt somehow as if it were coming to meet him. When he was within twenty paces of it, he heard a noise of people and the carriage stopped. This was more than poor Bonacieux could endure, depressed as he was by the successive emotions which he had experienced; he uttered a feeble groan which might have been taken for the last sigh of a dying man, and fainted. Cette fois, il n’y avait plus de doute, c’était à la Croix-du-Trahoir qu’on exécutait les criminels subalternes. Bonacieux s’était flatté en se croyant digne de Saint-Paul ou de la place de Grève : c’était à la Croix-du-Trahoir qu’allaient finir son voyage et sa destinée ! Il ne pouvait voir encore cette malheureuse croix, mais il la sentait en quelque sorte venir au-devant de lui. Lorsqu’il n’en fut plus qu’à une vingtaine de pas, il entendit une rumeur, et la voiture s’arrêta. C’était plus que n’en pouvait supporter le pauvre Bonacieux, déjà écrasé par les émotions successives qu’il avait éprouvées ; il poussa un faible gémissement, qu’on eût pu prendre pour le dernier soupir d’un moribond, et il s’évanouit.
14 THE MAN OF MEUNGCHAPITRE XIV L’HOMME DE MEUNG
The crowd was caused, not by the expectation of a man to be hanged, but by the contemplation of a man who was hanged.Ce rassemblement était produit non point par l’attente d’un homme qu’on devait pendre, mais par la contemplation d’un pendu.
The carriage, which had been stopped for a minute, resumed its way, passed through the crowd, threaded the Rue St. Honore, turned into the Rue des Bons Enfants, and stopped before a low door.La voiture, arrêtée un instant, reprit donc sa marche, traversa la foule, continua son chemin, enfila la rue Saint-Honoré, tourna la rue des Bons-Enfants et s’arrêta devant une porte basse.
The door opened; two guards received Bonacieux in their arms from the officer who supported him. They carried him through an alley, up a flight of stairs, and deposited him in an antechamber.La porte s’ouvrit, deux gardes reçurent dans leurs bras Bonacieux, soutenu par l’exempt ; on le poussa dans une allée, on lui fit monter un escalier, et on le déposa dans une antichambre.
All these movements had been effected mechanically, as far as he was concerned.Tous ces mouvements s’étaient opérés pour lui d’une façon machinale.
He had walked as one walks in a dream; he had a glimpse of objects as through a fog. His ears had perceived sounds without comprehending them; he might have been executed at that moment without his making a single gesture in his own defense or uttering a cry to implore mercy.Il avait marché comme on marche en rêve ; il avait entrevu les objets à travers un brouillard ; ses oreilles avaient perçu des sons sans les comprendre ; on eût pu l’exécuter dans ce moment qu’il n’eût pas fait un geste pour entreprendre sa défense, qu’il n’eût pas poussé un cri pour implorer la pitié.
He remained on the bench, with his back leaning against the wall and his hands hanging down, exactly on the spot where the guards placed him.Il resta donc ainsi sur la banquette, le dos appuyé au mur et les bras pendants, à l’endroit même où les gardes l’avaient déposé.
On looking around him, however, as he could perceive no threatening object, as nothing indicated that he ran any real danger, as the bench was comfortably covered with a well-stuffed cushion, as the wall was ornamented with a beautiful Cordova leather, and as large red damask curtains, fastened back by gold clasps, floated before the window, he perceived by degrees that his fear was exaggerated, and he began to turn his head to the right and the left, upward and downward.Cependant, comme, en regardant autour de lui, il ne voyait aucun objet menaçant, comme rien n’indiquait qu’il courût un danger réel, comme la banquette était convenablement rembourrée, comme la muraille était recouverte d’un beau cuir de Cordoue, comme de grands rideaux de damas rouge flottaient devant la fenêtre, retenus par des embrasses d’or, il comprit peu à peu que sa frayeur était exagérée, et il commença de remuer la tête à droite et à gauche et de bas en haut.
At this movement, which nobody opposed, he resumed a little courage, and ventured to draw up one leg and then the other. At length, with the help of his two hands he lifted himself from the bench, and found himself on his feet.À ce mouvement, auquel personne ne s’opposa, il reprit un peu de courage et se risqua à ramener une jambe, puis l’autre ; enfin, en s’aidant de ses deux mains, il se souleva sur sa banquette et se trouva sur ses pieds.
At this moment an officer with a pleasant face opened a door, continued to exchange some words with a person in the next chamber and then came up to the prisoner.En ce moment, un officier de bonne mine ouvrit une portière, continua d’échanger encore quelques paroles avec une personne qui se trouvait dans la pièce voisine, et se retournant vers le prisonnier :
"Is your name Bonacieux?" said he.« C’est vous qui vous nommez Bonacieux ? dit-il.
"Yes, Monsieur Officer," stammered the mercer, more dead than alive, "at your service."– Oui, monsieur l’officier, balbutia le mercier, plus mort que vif, pour vous servir.
"Come in," said the officer.– Entrez », dit l’officier.
And he moved out of the way to let the mercer pass. The latter obeyed without reply, and entered the chamber, where he appeared to be expected.Et il s’effaça pour que le mercier pût passer. Celui-ci obéit sans réplique, et entra dans la chambre où il paraissait être attendu.
It was a large cabinet, close and stifling, with the walls furnished with arms offensive and defensive, and in which there was already a fire, although it was scarcely the end of the month of September. A square table, covered with books and papers, upon which was unrolled an immense plan of the city of La Rochelle, occupied the center of the room.C’était un grand cabinet, aux murailles garnies d’armes offensives et défensives, clos et étouffé, et dans lequel il y avait déjà du feu, quoique l’on fût à peine à la fin du mois de septembre. Une table carrée, couverte de livres et de papiers sur lesquels était déroulé un plan immense de la ville de La Rochelle, tenait le milieu de l’appartement.
Standing before the chimney was a man of middle height, of a haughty, proud mien; with piercing eyes, a large brow, and a thin face, which was made still longer by a ROYAL (or IMPERIAL, as it is now called), surmounted by a pair of mustaches. Although this man was scarcely thirty-six or thirty-seven years of age, hair, mustaches, and royal, all began to be gray. This man, except a sword, had all the appearance of a soldier; and his buff boots still slightly covered with dust, indicated that he had been on horseback in the course of the day.Debout devant la cheminée était un homme de moyenne taille, à la mine haute et fière, aux yeux perçants, au front large, à la figure amaigrie qu’allongeait encore une royale surmontée d’une paire de moustaches. Quoique cet homme eût trente-six à trente-sept ans à peine, cheveux, moustache et royale s’en allaient grisonnant. Cet homme, moins l’épée, avait toute la mine d’un homme de guerre, et ses bottes de buffle encore légèrement couvertes de poussière indiquaient qu’il avait monté à cheval dans la journée.
This man was Armand Jean Duplessis, Cardinal de Richelieu; not such as he is now represented--broken down like an old man, suffering like a martyr, his body bent, his voice failing, buried in a large armchair as in an anticipated tomb; no longer living but by the strength of his genius, and no longer maintaining the struggle with Europe but by the eternal application of his thoughts--but such as he really was at this period; that is to say, an active and gallant cavalier, already weak of body, but sustained by that moral power which made of him one of the most extraordinary men that ever lived, preparing, after having supported the Duc de Nevers in his duchy of Mantua, after having taken Nimes, Castres, and Uzes, to drive the English from the Isle of Re and lay siege to La Rochelle.Cet homme, c’était Armand-Jean Duplessis, cardinal de Richelieu, non point tel qu’on nous le représente, cassé comme un vieillard, souffrant comme un martyr, le corps brisé, la voix éteinte, enterré dans un grand fauteuil comme dans une tombe anticipée, ne vivant plus que par la force de son génie, et ne soutenant plus la lutte avec l’Europe que par l’éternelle application de sa pensée, mais tel qu’il était réellement à cette époque, c’est-à-dire adroit et galant cavalier, faible de corps déjà, mais soutenu par cette puissance morale qui a fait de lui un des hommes les plus extraordinaires qui aient existé ; se préparant enfin, après avoir soutenu le duc de Nevers dans son duché de Mantoue, après avoir pris Nîmes, Castres et Uzès, à chasser les Anglais de l’île de Ré et à faire le siège de La Rochelle.
At first sight, nothing denoted the cardinal; and it was impossible for those who did not know his face to guess in whose presence they were.À la première vue, rien ne dénotait donc le cardinal, et il était impossible à ceux-là qui ne connaissaient point son visage de deviner devant qui ils se trouvaient.
The poor mercer remained standing at the door, while the eyes of the personage we have just described were fixed upon him, and appeared to wish to penetrate even into the depths of the past.Le pauvre mercier demeura debout à la porte, tandis que les yeux du personnage que nous venons de décrire se fixaient sur lui, et semblaient vouloir pénétrer jusqu’au fond du passé.
"Is this that Bonacieux?" asked he, after a moment of silence.« C’est là ce Bonacieux ? demanda-t-il après un moment de silence.
"Yes, monseigneur," replied the officer.– Oui, Monseigneur, reprit l’officier.
"That's well. Give me those papers, and leave us."– C’est bien, donnez-moi ces papiers et laissez-nous. »
The officer took from the table the papers pointed out, gave them to him who asked for them, bowed to the ground, and retired.L’officier prit sur la table les papiers désignés, les remit à celui qui les demandait, s’inclina jusqu’à terre, et sortit.
Bonacieux recognized in these papers his interrogatories of the Bastille. From time to time the man by the chimney raised his eyes from the writings, and plunged them like poniards into the heart of the poor mercer.Bonacieux reconnut dans ces papiers ses interrogatoires de la Bastille. De temps en temps, l’homme de la cheminée levait les yeux de dessus les écritures, et les plongeait comme deux poignards jusqu’au fond du cœur du pauvre mercier.
At the end of ten minutes of reading and ten seconds of examination, the cardinal was satisfied.Au bout de dix minutes de lecture et dix secondes d’examen, le cardinal était fixé.
"That head has never conspired," murmured he, "but it matters not; we will see."« Cette tête-là n’a jamais conspiré », murmura-t-il ; mais n’importe, voyons toujours.
"You are accused of high treason," said the cardinal, slowly.– Vous êtes accusé de haute trahison, dit lentement le cardinal.
"So I have been told already, monseigneur," cried Bonacieux, giving his interrogator the title he had heard the officer give him, "but I swear to you that I know nothing about it."– C’est ce qu’on m’a déjà appris, Monseigneur, s’écria Bonacieux, donnant à son interrogateur le titre qu’il avait entendu l’officier lui donner ; mais je vous jure que je n’en savais rien. »
The cardinal repressed a smile.Le cardinal réprima un sourire.
"You have conspired with your wife, with Madame de Chevreuse, and with my Lord Duke of Buckingham."« Vous avez conspiré avec votre femme, avec Mme de Chevreuse et avec Milord duc de Buckingham.
"Indeed, monseigneur," responded the mercer, "I have heard her pronounce all those names."– En effet, Monseigneur, répondit le mercier, je l’ai entendue prononcer tous ces noms-là.
"And on what occasion?"– Et à quelle occasion ?
"She said that the Cardinal de Richelieu had drawn the Duke of Buckingham to Paris to ruin him and to ruin the queen."– Elle disait que le cardinal de Richelieu avait attiré le duc de Buckingham à Paris pour le perdre et pour perdre la reine avec lui.
"She said that?" cried the cardinal, with violence.– Elle disait cela ? s’écria le cardinal avec violence.
"Yes, monseigneur, but I told her she was wrong to talk about such things; and that his Eminence was incapable—"– Oui, Monseigneur ; mais moi je lui ai dit qu’elle avait tort de tenir de pareils propos, et que Son Éminence était incapable…
"Hold your tongue! You are stupid," replied the cardinal.– Taisez-vous, vous êtes un imbécile, reprit le cardinal.
"That's exactly what my wife said, monseigneur."– C’est justement ce que ma femme m’a répondu, Monseigneur.
"Do you know who carried off your wife?"– Savez-vous qui a enlevé votre femme ?
"No, monsigneur."– Non, Monseigneur.
"You have suspicions, nevertheless?"– Vous avez des soupçons, cependant ?
"Yes, monsigneur; but these suspicions appeared to be disagreeable to Monsieur the Commissary, and I no longer have them."– Oui, Monseigneur ; mais ces soupçons ont paru contrarier M. le commissaire, et je ne les ai plus.
"Your wife has escaped. Did you know that?"– Votre femme s’est échappée, le saviez-vous ?
"No, monseigneur. I learned it since I have been in prison, and that from the conversation of Monsieur the Commissary--an amiable man."– Non, Monseigneur, je l’ai appris depuis que je suis en prison, et toujours par l’entremise de M. le commissaire, un homme bien aimable ! »
The cardinal repressed another smile.Le cardinal réprima un second sourire.
"Then you are ignorant of what has become of your wife since her flight."« Alors vous ignorez ce que votre femme est devenue depuis sa fuite ?
"Absolutely, monseigneur; but she has most likely returned to the Louvre."– Absolument, Monseigneur ; mais elle a dû rentrer au Louvre.
"At one o'clock this morning she had not returned."– À une heure du matin elle n’y était pas rentrée encore.
"My God! What can have become of her, then?"– Ah ! mon Dieu ! mais qu’est-elle devenue alors ?
"We shall know, be assured. Nothing is concealed from the cardinal; the cardinal knows everything."– On le saura, soyez tranquille ; on ne cache rien au cardinal ; le cardinal sait tout.
"In that case, monseigneur, do you believe the cardinal will be so kind as to tell me what has become of my wife?"– En ce cas, Monseigneur, est-ce que vous croyez que le cardinal consentira à me dire ce qu’est devenue ma femme ?
"Perhaps he may; but you must, in the first place, reveal to the cardinal all you know of your wife's relations with Madame de Chevreuse."– Peut-être ; mais il faut d’abord que vous avouiez tout ce que vous savez relativement aux relations de votre femme avec Mme de Chevreuse.
"But, monseigneur, I know nothing about them; I have never seen her."– Mais, Monseigneur, je n’en sais rien ; je ne l’ai jamais vue.
"When you went to fetch your wife from the Louvre, did you always return directly home?"– Quand vous alliez chercher votre femme au Louvre, revenait-elle directement chez vous ?
"Scarcely ever; she had business to transact with linen drapers, to whose houses I conducted her."– Presque jamais : elle avait affaire à des marchands de toile, chez lesquels je la conduisais.
"And how many were there of these linen drapers?"– Et combien y en avait-il de marchands de toile ?
"Two, monseigneur."– Deux, Monseigneur.
"And where did they live?"– Où demeurent-ils ?
"One in Rue de Vaugirard, the other Rue de la Harpe."– Un, rue de Vaugirard ; l’autre, rue de La Harpe.
"Did you go into these houses with her?"– Entriez-vous chez eux avec elle ?
"Never, monseigneur; I waited at the door."– Jamais, Monseigneur ; je l’attendais à la porte.
"And what excuse did she give you for entering all alone?"– Et quel prétexte vous donnait-elle pour entrer ainsi toute seule ?
"She gave me none; she told me to wait, and I waited."– Elle ne m’en donnait pas ; elle me disait d’attendre, et j’attendais.
"You are a very complacent husband, my dear Monsieur Bonacieux," said the cardinal.– Vous êtes un mari complaisant, mon cher monsieur Bonacieux ! » dit le cardinal
"He calls me his dear Monsieur," said the mercer to himself. "PESTE! Matters are going all right."« Il m’appelle son cher monsieur ! dit en lui-même le mercier. Peste ! les affaires vont bien ! »
"Should you know those doors again?"« Reconnaîtriez-vous ces portes ?
"Yes."– Oui.
"Do you know the numbers?"– Savez-vous les numéros ?
"Yes."– Oui.
"What are they?"– Quels sont-ils ?
"No. 25 in the Rue de Vaugirard; 75 in the Rue de la Harpe."– N° 25, dans la rue de Vaugirard ; n° 75, dans la rue de La Harpe.
"That's well," said the cardinal.– C’est bien », dit le cardinal.
At these words he took up a silver bell, and rang it; the officer entered.À ces mots, il prit une sonnette d’argent, et sonna ; l’officier rentra.
"Go," said he, in a subdued voice, "and find Rochefort. Tell him to come to me immediately, if he has returned."« Allez, dit-il à demi-voix, me chercher Rochefort ; et qu’il vienne à l’instant même, s’il est rentré.
"The count is here," said the officer, "and requests to speak with your Eminence instantly."– Le comte est là, dit l’officier, il demande instamment à parler à Votre Éminence ! »
« À Votre Éminence ! murmura Bonacieux, qui savait que tel était le titre qu’on donnait d’ordinaire à M. le cardinal ;… à Votre Éminence ! »
"Let him come in, then!" said the cardinal, quickly. The officer sprang out of the apartment with that alacrity which all the servants of the cardinal displayed in obeying him.« Qu’il vienne alors, qu’il vienne ! » dit vivement Richelieu. L’officier s’élança hors de l’appartement, avec cette rapidité que mettaient d’ordinaire tous les serviteurs du cardinal à lui obéir.
"To your Eminence!" murmured Bonacieux, rolling his eyes round in astonishment.« À Votre Éminence ! » murmurait Bonacieux en roulant des yeux égarés.
Five seconds has scarcely elapsed after the disappearance of the officer, when the door opened, and a new personage entered.Cinq secondes ne s’étaient pas écoulées depuis la disparition de l’officier, que la porte s’ouvrit et qu’un nouveau personnage entra.
"It is he!" cried Bonacieux.« C’est lui, s’écria Bonacieux.
"He! What he?" asked the cardinal.– Qui lui ? demanda le cardinal.
"The man who abducted my wife."– Celui qui m’a enlevé ma femme. »
The cardinal rang a second time. The officer reappeared.Le cardinal sonna une seconde fois. L’officier reparut.
"Place this man in the care of his guards again, and let him wait till I send for him."« Remettez cet homme aux mains de ses deux gardes, et qu’il attende que je le rappelle devant moi.
"No, monseigneur, no, it is not he!" cried Bonacieux; "no, I was deceived. This is quite another man, and does not resemble him at all. Monsieur is, I am sure, an honest man."– Non, Monseigneur ! non, ce n’est pas lui ! s’écria Bonacieux ; non, je m’étais trompé : c’est un autre qui ne lui ressemble pas du tout ! Monsieur est un honnête homme.
"Take away that fool!" said the cardinal.– Emmenez cet imbécile ! » dit le cardinal.
The officer took Bonacieux by the arm, and led him into the antechamber, where he found his two guards.L’officier prit Bonacieux sous le bras, et le reconduisit dans l’antichambre où il trouva ses deux gardes.
The newly introduced personage followed Bonacieux impatiently with his eyes till he had gone out; and the moment the door closed,Le nouveau personnage qu’on venait d’introduire suivit des yeux avec impatience Bonacieux jusqu’à ce qu’il fût sorti, et dès que la porte se fut refermée sur lui :
"They have seen each other;" said he, approaching the cardinal eagerly.« Ils se sont vus, dit-il en s’approchant vivement du cardinal.
"Who?" asked his Eminence.– Qui ? demanda Son Éminence.
"He and she."– Elle et lui.
"The queen and the duke?" cried Richelieu.– La reine et le duc ? s’écria Richelieu.
"Yes."– Oui.
"Where?"– Et où cela ?
"At the Louvre."– Au Louvre.
"Are you sure of it?"– Vous en êtes sûr ?
"Perfectly sure."– Parfaitement sûr.
"Who told you of it?"– Qui vous l’a dit ?
"Madame de Lannoy, who is devoted to your Eminence, as you know."– Mme de Lannoy, qui est toute à Votre Éminence, comme vous le savez.
"Why did she not let me know sooner?"– Pourquoi ne l’a-t-elle pas dit plus tôt ?
"Whether by chance or mistrust, the queen made Madame de Surgis sleep in her chamber, and detained her all day."– Soit hasard, soit défiance, la reine a fait coucher Mme de Fargis dans sa chambre, et l’a gardée toute la journée.
"Well, we are beaten! Now let us try to take our revenge."– C’est bien, nous sommes battus. Tâchons de prendre notre revanche.
"I will assist you with all my heart, monseigneur; be assured of that."– Je vous y aiderai de toute mon âme, Monseigneur, soyez tranquille.
"How did it come about?"– Comment cela s’est-il passé ?
"At half past twelve the queen was with her women--"– À minuit et demi, la reine était avec ses femmes…
"Where?"– Où cela ?
"In her bedchamber--"– Dans sa chambre à coucher…
"Go on."– Bien.
"When someone came and brought her a handkerchief from her laundress."– Lorsqu’on est venu lui remettre un mouchoir de la part de sa dame de lingerie…
"And then?"– Après ?
"The queen immediately exhibited strong emotion; and despite the rouge with which her face was covered evidently turned pale--"– Aussitôt la reine a manifesté une grande émotion, et, malgré le rouge dont elle avait le visage couvert, elle a pâli.
"And then, and then?"– Après ! après !
"She then arose, and with altered voice, 'Ladies,' said she, 'wait for me ten minutes, I shall soon return.' She then opened the door of her alcove, and went out."– Cependant, elle s’est levée, et d’une voix altérée : « Mesdames, a-t-elle dit, attendez-moi dix minutes, puis je reviens. » Et elle a ouvert la porte de son alcôve, puis elle est sortie.
"Why did not Madame de Lannoy come and inform you instantly?"– Pourquoi Mme de Lannoy n’est-elle pas venue vous prévenir à l’instant même ?
"Nothing was certain; besides, her Majesty had said, 'Ladies, wait for me,' and she did not dare to disobey the queen."– Rien n’était bien certain encore ; d’ailleurs, la reine avait dit : « Mesdames, attendez-moi » ; et elle n’osait désobéir à la reine.
"How long did the queen remain out of the chamber?"– Et combien de temps la reine est-elle restée hors de la chambre ?
"Three-quarters of an hour."– Trois quarts d’heure.
"None of her women accompanied her?"– Aucune de ses femmes ne l’accompagnait ?
"Only Donna Estafania."– Doña Estefania seulement.
"Did she afterward return?"– Et elle est rentrée ensuite ?
"Yes; but only to take a little rosewood casket, with her cipher upon it, and went out again immediately."– Oui, mais pour prendre un petit coffret de bois de rose à son chiffre, et sortir aussitôt.
"And when she finally returned, did she bring that casket with her?"– Et quand elle est rentrée, plus tard, a-t-elle rapporté le coffret ?
"No."– Non.
"Does Madame de Lannoy know what was in that casket?"– Mme de Lannoy savait-elle ce qu’il y avait dans ce coffret ?
"Yes; the diamond studs which his Majesty gave the queen."– Oui : les ferrets en diamants que Sa Majesté a donnés à la reine.
"And she came back without this casket?"– Et elle est rentrée sans ce coffret ?
"Yes."– Oui.
"Madame de Lannoy, then, is of opinion that she gave them to Buckingham?"– L’opinion de Mme de Lannoy est qu’elle les a remis alors à Buckingham ?
"She is sure of it."– Elle en est sûre.
"How can she be so?"– Comment cela ?
"In the course of the day Madame de Lannoy, in her quality of tire-woman of the queen, looked for this casket, appeared uneasy at not finding it, and at length asked information of the queen."– Pendant la journée, Mme de Lannoy, en sa qualité de dame d’atour de la reine, a cherché ce coffret, a paru inquiète de ne pas le trouver et a fini par en demander des nouvelles à la reine.
"And then the queen?"– Et alors, la reine…?
"The queen became exceedingly red, and replied that having in the evening broken one of those studs, she had sent it to her goldsmith to be repaired."– La reine est devenue fort rouge et a répondu qu’ayant brisé la veille un de ses ferrets, elle l’avait envoyé raccommoder chez son orfèvre.
"He must be called upon, and so ascertain if the thing be true or not."– Il faut y passer et s’assurer si la chose est vraie ou non.
"I have just been with him."– J’y suis passé.
"And the goldsmith?"– Eh bien, l’orfèvre ?
"The goldsmith has heard nothing of it."– L’orfèvre n’a entendu parler de rien.
"Well, well! Rochefort, all is not lost; and perhaps--perhaps everything is for the best."– Bien ! bien ! Rochefort, tout n’est pas perdu, et peut-être… peut-être tout est-il pour le mieux !
"The fact is that I do not doubt your Eminence's genius--"– Le fait est que je ne doute pas que le génie de Votre Éminence…
"Will repair the blunders of his agent--is that it?"– Ne répare les bêtises de mon agent, n’est-ce pas ?
"That is exactly what I was going to say, if your Eminence had let me finish my sentence."– C’est justement ce que j’allais dire, si Votre Éminence m’avait laissé achever ma phrase.
"Meanwhile, do you know where the Duchesse de Chevreuse and the Duke of Buckingham are now concealed?"– Maintenant, savez-vous où se cachaient la duchesse de Chevreuse et le duc de Buckingham ?
"No, monseigneur; my people could tell me nothing on that head."– Non, Monseigneur, mes gens n’ont pu rien me dire de positif là-dessus.
"But I know."– Je le sais, moi.
"You, monseigneur?"– Vous, Monseigneur ?
"Yes; or at least I guess. They were, one in the Rue de Vaugirard, No. 25; the other in the Rue de la Harpe, No. 75."– Oui, ou du moins je m’en doute. Ils se tenaient, l’un rue de Vaugirard, n° 25, et l’autre rue de La Harpe, n° 75.
"Does your Eminence command that they both be instantly arrested?"– Votre Éminence veut-elle que je les fasse arrêter tous deux ?
"It will be too late; they will be gone."– Il sera trop tard, ils seront partis.
"But still, we can make sure that they are so."– N’importe, on peut s’en assurer.
"Take ten men of my Guardsmen, and search the two houses thoroughly."– Prenez dix hommes de mes gardes, et fouillez les deux maisons.
"Instantly, monseigneur."– J’y vais, Monseigneur. »
And Rochefort went hastily out of the apartment.Et Rochefort s’élança hors de l’appartement.
The cardinal being left alone, reflected for an instant and then rang the bell a third time.Le cardinal, resté seul, réfléchit un instant et sonna une troisième fois.
The same officer appeared.Le même officier reparut.
"Bring the prisoner in again," said the cardinal.« Faites entrer le prisonnier », dit le cardinal.
M. Bonacieux was introduced afresh, and upon a sign from the cardinal, the officer retired.Maître Bonacieux fut introduit de nouveau, et, sur un signe du cardinal, l’officier se retira.
"You have deceived me!" said the cardinal, sternly.« Vous m’avez trompé, dit sévèrement le cardinal.
"I," cried Bonacieux, "I deceive your Eminence!"– Moi, s’écria Bonacieux, moi, tromper Votre Éminence !
"Your wife, in going to Rue de Vaugirard and Rue de la Harpe, did not go to find linen drapers."– Votre femme, en allant rue de Vaugirard et rue de La Harpe, n’allait pas chez des marchands de toile.
"Then why did she go, just God?"– Et où allait-elle, juste Dieu ?
"She went to meet the Duchesse de Chevreuse and the Duke of Buckingham."– Elle allait chez la duchesse de Chevreuse et chez le duc de Buckingham.
"Yes," cried Bonacieux, recalling all his remembrances of the circumstances, "yes, that's it. Your Eminence is right. I told my wife several times that it was surprising that linen drapers should live in such houses as those, in houses that had no signs; but she always laughed at me. Ah, monseigneur!" continued Bonacieux, throwing himself at his Eminence's feet, "ah, how truly you are the cardinal, the great cardinal, the man of genius whom all the world reveres!"– Oui, dit Bonacieux rappelant tous ses souvenirs ; oui, c’est cela, Votre Éminence a raison. J’ai dit plusieurs fois à ma femme qu’il était étonnant que des marchands de toile demeurassent dans des maisons pareilles, dans des maisons qui n’avaient pas d’enseignes, et chaque fois ma femme s’est mise à rire. Ah ! Monseigneur, continua Bonacieux en se jetant aux pieds de l’Éminence, ah ! que vous êtes bien le cardinal, le grand cardinal, l’homme de génie que tout le monde révère. »
The cardinal, however contemptible might be the triumph gained over so vulgar a being as Bonacieux, did not the less enjoy it for an instant; then, almost immediately, as if a fresh thought has occurred, a smile played upon his lips, and he said, offering his hand to the mercer,Le cardinal, tout médiocre qu’était le triomphe remporté sur un être aussi vulgaire que l’était Bonacieux, n’en jouit pas moins un instant ; puis, presque aussitôt, comme si une nouvelle pensée se présentait à son esprit, un sourire plissa ses lèvres, et tendant la main au mercier :
"Rise, my friend, you are a worthy man."« Relevez-vous, mon ami, lui dit-il, vous êtes un brave homme.
"The cardinal has touched me with his hand! I have touched the hand of the great man!" cried Bonacieux. "The great man has called me his friend!"– Le cardinal m’a touché la main ! j’ai touché la main du grand homme ! s’écria Bonacieux ; le grand homme m’a appelé son ami !
"Yes, my friend, yes," said the cardinal, with that paternal tone which he sometimes knew how to assume, but which deceived none who knew him; "and as you have been unjustly suspected, well, you must be indemnified. Here, take this purse of a hundred pistoles, and pardon me."– Oui, mon ami ; oui ! dit le cardinal avec ce ton paterne qu’il savait prendre quelquefois, mais qui ne trompait que les gens qui ne le connaissaient pas ; et comme on vous a soupçonné injustement, eh bien, il vous faut une indemnité : tenez ! prenez ce sac de cent pistoles, et pardonnez-moi.
"I pardon you, monseigneur!" said Bonacieux, hesitating to take the purse, fearing, doubtless, that this pretended gift was but a pleasantry. "But you are able to have me arrested, you are able to have me tortured, you are able to have me hanged; you are the master, and I could not have the least word to say. Pardon you, monseigneur! You cannot mean that!"– Que je vous pardonne, Monseigneur ! dit Bonacieux hésitant à prendre le sac, craignant sans doute que ce prétendu don ne fût qu’une plaisanterie. Mais vous étiez bien libre de me faire arrêter, vous êtes bien libre de me faire torturer, vous êtes bien libre de me faire pendre : vous êtes le maître, et je n’aurais pas eu le plus petit mot à dire. Vous pardonner, Monseigneur ! Allons donc, vous n’y pensez pas !
"Ah, my dear Monsieur Bonacieux, you are generous in this matter. I see it and I thank you for it. Thus, then, you will take this bag, and you will go away without being too malcontent."– Ah ! mon cher monsieur Bonacieux ! vous y mettez de la générosité, je le vois, et je vous en remercie. Ainsi donc, vous prenez ce sac, et vous vous en allez sans être trop mécontent ?
"I go away enchanted, monseigneur."– Je m’en vais enchanté, Monseigneur.
"Farewell, then, or rather, AU REVOIR! Because I hope we see each other again.”– Adieu donc, ou plutôt à revoir, car j’espère que nous nous reverrons.
– Tant que Monseigneur voudra, et je suis bien aux ordres de Son Éminence.
– Ce sera souvent, soyez tranquille, car j’ai trouvé un charme extrême à votre conversation.
– Oh ! Monseigneur !
– Au revoir, monsieur Bonacieux, au revoir.
And the cardinal made him a sign with his hand, to which Bonacieux replied by bowing to the ground. He then went out backward, and when he was in the antechamber the cardinal heard him, in his enthusiasm, crying aloud, "Long life to the Monseigneur! Long life to his Eminence! Long life to the great cardinal!" The cardinal listened with a smile to this vociferous manifestation of the feelings of M. Bonacieux; and then, when Bonacieux's cries were no longer audible,Et le cardinal lui fit un signe de la main, auquel Bonacieux répondit en s’inclinant jusqu’à terre ; puis il sortit à reculons, et quand il fut dans l’antichambre, le cardinal l’entendit qui, dans son enthousiasme, criait à tue-tête : « Vive Monseigneur ! vive Son Éminence ! vive le grand cardinal ! » Le cardinal écouta en souriant cette brillante manifestation des sentiments enthousiastes de maître Bonacieux ; puis, quand les cris de Bonacieux se furent perdus dans l’éloignement :
"Good!" said he, "that man would henceforward lay down his life for me."« Bien, dit-il, voici désormais un homme qui se fera tuer pour moi. »
And the cardinal began to examine with the greatest attention the map of La Rochelle, which, as we have said, lay open on the desk, tracing with a pencil the line in which the famous dyke was to pass which, eighteen months later, shut up the port of the besieged city.Et le cardinal se mit à examiner avec la plus grande attention la carte de La Rochelle qui, ainsi que nous l’avons dit, était étendue sur son bureau, traçant avec un crayon la ligne où devait passer la fameuse digue qui, dix-huit mois plus tard, fermait le port de la cité assiégée.
As he was in the deepest of his strategic meditations, the door opened, and Rochefort returned.Comme il en était au plus profond de ses méditations stratégiques, la porte se rouvrit, et Rochefort rentra.
"Well?" said the cardinal, eagerly, rising with a promptitude which proved the degree of importance he attached to the commission with which he had charged the count.« Eh bien ? dit vivement le cardinal en se levant avec une promptitude qui prouvait le degré d’importance qu’il attachait à la commission dont il avait chargé le comte.
"Well," said the latter, "a young woman of about twenty-six or twenty-eight years of age, and a man of from thirty-five to forty, have indeed lodged at the two houses pointed out by your Eminence; but the woman left last night, and the man this morning."– Eh bien, dit celui-ci, une jeune femme de vingt-six à vingt-huit ans et un homme de trente-cinq à quarante ans ont logé effectivement, l’un quatre jours et l’autre cinq, dans les maisons indiquées par Votre Éminence : mais la femme est partie cette nuit, et l’homme ce matin.
"It was they!" cried the cardinal, looking at the clock; "and now it is too late to have them pursued. The duchess is at Tours, and the duke at Boulogne. It is in London they must be found."– C’étaient eux ! s’écria le cardinal, qui regardait à la pendule ; et maintenant, continua-t-il, il est trop tard pour faire courir après : la duchesse est à Tours, et le duc à Boulogne. C’est à Londres qu’il faut les rejoindre.
"What are your Eminence's orders?"– Quels sont les ordres de Votre Éminence ?
"Not a word of what has passed. Let the queen remain in perfect security; let her be ignorant that we know her secret. Let her believe that we are in search of some conspiracy or other. Send me the keeper of the seals, Seguier."– Pas un mot de ce qui s’est passé ; que la reine reste dans une sécurité parfaite ; qu’elle ignore que nous savons son secret ; qu’elle croie que nous sommes à la recherche d’une conspiration quelconque. Envoyez-moi le garde des sceaux Séguier.
"And that man, what has your Eminence done with him?"– Et cet homme, qu’en a fait Votre Éminence ?
"What man?" asked the cardinal.– Quel homme ? demanda le cardinal.
"That Bonacieux."– Ce Bonacieux ?
"I have done with him all that could be done. I have made him a spy upon his wife."– J’en ai fait tout ce qu’on pouvait en faire. J’en ai fait l’espion de sa femme. »
The Comte de Rochefort bowed like a man who acknowledges the superiority of the master as great, and retired.Le comte de Rochefort s’inclina en homme qui reconnaît la grande supériorité du maître, et se retira.
Left alone, the cardinal seated himself again and wrote a letter, which he secured with his special seal. Then he rang. The officer entered for the fourth time.Resté seul, le cardinal s’assit de nouveau, écrivit une lettre qu’il cacheta de son sceau particulier, puis il sonna. L’officier entra pour la quatrième fois.
"Tell Vitray to come to me," said he, "and tell him to get ready for a journey."« Faites-moi venir Vitray, dit-il, et dites-lui de s’apprêter pour un voyage. »
An instant after, the man he asked for was before him, booted and spurred.Un instant après, l’homme qu’il avait demandé était debout devant lui, tout botté et tout éperonné.
"Vitray," said he, "you will go with all speed to London. You must not stop an instant on the way. You will deliver this letter to Milady. Here is an order for two hundred pistoles; call upon my treasurer and get the money. You shall have as much again if you are back within six days, and have executed your commission well."« Vitray, dit-il, vous allez partir tout courant pour Londres. Vous ne vous arrêterez pas un instant en route. Vous remettrez cette lettre à Milady. Voici un bon de deux cents pistoles, passez chez mon trésorier et faites-vous payer. Il y en a autant à toucher si vous êtes ici de retour dans six jours et si vous avez bien fait ma commission. »
The messenger, without replying a single word, bowed, took the letter, with the order for the two hundred pistoles, and retired.Le messager, sans répondre un seul mot, s’inclina, prit la lettre, le bon de deux cents pistoles, et sortit.
Here is what the letter contained:Voici ce que contenait la lettre :
MILADY,« Milady,
Be at the first ball at which the Duke of Buckingham shall be present. He will wear on his doublet twelve diamond studs; get as near to him as you can, and cut off two.« Trouvez-vous au premier bal où se trouvera le duc de Buckingham. Il aura à son pourpoint douze ferrets de diamants, approchez-vous de lui et coupez-en deux.
As soon as these studs shall be in your possession, inform me. « Aussitôt que ces ferrets seront en votre possession, prévenez-moi. »
15 MEN OF THE ROBE AND MEN OF THE SWORDCHAPITRE XV GENS DE ROBE ET GENS D’ÉPÉE
On the day after these events had taken place, Athos not having reappeared, M. de Treville was informed by d'Artagnan and Porthos of the circumstance.Le lendemain du jour où ces événements étaient arrivés, Athos n’ayant point reparu, M. de Tréville avait été prévenu par d’Artagnan et par Porthos de sa disparition.
As to Aramis, he had asked for leave of absence for five days, and was gone, it was said, to Rouen on family business.Quant à Aramis, il avait demandé un congé de cinq jours, et il était à Rouen, disait-on, pour affaires de famille.
M. de Treville was the father of his soldiers. The lowest or the least known of them, as soon as he assumed the uniform of the company, was as sure of his aid and support as if he had been his own brother.M. de Tréville était le père de ses soldats. Le moindre et le plus inconnu d’entre eux, dès qu’il portait l’uniforme de la compagnie, était aussi certain de son aide et de son appui qu’aurait pu l’être son frère lui-même.
He repaired, then, instantly to the office of the LIEUTENANTCRIMINEL. The officer who commanded the post of the Red Cross was sent for, and by successive inquiries they learned that Athos was then lodged in the Fort l'Eveque.Il se rendit donc à l’instant chez le lieutenant criminel. On fit venir l’officier qui commandait le poste de la Croix-Rouge, et les renseignements successifs apprirent qu’Athos était momentanément logé au For-l’Évêque.
Athos had passed through all the examinations we have seen Bonacieux undergo.Athos avait passé par toutes les épreuves que nous avons vu Bonacieux subir.
We were present at the scene in which the two captives were confronted with each other. Athos, who had till that time said nothing for fear that d'Artagnan, interrupted in his turn, should not have the time necessary, from this moment declared that his name was Athos, and not d'Artagnan.Nous avons assisté à la scène de confrontation entre les deux captifs. Athos, qui n’avait rien dit jusque-là de peur que d’Artagnan, inquiété à son tour, n’eût point le temps qu’il lui fallait, Athos déclara, à partir de ce moment, qu’il se nommait Athos et non d’Artagnan.
He added that he did not know either M. or Mme. Bonacieux; that he had never spoken to the one or the other; that he had come, at about ten o'clock in the evening, to pay a visit to his friend M. d'Artagnan, but that till that hour he had been at M. de Treville's, where he had dined. "Twenty witnesses," added he, "could attest the fact"; and he named several distinguished gentlemen, and among them was M. le Duc de la Tremouille.Il ajouta qu’il ne connaissait ni monsieur, ni madame Bonacieux, qu’il n’avait jamais parlé ni à l’un, ni à l’autre ; qu’il était venu vers les dix heures du soir pour faire visite à M. d’Artagnan, son ami, mais que jusqu’à cette heure il était resté chez M. de Tréville, où il avait dîné ; vingt témoins, ajouta-t-il, pouvaient attester le fait, et il nomma plusieurs gentilshommes distingués, entre autres M. le duc de La Trémouille.
The second commissary was as much bewildered as the first had been by the simple and firm declaration of the Musketeer, upon whom he was anxious to take the revenge which men of the robe like at all times to gain over men of the sword; but the name of M. de Treville, and that of M. de la Tremouille, commanded a little reflection.Le second commissaire fut aussi étourdi que le premier de la déclaration simple et ferme de ce mousquetaire, sur lequel il aurait bien voulu prendre la revanche que les gens de robe aiment tant à gagner sur les gens d’épée ; mais le nom de M. de Tréville et celui de M. le duc de La Trémouille méritaient réflexion.
Athos was then sent to the cardinal; but unfortunately the cardinal was at the Louvre with the king.Athos fut aussi envoyé au cardinal, mais malheureusement le cardinal était au Louvre chez le roi.
It was precisely at this moment that M. de Treville, on leaving the residence of the LIEUTENANT-CRIMINEL and the governor of the Fort l'Eveque without being able to find Athos, arrived at the palace.C’était précisément le moment où M. de Tréville, sortant de chez le lieutenant criminel et de chez le gouverneur du For-l’Évêque, sans avoir pu trouver Athos, arriva chez Sa Majesté.
As captain of the Musketeers, M. de Treville had the right of entry at all times.Comme capitaine des mousquetaires, M. de Tréville avait à toute heure ses entrées chez le roi.
It is well known how violent the king's prejudices were against the queen, and how carefully these prejudices were kept up by the cardinal, who in affairs of intrigue mistrusted women infinitely more than men. One of the grand causes of this prejudice was the friendship of Anne of Austria for Mme. de Chevreuse. These two women gave him more uneasiness than the war with Spain, the quarrel with England, or the embarrassment of the finances. In his eyes and to his conviction, Mme. de Chevreuse not only served the queen in her political intrigues, but, what tormented him still more, in her amorous intrigues.On sait quelles étaient les préventions du roi contre la reine, préventions habilement entretenues par le cardinal, qui, en fait d’intrigues, se défiait infiniment plus des femmes que des hommes. Une des grandes causes surtout de cette prévention était l’amitié d’Anne d’Autriche pour Mme de Chevreuse. Ces deux femmes l’inquiétaient plus que les guerres avec l’Espagne, les démêlés avec l’Angleterre et l’embarras des finances. À ses yeux et dans sa conviction, Mme de Chevreuse servait la reine non seulement dans ses intrigues politiques, mais, ce qui le tourmentait bien plus encore, dans ses intrigues amoureuses.
At the first word the cardinal spoke of Mme. de Chevreuse--who, though exiled to Tours and believed to be in that city, had come to Paris, remained there five days, and outwitted the police--the king flew into a furious passion. Capricious and unfaithful, the king wished to be called Louis the Just and Louis the Chaste. Posterity will find a difficulty in understanding this character, which history explains only by facts and never by reason.Au premier mot de ce qu’avait dit M. le cardinal, que Mme de Chevreuse, exilée à Tours et qu’on croyait dans cette ville, était venue à Paris et, pendant cinq jours qu’elle y était restée, avait dépisté la police, le roi était entré dans une furieuse colère. Capricieux et infidèle, le roi voulait être appelé Louis le Juste et Louis le Chaste. La postérité comprendra difficilement ce caractère, que l’histoire n’explique que par des faits et jamais par des raisonnements.
But when the cardinal added that not only Mme. de Chevreuse had been in Paris, but still further, that the queen had renewed with her one of those mysterious correspondences which at that time was named a CABAL; when he affirmed that he, the cardinal, was about to unravel the most closely twisted thread of this intrigue; that at the moment of arresting in the very act, with all the proofs about her, the queen's emissary to the exiled duchess, a Musketeer had dared to interrupt the course of justice violently, by falling sword in hand upon the honest men of the law, charged with investigating impartially the whole affair in order to place it before the eyes of the king--Louis XIII could not contain himself, and he made a step toward the queen's apartment with that pale and mute indignation which, when it erupted, led this prince to the commission of the most pitiless cruelty.Mais lorsque le cardinal ajouta que non seulement Mme de Chevreuse était venue à Paris, mais encore que la reine avait renoué avec elle à l’aide d’une de ces correspondances mystérieuses qu’à cette époque on nommait une cabale ; lorsqu’il affirma que lui, le cardinal, allait démêler les fils les plus obscurs de cette intrigue, quand, au moment d’arrêter sur le fait, en flagrant délit, nanti de toutes les preuves, l’émissaire de la reine près de l’exilée, un mousquetaire avait osé interrompre violemment le cours de la justice en tombant, l’épée à la main, sur d’honnêtes gens de loi chargés d’examiner avec impartialité toute l’affaire pour la mettre sous les yeux du roi, – Louis XIII ne se contint plus, il fit un pas vers l’appartement de la reine avec cette pâle et muette indignation qui, lorsqu’elle éclatait, conduisait ce prince jusqu’à la plus froide cruauté.
And yet, in all this, the cardinal had not yet said a word about the Duke of Buckingham.Et cependant, dans tout cela, le cardinal n’avait pas encore dit un mot du duc de Buckingham.
At this instant M. de Treville entered, cool, polite, and in irreproachable costume.Ce fut alors que M. de Tréville entra, froid, poli et dans une tenue irréprochable.
Informed of what had passed by the presence of the cardinal and the alteration in the king's countenance, M. de Treville felt himself something like Samson before the Philistines.Averti de ce qui venait de se passer par la présence du cardinal et par l’altération de la figure du roi, M. de Tréville se sentit fort comme Samson devant les Philistins.
Louis XIII had already placed his hand on the knob of the door; at the noise of M. de Treville's entrance he turned round.Louis XIII mettait déjà la main sur le bouton de la porte ; au bruit que fit M. de Tréville en entrant, il se retourna.
"You arrive in good time, monsieur," said the king, who, when his passions were raised to a certain point, could not dissemble; "I have learned some fine things concerning your Musketeers."« Vous arrivez bien, monsieur, dit le roi, qui, lorsque ses passions étaient montées à un certain point, ne savait pas dissimuler, et j’en apprends de belles sur le compte de vos mousquetaires.
"And I," said Treville, coldly, "I have some pretty things to tell your Majesty concerning these gownsmen."– Et moi, dit froidement M. de Tréville, j’en ai de belles à apprendre à Votre Majesté sur ses gens de robe.
"What?" said the king, with hauteur.– Plaît-il ? dit le roi avec hauteur.
"I have the honor to inform your Majesty," continued M. de Treville, in the same tone, "that a party of PROCUREURS, commissaries, and men of the police--very estimable people, but very inveterate, as it appears, against the uniform--have taken upon themselves to arrest in a house, to lead away through the open street, and throw into the Fort l'Eveque, all upon an order which they have refused to show me, one of my, or rather your Musketeers, sire, of irreproachable conduct, of an almost illustrious reputation, and whom your Majesty knows favorably, Monsieur Athos."– J’ai l’honneur d’apprendre à Votre Majesté, continua M. de Tréville du même ton, qu’un parti de procureurs, de commissaires et de gens de police, gens fort estimables mais fort acharnés, à ce qu’il paraît, contre l’uniforme, s’est permis d’arrêter dans une maison, d’emmener en pleine rue et de jeter au For-l’Évêque, tout cela sur un ordre que l’on a refusé de me représenter, un de mes mousquetaires, ou plutôt des vôtres, Sire, d’une conduite irréprochable, d’une réputation presque illustre, et que Votre Majesté connaît favorablement, M. Athos.
"Athos," said the king, mechanically; "yes, certainly I know that name."– Athos, dit le roi machinalement ; oui, au fait, je connais ce nom-là.
"Let your Majesty remember," said Treville, "that Monsieur Athos is the Musketeer who, in the annoying duel which you are acquainted with, had the misfortune to wound Monsieur de Cahusac so seriously. A PROPOS, monseigneur," continued Treville. Addressing the cardinal, "Monsieur de Cahusac is quite recovered, is he not?"– Que Votre Majesté se le rappelle, dit M. de Tréville ; M. Athos est ce mousquetaire qui, dans le fâcheux duel que vous savez, a eu le malheur de blesser grièvement M. de Cahusac. – à propos, Monseigneur, continua Tréville en s’adressant au cardinal, M. de Cahusac est tout à fait rétabli, n’est-ce pas ?
"Thank you," said the cardinal, biting his lips with anger.– Merci ! dit le cardinal en se pinçant les lèvres de colère.
"Athos, then, went to pay a visit to one of his friends absent at the time," continued Treville, "to a young Bearnais, a cadet in his Majesty's Guards, the company of Monsieur Dessessart, but scarcely had he arrived at his friend's and taken up a book, while waiting his return, when a mixed crowd of bailiffs and soldiers came and laid siege to the house, broke open several doors--"– M. Athos était donc allé rendre visite à l’un de ses amis alors absent, continua M. de Tréville, à un jeune Béarnais, cadet aux gardes de Sa Majesté, compagnie des Essarts ; mais à peine venait-il de s’installer chez son ami et de prendre un livre en l’attendant, qu’une nuée de recors et de soldats mêlés ensemble vint faire le siège de la maison, enfonça plusieurs portes… »
The cardinal made the king a sign, which signified, "That was on account of the affair about which I spoke to you."Le cardinal fit au roi un signe qui signifiait : « C’est pour l’affaire dont je vous ai parlé. »
"We all know that," interrupted the king; "for all that was done for our service."« Nous savons tout cela, répliqua le roi, car tout cela s’est fait pour notre service.
"Then," said Treville, "it was also for your Majesty's service that one of my Musketeers, who was innocent, has been seized, that he has been placed between two guards like a malefactor, and that this gallant man, who has ten times shed his blood in your Majesty's service and is ready to shed it again, has been paraded through the midst of an insolent populace?"– Alors, dit Tréville, c’est aussi pour le service de Votre Majesté qu’on a saisi un de mes mousquetaires innocent, qu’on l’a placé entre deux gardes comme un malfaiteur, et qu’on a promené au milieu d’une populace insolente ce galant homme, qui a versé dix fois son sang pour le service de Votre Majesté et qui est prêt à le répandre encore.
"Bah!" said the king, who began to be shaken, "was it so managed?"– Bah ! dit le roi ébranlé, les choses se sont passées ainsi ?
"Monsieur de Treville," said the cardinal, with the greatest phlegm, "does not tell your Majesty that this innocent Musketeer, this gallant man, had only an hour before attacked, sword in hand, four commissaries of inquiry, who were delegated by myself to examine into an affair of the highest importance."– M. de Tréville ne dit pas, reprit le cardinal avec le plus grand flegme, que ce mousquetaire innocent, que ce galant homme venait, une heure auparavant, de frapper à coups d’épée quatre commissaires instructeurs délégués par moi afin d’instruire une affaire de la plus haute importance.
"I defy your Eminence to prove it," cried Treville, with his Gascon freedom and military frankness; "for one hour before, Monsieur Athos, who, I will confide it to your Majesty, is really a man of the highest quality, did me the honor after having dined with me to be conversing in the saloon of my hotel, with the Duc de la Tremouille and the Comte de Chalus, who happened to be there."– Je défie Votre Éminence de le prouver, s’écria M. de Tréville avec sa franchise toute gasconne et sa rudesse toute militaire, car, une heure auparavant M. Athos, qui, je le confierai à Votre Majesté, est un homme de la plus haute qualité, me faisait l’honneur, après avoir dîné chez moi, de causer dans le salon de mon hôtel avec M. le duc de La Trémouille et M. le comte de Châlus, qui s’y trouvaient. »
The king looked at the cardinal.Le roi regarda le cardinal.
"A written examination attests it," said the cardinal, replying aloud to the mute interrogation of his Majesty; "and the illtreated people have drawn up the following, which I have the honor to present to your Majesty."« Un procès-verbal fait foi, dit le cardinal répondant tout haut à l’interrogation muette de Sa Majesté, et les gens maltraités ont dressé le suivant, que j’ai l’honneur de présenter à Votre Majesté.
"And is the written report of the gownsmen to be placed in comparison with the word of honor of a swordsman?" replied Treville haughtily.– Procès-verbal de gens de robe vaut-il la parole d’honneur, répondit fièrement Tréville, d’homme d’épée ?
"Come, come, Treville, hold your tongue," said the king.– Allons, allons, Tréville, taisez-vous, dit le roi.
"If his Eminence entertains any suspicion against one of my Musketeers," said Treville, "the justice of Monsieur the Cardinal is so well known that I demand an inquiry."– Si Son Éminence a quelque soupçon contre un de mes mousquetaires, dit Tréville, la justice de M. le cardinal est assez connue pour que je demande moi-même une enquête.
"In the house in which the judicial inquiry was made," continued the impassive cardinal, "there lodges, I believe, a young Bearnais, a friend of the Musketeer."– Dans la maison où cette descente de justice a été faite, continua le cardinal impassible, loge, je crois, un Béarnais ami du mousquetaire.
"Your Eminence means Monsieur d'Artagnan."– Votre Éminence veut parler de M. d’Artagnan ?
"I mean a young man whom you patronize, Monsieur de Treville."– Je veux parler d’un jeune homme que vous protégez, Monsieur de Tréville.
"Yes, your Eminence, it is the same."– Oui, Votre Éminence, c’est cela même.
"Do you not suspect this young man of having given bad counsel?"– Ne soupçonnez-vous pas ce jeune homme d’avoir donné de mauvais conseils…
"To Athos, to a man double his age?" interrupted Treville. "No, monseigneur. Besides, d'Artagnan passed the evening with me."– À M. Athos, à un homme qui a le double de son âge ? interrompit M. de Tréville ; non, Monseigneur. D’ailleurs, M. d’Artagnan a passé la soirée chez moi.
"Well," said the cardinal, "everybody seems to have passed the evening with you."– Ah çà, dit le cardinal, tout le monde a donc passé la soirée chez vous ?
"Does your Eminence doubt my word?" said Treville, with a brow flushed with anger.– Son Éminence douterait-elle de ma parole ? dit Tréville, le rouge de la colère au front.
"No, God forbid," said the cardinal; "only, at what hour was he with you?"– Non, Dieu m’en garde ! dit le cardinal ; mais, seulement, à quelle heure était-il chez vous ?
"Oh, as to that I can speak positively, your Eminence; for as he came in I remarked that it was but half past nine by the clock, although I had believed it to be later."– Oh ! cela je puis le dire sciemment à Votre Éminence, car, comme il entrait, je remarquai qu’il était neuf heures et demie à la pendule, quoique j’eusse cru qu’il était plus tard.
"At what hour did he leave your hotel?"– Et à quelle heure est-il sorti de votre hôtel ?
"At half past ten--an hour after the event."– À dix heures et demie : une heure après l’événement.
"Well," replied the cardinal, who could not for an instant suspect the loyalty of Treville, and who felt that the victory was escaping him, "well, but Athos WAS taken in the house in the Rue des Fossoyeurs."– Mais, enfin, répondit le cardinal, qui ne soupçonnait pas un instant la loyauté de Tréville, et qui sentait que la victoire lui échappait, mais, enfin, Athos a été pris dans cette maison de la rue des Fossoyeurs.
"Is one friend forbidden to visit another, or a Musketeer of my company to fraternize with a Guard of Dessessart's company?"– Est-il défendu à un ami de visiter un ami ? à un mousquetaire de ma compagnie de fraterniser avec un garde de la compagnie de M. des Essarts ?
"Yes, when the house where he fraternizes is suspected."– Oui, quand la maison où il fraternise avec cet ami est suspecte.
"That house is suspected, Treville," said the king; "perhaps you did not know it?"– C’est que cette maison est suspecte, Tréville, dit le roi ; peut-être ne le saviez-vous pas ?
"Indeed, sire, I did not. The house may be suspected; but I deny that it is so in the part of it inhabited my Monsieur d'Artagnan, for I can affirm, sire, if I can believe what he says, that there does not exist a more devoted servant of your Majesty, or a more profound admirer of Monsieur the Cardinal."– En effet, Sire, je l’ignorais. En tout cas, elle peut être suspecte partout ; mais je nie qu’elle le soit dans la partie qu’habite M. d’Artagnan ; car je puis vous affirmer, Sire, que, si j’en crois ce qu’il a dit, il n’existe pas un plus dévoué serviteur de Sa Majesté, un admirateur plus profond de M. le cardinal.
"Was it not this d'Artagnan who wounded Jussac one day, in that unfortunate encounter which took place near the Convent of the Carmes-Dechausses?" asked the king, looking at the cardinal, who colored with vexation.– N’est-ce pas ce d’Artagnan qui a blessé un jour Jussac dans cette malheureuse rencontre qui a eu lieu près du couvent des Carmes-Déchaussés ? demanda le roi en regardant le cardinal, qui rougit de dépit.
"And the next day, Bernajoux. Yes, sire, yes, it is the same; and your Majesty has a good memory."– Et le lendemain, Bernajoux. Oui Sire, oui, c’est bien cela, et Votre Majesté a bonne mémoire.
"Come, how shall we decide?" said the king.– Allons, que résolvons-nous ? dit le roi.
"That concerns your Majesty more than me," said the cardinal. "I should affirm the culpability."– Cela regarde Votre Majesté plus que moi, dit le cardinal. J’affirmerais la culpabilité.
"And I deny it," said Treville. "But his Majesty has judges, and these judges will decide."– Et moi je la nie, dit Tréville. Mais Sa Majesté a des juges, et ses juges décideront.
"That is best," said the king. "Send the case before the judges; it is their business to judge, and they shall judge."– C’est cela, dit le roi, renvoyons la cause devant les juges : c’est leur affaire de juger, et ils jugeront.
"Only," replied Treville, "it is a sad thing that in the unfortunate times in which we live, the purest life, the most incontestable virtue, cannot exempt a man from infamy and persecution. The army, I will answer for it, will be but little pleased at being exposed to rigorous treatment on account of police affairs."– Seulement, reprit Tréville, il est bien triste qu’en ce temps malheureux où nous sommes, la vie la plus pure, la vertu la plus incontestable n’exemptent pas un homme de l’infamie et de la persécution. Aussi l’armée sera-t-elle peu contente, je puis en répondre, d’être en butte à des traitements rigoureux à propos d’affaires de police. »
The expression was imprudent; but M. de Treville launched it with knowledge of his cause. He was desirous of an explosion, because in that case the mine throws forth fire, and fire enlightens.Le mot était imprudent ; mais M. de Tréville l’avait lancé avec connaissance de cause. Il voulait une explosion, parce qu’en cela la mine fait du feu, et que le feu éclaire.
"Police affairs!" cried the king, taking up Treville's words, "police affairs! And what do you know about them, Monsieur? Meddle with your Musketeers, and do not annoy me in this way. It appears, according to your account, that if by mischance a Musketeer is arrested, France is in danger. What a noise about a Musketeer! I would arrest ten of them, VENTREBLEU, a hundred, even, all the company, and I would not allow a whisper."« Affaires de police ! s’écria le roi, relevant les paroles de M. de Tréville : affaires de police ! et qu’en savez-vous, monsieur ? Mêlez-vous de vos mousquetaires, et ne me rompez pas la tête. Il semble, à vous entendre, que, si par malheur on arrête un mousquetaire, la France est en danger. Eh ! que de bruit pour un mousquetaire ! j’en ferai arrêter dix, ventrebleu ! cent, même ; toute la compagnie ! et je ne veux pas que l’on souffle mot.
"From the moment they are suspected by your Majesty," said Treville, "the Musketeers are guilty; therefore, you see me prepared to surrender my sword--for after having accused my soldiers, there can be no doubt that Monsieur the Cardinal will end by accusing me. It is best to constitute myself at once a prisoner with Athos, who is already arrested, and with d'Artagnan, who most probably will be."– Du moment où ils sont suspects à Votre Majesté, dit Tréville, les mousquetaires sont coupables ; aussi, me voyez-vous, Sire, prêt à vous rendre mon épée ; car après avoir accusé mes soldats, M. le cardinal, je n’en doute pas, finira par m’accuser moi-même ; ainsi mieux vaut que je me constitue prisonnier avec M. Athos, qui est arrêté déjà, et M. d’Artagnan, qu’on va arrêter sans doute.
"Gascon-headed man, will you have done?" said the king.– Tête gasconne, en finirez-vous ? dit le roi.
"Sire," replied Treville, without lowering his voice in the least, "either order my Musketeer to be restored to me, or let him be tried."– Sire, répondit Tréville sans baisser le moindrement la voix, ordonnez qu’on me rende mon mousquetaire, ou qu’il soit jugé.
"He shall be tried," said the cardinal.– On le jugera, dit le cardinal.
"Well, so much the better; for in that case I shall demand of his Majesty permission to plead for him."– Eh bien, tant mieux ; car, dans ce cas, je demanderai à Sa Majesté la permission de plaider pour lui. »
The king feared an outbreak.Le roi craignit un éclat.
"If his Eminence," said he, "did not have personal motives--"« Si Son Éminence, dit-il, n’avait pas personnellement des motifs… »
The cardinal saw what the king was about to say and interrupted him:Le cardinal vit venir le roi, et alla au-devant de lui :
"Pardon me," said he; "but the instant your Majesty considers me a prejudiced judge, I withdraw."« Pardon, dit-il, mais du moment où Votre Majesté voit en moi un juge prévenu, je me retire.
"Come," said the king, "will you swear, by my father, that Athos was at your residence during the event and that he took no part in it?"– Voyons, dit le roi, me jurez-vous, par mon père, que M. Athos était chez vous pendant l’événement, et qu’il n’y a point pris part ?
"By your glorious father, and by yourself, whom I love and venerate above all the world, I swear it."– Par votre glorieux père et par vous-même, qui êtes ce que j’aime et ce que je vénère le plus au monde, je le jure !
"Be so kind as to reflect, sire," said the cardinal. "If we release the prisoner thus, we shall never know the truth."– Veuillez réfléchir, Sire, dit le cardinal. Si nous relâchons ainsi le prisonnier, on ne pourra plus connaître la vérité.
"Athos may always be found," replied Treville, "ready to answer, when it shall please the gownsmen to interrogate him. He will not desert, Monsieur the Cardinal, be assured of that; I will answer for him."– M. Athos sera toujours là, reprit M. de Tréville, prêt à répondre quand il plaira aux gens de robe de l’interroger. Il ne désertera pas, monsieur le cardinal ; soyez tranquille, je réponds de lui, moi.
"No, he will not desert," said the king; "he can always be found, as Treville says. Besides," added he, lowering his voice and looking with a suppliant air at the cardinal, "let us give them apparent security; that is policy."– Au fait, il ne désertera pas, dit le roi ; on le retrouvera toujours, comme dit M. de Tréville. D’ailleurs, ajouta-t-il en baissant la voix et en regardant d’un air suppliant Son Éminence, donnons-leur de la sécurité : cela est politique. »
This policy of Louis XIII made Richelieu smile.Cette politique de Louis XIII fit sourire Richelieu.
"Order it as you please, sire; you possess the right of pardon."« Ordonnez, Sire, dit-il, vous avez le droit de grâce.
"The right of pardoning only applies to the guilty," said Treville, who was determined to have the last word, "and my Musketeer is innocent. It is not mercy, then, that you are about to accord, sire, it is justice."– Le droit de grâce ne s’applique qu’aux coupables, dit Tréville, qui voulait avoir le dernier mot, et mon mousquetaire est innocent. Ce n’est donc pas grâce que vous allez faire, Sire, c’est justice.
"And he is in the Fort l'Eveque?" said the king.– Et il est au For-l’Évêque ? dit le roi.
"Yes, sire, in solitary confinement, in a dungeon, like the lowest criminal."– Oui, Sire, et au secret, dans un cachot, comme le dernier des criminels.
"The devil!" murmured the king; "what must be done?"– Diable ! diable ! murmura le roi, que faut-il faire ?
"Sign an order for his release, and all will be said," replied the cardinal. "I believe with your Majesty that Monsieur de Treville's guarantee is more than sufficient."– Signer l’ordre de mise en liberté, et tout sera dit, reprit le cardinal ; je crois, comme Votre Majesté, que la garantie de M. de Tréville est plus que suffisante. »
Treville bowed very respectfully, with a joy that was not unmixed with fear; he would have preferred an obstinate resistance on the part of the cardinal to this sudden yielding.Tréville s’inclina respectueusement avec une joie qui n’était pas sans mélange de crainte ; il eût préféré une résistance opiniâtre du cardinal à cette soudaine facilité.
The king signed the order for release, and Treville carried it away without delay.Le roi signa l’ordre d’élargissement, et Tréville l’emporta sans retard.
As he was about to leave the presence, the cardinal have him a friendly smile, and said,Au moment où il allait sortir, le cardinal lui fit un sourire amical, et dit au roi :
"A perfect harmony reigns, sire, between the leaders and the soldiers of your Musketeers, which must be profitable for the service and honorable to all."« Une bonne harmonie règne entre les chefs et les soldats, dans vos mousquetaires, Sire ; voilà qui est bien profitable au service et bien honorable pour tous. »
"He will play me some dog's trick or other, and that immediately," said Treville. "One has never the last word with such a man. But let us be quick--the king may change his mind in an hour; and at all events it is more difficult to replace a man in the Fort l'Eveque or the Bastille who has got out, than to keep a prisoner there who is in."« Il me jouera quelque mauvais tour incessamment, se disait Tréville ; on n’a jamais le dernier mot avec un pareil homme. Mais hâtons-nous, car le roi peut changer d’avis tout à l’heure ; et au bout du compte, il est plus difficile de remettre à la Bastille ou au For-l’Évêque un homme qui en est sorti, que d’y garder un prisonnier qu’on y tient. »
M. de Treville made his entrance triumphantly into the Fort l'Eveque, whence he delivered the Musketeer, whose peaceful indifference had not for a moment abandoned him.M. de Tréville fit triomphalement son entrée au For-l’Évêque, où il délivra le mousquetaire, que sa paisible indifférence n’avait pas abandonné.
The first time he saw d'Artagnan,Puis, la première fois qu’il revit d’Artagnan :
"You have come off well," said he to him; "there is your Jussac thrust paid for. There still remains that of Bernajoux, but you must not be too confident."« Vous l’échappez belle, lui dit-il ; voilà votre coup d’épée à Jussac payé. Reste bien encore celui de Bernajoux, mais il ne faudrait pas trop vous y fier. »
As to the rest, M. de Treville had good reason to mistrust the cardinal and to think that all was not over, for scarcely had the captain of the Musketeers closed the door after him, than his Eminence said to the king,Au reste, M. de Tréville avait raison de se défier du cardinal et de penser que tout n’était pas fini, car à peine le capitaine des mousquetaires eut-il fermé la porte derrière lui, que Son Éminence dit au roi :
"Now that we are at length by ourselves, we will, if your Majesty pleases, converse seriously. Sire, Buckingham has been in Paris five days, and only left this morning." « Maintenant que nous ne sommes plus que nous deux, nous allons causer sérieusement, s’il plaît à Votre Majesté. Sire, M. de Buckingham était à Paris depuis cinq jours et n’en est parti que ce matin. »
16 IN WHICH M. SEGUIER, KEEPER OF THE SEALS, LOOKS MORE THAN ONCE FOR THE BELL, IN ORDER TO RING IT, AS HE DID BEFORECHAPITRE XVI OÙ M. LE GARDE DES SCEAUX SÉGUIER CHERCHA PLUS D’UNE FOIS LA CLOCHE POUR LA SONNER, COMME IL LE FAISAIT AUTREFOIS
It is impossible to form an idea of the impression these few words made upon Louis XIII. He grew pale and red alternately; and the cardinal saw at once that he had recovered by a single blow all the ground he had lost.Il est impossible de se faire une idée de l’impression que ces quelques mots produisirent sur Louis XIII. Il rougit et pâlit successivement ; et le cardinal vit tout d’abord qu’il venait de conquérir d’un seul coup tout le terrain qu’il avait perdu.
"Buckingham in Paris!" cried he, "and why does he come?"« M. de Buckingham à Paris ! s’écria-t-il, et qu’y vient-il faire ?
"To conspire, no doubt, with your enemies, the Huguenots and the Spaniards."– Sans doute conspirer avec nos ennemis les huguenots et les Espagnols.
"No, PARDIEU, no! To conspire against my honor with Madame de Chevreuse, Madame de Longueville, and the Condes."– Non, pardieu, non ! conspirer contre mon honneur avec Mme de Chevreuse, Mme de Longueville et les Condé !
"Oh, sire, what an idea! The queen is too virtuous; and besides, loves your Majesty too well."– Oh ! Sire, quelle idée ! La reine est trop sage, et surtout aime trop Votre Majesté.
"Woman is weak, Monsieur Cardinal," said the king; "and as to loving me much, I have my own opinion as to that love."– La femme est faible, monsieur le cardinal, dit le roi ; et quant à m’aimer beaucoup, j’ai mon opinion faite sur cet amour.
"I not the less maintain," said the cardinal, "that the Duke of Buckingham came to Paris for a project wholly political."– Je n’en maintiens pas moins, dit le cardinal, que le duc de Buckingham est venu à Paris pour un projet tout politique.
"And I am sure that he came for quite another purpose, Monsieur Cardinal; but if the queen be guilty, let her tremble!"– Et moi je suis sûr qu’il est venu pour autre chose, monsieur le cardinal ; mais si la reine est coupable, qu’elle tremble !
"Indeed," said the cardinal, "whatever repugnance I may have to directing my mind to such a treason, your Majesty compels me to think of it. Madame de Lannoy, whom, according to your Majesty's command, I have frequently interrogated, told me this morning that the night before last her Majesty sat up very late, that this morning she wept much, and that she was writing all day."– Au fait, dit le cardinal, quelque répugnance que j’aie à arrêter mon esprit sur une pareille trahison, Votre Majesté m’y fait penser : Mme de Lannoy, que, d’après l’ordre de Votre Majesté, j’ai interrogée plusieurs fois, m’a dit ce matin que la nuit avant celle-ci Sa Majesté avait veillé fort tard, que ce matin elle avait beaucoup pleuré et que toute la journée elle avait écrit.
"That's it!" cried the king; "to him, no doubt. Cardinal, I must have the queen's papers."– C’est cela, dit le roi ; à lui sans doute, Cardinal, il me faut les papiers de la reine.
"But how to take them, sire? It seems to me that it is neither your Majesty nor myself who can charge himself with such a mission."– Mais comment les prendre, Sire ? Il me semble que ce n’est ni moi, ni Votre Majesté qui pouvons nous charger d’une pareille mission.
"How did they act with regard to the Marechale d'Ancre?" cried the king, in the highest state of choler; "first her closets were thoroughly searched, and then she herself."– Comment s’y est-on pris pour la maréchale d’Ancre ? s’écria le roi au plus haut degré de la colère ; on a fouillé ses armoires, et enfin on l’a fouillée elle-même.
"The Marechale d'Ancre was no more than the Marechale d'Ancre. A Florentine adventurer, sire, and that was all; while the august spouse of your Majesty is Anne of Austria, Queen of France--that is to say, one of the greatest princesses in the world."– La maréchale d’Ancre n’était que la maréchale d’Ancre, une aventurière florentine, Sire, voilà tout ; tandis que l’auguste épouse de Votre Majesté est Anne d’Autriche, reine de France, c’est-à-dire une des plus grandes princesses du monde.
"She is not the less guilty, Monsieur Duke! The more she has forgotten the high position in which she was placed, the more degrading is her fall. Besides, I long ago determined to put an end to all these petty intrigues of policy and love. She has near her a certain Laporte."– Elle n’en est que plus coupable, monsieur le duc ! Plus elle a oublié la haute position où elle était placée, plus elle est bas descendue. Il y a longtemps d’ailleurs que je suis décidé à en finir avec toutes ces petites intrigues de politique et d’amour. Elle a aussi près d’elle un certain La Porte…
"Who, I believe, is the mainspring of all this, I confess," said the cardinal.– Que je crois la cheville ouvrière de tout cela, je l’avoue, dit le cardinal.
"You think then, as I do, that she deceives me?" said the king.– Vous pensez donc, comme moi, qu’elle me trompe ? dit le roi.
"I believe, and I repeat it to your Majesty, that the queen conspires against the power of the king, but I have not said against his honor."– Je crois, et je le répète à Votre Majesté, que la reine conspire contre la puissance de son roi, mais je n’ai point dit contre son honneur.
"And I--I tell you against both. I tell you the queen does not love me; I tell you she loves another; I tell you she loves that infamous Buckingham! Why did you not have him arrested while in Paris?"– Et moi je vous dis contre tous deux ; moi je vous dis que la reine ne m’aime pas ; je vous dis qu’elle en aime un autre ; je vous dis qu’elle aime cet infâme duc de Buckingham ! Pourquoi ne l’avez-vous pas fait arrêter pendant qu’il était à Paris ?
"Arrest the Duke! Arrest the prime minister of King Charles I! Think of it, sire! What a scandal! And if the suspicions of your Majesty, which I still continue to doubt, should prove to have any foundation, what a terrible disclosure, what a fearful scandal!"– Arrêter le duc ! arrêter le premier ministre du roi Charles Ier ! Y pensez-vous, Sire ? Quel éclat ! et si alors les soupçons de Votre Majesté, ce dont je continue à douter, avaient quelque consistance, quel éclat terrible ! quel scandale désespérant !
"But as he exposed himself like a vagabond or a thief, he should have been--"– Mais puisqu’il s’exposait comme un vagabond et un larronneur, il fallait… »
Louis XIII stopped, terrified at what he was about to say, while Richelieu, stretching out his neck, waited uselessly for the word which had died on the lips of the king.Louis XIII s’arrêta lui-même, effrayé de ce qu’il allait dire, tandis que Richelieu, allongeant le cou, attendait inutilement la parole qui était restée sur les lèvres du roi.
"He should have been--?"« Il fallait ?
"Nothing," said the king, "nothing. But all the time he was in Paris, you, of course, did not lose sight of him?"– Rien, dit le roi, rien. Mais, pendant tout le temps qu’il a été à Paris, vous ne l’avez pas perdu de vue ?
"No, sire."– Non, Sire.
"Where did he lodge?"– Où logeait-il ?
"Rue de la Harpe. No. 75."– Rue de La Harpe, n° 75.
"Where is that?"– Où est-ce, cela ?
"By the side of the Luxembourg."– Du côté du Luxembourg.
"And you are certain that the queen and he did not see each other?"– Et vous êtes sûr que la reine et lui ne se sont pas vus ?
"I believe the queen to have too high a sense of her duty, sire."– Je crois la reine trop attachée à ses devoirs, Sire.
"But they have corresponded; it is to him that the queen has been writing all the day. Monsieur Duke, I must have those letters!"– Mais ils ont correspondu, c’est à lui que la reine a écrit toute la journée ; monsieur le duc, il me faut ces lettres !
"Sire, notwithstanding--"– Sire, cependant…
"Monsieur Duke, at whatever price it may be, I will have them."– Monsieur le duc, à quelque prix que ce soit, je les veux.
"I would, however, beg your Majesty to observe--"– Je ferai pourtant observer à Votre Majesté…
"Do you, then, also join in betraying me, Monsieur Cardinal, by thus always opposing my will? Are you also in accord with Spain and England, with Madame de Chevreuse and the queen?"– Me trahissez-vous donc aussi, monsieur le cardinal, pour vous opposer toujours ainsi à mes volontés ? êtes-vous aussi d’accord avec l’Espagnol et avec l’Anglais, avec Mme de Chevreuse et avec la reine ?
"Sire," replied the cardinal, sighing, "I believed myself secure from such a suspicion."– Sire, répondit en soupirant le cardinal, je croyais être à l’abri d’un pareil soupçon.
"Monsieur Cardinal, you have heard me; I will have those letters."– Monsieur le cardinal, vous m’avez entendu ; je veux ces lettres.
"There is but one way."– Il n’y aurait qu’un moyen.
"What is that?"– Lequel ?
"That would be to charge Monsieur de Seguier, the keeper of the seals, with this mission. The matter enters completely into the duties of the post."– Ce serait de charger de cette mission M. le garde des sceaux Séguier. La chose rentre complètement dans les devoirs de sa charge.
"Let him be sent for instantly."– Qu’on l’envoie chercher à l’instant même !
"He is most likely at my hotel. I requested him to call, and when I came to the Louvre I left orders if he came, to desire him to wait."– Il doit être chez moi, Sire ; je l’avais fait prier de passer, et lorsque je suis venu au Louvre, j’ai laissé l’ordre, s’il se présentait, de le faire attendre.
"Let him be sent for instantly."– Qu’on aille le chercher à l’instant même !
"Your Majesty's orders shall be executed; but--"– Les ordres de Votre Majesté seront exécutés ; mais…
"But what?"– Mais quoi ?
"But the queen will perhaps refuse to obey."– Mais la reine se refusera peut-être à obéir.
"My orders?"– À mes ordres ?
"Yes, if she is ignorant that these orders come from the king."– Oui, si elle ignore que ces ordres viennent du roi.
"Well, that she may have no doubt on that head, I will go and inform her myself."– Eh bien, pour qu’elle n’en doute pas, je vais la prévenir moi-même.
"Your Majesty will not forget that I have done everything in my power to prevent a rupture."– Votre Majesté n’oubliera pas que j’ai fait tout ce que j’ai pu pour prévenir une rupture.
"Yes, Duke, yes, I know you are very indulgent toward the queen, too indulgent, perhaps; we shall have occasion, I warn you, at some future period to speak of that."– Oui, duc, je sais que vous êtes fort indulgent pour la reine, trop indulgent peut-être ; et nous aurons, je vous en préviens, à parler plus tard de cela.
"Whenever it shall please your Majesty; but I shall be always happy and proud, sire, to sacrifice myself to the harmony which I desire to see reign between you and the Queen of France."– Quand il plaira à Votre Majesté ; mais je serai toujours heureux et fier, Sire, de me sacrifier à la bonne harmonie que je désire voir régner entre vous et la reine de France.
"Very well, Cardinal, very well; but, meantime, send for Monsieur the Keeper of the Seals. I will go to the queen."– Bien, cardinal, bien ; mais en attendant envoyez chercher M. le garde des sceaux ; moi, j’entre chez la reine.
And Louis XIII, opening the door of communication, passed into the corridor which led from his apartments to those of Anne of Austria.Et Louis XIII, ouvrant la porte de communication, s’engagea dans le corridor qui conduisait de chez lui chez Anne d’Autriche.
The queen was in the midst of her women--Mme. de Guitaut, Mme. de Sable, Mme. de Montbazon, and Mme. de Guemene. In a corner was the Spanish companion, Donna Estafania, who had followed her from Madrid. Mme. Guemene was reading aloud, and everybody was listening to her with attention with the exception of the queen, who had, on the contrary, desired this reading in order that she might be able, while feigning to listen, to pursue the thread of her own thoughts.La reine était au milieu de ses femmes, Mme de Guitaut, Mme de Sablé, Mme de Montbazon et Mme de Guéménée. Dans un coin était cette camériste espagnole doña Estefania, qui l’avait suivie de Madrid. Mme de Guéménée faisait la lecture, et tout le monde écoutait avec attention la lectrice, à l’exception de la reine, qui, au contraire, avait provoqué cette lecture afin de pouvoir, tout en feignant d’écouter, suivre le fil de ses propres pensées.
These thoughts, gilded as they were by a last reflection of love, were not the less sad. Anne of Austria, deprived of the confidence of her husband, pursued by the hatred of the cardinal, who could not pardon her for having repulsed a more tender feeling, having before her eyes the example of the queen-mother whom that hatred had tormented all her life--though Marie de Medicis, if the memoirs of the time are to be believed, had begun by according to the cardinal that sentiment which Anne of Austria always refused him--Anne of Austria had seen her most devoted servants fall around her, her most intimate confidants, her dearest favorites. Like those unfortunate persons endowed with a fatal gift, she brought misfortune upon everything she touched. Her friendship was a fatal sign which called down persecution. Mme. de Chevreuse and Mme. de Bernet were exiled, and Laporte did not conceal from his mistress that he expected to be arrested every instant.Ces pensées, toutes dorées qu’elles étaient par un dernier reflet d’amour, n’en étaient pas moins tristes. Anne d’Autriche, privée de la confiance de son mari, poursuivie par la haine du cardinal, qui ne pouvait lui pardonner d’avoir repoussé un sentiment plus doux, ayant sous les yeux l’exemple de la reine mère, que cette haine avait tourmentée toute sa vie – quoique Marie de Médicis, s’il faut en croire les mémoires du temps, eût commencé par accorder au cardinal le sentiment qu’Anne d’Autriche finit toujours par lui refuser –, Anne d’Autriche avait vu tomber autour d’elle ses serviteurs les plus dévoués, ses confidents les plus intimes, ses favoris les plus chers. Comme ces malheureux doués d’un don funeste, elle portait malheur à tout ce qu’elle touchait, son amitié était un signe fatal qui appelait la persécution. Mme de Chevreuse et Mme de Vernel étaient exilées ; enfin La Porte ne cachait pas à sa maîtresse qu’il s’attendait à être arrêté d’un instant à l’autre.
It was at the moment when she was plunged in the deepest and darkest of these reflections that the door of the chamber opened, and the king entered.C’est au moment où elle était plongée au plus profond et au plus sombre de ces réflexions, que la porte de la chambre s’ouvrit et que le roi entra.
The reader hushed herself instantly. All the ladies rose, and there was a profound silence. As to the king, he made no demonstration of politeness, only stopping before the queen.La lectrice se tut à l’instant même, toutes les dames se levèrent, et il se fit un profond silence. Quant au roi, il ne fit aucune démonstration de politesse ; seulement, s’arrêtant devant la reine :
"Madame," said he, "you are about to receive a visit from the chancellor, who will communicate certain matters to you with which I have charged him."« Madame, dit-il d’une voix altérée, vous allez recevoir la visite de M. le chancelier, qui vous communiquera certaines affaires dont je l’ai chargé. »
The unfortunate queen, who was constantly threatened with divorce, exile, and trial even, turned pale under her rouge, and could not refrain from saying,La malheureuse reine, qu’on menaçait sans cesse de divorce, d’exil et de jugement même, pâlit sous son rouge et ne put s’empêcher de dire :
"But why this visit, sire? What can the chancellor have to say to me that your Majesty could not say yourself?"« Mais pourquoi cette visite, Sire ? Que me dira M. le chancelier que Votre Majesté ne puisse me dire elle-même ? »
The king turned upon his heel without reply, and almost at the same instant the captain of the Guards, M. de Guitant, announced the visit of the chancellor.Le roi tourna sur ses talons sans répondre, et presque au même instant le capitaine des gardes, M. de Guitaut, annonça la visite de M. le chancelier.
When the chancellor appeared, the king had already gone out by another door.Lorsque le chancelier parut, le roi était déjà sorti par une autre porte.
The chancellor entered, half smiling, half blushing. As we shall probably meet with him again in the course of our history, it may be well for our readers to be made at once acquainted with him.Le chancelier entra demi-souriant, demi-rougissant. Comme nous le retrouverons probablement dans le cours de cette histoire, il n’y a pas de mal à ce que nos lecteurs fassent dès à présent connaissance avec lui.
This chancellor was a pleasant man. He was Des Roches le Masle, canon of Notre Dame, who had formerly been valet of a bishop, who introduced him to his Eminence as a perfectly devout man. The cardinal trusted him, and therein found his advantage.Ce chancelier était un plaisant homme. Ce fut Des Roches le Masle, chanoine à Notre-Dame, et qui avait été autrefois valet de chambre du cardinal, qui le proposa à Son Éminence comme un homme tout dévoué. Le cardinal s’y fia et s’en trouva bien.
There are many stories related of him, and among them this.On racontait de lui certaines histoires, entre autres celle-ci :
After a wild youth, he had retired into a convent, there to expiate, at least for some time, the follies of adolescence.Après une jeunesse orageuse, il s’était retiré dans un couvent pour y expier au moins pendant quelque temps les folies de l’adolescence.
On entering this holy place, the poor penitent was unable to shut the door so close as to prevent the passions he fled from entering with him. He was incessantly attacked by them, and the superior, to whom he had confided this misfortune, wishing as much as in him lay to free him from them, had advised him, in order to conjure away the tempting demon, to have recourse to the bell rope, and ring with all his might. At the denunciating sound, the monks would be rendered aware that temptation was besieging a brother, and all the community would go to prayers.Mais, en entrant dans ce saint lieu, le pauvre pénitent n’avait pu refermer si vite la porte, que les passions qu’il fuyait n’y entrassent avec lui. Il en était obsédé sans relâche, et le supérieur, auquel il avait confié cette disgrâce, voulant autant qu’il était en lui l’en garantir, lui avait recommandé pour conjurer le démon tentateur de recourir à la corde de la cloche et de sonner à toute volée. Au bruit dénonciateur, les moines seraient prévenus que la tentation assiégeait un frère, et toute la communauté se mettrait en prières.
This advice appeared good to the future chancellor. He conjured the evil spirit with abundance of prayers offered up by the monks. But the devil does not suffer himself to be easily dispossessed from a place in which he has fixed his garrison. In proportion as they redoubled the exorcisms he redoubled the temptations; so that day and night the bell was ringing full swing, announcing the extreme desire for mortification which the penitent experienced.Le conseil parut bon au futur chancelier. Il conjura l’esprit malin à grand renfort de prières faites par les moines ; mais le diable ne se laisse pas déposséder facilement d’une place où il a mis garnison ; à mesure qu’on redoublait les exorcismes, il redoublait les tentations, de sorte que jour et nuit la cloche sonnait à toute volée, annonçant l’extrême désir de mortification qu’éprouvait le pénitent.
The monks had no longer an instant of repose. By day they did nothing but ascend and descend the steps which led to the chapel; at night, in addition to complines and matins, they were further obliged to leap twenty times out of their beds and prostrate themselves on the floor of their cells.Les moines n’avaient plus un instant de repos. Le jour, ils ne faisaient que monter et descendre les escaliers qui conduisaient à la chapelle ; la nuit, outre complies et matines, ils étaient encore obligés de sauter vingt fois à bas de leurs lits et de se prosterner sur le carreau de leurs cellules.
It is not known whether it was the devil who gave way, or the monks who grew tired; but within three months the penitent reappeared in the world with the reputation of being the most terrible POSSESSED that ever existed.On ignore si ce fut le diable qui lâcha prise ou les moines qui se lassèrent ; mais, au bout de trois mois, le pénitent reparut dans le monde avec la réputation du plus terrible possédé qui eût jamais existé.
On leaving the convent he entered into the magistracy, became president on the place of his uncle, embraced the cardinal's party, which did not prove want of sagacity, became chancellor, served his Eminence with zeal in his hatred against the queenmother and his vengeance against Anne of Austria, stimulated the judges in the affair of Calais, encouraged the attempts of M. de Laffemas, chief gamekeeper of France; then, at length, invested with the entire confidence of the cardinal--a confidence which he had so well earned--he received the singular commission for the execution of which he presented himself in the queen's apartments.En sortant du couvent, il entra dans la magistrature, devint président à mortier à la place de son oncle, embrassa le parti du cardinal, ce qui ne prouvait pas peu de sagacité ; devint chancelier, servit Son Éminence avec zèle dans sa haine contre la reine mère et sa vengeance contre Anne d’Autriche ; stimula les juges dans l’affaire de Chalais, encouragea les essais de M. de Laffemas, grand gibecier de France ; puis enfin, investi de toute la confiance du cardinal, confiance qu’il avait si bien gagnée, il en vint à recevoir la singulière commission pour l’exécution de laquelle il se présentait chez la reine.
The queen was still standing when he entered; but scarcely had she perceived him then she reseated herself in her armchair, and made a sign to her women to resume their cushions and stools, and with an air of supreme hauteur, said,La reine était encore debout quand il entra, mais à peine l’eut-elle aperçu, qu’elle se rassit sur son fauteuil et fit signe à ses femmes de se rasseoir sur leurs coussins et leurs tabourets, et, d’un ton de suprême hauteur :
"What do you desire, monsieur, and with what object do you present yourself here?"« Que désirez-vous, monsieur, demanda Anne d’Autriche, et dans quel but vous présentez-vous ici ?
"To make, madame, in the name of the king, and without prejudice to the respect which I have the honor to owe to your Majesty a close examination into all your papers."– Pour y faire au nom du roi, madame, et sauf tout le respect que j’ai l’honneur de devoir à Votre Majesté, une perquisition exacte dans vos papiers.
"How, monsieur, an investigation of my papers--mine! Truly, this is an indignity!"– Comment, monsieur ! une perquisition dans mes papiers… à moi ! mais voilà une chose indigne !
"Be kind enough to pardon me, madame; but in this circumstance I am but the instrument which the king employs. Has not his Majesty just left you, and has he not himself asked you to prepare for this visit?"– Veuillez me le pardonner, madame, mais, dans cette circonstance, je ne suis que l’instrument dont le roi se sert. Sa Majesté ne sort-elle pas d’ici, et ne vous a-t-elle pas invitée elle-même à vous préparer à cette visite ?
"Search, then, monsieur! I am a criminal, as it appears. Estafania, give up the keys of my drawers and my desks."– Fouillez donc, monsieur ; je suis une criminelle, à ce qu’il paraît : Estefania, donnez les clefs de mes tables et de mes secrétaires. »
For form's sake the chancellor paid a visit to the pieces of furniture named; but he well knew that it was not in a piece of furniture that the queen would place the important letter she had written that day.Le chancelier fit pour la forme une visite dans les meubles, mais il savait bien que ce n’était pas dans un meuble que la reine avait dû serrer la lettre importante qu’elle avait écrite dans la journée.
When the chancellor had opened and shut twenty times the drawers of the secretaries, it became necessary, whatever hesitation he might experience--it became necessary, I say, to come to the conclusion of the affair; that is to say, to search the queen herself. The chancellor advanced, therefore, toward Anne of Austria, and said with a very perplexed and embarrassed air,Quand le chancelier eut rouvert et refermé vingt fois les tiroirs du secrétaire, il fallut bien, quelque hésitation qu’il éprouvât, il fallut bien, dis-je, en venir à la conclusion de l’affaire, c’est-à-dire à fouiller la reine elle-même. Le chancelier s’avança donc vers Anne d’Autriche, et d’un ton très perplexe et d’un air fort embarrassé :
"And now it remains for me to make the principal examination."« Et maintenant, dit-il, il me reste à faire la perquisition principale.
"What is that?" asked the queen, who did not understand, or rather was not willing to understand.– Laquelle ? demanda la reine, qui ne comprenait pas ou plutôt qui ne voulait pas comprendre.
"His majesty is certain that a letter has been written by you during the day; he knows that it has not yet been sent to its address. This letter is not in your table nor in your secretary; and yet this letter must be somewhere."– Sa Majesté est certaine qu’une lettre a été écrite par vous dans la journée ; elle sait qu’elle n’a pas encore été envoyée à son adresse. Cette lettre ne se trouve ni dans votre table, ni dans votre secrétaire, et cependant cette lettre est quelque part.
"Would you dare to lift your hand to your queen?" said Anne of Austria, drawing herself up to her full height, and fixing her eyes upon the chancellor with an expression almost threatening.– Oserez-vous porter la main sur votre reine ? dit Anne d’Autriche en se dressant de toute sa hauteur et en fixant sur le chancelier ses yeux, dont l’expression était devenue presque menaçante.
"I am a faithful subject of the king, madame, and all that his Majesty commands I shall do."– Je suis un fidèle sujet du roi, madame ; et tout ce que Sa Majesté ordonnera, je le ferai.
"Well, it is true!" said Anne of Austria; "and the spies of the cardinal have served him faithfully. I have written a letter today; that letter is not yet gone. The letter is here."– Eh bien, c’est vrai, dit Anne d’Autriche, et les espions de M. le cardinal l’ont bien servi. J’ai écrit aujourd’hui une lettre, cette lettre n’est point partie. La lettre est là. »
And the queen laid her beautiful hand on her bosom.Et la reine ramena sa belle main à son corsage.
"Then give me that letter, madame," said the chancellor.« Alors donnez-moi cette lettre, madame, dit le chancelier.
"I will give it to none but the king monsieur," said Anne.– Je ne la donnerai qu’au roi, monsieur, dit Anne.
"If the king had desired that the letter should be given to him, madame, he would have demanded it of you himself. But I repeat to you, I am charged with reclaiming it; and if you do not give it up--"– Si le roi eût voulu que cette lettre lui fût remise, madame, il vous l’eût demandée lui-même. Mais, je vous le répète, c’est moi qu’il a chargé de vous la réclamer, et si vous ne la rendiez pas…
"Well?"– Eh bien ?
"He has, then, charged me to take it from you."– C’est encore moi qu’il a chargé de vous la prendre.
"How! What do you say?"– Comment, que voulez-vous dire ?
"That my orders go far, madame; and that I am authorized to seek for the suspected paper, even on the person of your Majesty."– Que mes ordres vont loin, madame, et que je suis autorisé à chercher le papier suspect sur la personne même de Votre Majesté.
"What horror!" cried the queen.– Quelle horreur ! s’écria la reine.
"Be kind enough, then, madame, to act more compliantly."– Veuillez donc, madame, agir plus facilement.
"The conduct is infamously violent! Do you know that, monsieur?"– Cette conduite est d’une violence infâme ; savez-vous cela, monsieur ?
"The king commands it, madame; excuse me."– Le roi commande, madame, excusez-moi.
"I will not suffer it! No, no, I would rather die!" cried the queen, in whom the imperious blood of Spain and Austria began to rise.– Je ne le souffrirai pas ; non, non, plutôt mourir ! » s’écria la reine, chez laquelle se révoltait le sang impérieux de l’Espagnole et de l’Autrichienne.
The chancellor made a profound reverence. Then, with the intention quite patent of not drawing back a foot from the accomplishment of the commission with which he was charged, and as the attendant of an executioner might have done in the chamber of torture, he approached Anne of Austria, for whose eyes at the same instant sprang tears of rage.Le chancelier fit une profonde révérence, puis avec l’intention bien patente de ne pas reculer d’une semelle dans l’accomplissement de la commission dont il s’était chargé, et comme eût pu le faire un valet de bourreau dans la chambre de la question, il s’approcha d’Anne d’Autriche des yeux de laquelle on vit à l’instant même jaillir des pleurs de rage.
The queen was, as we have said, of great beauty.La reine était, comme nous l’avons dit, d’une grande beauté.
The commission might well be called delicate; and the king had reached, in his jealousy of Buckingham, the point of not being jealous of anyone else.La commission pouvait donc passer pour délicate, et le roi en était arrivé, à force de jalousie contre Buckingham, à n’être plus jaloux de personne.
Without doubt the chancellor, Seguier looked about at that moment for the rope of the famous bell; but not finding it he summoned his resolution, and stretched forth his hands toward the place where the queen had acknowledged the paper was to be found.Sans doute le chancelier Séguier chercha des yeux à ce moment le cordon de la fameuse cloche ; mais, ne le trouvant pas, il en prit son parti et tendit la main vers l’endroit où la reine avait avoué que se trouvait le papier.
Anne of Austria took one step backward, became so pale that it might be said she was dying, and leaning with her left hand upon a table behind her to keep herself from falling, she with her right hand drew the paper from her bosom and held it out to the keeper of the seals.Anne d’Autriche fit un pas en arrière, si pâle qu’on eût dit qu’elle allait mourir ; et, s’appuyant de la main gauche, pour ne pas tomber, à une table qui se trouvait derrière elle, elle tira de la droite un papier de sa poitrine et le tendit au garde des sceaux.
"There, monsieur, there is that letter!" cried the queen, with a broken and trembling voice; "take it, and deliver me from your odious presence."« Tenez, monsieur, la voilà, cette lettre, s’écria la reine d’une voix entrecoupée et frémissante, prenez-la, et me délivrez de votre odieuse présence. »
The chancellor, who, on his part, trembled with an emotion easily to be conceived, took the letter, bowed to the ground, and retired.Le chancelier, qui de son côté tremblait d’une émotion facile à concevoir, prit la lettre, salua jusqu’à terre et se retira.
The door was scarcely closed upon him, when the queen sank, half fainting, into the arms of her women.À peine la porte se fut-elle refermée sur lui, que la reine tomba à demi évanouie dans les bras de ses femmes.
The chancellor carried the letter to the king without having read a single word of it. The king took it with a trembling hand, looked for the address, which was wanting, became very pale, opened it slowly, then seeing by the first words that it was addressed to the King of Spain, he read it rapidly.Le chancelier alla porter la lettre au roi sans en avoir lu un seul mot. Le roi la prit d’une main tremblante, chercha l’adresse, qui manquait, devint très pâle, l’ouvrit lentement, puis, voyant par les premiers mots qu’elle était adressée au roi d’Espagne, il lut très rapidement.
It was nothing but a plan of attack against the cardinal. The queen pressed her brother and the Emperor of Austria to appear to be wounded, as they really were, by the policy of Richelieu--the eternal object of which was the abasement of the house of Austria--to declare war against France, and as a condition of peace, to insist upon the dismissal of the cardinal; but as to love, there was not a single word about it in all the letter.C’était tout un plan d’attaque contre le cardinal. La reine invitait son frère et l’empereur d’Autriche à faire semblant, blessés qu’ils étaient par la politique de Richelieu, dont l’éternelle préoccupation fut l’abaissement de la maison d’Autriche, de déclarer la guerre à la France et d’imposer comme condition de la paix le renvoi du cardinal : mais d’amour, il n’y en avait pas un seul mot dans toute cette lettre.
The king, quite delighted, inquired if the cardinal was still at the Louvre; he was told that his Eminence awaited the orders of his Majesty in the business cabinet.Le roi, tout joyeux, s’informa si le cardinal était encore au Louvre. On lui dit que Son Éminence attendait, dans le cabinet de travail, les ordres de Sa Majesté.
The king went straight to him.Le roi se rendit aussitôt près de lui.
"There, Duke," said he, "you were right and I was wrong. The whole intrigue is political, and there is not the least question of love in this letter; but, on the other hand, there is abundant question of you."« Tenez, duc, lui dit-il, vous aviez raison, et c’est moi qui avais tort ; toute l’intrigue est politique, et il n’était aucunement question d’amour dans cette lettre, que voici. En échange, il y est fort question de vous. »
The cardinal took the letter, and read it with the greatest attention; then, when he had arrived at the end of it, he read it a second time.Le cardinal prit la lettre et la lut avec la plus grande attention ; puis, lorsqu’il fut arrivé au bout, il la relut une seconde fois.
"Well, your Majesty," said he, "you see how far my enemies go; they menace you with two wars if you do not dismiss me. In your place, in truth, sire, I should yield to such powerful instance; and on my part, it would be a real happiness to withdraw from public affairs."« Eh bien, Votre Majesté, dit-il, vous voyez jusqu’où vont mes ennemis : on vous menace de deux guerres, si vous ne me renvoyez pas. À votre place, en vérité, Sire, je céderais à de si puissantes instances, et ce serait de mon côté avec un véritable bonheur que je me retirerais des affaires.
"What say you, Duke?"– Que dites-vous là, duc ?
"I say, sire, that my health is sinking under these excessive struggles and these never-ending labors. I say that according to all probability I shall not be able to undergo the fatigues of the siege of La Rochelle, and that it would be far better that you should appoint there either Monsieur de Conde, Monsieur de Bassopierre, or some valiant gentleman whose business is war, and not me, who am a churchman, and who am constantly turned aside for my real vocation to look after matters for which I have no aptitude. You would be the happier for it at home, sire, and I do not doubt you would be the greater for it abroad."– Je dis, Sire, que ma santé se perd dans ces luttes excessives et dans ces travaux éternels. Je dis que, selon toute probabilité, je ne pourrai pas soutenir les fatigues du siège de La Rochelle, et que mieux vaut que vous nommiez là ou M. de Condé, ou M. de Bassompierre, ou enfin quelque vaillant homme dont c’est l’état de mener la guerre, et non pas moi qui suis homme d’Église et qu’on détourne sans cesse de ma vocation pour m’appliquer à des choses auxquelles je n’ai aucune aptitude. Vous en serez plus heureux à l’intérieur, Sire, et je ne doute pas que vous n’en soyez plus grand à l’étranger.
"Monsieur Duke," said the king, "I understand you. Be satisfied, all who are named in that letter shall be punished as they deserve, even the queen herself."– Monsieur le duc, dit le roi, je comprends, soyez tranquille ; tous ceux qui sont nommés dans cette lettre seront punis comme ils le méritent, et la reine elle-même.
"What do you say, sire? God forbid that the queen should suffer the least inconvenience or uneasiness on my account! She has always believed me, sire, to be her enemy; although your Majesty can bear witness that I have always taken her part warmly, even against you. Oh, if she betrayed your Majesty on the side of your honor, it would be quite another thing, and I should be the first to say, 'No grace, sire--no grace for the guilty!' Happily, there is nothing of the kind, and your Majesty has just acquired a new proof of it."– Que dites-vous là, Sire ? Dieu me garde que, pour moi, la reine éprouve la moindre contrariété ! elle m’a toujours cru son ennemi, Sire, quoique Votre Majesté puisse attester que j’ai toujours pris chaudement son parti, même contre vous. Oh ! si elle trahissait Votre Majesté à l’endroit de son honneur, ce serait autre chose, et je serais le premier à dire : « Pas de grâce, Sire, pas de grâce pour la coupable ! » Heureusement il n’en est rien, et Votre Majesté vient d’en acquérir une nouvelle preuve.
"That is true, Monsieur Cardinal," said the king, "and you were right, as you always are; but the queen, not the less, deserves all my anger."– C’est vrai, monsieur le cardinal, dit le roi, et vous aviez raison, comme toujours ; mais la reine n’en mérite pas moins toute ma colère.
"It is you, sire, who have now incurred hers. And even if she were to be seriously offended, I could well understand it; your Majesty has treated her with a severity--"– C’est vous, Sire, qui avez encouru la sienne ; et véritablement, quand elle bouderait sérieusement Votre Majesté, je le comprendrais ; Votre Majesté l’a traitée avec une sévérité !…
"It is thus I will always treat my enemies and yours, Duke, however high they may be placed, and whatever peril I may incur in acting severely toward them."– C’est ainsi que je traiterai toujours mes ennemis et les vôtres, duc, si haut placés qu’ils soient et quelque péril que je coure à agir sévèrement avec eux.
"The queen is my enemy, but is not yours, sire; on the contrary, she is a devoted, submissive, and irreproachable wife. Allow me, then, sire, to intercede for her with your Majesty."– La reine est mon ennemie, mais n’est pas la vôtre, Sire ; au contraire, elle est épouse dévouée, soumise et irréprochable ; laissez-moi donc, Sire, intercéder pour elle près de Votre Majesté.
"Let her humble herself, then, and come to me first."– Qu’elle s’humilie alors, et qu’elle revienne à moi la première !
"On the contrary, sire, set the example. You have committed the first wrong, since it was you who suspected the queen."– Au contraire, Sire, donnez l’exemple ; vous avez eu le premier tort, puisque c’est vous qui avez soupçonné la reine.
"What! I make the first advances?" said the king. "Never!"– Moi, revenir le premier ? dit le roi ; jamais !
"Sire, I entreat you to do so."– Sire, je vous en supplie.
"Besides, in what manner can I make advances first?"– D’ailleurs, comment reviendrais-je le premier ?
"By doing a thing which you know will be agreeable to her."– En faisant une chose que vous sauriez lui être agréable.
"What is that?"– Laquelle ?
"Give a ball; you know how much the queen loves dancing. I will answer for it, her resentment will not hold out against such an attention."– Donnez un bal ; vous savez combien la reine aime la danse ; je vous réponds que sa rancune ne tiendra point à une pareille attention.
"Monsieur Cardinal, you know that I do not like worldly pleasures."– Monsieur le cardinal, vous savez que je n’aime pas tous les plaisirs mondains.
"The queen will only be the more grateful to you, as she knows your antipathy for that amusement; besides, it will be an opportunity for her to wear those beautiful diamonds which you gave her recently on her birthday and with which she has since had no occasion to adorn herself."– La reine ne vous en sera que plus reconnaissante, puisqu’elle sait votre antipathie pour ce plaisir ; d’ailleurs ce sera une occasion pour elle de mettre ces beaux ferrets de diamants que vous lui avez donnés l’autre jour à sa fête, et dont elle n’a pas encore eu le temps de se parer.
"We shall see, Monsieur Cardinal, we shall see," said the king, who, in his joy at finding the queen guilty of a crime which he cared little about, and innocent of a fault of which he had great dread, was ready to make up all differences with her, "we shall see, but upon my honor, you are too indulgent toward her."– Nous verrons, monsieur le cardinal, nous verrons, dit le roi, qui, dans sa joie de trouver la reine coupable d’un crime dont il se souciait peu, et innocente d’une faute qu’il redoutait fort, était tout prêt à se raccommoder avec elle ; nous verrons, mais, sur mon honneur, vous êtes trop indulgent.
"Sire," said the cardinal, "leave severity to your ministers. Clemency is a royal virtue; employ it, and you will find that you derive advantage therein."– Sire, dit le cardinal, laissez la sévérité aux ministres, l’indulgence est la vertu royale ; usez-en, et vous verrez que vous vous en trouverez bien. »
Thereupon the cardinal, hearing the clock strike eleven, bowed low, asking permission of the king to retire, and supplicating him to come to a good understanding with the queen.Sur quoi le cardinal, entendant la pendule sonner onze heures, s’inclina profondément, demandant congé au roi pour se retirer, et le suppliant de se raccommoder avec la reine.
Anne of Austria, who, in consequence of the seizure of her letter, expected reproaches, was much astonished the next day to see the king make some attempts at reconciliation with her. Her first movement was repellent. Her womanly pride and her queenly dignity had both been so cruelly offended that she could not come round at the first advance; but, overpersuaded by the advice of her women, she at last had the appearance of beginning to forget. The king took advantage of this favorable moment to tell her that her had the intention of shortly giving a fete.Anne d’Autriche, qui, à la suite de la saisie de sa lettre, s’attendait à quelque reproche, fut fort étonnée de voir le lendemain le roi faire près d’elle des tentatives de rapprochement. Son premier mouvement fut répulsif, son orgueil de femme et sa dignité de reine avaient été tous deux si cruellement offensés, qu’elle ne pouvait revenir ainsi du premier coup ; mais, vaincue par le conseil de ses femmes, elle eut enfin l’air de commencer à oublier. Le roi profita de ce premier moment de retour pour lui dire qu’incessamment il comptait donner une fête.
A fete was so rare a thing for poor Anne of Austria that at this announcement, as the cardinal had predicted, the last trace of her resentment disappeared, if not from her heart at least from her countenance. She asked upon what day this fete would take place, but the king replied that he must consult the cardinal upon that head.C’était une chose si rare qu’une fête pour la pauvre Anne d’Autriche, qu’à cette annonce, ainsi que l’avait pensé le cardinal, la dernière trace de ses ressentiments disparut sinon dans son cœur, du moins sur son visage. Elle demanda quel jour cette fête devait avoir lieu, mais le roi répondit qu’il fallait qu’il s’entendît sur ce point avec le cardinal.
Indeed, every day the king asked the cardinal when this fete should take place; and every day the cardinal, under some pretext, deferred fixing it. Ten days passed away thus.En effet, chaque jour le roi demandait au cardinal à quelle époque cette fête aurait lieu, et chaque jour le cardinal, sous un prétexte quelconque, différait de la fixer. Dix jours s’écoulèrent ainsi.
On the eighth day after the scene we have described, the cardinal received a letter with the London stamp which only contained these lines:Le huitième jour après la scène que nous avons racontée, le cardinal reçut une lettre, au timbre de Londres, qui contenait seulement ces quelques lignes :
"I have them; but I am unable to leave London for want of money. Send me five hundred pistoles, and four or five days after I have received them I shall be in Paris."« Je les ai ; mais je ne puis quitter Londres, attendu que je manque d’argent ; envoyez-moi cinq cents pistoles, et quatre ou cinq jours après les avoir reçues, je serai à Paris. »
On the same day the cardinal received this letter the king put his customary question to him.Le jour même où le cardinal avait reçu cette lettre, le roi lui adressa sa question habituelle.
Richelieu counted on his fingers, and said to himself,Richelieu compta sur ses doigts et se dit tout bas :
"She will arrive, she says, four or five days after having received the money. It will require four or five days for the transmission of the money, four or five days for her to return; that makes ten days. Now, allowing for contrary winds, accidents, and a woman's weakness, there are twelve days."« Elle arrivera, dit-elle, quatre ou cinq jours après avoir reçu l’argent ; il faut quatre ou cinq jours à l’argent pour aller, quatre ou cinq jours à elle pour revenir, cela fait dix jours ; maintenant faisons la part des vents contraires, des mauvais hasards, des faiblesses de femme, et mettons cela à douze jours.
"Well, Monsieur Duke," said the king, "have you made your calculations?"– Eh bien, monsieur le duc, dit le roi, vous avez calculé ?
"Yes, sire. Today is the twentieth of September. The aldermen of the city give a fete on the third of October. That will fall in wonderfully well; you will not appear to have gone out of your way to please the queen."– Oui, Sire : nous sommes aujourd’hui le 20 septembre ; les échevins de la ville donnent une fête le 3 octobre. Cela s’arrangera à merveille, car vous n’aurez pas l’air de faire un retour vers la reine. »
Then the cardinal added,Puis le cardinal ajouta :
"A PROPOS, sire, do not forget to tell her Majesty the evening before the fete that you should like to see how her diamond studs become her." « À propos, Sire, n’oubliez pas de dire à Sa Majesté, la veille de cette fête, que vous désirez voir comment lui vont ses ferrets de diamants. »
17 BONACIEUX AT HOMECHAPITRE XVII LE MÉNAGE BONACIEUX
It was the second time the cardinal had mentioned these diamond studs to the king. Louis XIII was struck with this insistence, and began to fancy that this recommendation concealed some mystery.C’était la seconde fois que le cardinal revenait sur ce point des ferrets de diamants avec le roi. Louis XIII fut donc frappé de cette insistance, et pensa que cette recommandation cachait un mystère.
More than once the king had been humiliated by the cardinal, whose police, without having yet attained the perfection of the modern police, were excellent, being better informed than himself, even upon what was going on in his own household. He hoped, then, in a conversation with Anne of Austria, to obtain some information from that conversation, and afterward to come upon his Eminence with some secret which the cardinal either knew or did not know, but which, in either case, would raise him infinitely in the eyes of his minister.Plus d’une fois le roi avait été humilié que le cardinal, dont la police, sans avoir atteint encore la perfection de la police moderne, était excellente, fût mieux instruit que lui-même de ce qui se passait dans son propre ménage. Il espéra donc, dans une conversation avec Anne d’Autriche, tirer quelque lumière de cette conversation et revenir ensuite près de Son Éminence avec quelque secret que le cardinal sût ou ne sût pas, ce qui, dans l’un ou l’autre cas, le rehaussait infiniment aux yeux de son ministre.
He went then to the queen, and according to custom accosted her with fresh menaces against those who surrounded her. Anne of Austria lowered her head, allowed the torrent to flow on without replying, hoping that it would cease of itself; but this was not what Louis XIII meant. Louis XIII wanted a discussion from which some light or other might break, convinced as he was that the cardinal had some afterthought and was scheming for him one of those terrible surprises which his Eminence was so skillful in getting up. He arrived at this end by his persistence in accusation.Il alla donc trouver la reine, et, selon son habitude, l’aborda avec de nouvelles menaces contre ceux qui l’entouraient. Anne d’Autriche baissa la tête, laissa s’écouler le torrent sans répondre et espérant qu’il finirait par s’arrêter ; mais ce n’était pas cela que voulait Louis XIII ; Louis XIII voulait une discussion de laquelle jaillît une lumière quelconque, convaincu qu’il était que le cardinal avait quelque arrière-pensée et lui machinait une surprise terrible comme en savait faire Son Éminence. Il arriva à ce but par sa persistance à accuser.
"But," cried Anne of Austria, tired of these vague attacks, "but, sire, you do not tell me all that you have in your heart. What have I done, then? Let me know what crime I have committed. It is impossible that your Majesty can make all this ado about a letter written to my brother."« Mais, s’écria Anne d’Autriche, lassée de ces vagues attaques ; mais, Sire, vous ne me dites pas tout ce que vous avez dans le cœur. Qu’ai-je donc fait ? Voyons, quel crime aide donc commis ? Il est impossible que Votre Majesté fasse tout ce bruit pour une lettre écrite à mon frère. »
The king, attacked in a manner so direct, did not know what to answer; and he thought that this was the moment for expressing the desire which he was not have made until the evening before the fete.Le roi, attaqué à son tour d’une manière si directe, ne sut que répondre ; il pensa que c’était là le moment de placer la recommandation qu’il ne devait faire que la veille de la fête.
"Madame," said he, with dignity, "there will shortly be a ball at the Hotel de Ville. I wish, in order to honor our worthy aldermen, you should appear in ceremonial costume, and above all, ornamented with the diamond studs which I gave you on your birthday. That is my answer."« Madame, dit-il avec majesté, il y aura incessamment bal à l’hôtel de ville ; j’entends que, pour faire honneur à nos braves échevins, vous y paraissiez en habit de cérémonie, et surtout parée des ferrets de diamants que je vous ai donnés pour votre fête. Voici ma réponse. »
The answer was terrible. Anne of Austria believed that Louis XIII knew all, and that the cardinal had persuaded him to employ this long dissimulation of seven or eight days, which, likewise, was characteristic. She became excessively pale, leaned her beautiful hand upon a CONSOLE, which hand appeared then like one of wax, and looking at the king with terror in her eyes, she was unable to reply by a single syllable.La réponse était terrible. Anne d’Autriche crut que Louis XIII savait tout, et que le cardinal avait obtenu de lui cette longue dissimulation de sept ou huit jours, qui était au reste dans son caractère. Elle devint excessivement pâle, appuya sur une console sa main d’une admirable beauté, et qui semblait alors une main de cire, et regardant le roi avec des yeux épouvantés, elle ne répondit pas une seule syllabe.
"You hear, madame," said the king, who enjoyed the embarrassment to its full extent, but without guessing the cause. "You hear, madame?"« Vous entendez, madame, dit le roi, qui jouissait de cet embarras dans toute son étendue, mais sans en deviner la cause, vous entendez ?
"Yes, sire, I hear," stammered the queen.– Oui, Sire, j’entends, balbutia la reine.
"You will appear at this ball?"– Vous paraîtrez à ce bal ?
"Yes."– Oui.
"With those studs?"– Avec vos ferrets ?
"Yes."– Oui. »
The queen's paleness, if possible, increased; the king perceived it, and enjoyed it with that cold cruelty which was one of the worst sides of his character.La pâleur de la reine augmenta encore, s’il était possible ; le roi s’en aperçut, et en jouit avec cette froide cruauté qui était un des mauvais côtés de son caractère.
"Then that is agreed," said the king, "and that is all I had to say to you."« Alors, c’est convenu, dit le roi, et voilà tout ce que j’avais à vous dire.
"But on what day will this ball take place?" asked Anne of Austria.– Mais quel jour ce bal aura-t-il lieu ? » demanda Anne d’Autriche.
Louis XIII felt instinctively that he ought not to reply to this question, the queen having put it in an almost dying voice.Louis XIII sentit instinctivement qu’il ne devait pas répondre à cette question, la reine l’ayant faite d’une voix presque mourante.
"Oh, very shortly, madame," said he; "but I do not precisely recollect the date of the day. I will ask the cardinal."« Mais très incessamment, madame, dit-il ; mais je ne me rappelle plus précisément la date du jour, je la demanderai au cardinal.
"It was the cardinal, then, who informed you of this fete?"– C’est donc le cardinal qui vous a annoncé cette fête ? s’écria la reine.
"Yes, madame," replied the astonished king; "but why do you ask that?"– Oui, madame, répondit le roi étonné ; mais pourquoi cela ?
"It was he who told you to invite me to appear with these studs?"– C’est lui, qui vous a dit de m’inviter à y paraître avec ces ferrets ?
"That is to say, madame--"– C’est-à-dire, madame…
"It was he, sire, it was he!"– C’est lui, Sire, c’est lui !
"Well, and what does it signify whether it was he or I? Is there any crime in this request?"– Eh bien qu’importe que ce soit lui ou moi ? y a-t-il un crime à cette invitation ?
"No, sire."– Non, Sire.
"Then you will appear?"– Alors vous paraîtrez ?
"Yes, sire."– Oui, Sire.
"That is well," said the king, retiring, "that is well; I count upon it."– C’est bien, dit le roi en se retirant, c’est bien, j’y compte. »
The queen made a curtsy, less from etiquette than because her knees were sinking under her.La reine fit une révérence, moins par étiquette que parce que ses genoux se dérobaient sous elle.
The king went away enchanted.Le roi partit enchanté.
"I am lost," murmured the queen, "lost!--for the cardinal knows all, and it is he who urges on the king, who as yet knows nothing but will soon know everything. I am lost! My God, my God, my God!"« Je suis perdue, murmura la reine, perdue, car le cardinal sait tout, et c’est lui qui pousse le roi, qui ne sait rien encore, mais qui saura tout bientôt. Je suis perdue ! Mon Dieu ! mon Dieu ! mon Dieu ! »
She knelt upon a cushion and prayed, with her head buried between her palpitating arms.Elle s’agenouilla sur un coussin et pria, la tête enfoncée entre ses bras palpitants.
In fact, her position was terrible. Buckingham had returned to London; Mme. Chevreuse was at Tours. More closely watched than ever, the queen felt certain, without knowing how to tell which, that one of her women had betrayed her. Laporte could not leave the Louvre; she had not a soul in the world in whom she could confide.En effet, la position était terrible. Buckingham était retourné à Londres, Mme de Chevreuse était à Tours. Plus surveillée que jamais, la reine sentait sourdement qu’une de ses femmes la trahissait, sans savoir dire laquelle. La Porte ne pouvait pas quitter le Louvre. Elle n’avait pas une âme au monde à qui se fier.
Thus, while contemplating the misfortune which threatened her and the abandonment in which she was left, she broke out into sobs and tears.Aussi, en présence du malheur qui la menaçait et de l’abandon qui était le sien, éclata-t-elle en sanglots.
"Can I be of service to your Majesty?" said all at once a voice full of sweetness and pity.« Ne puis-je donc être bonne à rien à Votre Majesté ? » dit tout à coup une voix pleine de douceur et de pitié.
The queen turned sharply round, for there could be no deception in the expression of that voice; it was a friend who spoke thus.La reine se retourna vivement, car il n’y avait pas à se tromper à l’expression de cette voix : c’était une amie qui parlait ainsi.
In fact, at one of the doors which opened into the queen's apartment appeared the pretty Mme. Bonacieux. She had been engaged in arranging the dresses and linen in a closet when the king entered; she could not get out and had heard all.En effet, à l’une des portes qui donnaient dans l’appartement de la reine apparut la jolie Mme Bonacieux ; elle était occupée à ranger les robes et le linge dans un cabinet, lorsque le roi était entré ; elle n’avait pas pu sortir, et avait tout entendu.
The queen uttered a piercing cry at finding herself surprised-for in her trouble she did not at first recognize the young woman who had been given to her by Laporte.La reine poussa un cri perçant en se voyant surprise, car dans son trouble elle ne reconnut pas d’abord la jeune femme qui lui avait été donnée par La Porte.
"Oh, fear nothing, madame!" said the young woman, clasping her hands and weeping herself at the queen's sorrows; "I am your Majesty's, body and soul, and however far I may be from you, however inferior may be my position, I believe I have discovered a means of extricating your Majesty from your trouble."« Oh ! ne craignez rien, madame, dit la jeune femme en joignant les mains et en pleurant elle-même des angoisses de la reine ; je suis à Votre Majesté corps et âme, et si loin que je sois d’elle, si inférieure que soit ma position, je crois que j’ai trouvé un moyen de tirer Votre Majesté de peine.
"You, oh, heaven, you!" cried the queen; "but look me in the face. I am betrayed on all sides. Can I trust in you?"– Vous ! ô Ciel ! vous ! s’écria la reine ; mais voyons regardez-moi en face. Je suis trahie de tous côtés, puis-je me fier à vous ?
"Oh, madame!" cried the young woman, falling on her knees; "upon my soul, I am ready to die for your Majesty!"– Oh ! madame ! s’écria la jeune femme en tombant à genoux : sur mon âme, je suis prête à mourir pour Votre Majesté ! »
This expression sprang from the very bottom of the heart, and, like the first, there was no mistaking it.Ce cri était sorti du plus profond du cœur, et, comme le premier, il n’y avait pas à se tromper.
"Yes," continued Mme. Bonacieux, "yes, there are traitors here; but by the holy name of the Virgin, I swear that no one is more devoted to your Majesty than I am. Those studs which the king speaks of, you gave them to the Duke of Buckingham, did you not? Those studs were enclosed in a little rosewood box which he held under his arm? Am I deceived? Is it not so, madame?"« Oui, continua Mme Bonacieux, oui, il y a des traîtres ici ; mais, par le saint nom de la Vierge, je vous jure que personne n’est plus dévoué que moi à Votre Majesté. Ces ferrets que le roi redemande, vous les avez donnés au duc de Buckingham, n’est-ce pas ? Ces ferrets étaient enfermés dans une petite boîte en bois de rose qu’il tenait sous son bras ? Est-ce que je me trompe ? Est-ce que ce n’est pas cela ?
"Oh, my God, my God!" murmured the queen, whose teeth chattered with fright.– Oh ! mon Dieu ! mon Dieu ! murmura la reine dont les dents claquaient d’effroi.
"Well, those studs," continued Mme. Bonacieux, "we must have them back again."– Eh bien, ces ferrets, continua Mme Bonacieux, il faut les ravoir.
"Yes, without doubt, it is necessary," cried the queen; "but how am I to act? How can it be effected?"– Oui, sans doute, il le faut, s’écria la reine ; mais comment faire, comment y arriver ?
"Someone must be sent to the duke."– Il faut envoyer quelqu’un au duc.
"But who, who? In whom can I trust?"– Mais qui ?… qui ?… à qui me fier ?
"Place confidence in me, madame; do me that honor, my queen, and I will find a messenger."– Ayez confiance en moi, madame ; faites-moi cet honneur, ma reine, et je trouverai le messager, moi !
"But I must write."– Mais il faudra écrire !
"Oh, yes; that is indispensable. Two words from the hand of your Majesty and your private seal."– Oh ! oui. C’est indispensable. Deux mots de la main de Votre Majesté et votre cachet particulier.
"But these two words would bring about my condemnation, divorce, exile!"– Mais ces deux mots, c’est ma condamnation. C’est le divorce, l’exil !
"Yes, if they fell into infamous hands. But I will answer for these two words being delivered to their address."– Oui, s’ils tombent entre des mains infâmes ! Mais je réponds que ces deux mots seront remis à leur adresse.
"Oh, my God! I must then place my life, my honor, my reputation, in your hands?"– Oh ! mon Dieu ! il faut donc que je remette ma vie, mon honneur, ma réputation entre vos mains !
"Yes, yes, madame, you must; and I will save them all."– Oui ! oui, madame, il le faut, et je sauverai tout cela, moi !
"But how? Tell me at least the means."– Mais comment ? dites-le-moi au moins.
"My husband had been at liberty these two or three days. I have not yet had time to see him again. He is a worthy, honest man who entertains neither love nor hatred for anybody. He will do anything I wish. He will set out upon receiving an order from me, without knowing what he carries, and he will carry your Majesty's letter, without even knowing it is from your Majesty, to the address which is on it."– Mon mari a été remis en liberté il y a deux ou trois jours ; je n’ai pas encore eu le temps de le revoir. C’est un brave et honnête homme qui n’a ni haine, ni amour pour personne. Il fera ce que je voudrai : il partira sur un ordre de moi, sans savoir ce qu’il porte, et il remettra la lettre de Votre Majesté, sans même savoir qu’elle est de Votre Majesté, à l’adresse qu’elle indiquera. »
The queen took the two hands of the young woman with a burst of emotion, gazed at her as if to read her very heart, and seeing nothing but sincerity in her beautiful eyes, embraced her tenderly.La reine prit les deux mains de la jeune femme avec un élan passionné, la regarda comme pour lire au fond de son cœur, et ne voyant que sincérité dans ses beaux yeux, elle l’embrassa tendrement.
"Do that," cried she, "and you will have saved my life, you will have saved my honor!"« Fais cela, s’écria-t-elle, et tu m’auras sauvé la vie, tu m’auras sauvé l’honneur !
"Do not exaggerate the service I have the happiness to render your Majesty. I have nothing to save for your Majesty; you are only the victim of perfidious plots."– Oh ! n’exagérez pas le service que j’ai le bonheur de vous rendre ; je n’ai rien à sauver à Votre Majesté, qui est seulement victime de perfides complots.
"That is true, that is true, my child," said the queen, "you are right."– C’est vrai, c’est vrai, mon enfant, dit la reine, et tu as raison.
"Give me then, that letter, madame; time presses."– Donnez-moi donc cette lettre, madame, le temps presse. »
The queen ran to a little table, on which were ink, paper, and pens. She wrote two lines, sealed the letter with her private seal, and gave it to Mme. Bonacieux.La reine courut à une petite table sur laquelle se trouvaient encre, papier et plumes : elle écrivit deux lignes, cacheta la lettre de son cachet et la remit à Mme Bonacieux.
"And now," said the queen, "we are forgetting one very necessary thing."« Et maintenant, dit la reine, nous oublions une chose nécessaire.
"What is that, madame?"– Laquelle ?
"Money."– L’argent. »
Mme. Bonacieux blushed.Mme Bonacieux rougit.
"Yes, that is true," said she, "and I will confess to your Majesty that my husband--"« Oui, c’est vrai, dit-elle, et j’avouerai à Votre Majesté que mon mari…
"Your husband has none. Is that what you would say?"– Ton mari n’en a pas, c’est cela que tu veux dire.
"He has some, but he is very avaricious; that is his fault. Nevertheless, let not your Majesty be uneasy, we will find means."– Si fait, il en a, mais il est fort avare, c’est là son défaut. Cependant, que Votre Majesté ne s’inquiète pas, nous trouverons moyen…
"And I have none, either," said the queen. Those who have read the MEMOIRS of Mme. de Motteville will not be astonished at this reply. "But wait a minute."– C’est que je n’en ai pas non plus, dit la reine (ceux qui liront les Mémoires de Mme de Motteville ne s’étonneront pas de cette réponse) ; mais, attends. »
Anne of Austria ran to her jewel case.Anne d’Autriche courut à son écrin.
"Here," said she, "here is a ring of great value, as I have been assured. It came from my brother, the King of Spain. It is mine, and I am at liberty to dispose of it. Take this ring; raise money with it, and let your husband set out."« Tiens, dit-elle, voici une bague d’un grand prix à ce qu’on assure ; elle vient de mon frère le roi d’Espagne, elle est à moi et j’en puis disposer. Prends cette bague et fais-en de l’argent, et que ton mari parte.
"In an hour you shall be obeyed."– Dans une heure vous serez obéie.
"You see the address," said the queen, speaking so low that Mme. Bonacieux could hardly hear what she said, "To my Lord Duke of Buckingham, London."– Tu vois l’adresse, ajouta la reine, parlant si bas qu’à peine pouvait-on entendre ce qu’elle disait : à Milord duc de Buckingham, à Londres.
"The letter shall be given to himself."– La lettre sera remise à lui-même.
"Generous girl!" cried Anne of Austria.– Généreuse enfant ! » s’écria Anne d’Autriche.
Mme. Bonacieux kissed the hands of the queen, concealed the paper in the bosom of her dress, and disappeared with the lightness of a bird.Mme Bonacieux baisa les mains de la reine, cacha le papier dans son corsage et disparut avec la légèreté d’un oiseau.
Ten minutes afterward she was at home. As she told the queen, she had not seen her husband since his liberation; she was ignorant of the change that had taken place in him with respect to the cardinal--a change which had since been strengthened by two or three visits from the Comte de Rochefort, who had become the best friend of Bonacieux, and had persuaded him, without much trouble, that the kidnapping of his wife had brought no guilty sentiment, but that it was only a political precaution.Dix minutes après, elle était chez elle ; comme elle l’avait dit à la reine, elle n’avait pas revu son mari depuis sa mise en liberté ; elle ignorait donc le changement qui s’était fait en lui à l’endroit du cardinal, changement qu’avaient opéré la flatterie et l’argent de Son Éminence et qu’avaient corroboré, depuis, deux ou trois visites du comte de Rochefort, devenu le meilleur ami de Bonacieux, auquel il avait fait croire sans beaucoup de peine qu’aucun sentiment coupable n’avait amené l’enlèvement de sa femme, mais que c’était seulement une précaution politique.
She found M. Boncieux alone; the poor man was, in great pain, putting his house in order, the furniture of which he had found mostly broken and his closets nearly empty--justice not being one of the three things which King Solomon names as leaving no traces of their passage.Elle trouva M. Bonacieux seul : le pauvre homme remettait à grand-peine de l’ordre dans la maison, dont il avait trouvé les meubles à peu près brisés et les armoires à peu près vides, la justice n’étant pas une des trois choses que le roi Salomon indique comme ne laissant point de traces de leur passage.
As to the servant, she had run away at the moment of her master's arrest. Terror had had such an effect upon the poor girl that she had never ceased walking from Paris till she reached Burgundy, her native place.Quant à la servante, elle s’était enfuie lors de l’arrestation de son maître. La terreur avait gagné la pauvre fille au point qu’elle n’avait cessé de marcher de Paris jusqu’en Bourgogne, son pays natal.
The worthy mercer had, immediately upon re-entering his house, informed his wife of his happy return, and his wife had replied by congratulating him, and telling him that the first moment she could steal from her duties should be devoted to paying him a visit.Le digne mercier avait, aussitôt sa rentrée dans sa maison, fait part à sa femme de son heureux retour, et sa femme lui avait répondu pour le féliciter et pour lui dire que le premier moment qu’elle pourrait dérober à ses devoirs serait consacré tout entier à lui rendre visite.
This first moment had been delayed five days, which, under any other circumstances, might have appeared rather long to M. Bonacieux; but he had, in the visit he had made to the cardinal and in the visits Rochefort had made him, ample subjects for reflection, and as everybody knows, nothing makes time pass more quickly than reflection.Ce premier moment s’était fait attendre cinq jours, ce qui, dans toute autre circonstance, eût paru un peu bien long à maître Bonacieux ; mais il avait, dans la visite qu’il avait faite au cardinal et dans les visites que lui faisait Rochefort, ample sujet à réflexion, et, comme on sait, rien ne fait passer le temps comme de réfléchir.
This was the more so because Bonacieux's reflections were all rose-colored. Rochefort called him his friend, his dear Bonacieux, and never ceased telling him that the cardinal had a great respect for him. The mercer fancied himself already on the high road to honors and fortune.D’autant plus que les réflexions de Bonacieux étaient toutes couleur de rose. Rochefort l’appelait son ami, son cher Bonacieux, et ne cessait de lui dire que le cardinal faisait le plus grand cas de lui. Le mercier se voyait déjà sur le chemin des honneurs et de la fortune.
On her side Mme. Bonacieux had also reflected; but, it must be admitted, upon something widely different from ambition. In spite of herself her thoughts constantly reverted to that handsome young man who was so brave and appeared to be so much in love. Married at eighteen to M. Bonacieux, having always lived among her husband's friends--people little capable of inspiring any sentiment whatever in a young woman whose heart was above her position--Mme. Bonacieux had remained insensible to vulgar seductions; but at this period the title of gentleman had great influence with the citizen class, and d'Artagnan was a gentleman. Besides, he wore the uniform of the Guards, which next to that of the Musketeers was most admired by the ladies. He was, we repeat, handsome, young, and bold; he spoke of love like a man who did love and was anxious to be loved in return. There was certainly enough in all this to turn a head only twenty-three years old, and Mme. Bonacieux had just attained that happy period of life.De son côté, Mme Bonacieux avait réfléchi, mais, il faut le dire, à tout autre chose que l’ambition ; malgré elle, ses pensées avaient eu pour mobile constant ce beau jeune homme si brave et qui paraissait si amoureux. Mariée à dix-huit ans à M. Bonacieux, ayant toujours vécu au milieu des amis de son mari, peu susceptibles d’inspirer un sentiment quelconque à une jeune femme dont le cœur était plus élevé que sa position, Mme Bonacieux était restée insensible aux séductions vulgaires ; mais, à cette époque surtout, le titre de gentilhomme avait une grande influence sur la bourgeoisie, et d’Artagnan était gentilhomme ; de plus, il portait l’uniforme des gardes, qui, après l’uniforme des mousquetaires, était le plus apprécié des dames. Il était, nous le répétons, beau, jeune, aventureux ; il parlait d’amour en homme qui aime et qui a soif d’être aimé ; il y en avait là plus qu’il n’en fallait pour tourner une tête de vingt-trois ans, et Mme Bonacieux en était arrivée juste à cet âge heureux de la vie.
The couple, then, although they had not seen each other for eight days, and during that time serious events had taken place in which both were concerned, accosted each other with a degree of preoccupation. Nevertheless, Bonacieux manifested real joy, and advanced toward his wife with open arms.Les deux époux, quoiqu’ils ne se fussent pas vus depuis plus de huit jours, et que pendant cette semaine de graves événements eussent passé entre eux, s’abordèrent donc avec une certaine préoccupation ; néanmoins, M. Bonacieux manifesta une joie réelle et s’avança vers sa femme à bras ouverts.
Madame Bonacieux presented her cheek to him.Mme Bonacieux lui présenta le front.
"Let us talk a little," said she.« Causons un peu, dit-elle.
"How!" said Bonacieux, astonished.– Comment ? dit Bonacieux étonné.
"Yes, I have something of the highest importance to tell you."– Oui, sans doute, j’ai une chose de la plus haute importance à vous dire.
"True," said he, "and I have some questions sufficiently serious to put to you. Describe to me your abduction, I pray you."– Au fait, et moi aussi, j’ai quelques questions assez sérieuses à vous adresser. Expliquez-moi un peu votre enlèvement, je vous prie.
"Oh, that's of no consequence just now," said Mme. Bonacieux.– Il ne s’agit point de cela pour le moment, dit Mme Bonacieux.
"And what does it concern, then--my captivity?"– Et de quoi s’agit-il donc ? de ma captivité ?
"I heard of it the day it happened; but as you were not guilty of any crime, as you were not guilty of any intrigue, as you, in short, knew nothing that could compromise yourself or anybody else, I attached no more importance to that event than it merited."– Je l’ai apprise le jour même ; mais comme vous n’étiez coupable d’aucun crime, comme vous n’étiez complice d’aucune intrigue, comme vous ne saviez rien enfin qui pût vous compromettre, ni vous, ni personne, je n’ai attaché à cet événement que l’importance qu’il méritait.
"You speak very much at your ease, madame," said Bonacieux, hurt at the little interest his wife showed in him. "Do you know that I was plunged during a day and night in a dungeon of the Bastille?"– Vous en parlez bien à votre aise, madame ! reprit Bonacieux blessé du peu d’intérêt que lui témoignait sa femme ; savez-vous que j’ai été plongé un jour et une nuit dans un cachot de la Bastille ?
"Oh, a day and night soon pass away. Let us return to the object that brings me here."– Un jour et une nuit sont bientôt passés ; laissons donc votre captivité, et revenons à ce qui m’amène près de vous.
"What, that which brings you home to me? Is it not the desire of seeing a husband again from whom you have been separated for a week?" asked the mercer, piqued to the quick.– Comment ? ce qui vous amène près de moi ! N’est-ce donc pas le désir de revoir un mari dont vous êtes séparée depuis huit jours ? demanda le mercier piqué au vif.
"Yes, that first, and other things afterward."– C’est cela d’abord, et autre chose ensuite.
"Speak."– Parlez !
"It is a thing of the highest interest, and upon which our future fortune perhaps depends."– Une chose du plus haut intérêt et de laquelle dépend notre fortune à venir peut-être.
"The complexion of our fortune has changed very much since I saw you, Madam Bonacieux, and I should not be astonished if in the course of a few months it were to excite the envy of many folks."– Notre fortune a fort changé de face depuis que je vous ai vue, madame Bonacieux, et je ne serais pas étonné que d’ici à quelques mois elle ne fît envie à beaucoup de gens.
"Yes, particularly if you follow the instructions I am about to give you."– Oui, surtout si vous voulez suivre les instructions que je vais vous donner.
"Me?"– À moi ?
"Yes, you. There is good and holy action to be performed, monsieur, and much money to be gained at the same time."– Oui, à vous. Il y a une bonne et sainte action à faire, monsieur, et beaucoup d’argent à gagner en même temps. »
Mme. Bonacieux knew that in talking of money to her husband, she took him on his weak side.Mme Bonacieux savait qu’en parlant d’argent à son mari, elle le prenait par son faible.
But a man, were he even a mercer, when he had talked for ten minutes with Cardinal Richelieu, is no longer the same man.Mais un homme, fût-ce un mercier, lorsqu’il a causé dix minutes avec le cardinal de Richelieu, n’est plus le même homme.
"Much money to be gained?" said Bonacieux, protruding his lip.« Beaucoup d’argent à gagner ! dit Bonacieux en allongeant les lèvres.
"Yes, much."– Oui, beaucoup.
"About how much?"– Combien, à peu près ?
"A thousand pistoles, perhaps."– Mille pistoles peut-être.
"What you demand of me is serious, then?"– Ce que vous avez à me demander est donc bien grave ?
"It is indeed."– Oui.
"What must be done?"– Que faut-il faire ?
"You must go away immediately. I will give you a paper which you must not part with on any account, and which you will deliver into the proper hands."– Vous partirez sur-le-champ, je vous remettrai un papier dont vous ne vous dessaisirez sous aucun prétexte, et que vous remettrez en main propre.
"And whither am I to go?"– Et pour où partirai-je ?
"To London."– Pour Londres.
"I go to London? Go to! You jest! I have no business in London."– Moi, pour Londres ! Allons donc, vous raillez, je n’ai pas affaire à Londres.
"But others wish that you should go there."– Mais d’autres ont besoin que vous y alliez.
"But who are those others? I warn you that I will never again work in the dark, and that I will know not only to what I expose myself, but for whom I expose myself."– Quels sont ces autres ? Je vous avertis, je ne fais plus rien en aveugle, et je veux savoir non seulement à quoi je m’expose, mais encore pour qui je m’expose.
"An illustrious persons sends you; an illustrious person awaits you. The recompense will exceed your expectations; that is all I promise you."– Une personne illustre vous envoie, une personne illustre vous attend : la récompense dépassera vos désirs, voilà tout ce que je puis vous promettre.
"More intrigues! Nothing but intrigues! Thank you, madame, I am aware of them now; Monsieur Cardinal has enlightened me on that head."– Des intrigues encore, toujours des intrigues ! merci, je m’en défie maintenant, et M. le cardinal m’a éclairé là-dessus.
"The cardinal?" cried Mme. Bonacieux. "Have you seen the cardinal?"– Le cardinal ! s’écria Mme Bonacieux, vous avez vu le cardinal ?
"He sent for me," answered the mercer, proudly.– Il m’a fait appeler, répondit fièrement le mercier.
"And you responded to his bidding, you imprudent man?"– Et vous vous êtes rendu à son invitation, imprudent que vous êtes.
"Well, I can't say I had much choice of going or not going, for I was taken to him between two guards. It is true also, that as I did not then know his Eminence, if I had been able to dispense with the visit, I should have been enchanted."– Je dois dire que je n’avais pas le choix de m’y rendre ou de ne pas m’y rendre, car j’étais entre deux gardes. Il est vrai encore de dire que, comme alors je ne connaissais pas Son Éminence, si j’avais pu me dispenser de cette visite, j’en eusse été fort enchanté.
"He ill-treated you, then; he threatened you?"– Il vous a donc maltraité ? il vous a donc fait des menaces ?
"He gave me his hand, and called me his friend. His friend! Do you hear that, madame? I am the friend of the great cardinal!"– Il m’a tendu la main et m’a appelé son ami, – son ami ! entendez-vous, madame ? – je suis l’ami du grand cardinal !
"Of the great cardinal!"– Du grand cardinal !
"Perhaps you would contest his right to that title, madame?"– Lui contesteriez-vous ce titre, par hasard, madame ?
"I would contest nothing; but I tell you that the favor of a minister is ephemeral, and that a man must be mad to attach himself to a minister. There are powers above his which do not depend upon a man or the issue of an event; it is to these powers we should rally."– Je ne lui conteste rien, mais je vous dis que la faveur d’un ministre est éphémère, et qu’il faut être fou pour s’attacher à un ministre ; il est des pouvoirs au-dessus du sien, qui ne reposent pas sur le caprice d’un homme ou l’issue d’un événement ; c’est à ces pouvoirs qu’il faut se rallier.
"I am sorry for it, madame, but I acknowledge not her power but that of the great man whom I have the honor to serve."– J’en suis fâché, madame, mais je ne connais pas d’autre pouvoir que celui du grand homme que j’ai l’honneur de servir.
"You serve the cardinal?"– Vous servez le cardinal ?
"Yes, madame; and as his servant, I will not allow you to be concerned in plots against the safety of the state, or to serve the intrigues of a woman who in not French and who has a Spanish heart. Fortunately we have the great cardinal; his vigilant eye watches over and penetrates to the bottom of the heart."– Oui, madame, et comme son serviteur je ne permettrai pas que vous vous livriez à des complots contre la sûreté de l’État, et que vous serviez, vous, les intrigues d’une femme qui n’est pas française et qui a le cœur espagnol. Heureusement, le grand cardinal est là, son regard vigilant surveille et pénètre jusqu’au fond du cœur. »
Bonacieux was repeating, word for word, a sentence which he had heard from the Comte de Rochefort; but the poor wife, who had reckoned on her husband, and who, in that hope, had answered for him to the queen, did not tremble the less, both at the danger into which she had nearly cast herself and at the helpless state to which she was reduced. Nevertheless, knowing the weakness of her husband, and more particularly his cupidity, she did not despair of bringing him round to her purpose.Bonacieux répétait mot pour mot une phrase qu’il avait entendu dire au comte de Rochefort ; mais la pauvre femme, qui avait compté sur son mari et qui, dans cet espoir, avait répondu de lui à la reine, n’en frémit pas moins, et du danger dans lequel elle avait failli se jeter, et de l’impuissance dans laquelle elle se trouvait. Cependant connaissant la faiblesse et surtout la cupidité de son mari elle ne désespérait pas de l’amener à ses fins.
"Ah, you are a cardinalist, then, monsieur, are you?" cried she; "and you serve the party of those who maltreat your wife and insult your queen?"« Ah ! vous êtes cardinaliste, monsieur, s’écria-t-elle ah ! vous servez le parti de ceux qui maltraitent votre femme et qui insultent votre reine !
"Private interests are as nothing before the interests of all. I am for those who save the state," said Bonacieux, emphatically.– Les intérêts particuliers ne sont rien devant les intérêts de tous. Je suis pour ceux qui sauvent État », dit avec emphase Bonacieux.
It was another phrase of the count of Rochefort that he had retained and that he found the occasion to put.C’était une autre phrase du comte de Rochefort, qu’il avait retenue et qu’il trouvait l’occasion de placer.
"And what do you know about the state you talk of?" said Mme. Bonacieux, shrugging her shoulders. "Be satisfied with being a plain, straightforward citizen, and turn to that side which offers the most advantages."« Et savez-vous ce que c’est que État dont vous parlez ? dit Mme Bonacieux en haussant les épaules. Contentez-vous d’être un bourgeois sans finesse aucune, et tournez-vous du côté qui vous offre le plus d’avantages.
"Eh, eh!" said Bonacieux, slapping a plump, round bag, which returned a sound a money; "what do you think of this, Madame Preacher?"– Eh ! eh ! dit Bonacieux en frappant sur un sac à la panse arrondie et qui rendit un son argentin ; que dites-vous de ceci, madame la prêcheuse ?
"Whence comes that money?"– D’où vient cet argent ?
"You do not guess?"– Vous ne devinez pas ?
"From the cardinal?"– Du cardinal ?
"From him, and from my friend the Comte de Rochefort."– De lui et de mon ami le comte de Rochefort.
"The Comte de Rochefort! Why it was he who carried me off!"– Le comte de Rochefort ! mais c’est lui qui m’a enlevée !
"That may be, madame!"– Cela se peut, madame.
"And you receive silver from that man?"– Et vous recevez de l’argent de cet homme ?
"Have you not said that that abduction was entirely political?"– Ne m’avez-vous pas dit que cet enlèvement était tout politique ?
"Yes; but that abduction had for its object the betrayal of my mistress, to draw from me by torture confessions that might compromise the honor, and perhaps the life, of my august mistress."– Oui ; mais cet enlèvement avait pour but de me faire trahir ma maîtresse, de m’arracher par des tortures des aveux qui pussent compromettre l’honneur et peut-être la vie de mon auguste maîtresse.
"Madame," replied Bonacieux, "your august mistress is a perfidious Spaniard, and what the cardinal does is well done."– Madame, reprit Bonacieux, votre auguste maîtresse est une perfide Espagnole, et ce que le cardinal fait est bien fait.
"Monsieur," said the young woman, "I know you to be cowardly, avaricious, and foolish, but I never till now believed you infamous!"– Monsieur, dit la jeune femme, je vous savais lâche, avare et imbécile, mais je ne vous savais pas infâme !
"Madame," said Bonacieux, who had never seen his wife in a passion, and who recoiled before this conjugal anger, "madame, what do you say?"– Madame, dit Bonacieux, qui n’avait jamais vu sa femme en colère, et qui reculait devant le courroux conjugal ; madame, que dites-vous donc ?
"I say you are a miserable creature!" continued Mme. Bonacieux, who saw she was regaining some little influence over her husband. "You meddle with politics, do you--and still more, with cardinalist politics? Why, you sell yourself, body and soul, to the demon, the devil, for money!"– Je dis que vous êtes un misérable ! continua Mme Bonacieux, qui vit qu’elle reprenait quelque influence sur son mari. Ah ! vous faites de la politique, vous ! et de la politique cardinaliste encore ! Ah ! vous vous vendez, corps et âme, au démon pour de l’argent.
"No, to the cardinal."– Non, mais au cardinal.
"It's the same thing," cried the young woman. "Who calls Richelieu calls Satan."– C’est la même chose ! s’écria la jeune femme. Qui dit Richelieu, dit Satan.
"Hold your tongue, hold your tongue, madame! You may be overheard."– Taisez-vous, madame, taisez-vous, on pourrait vous entendre !
"Yes, you are right; I should be ashamed for anyone to know your baseness."– Oui, vous avez raison, et je serais honteuse pour vous de votre lâcheté.
"But what do you require of me, then? Let us see."– Mais qu’exigez-vous donc de moi ? voyons !
"I have told you. You must depart instantly, monsieur. You must accomplish loyally the commission with which I deign to charge you, and on that condition I pardon everything, I forget everything; and what is more," and she geld out her hand to him, "I restore my love."– Je vous l’ai dit : que vous partiez à l’instant même, monsieur, que vous accomplissiez loyalement la commission dont je daigne vous charger, et à cette condition j’oublie tout, je pardonne, et il y a plus-elle lui tendit la main – je vous rends mon amitié. »
Bonacieux was cowardly and avaricious, but he loved his wife. He was softened. A man of fifty cannot long bear malice with a wife of twenty-three. Mme. Bonacieux saw that he hesitated.Bonacieux était poltron et avare ; mais il aimait sa femme : il fut attendri. Un homme de cinquante ans ne tient pas longtemps rancune à une femme de vingt-trois. Mme Bonacieux vit qu’il hésitait :
"Come! Have you decided?" said she.« Allons, êtes-vous décidé ? dit-elle.
"But, my dear love, reflect a little upon what you require of me. London is far from Paris, very far, and perhaps the commission with which you charge me is not without dangers?"– Mais, ma chère amie, réfléchissez donc un peu à ce que vous exigez de moi ; Londres est loin de Paris, fort loin, et peut-être la commission dont vous me chargez n’est-elle pas sans dangers.
"What matters it, if you avoid them?"– Qu’importe, si vous les évitez !
"Hold, Madame Bonacieux," said the mercer, "hold! I positively refuse; intrigues terrify me. I have seen the Bastille. My! Whew! That's a frightful place, that Bastille! Only to think of it makes my flesh crawl. They threatened me with torture. Do you know what torture is? Wooden points that they stick in between your legs till your bones stick out! No, positively I will not go. And, MORBLEU, why do you not go yourself? For in truth, I think I have hitherto been deceived in you. I really believe you are a man, and a violent one, too."– Tenez, madame Bonacieux, dit le mercier, tenez, décidément, je refuse : les intrigues me font peur. J’ai vu la Bastille, moi. Brrrrou ! c’est affreux, la Bastille ! Rien que d’y penser, j’en ai la chair de poule. On m’a menacé de la torture. Savez-vous ce que c’est que la torture ? Des coins de bois qu’on vous enfonce entre les jambes jusqu’à ce que les os éclatent ! Non, décidément, je n’irai pas. Et morbleu ! que n’y allez-vous vous-même ? car, en vérité, je crois que je me suis trompé sur votre compte jusqu’à présent : je crois que vous êtes un homme, et des plus enragés encore !
"And you, you are a woman--a miserable woman, stupid and brutal. You are afraid, are you? Well, if you do not go this very instant, I will have you arrested by the queen's orders, and I will have you placed in the Bastille which you dread so much."– Et vous, vous êtes une femme, une misérable femme, stupide et abrutie. Ah ! vous avez peur ! Eh bien, si vous ne partez pas à l’instant même, je vous fais arrêter par l’ordre de la reine, et je vous fais mettre à cette Bastille que vous craignez tant. »
Bonacieux fell into a profound reflection. He weighed the two angers in his brain--that of the cardinal and that of the queen; that of the cardinal predominated enormously.Bonacieux tomba dans une réflexion profonde, il pesa mûrement les deux colères dans son cerveau, celle du cardinal et celle de la reine : celle du cardinal l’emporta énormément.
"Have me arrested on the part of the queen," said he, "and I--I will appeal to his Eminence."« Faites-moi arrêter de la part de la reine, dit-il, et moi je me réclamerai de Son Éminence. »
At once Mme. Bonacieux saw that she had gone too far, and she was terrified at having communicated so much. She for a moment contemplated with fright that stupid countenance, impressed with the invincible resolution of a fool that is overcome by fear.Pour le coup, Mme Bonacieux vit qu’elle avait été trop loin, et elle fut épouvantée de s’être si fort avancée. Elle contempla un instant avec effroi cette figure stupide, d’une résolution invincible, comme celle des sots qui ont peur.
"Well, be it so!" said she. "Perhaps, when all is considered, you are right. In the long run, a man knows more about politics than a woman, particularly such as, like you, Monsieur Bonacieux, have conversed with the cardinal. And yet it is very hard," added she, "that a man upon whose affection I thought I might depend, treats me thus unkindly and will not comply with any of my fancies."« Eh bien, soit ! dit-elle. Peut-être, au bout du compte, avez-vous raison : un homme en sait plus long que les femmes en politique, et vous surtout, monsieur Bonacieux, qui avez causé avec le cardinal. Et cependant, il est bien dur, ajouta-t-elle, que mon mari, un homme sur l’affection duquel je croyais pouvoir compter, me traite aussi disgracieusement et ne satisfasse point à ma fantaisie.
"That is because your fancies go too far," replied the triumphant Bonacieux, "and I mistrust them."– C’est que vos fantaisies peuvent mener trop loin, reprit Bonacieux triomphant, et je m’en défie.
'Well, I will give it up, then," said the young woman, sighing. "It is well as it is; say no more about it."– J’y renoncerai donc, dit la jeune femme en soupirant ; c’est bien, n’en parlons plus.
"At least you should tell me what I should have to do in London," replied Bonacieux, who remembered a little too late that Rochefort had desired him to endeavor to obtain his wife's secrets.– Si, au moins, vous me disiez quelle chose je vais faire à Londres, reprit Bonacieux, qui se rappelait un peu tard que Rochefort lui avait recommandé d’essayer de surprendre les secrets de sa femme.
"It is of no use for you to know anything about it," said the young woman, whom an instinctive mistrust now impelled to draw back. "It was about one of those purchases that interest women-a purchase by which much might have been gained."– Il est inutile que vous le sachiez, dit la jeune femme, qu’une défiance instinctive repoussait maintenant en arrière : il s’agissait d’une bagatelle comme en désirent les femmes, d’une emplette sur laquelle il y avait beaucoup à gagner. »
But the more the young woman excused herself, the more important Bonacieux thought the secret which she declined to confide to him. He resolved then to hasten immediately to the residence of the Comte de Rochefort, and tell him that the queen was seeking for a messenger to send to London.Mais plus la jeune femme se défendait, plus au contraire Bonacieux pensa que le secret qu’elle refusait de lui confier était important. Il résolut donc de courir à l’instant même chez le comte de Rochefort, et de lui dire que la reine cherchait un messager pour l’envoyer à Londres.
"Pardon me for quitting you, my dear Madame Bonacieux," said he; "but, not knowing you would come to see me, I had made an engagement with a friend. I shall soon return; and if you will wait only a few minutes for me, as soon as I have concluded my business with that friend, as it is growing late, I will come back and reconduct you to the Louvre."« Pardon, si je vous quitte, ma chère madame Bonacieux, dit-il ; mais, ne sachant pas que vous me viendriez voir, j’avais pris rendez-vous avec un de mes amis, je reviens à l’instant même, et si vous voulez m’attendre seulement une demi-minute, aussitôt que j’en aurai fini avec cet ami, je reviens vous prendre, et, comme il commence à se faire tard, je vous reconduis au Louvre.
"Thank you, monsieur, you are not brave enough to be of any use to me whatever," replied Mme. Bonacieux. "I shall return very safely to the Louvre all alone."– Merci, monsieur, répondit Mme Bonacieux : vous n’êtes point assez brave pour m’être d’une utilité quelconque, et je m’en retournerai bien au Louvre toute seule.
"As you please, Madame Bonacieux," said the ex-mercer. "Shall I see you again soon?"– Comme il vous plaira, madame Bonacieux, reprit l’ex-mercier. Vous reverrai-je bientôt ?
"No doubt, next week I hope my duties will afford me a little liberty, and I will take advantage of it to come and put things in order here, as they must necessarily be much deranged."– Sans doute ; la semaine prochaine, je l’espère, mon service me laissera quelque liberté, et j’en profiterai pour revenir mettre de l’ordre dans nos affaires, qui doivent être quelque peu dérangées.
"Very well; I shall expect you. You are not angry with me?"– C’est bien ; je vous attendrai. Vous ne m’en voulez pas ?
"Not the least in the world."– Moi ! pas le moins du monde.
"Till then, then?"– À bientôt, alors ?
"Till then."– À bientôt. »
Bonacieux kissed his wife's hand, and set off at a quick pace.Bonacieux baisa la main de sa femme, et s’éloigna rapidement.
"Well," said Mme. Bonacieux, when her husband had shut the street door and she found herself alone; "that imbecile lacked but one thing to become a cardinalist. And I, who have answered for him to the queen--I, who have promised my poor mistress--ah, my God, my God! She will take me for one of those wretches with whom the palace swarms and who are placed about her as spies! Ah, Monsieur Bonacieux, I never did love you much, but now it is worse than ever. I hate you, and on my word you shall pay for this!"« Allons, dit Mme Bonacieux, lorsque son mari eut refermé la porte de la rue, et qu’elle se trouva seule, il ne manquait plus à cet imbécile que d’être cardinaliste ! Et moi qui avais répondu à la reine, moi qui avais promis à ma pauvre maîtresse… Ah ! mon Dieu, mon Dieu ! elle va me prendre pour quelqu’une de ces misérables dont fourmille le palais, et qu’on a placées près d’elle pour l’espionner ! Ah ! monsieur Bonacieux ! je ne vous ai jamais beaucoup aimé ; maintenant, c’est bien pis : je vous hais ! et, sur ma parole, vous me le paierez ! »
At the moment she spoke these words a rap on the ceiling made her raise her head, and a voice which reached her through the ceiling cried,Au moment où elle disait ces mots, un coup frappé au plafond lui fit lever la tête, et une voix, qui parvint à elle à travers le plancher, lui cria :
"Dear Madame Bonacieux, open for me the little door on the alley, and I will come down to you."« Chère madame Bonacieux, ouvrez-moi la petite porte de l’allée, et je vais descendre près de vous. »
18 LOVER AND HUSBANDCHAPITRE XVIII L’AMANT ET LE MARI
"Ah, Madame," said d'Artagnan, entering by the door which the young woman opened for him, "allow me to tell you that you have a bad sort of a husband."« Ah ! madame, dit d’Artagnan en entrant par la porte que lui ouvrait la jeune femme, permettez-moi de vous le dire, vous avez là un triste mari.
"You have, then, overheard our conversation?" asked Mme. Bonacieux, eagerly, and looking at d'Artagnan with disquiet.– Vous avez donc entendu notre conversation ? demanda vivement Mme Bonacieux en regardant d’Artagnan avec inquiétude.
"The whole."– Tout entière.
"But how, my God?"– Mais comment cela ? mon Dieu !
"By a mode of proceeding known to myself, and by which I likewise overheard the more animated conversation which had with the cardinal's police."– Par un procédé à moi connu, et par lequel j’ai entendu aussi la conversation plus animée que vous avez eue avec les sbires du cardinal.
"And what did you understand by what we said?"– Et qu’avez-vous compris dans ce que nous disions ?
"A thousand things. In the first place, that, unfortunately, your husband is a simpleton and a fool; in the next place, you are in trouble, of which I am very glad, as it gives me a opportunity of placing myself at your service, and God knows I am ready to throw myself into the fire for you; finally, that the queen wants a brave, intelligent, devoted man to make a journey to London for her. I have at least two of the three qualities you stand in need of, and here I am.– Mille choses : d’abord, que votre mari est un niais et un sot, heureusement ; puis, que vous étiez embarrassée, ce dont j’ai été fort aise, et que cela me donne une occasion de me mettre à votre service, et Dieu sait si je suis prêt à me jeter dans le feu pour vous ; enfin que la reine a besoin qu’un homme brave, intelligent et dévoué fasse pour elle un voyage à Londres. J’ai au moins deux des trois qualités qu’il vous faut, et me voilà. »
Mme. Bonacieux made no reply; but her heart beat with joy and secret hope shone in her eyes.Mme Bonacieux ne répondit pas, mais son cœur battait de joie, et une secrète espérance brilla à ses yeux.
"And what guarantee will you give me," asked she, "if I consent to confide this message to you?"« Et quelle garantie me donnerez-vous, demanda-t-elle, si je consens à vous confier cette mission ?
"My love for you. Speak! Command! What is to be done?"– Mon amour pour vous. Voyons, dites, ordonnez : que faut-il faire ?
"My God, my God!" murmured the young woman, "ought I to confide such a secret to you, monsieur? You are almost a boy."– Mon Dieu ! mon Dieu ! murmura la jeune femme, dois-je vous confier un pareil secret, monsieur ? Vous êtes presque un enfant !
"I see that you require someone to answer for me?"– Allons, je vois qu’il vous faut quelqu’un qui vous réponde de moi.
"I admit that would reassure me greatly."– J’avoue que cela me rassurerait fort.
"Do you know Athos?"– Connaissez-vous Athos ?
"No."– Non.
"Porthos?"– Porthos ?
"No."– Non.
"Aramis?"– Aramis ?
"No. Who are these gentleman?"– Non. Quels sont ces messieurs ?
"Three of the king's Musketeers. Do you know Monsieur de Treville, their captain?"– Des mousquetaires du roi. Connaissez-vous M. de Tréville, leur capitaine ?
"Oh, yes, him! I know him; not personally, but from having heard the queen speak of him more than once as a brave and loyal gentleman."– Oh ! oui, celui-là, je le connais, non pas personnellement, mais pour en avoir entendu plus d’une fois parler à la reine comme d’un brave et loyal gentilhomme.
"You do not fear lest he should betray you to the cardinal?"– Vous ne craignez pas que lui vous trahisse pour le cardinal, n’est-ce pas ?
"Oh, no, certainly not!"– Oh ! non, certainement.
"Well, reveal your secret to him, and ask him whether, however important, however valuable, however terrible it may be, you may not confide it to me."– Eh bien, révélez-lui votre secret, et demandez-lui, si important, si précieux, si terrible qu’il soit, si vous pouvez me le confier.
"But this secret is not mine, and I cannot reveal it in this manner."– Mais ce secret ne m’appartient pas, et je ne puis le révéler ainsi.
"You were about to confide it to Monsieur Bonacieux," said d'Artagnan, with chagrin.– Vous l’alliez bien confier à M. Bonacieux, dit d’Artagnan avec dépit.
"As one confides a letter to the hollow of a tree, to the wing of a pigeon, to the collar of a dog."– Comme on confie une lettre au creux d’un arbre, à l’aile d’un pigeon, au collier d’un chien.
"And yet, me--you see plainly that I love you."– Et cependant, moi, vous voyez bien que je vous aime.
"You say so."– Vous le dites.
"I am an honorable man."
"You say so."
"I am a gallant fellow."– Je suis un galant homme !
"I believe it."– Je le crois.
"I am brave."– Je suis brave !
"Oh, I am sure of that!"– Oh ! cela, j’en suis sûre.
"Then, put me to the proof."– Alors, mettez-moi donc à l’épreuve. »
Mme. Bonacieux looked at the young man, restrained for a minute by a last hesitation; but there was such an ardor in his eyes, such persuasion in his voice, that she felt herself constrained to confide in him. Besides, she found herself in circumstances where everything must be risked for the sake of everything. The queen might be as much injured by too much reticence as by too much confidence; and--let us admit it--the involuntary sentiment which she felt for her young protector decided her to speak.Mme Bonacieux regarda le jeune homme, retenue par une dernière hésitation. Mais il y avait une telle ardeur dans ses yeux, une telle persuasion dans sa voix, qu’elle se sentit entraînée à se fier à lui. D’ailleurs elle se trouvait dans une de ces circonstances où il faut risquer le tout pour le tout. La reine était aussi bien perdue par une trop grande retenue que par une trop grande confiance. Puis, avouons-le, le sentiment involontaire qu’elle éprouvait pour ce jeune protecteur la décida à parler.
"Listen," said she; "I yield to your protestations, I yield to your assurances. But I swear to you, before God who hears us, that if you betray me, and my enemies pardon me, I will kill myself, while accusing you of my death."« Écoutez, lui dit-elle, je me rends à vos protestations et je cède à vos assurances. Mais je vous jure devant Dieu qui nous entend, que si vous me trahissez et que mes ennemis me pardonnent, je me tuerai en vous accusant de ma mort.
"And I--I swear to you before God, madame," said d'Artagnan. "that if I am taken while accomplishing the orders you give me, I will die sooner than do anything that may compromise anyone."– Et moi, je vous jure devant Dieu, madame, dit d’Artagnan, que si je suis pris en accomplissant les ordres que vous me donnez, je mourrai avant de rien faire ou dire qui compromette quelqu’un. »
Then the young woman confided in him the terrible secret of which chance had already communicated to him a part in front of the Samaritaine. This was their mutual declaration of love.Alors la jeune femme lui confia le terrible secret dont le hasard lui avait déjà révélé une partie en face de la Samaritaine. Ce fut leur mutuelle déclaration d’amour.
D'Artagnan was radiant with joy and pride. This secret which he possessed, this woman whom he loved! Confidence and love mad him a giant.D’Artagnan rayonnait de joie et d’orgueil. Ce secret qu’il possédait, cette femme qu’il aimait, la confiance et l’amour, faisaient de lui un géant.
"I go," said he; "I go at once."« Je pars, dit-il, je pars sur-le-champ.
"How, you will go!" said Mme. Bonacieux; "and your regiment, your captain?"– Comment ! vous partez ! s’écria Mme Bonacieux, et votre régiment, votre capitaine ?
"By my soul, you had made me forget all that, dear Constance! Yes, you are right; a furlough is needful."– Sur mon âme, vous m’aviez fait oublier tout cela, chère Constance ! oui, vous avez raison, il me faut un congé.
"Still another obstacle," murmured Mme. Bonacieux, sorrowfully.– Encore un obstacle, murmura Mme Bonacieux avec douleur.
"As to that," cried d'Artagnan, after a moment of reflection, "I shall surmount it, be assured."– Oh ! celui-là, s’écria d’Artagnan après un moment de réflexion, je le surmonterai, soyez tranquille.
"How so?"– Comment cela ?
"I will go this very evening to Treville, whom I will request to ask this favor for me of his brother-in-law, Monsieur Dessessart."– J’irai trouver ce soir même M. de Tréville, que je chargerai de demander pour moi cette faveur à son beau-frère, M. des Essarts.
"But another thing."– Maintenant, autre chose.
"What?" asked d'Artagnan, seeing that Mme. Bonacieux hesitated to continue.– Quoi ? demanda d’Artagnan, voyant que Mme Bonacieux hésitait à continuer.
"You have, perhaps, no money?"– Vous n’avez peut-être pas d’argent ?
"PERHAPS is too much," said d'Artagnan, smiling.– Peut-être est de trop, dit d’Artagnan en souriant.
"Then," replied Mme. Bonacieux, opening a cupboard and taking from it the very bag which a half hour before her husband had caressed so affectionately, "take this bag."– Alors, reprit Mme Bonacieux en ouvrant une armoire et en tirant de cette armoire le sac qu’une demi-heure auparavant caressait si amoureusement son mari, prenez ce sac.
"The cardinal's?" cried d'Artagnan, breaking into a loud laugh, he having heard, as may be remembered, thanks to the broken boards, every syllable of the conversation between the mercer and his wife.– Celui du cardinal ! s’écria en éclatant de rire d’Artagnan qui, comme on s’en souvient, grâce à ses carreaux enlevés, n’avait pas perdu une syllabe de la conversation du mercier et de sa femme.
"The cardinal's," replied Mme. Bonacieux. "You see it makes a very respectable appearance."– Celui du cardinal, répondit Mme Bonacieux ; vous voyez qu’il se présente sous un aspect assez respectable.
"PARDIEU," cried d'Artagnan, "it will be a double amusing affair to save the queen with the cardinal's money!"– Pardieu ! s’écria d’Artagnan, ce sera une chose doublement divertissante que de sauver la reine avec l’argent de Son Éminence !
"You are an amiable and charming young man," said Mme. Bonacieux."Be assured you will not find her Majesty ungrateful."– Vous êtes un aimable et charmant jeune homme, dit Mme Bonacieux. Croyez que Sa Majesté ne sera point ingrate.
"Oh, I am already grandly recompensed!" cried d'Artagnan. "I love you; you permit me to tell you that I do--that is already more happiness than I dared to hope."– Oh ! je suis déjà grandement récompensé ! s’écria d’Artagnan. Je vous aime, vous me permettez de vous le dire ; c’est déjà plus de bonheur que je n’en osais espérer.
"Silence!" said Mme. Bonacieux, starting.– Silence ! dit Mme Bonacieux en tressaillant.
"What!"– Quoi ?
"Someone is talking in the street."– On parle dans la rue.
"It is the voice of--"– C’est la voix…
"Of my husband! Yes, I recognize it!"– De mon mari. Oui, je l’ai reconnue ! »
D'Artagnan ran to the door and pushed the bolt.D’Artagnan courut à la porte et poussa le verrou.
"He shall not come in before I am gone," said he; "and when I am gone, you can open to him."« Il n’entrera pas que je ne sois parti, dit-il, et quand je serai parti, vous lui ouvrirez.
"But I ought to be gone, too. And the disappearance of his money; how am I to justify it if I am here?"– Mais je devrais être partie aussi, moi. Et la disparition de cet argent, comment la justifier si je suis là ?
"You are right; we must go out."– Vous avez raison, il faut sortir.
"Go out? How? He will see us if we go out."– Sortir, comment ? On nous verra si nous sortons.
"Then you must come up into my room."– Alors il faut monter chez moi.
"Ah," said Mme. Bonacieux, "you speak that in a tone that frightens me!"– Ah ! s’écria Mme Bonacieux, vous me dites cela d’un ton qui me fait peur. »
Mme. Bonacieux pronounced these words with tears in her eyes. d'Artagnan saw those tears, and much disturbed, softened, he threw himself at her feet.Mme Bonacieux prononça ces paroles avec une larme dans les yeux. D’Artagnan vit cette larme, et, troublé, attendri, il se jeta à ses genoux.
"With me you will be as safe as in a temple; I give you my word of a gentleman."« Chez moi, dit-il, vous serez en sûreté comme dans un temple, je vous en donne ma parole de gentilhomme.
"Let us go," said she, "I place full confidence in you, my friend!"– Partons, dit-elle, je me fie à vous, mon ami. »
D'Artagnan drew back the bolt with precaution, and both, light as shadows, glided through the interior door into the passage, ascended the stairs as quietly as possible, and entered d'Artagnan's chambers.D’Artagnan rouvrit avec précaution le verrou, et tous deux, légers comme des ombres, se glissèrent par la porte intérieure dans l’allée, montèrent sans bruit l’escalier et rentrèrent dans la chambre de d’Artagnan.
Once there, for greater security, the young man barricaded the door. They both approached the window, and through a slit in the shutter they saw Bonacieux talking with a man in a cloak.Une fois chez lui, pour plus de sûreté, le jeune homme barricada la porte ; ils s’approchèrent tous deux de la fenêtre, et par une fente du volet ils virent M. Bonacieux qui causait avec un homme en manteau.
At sight of this man, d'Artagnan started, and half drawing his sword, sprang toward the door.À la vue de l’homme en manteau, d’Artagnan bondit, et, tirant son épée à demi, s’élança vers la porte.
It was the man of Meung.C’était l’homme de Meung.
"What are you going to do?" cried Mme. Bonacieux; "you will ruin us all!"« Qu’allez-vous faire ? s’écria Mme Bonacieux ; vous nous perdez.
"But I have sworn to kill that man!" said d'Artagnan.– Mais j’ai juré de tuer cet homme ! dit d’Artagnan.
"Your life is devoted from this moment, and does not belong to you. In the name of the queen I forbid you to throw yourself into any peril which is foreign to that of your journey."– Votre vie est vouée en ce moment et ne vous appartient pas. Au nom de la reine, je vous défends de vous jeter dans aucun péril étranger à celui du voyage.
"And do you command nothing in your own name?"– Et en votre nom, n’ordonnez-vous rien ?
"In my name," said Mme. Bonacieux, with great emotion, "in my name I beg you! But listen; they appear to be speaking of me."– En mon nom, dit Mme Bonacieux avec une vive émotion ; en mon nom, je vous en prie. Mais écoutons, il me semble qu’ils parlent de moi. »
D'Artagnan drew near the window, and lent his ear.D’Artagnan se rapprocha de la fenêtre et prêta l’oreille.
M. Bonacieux had opened his door, and seeing the apartment, had returned to the man in the cloak, whom he had left alone for an instant.M. Bonacieux avait rouvert sa porte, et voyant l’appartement vide, il était revenu à l’homme au manteau qu’un instant il avait laissé seul.
"She is gone," said he; "she must have returned to the Louvre."« Elle est partie, dit-il, elle sera retournée au Louvre.
"You are sure," replied the stranger, "that she did not suspect the intentions with which you went out?"– Vous êtes sûr, répondit l’étranger, qu’elle ne s’est pas doutée dans quelles intentions vous êtes sorti ?
"No," replied Bonacieux, with a self-sufficient air, "she is too superficial a woman."– Non, répondit Bonacieux avec suffisance ; c’est une femme trop superficielle.
"Is the young Guardsman at home?"– Le cadet aux gardes est-il chez lui ?
"I do not think he is; as you see, his shutter is closed, and you can see no light shine through the chinks of the shutters."– Je ne le crois pas ; comme vous le voyez, son volet est fermé, et l’on ne voit aucune lumière briller à travers les fentes.
"All the same, it is well to be certain."– C’est égal, il faudrait s’en assurer.
"How so?"– Comment cela ?
"By knocking at his door.– En allant frapper à sa porte.
"I will ask his servant."– Je demanderai à son valet.
“Go."– Allez. »
Bonacieux re-entered the house, passed through the same door that had afforded a passage for the two fugitives, went up to d'Artagnan's door, and knocked.Bonacieux rentra chez lui, passa par la même porte qui venait de donner passage aux deux fugitifs, monta jusqu’au palier de d’Artagnan et frappa.
No one answered. Porthos, in order to make a greater display, had that evening borrowed Planchet. As to d'Artagnan, he took care not to give the least sign of existence.Personne ne répondit. Porthos, pour faire plus grande figure, avait emprunté ce soir-là Planchet. Quant à d’Artagnan, il n’avait garde de donner signe d’existence.
The moment the hand of Bonacieux sounded on the door, the two young people felt their hearts bound within them.Au moment où le doigt de Bonacieux résonna sur la porte, les deux jeunes gens sentirent bondir leurs cœurs.
"There is nobody within," said Bonacieux.« Il n’y a personne chez lui, dit Bonacieux.
"Never mind. Let us return to your apartment. We shall be safer there than in the doorway."– N’importe, rentrons toujours chez vous, nous serons plus en sûreté que sur le seuil d’une porte.
"Ah, my God!" whispered Mme. Bonacieux, "we shall hear no more."– Ah ! mon Dieu ! murmura Mme Bonacieux, nous n’allons plus rien entendre.
"On the contrary," said d'Artagnan, "we shall hear better."– Au contraire, dit d’Artagnan, nous n’entendrons que mieux. »
D'Artagnan raised the three or four boards which made his chamber another ear of Dionysius, spread a carpet on the floor, went upon his knees, and made a sign to Mme. Bonacieux to stoop as he did toward the opening.D’Artagnan enleva les trois ou quatre carreaux qui faisaient de sa chambre une autre oreille de Denys, étendit un tapis à terre, se mit à genoux, et fit signe à Mme Bonacieux de se pencher, comme il le faisait vers l’ouverture.
"You are sure there is nobody there?" said the stranger.« Vous êtes sûr qu’il n’y a personne ? dit l’inconnu.
"I will answer for it," said Bonacieux.– J’en réponds, dit Bonacieux.
"And you think that your wife--"– Et vous pensez que votre femme ?…
"Has returned to the Louvre."– Est retournée au Louvre.
"Without speaking to anyone but yourself?"– Sans parler à aucune personne qu’à vous ?
"I am sure of it."– J’en suis sûr.
"That is an important point, do you understand?"– C’est un point important, comprenez-vous ?
"Then the news I brought you is of value?"– Ainsi, la nouvelle que je vous ai apportée a donc une valeur…?
"The greatest, my dear Bonacieux; I don't conceal this from you."– Très grande, mon cher Bonacieux, je ne vous le cache pas.
"Then the cardinal will be pleased with me?"– Alors le cardinal sera content de moi ?
"I have no doubt of it."– Je n’en doute pas.
"The great cardinal!"– Le grand cardinal !
"Are you sure, in her conversation with you, that your wife mentioned no names?"– Vous êtes sûr que, dans sa conversation avec vous, votre femme n’a pas prononcé de noms propres ?
"I think not."– Je ne crois pas.
"She did not name Madame de Chevreuse, the Duke of Buckingham, or Madame de Vernet?"– Elle n’a nommé ni Mme de Chevreuse, ni M. de Buckingham, ni Mme de Vernet ?
"No; she only told me she wished to send me to London to serve the interests of an illustrious personage."– Non, elle m’a dit seulement qu’elle voulait m’envoyer à Londres pour servir les intérêts d’une personne illustre. »
"The traitor!" murmured Mme. Bonacieux.« Le traître ! murmura Mme Bonacieux.
"Silence!" said d'Artagnan, taking her hand, which, without thinking of it, she abandoned to him.– Silence ! » dit d’Artagnan en lui prenant une main qu’elle lui abandonna sans y penser.
"Never mind," continued the man in the cloak; "you were a fool not to have pretended to accept the mission. You would then be in present possession of the letter. The state, which is now threatened, would be safe, and you--"« N’importe, continua l’homme au manteau, vous êtes un niais de n’avoir pas feint d’accepter la commission, vous auriez la lettre à présent ; État qu’on menace était sauvé, et vous…
"And I?"– Et moi ?
"Well you--the cardinal would have given you letters of nobility."– Eh bien, vous ! le cardinal vous donnait des lettres de noblesse…
"Did he tell you so?"– Il vous l’a dit ?
"Yes, I know that he meant to afford you that agreeable surprise."– Oui, je sais qu’il voulait vous faire cette surprise.
"Be satisfied," replied Bonacieux; "my wife adores me, and there is yet time."– Soyez tranquille, reprit Bonacieux ; ma femme m’adore, et il est encore temps. »
"The ninny!" murmured Mme. Bonacieux.« Le niais ! murmura Mme Bonacieux.
"Silence!" said d'Artagnan, pressing her hand more closely.– Silence ! » dit d’Artagnan en lui serrant plus fortement la main.
"How is there still time?" asked the man in the cloak.« Comment est-il encore temps ? reprit l’homme au manteau.
"I go to the Louvre; I ask for Mme. Bonacieux; I say that I have reflected; I renew the affair; I obtain the letter, and I run directly to the cardinal."– Je retourne au Louvre, je demande Mme Bonacieux, je dis que j’ai réfléchi, je renoue l’affaire, j’obtiens la lettre, et je cours chez le cardinal.
"Well, go quickly! I will return soon to learn the result of your trip."– Eh bien, allez vite ; je reviendrai bientôt savoir le résultat de votre démarche. »
The stranger went out.L’inconnu sortit.
"Infamous!" said Mme. Bonacieux, addressing this epithet to her husband.« L’infâme ! dit Mme Bonacieux en adressant encore cette épithète à son mari.
"Silence!" said d'Artagnan, pressing her hand still more warmly.– Silence ! » répéta d’Artagnan en lui serrant la main plus fortement encore.
A terrible howling interrupted these reflections of d'Artagnan and Mme. Bonacieux. It was her husband, who had discovered the disappearance of the moneybag, and was crying "Thieves!"Un hurlement terrible interrompit alors les réflexions de d’Artagnan et de Mme Bonacieux. C’était son mari, qui s’était aperçu de la disparition de son sac et qui criait au voleur.
"Oh, my God!" cried Mme. Bonacieux, "he will rouse the whole quarter."« Oh ! mon Dieu ! s’écria Mme Bonacieux, il va ameuter tout le quartier. »
Bonacieux called a long time; but as such cries, on account of their frequency, brought nobody in the Rue des Fossoyeurs, and as lately the mercer's house had a bad name, finding that nobody came, he went out continuing to call, his voice being heard fainter and fainter as he went in the direction of the Rue du Bac.Bonacieux cria longtemps ; mais comme de pareils cris, attendu leur fréquence, n’attiraient personne dans la rue des Fossoyeurs, et que d’ailleurs la maison du mercier était depuis quelque temps assez mal famée, voyant que personne ne venait, il sortit en continuant de crier, et l’on entendit sa voix qui s’éloignait dans la direction de la rue du Bac.
"Now he is gone, it is your turn to get out," said Mme. Bonacieux. "Courage, my friend, but above all, prudence, and think what you owe to the queen."« Et maintenant qu’il est parti, à votre tour de vous éloigner, dit Mme Bonacieux ; du courage, mais surtout de la prudence, et songez que vous vous devez à la reine.
"To her and to you!" cried d'Artagnan. "Be satisfied, beautiful Constance. I shall become worthy of her gratitude; but shall I likewise return worthy of your love?"– À elle et à vous ! s’écria d’Artagnan. Soyez tranquille, belle Constance, je reviendrai digne de sa reconnaissance ; mais reviendrai-je aussi digne de votre amour ? »
The young woman only replied by the beautiful glow which mounted to her cheeks. A few seconds afterward d'Artagnan also went out enveloped in a large cloak, which ill-concealed the sheath of a long sword.La jeune femme ne répondit que par la vive rougeur qui colora ses joues. Quelques instants après, d’Artagnan sortit à son tour, enveloppé, lui aussi, d’un grand manteau que retroussait cavalièrement le fourreau d’une longue épée.
Mme. Bonacieux followed him with her eyes, with that long, fond look with which he had turned the angle of the street, she fell on her knees, and clasping her hands,Mme Bonacieux le suivit des yeux avec ce long regard d’amour dont la femme accompagne l’homme qu’elle se sent aimer ; mais lorsqu’il eut disparu à l’angle de la rue, elle tomba à genoux, et joignant les mains :
"Oh, my God," cried she, "protect the queen, protect me!"« O mon Dieu ! s’écria-t-elle, protégez la reine, protégez-moi ! »
19 PLAN OF CAMPAIGNCHAPITRE XIX PLAN DE CAMPAGNE
D'Artagnan went straight to M. de Treville's. He had reflected that in a few minutes the cardinal would be warned by this cursed stranger, who appeared to be his agent, and he judged, with reason, he had not a moment to lose.D’Artagnan se rendit droit chez M. de Tréville. Il avait réfléchi que, dans quelques minutes, le cardinal serait averti par ce damné inconnu, qui paraissait être son agent, et il pensait avec raison qu’il n’y avait pas un instant à perdre.
The heart of the young man overflowed with joy. An opportunity presented itself to him in which there would be at the same time glory to be acquired, and money to be gained; and as a far higher encouragement, it brought him into close intimacy with a woman he adored. This chance did, then, for him at once more than he would have dared to ask of Providence.Le cœur du jeune homme débordait de joie. Une occasion où il y avait à la fois gloire à acquérir et argent à gagner se présentait à lui, et, comme premier encouragement, venait de le rapprocher d’une femme qu’il adorait. Ce hasard faisait donc presque du premier coup, pour lui, plus qu’il n’eût osé demander à la Providence.
M. de Treville was in his saloon with his habitual court of gentlemen. D'Artagnan, who was known as a familiar of the house, went straight to his office, and sent word that he wished to see him on something of importance.M. de Tréville était dans son salon avec sa cour habituelle de gentilshommes. D’Artagnan, que l’on connaissait comme un familier de la maison, alla droit à son cabinet et le fit prévenir qu’il l’attendait pour chose d’importance.
D'Artagnan had been there scarcely five minutes when M. de Treville entered. At the first glance, and by the joy which was painted on his countenance, the worthy captain plainly perceived that something new was on foot.D’Artagnan était là depuis cinq minutes à peine, lorsque M. de Tréville entra. Au premier coup d’œil et à la joie qui se peignait sur son visage, le digne capitaine comprit qu’il se passait effectivement quelque chose de nouveau.
All the way along d'Artagnan had been consulting with himself whether he should place confidence in M. de Treville, or whether he should only ask him to give him CARTE BLANCHE for some secret affair. But M. de Treville had always been so thoroughly his friend, had always been so devoted to the king and queen, and hated the cardinal so cordially, that the young man resolved to tell him everything.Tout le long de la route, d’Artagnan s’était demandé s’il se confierait à M. de Tréville, ou si seulement il lui demanderait de lui accorder carte blanche pour une affaire secrète. Mais M. de Tréville avait toujours été si parfait pour lui, il était si fort dévoué au roi et à la reine, il haïssait si cordialement le cardinal, que le jeune homme résolut de tout lui dire.
"Did you ask for me, my good friend?" said M. de Treville.« Vous m’avez fait demander, mon jeune ami ? dit M. de Tréville.
'Yes, monsieur," said d'Artagnan, lowering his voice, "and you will pardon me, I hope, for having disturbed you when you know the importance of my business."– Oui, monsieur, dit d’Artagnan, et vous me pardonnerez, je l’espère, de vous avoir dérangé, quand vous saurez de quelle chose importante il est question.
"Speak, then, I am all attention."– Dites alors, je vous écoute.
"It concerns nothing less", said d'Artagnan, lowering his voice, "than the honor, perhaps the life of the queen."– Il ne s’agit de rien de moins, dit d’Artagnan, en baissant la voix, que de l’honneur et peut-être de la vie de la reine.
"What did you say?" asked M. de Treville, glancing round to see if they were surely alone, and then fixing his questioning look upon d'Artagnan.– Que dites-vous là ? demanda M. de Tréville en regardant tout autour de lui s’ils étaient bien seuls, et en ramenant son regard interrogateur sur d’Artagnan.
"I say, monsieur, that chance has rendered me master of a secret--"– Je dis, monsieur, que le hasard m’a rendu maître d’un secret…
"Which you will guard, I hope, young man, as your life."– Que vous garderez, j’espère, jeune homme, sur votre vie.
"But which I must impart to you, monsieur, for you alone can assist me in the mission I have just received from her Majesty."– Mais que je dois vous confier, à vous, Monsieur, car vous seul pouvez m’aider dans la mission que je viens de recevoir de Sa Majesté.
"Is this secret your own?"– Ce secret est-il à vous ?
"No, monsieur; it is her Majesty's."– Non, monsieur, c’est celui de la reine.
"Are you authorized by her Majesty to communicate it to me?"– Êtes-vous autorisé par Sa Majesté à me le confier ?
"No, monsieur, for, on the contrary, I am desired to preserve the profoundest mystery."– Non, monsieur, car au contraire le plus profond mystère m’est recommandé.
"Why, then, are you about to betray it to me?"– Et pourquoi donc allez-vous le trahir vis-à-vis de moi ?
"Because, as I said, without you I can do nothing; and I am afraid you will refuse me the favor I come to ask if you do not know to what end I ask it."– Parce que, je vous le dis, sans vous je ne puis rien, et que j’ai peur que vous ne me refusiez la grâce que je viens vous demander, si vous ne savez pas dans quel but je vous la demande.
"Keep your secret, young man, and tell me what you wish."– Gardez votre secret, jeune homme, et dites-moi ce que vous désirez.
"I wish you to obtain for me, from Monsieur Dessessart, leave of absence for fifteen days."– Je désire que vous obteniez pour moi, de M. des Essarts, un congé de quinze jours.
"When?"– Quand cela ?
"This very night."– Cette nuit même.
"You leave Paris?"– Vous quittez Paris ?
"I am going on a mission."– Je vais en mission.
"May you tell me whither?"– Pouvez-vous me dire où ?
"To London."– À Londres.
"Has anyone an interest in preventing your arrival there?"– Quelqu’un a-t-il intérêt à ce que vous n’arriviez pas à votre but ?
"The cardinal, I believe, would give the world to prevent my success."– Le cardinal, je le crois, donnerait tout au monde pour m’empêcher de réussir.
"And you are going alone?"– Et vous partez seul ?
"I am going alone."– Je pars seul.
"In that case you will not get beyond Bondy. I tell you so, by the faith of de Treville."– En ce cas, vous ne passerez pas Bondy ; c’est moi qui vous le dis, foi de Tréville.
"How so?"– Comment cela ?
"You will be assassinated."– On vous fera assassiner.
"And I shall die in the performance of my duty."– Je serai mort en faisant mon devoir.
"But your mission will not be accomplished."– Mais votre mission ne sera pas remplie.
"That is true," replied d'Artagnan.– C’est vrai, dit d’Artagnan.
"Believe me," continued Treville, "in enterprises of this kind, in order that one may arrive, four must set out."– Croyez-moi, continua Tréville, dans les entreprises de ce genre, il faut être quatre pour arriver un.
"Ah, you are right, monsieur," said d'Artagnan; "but you know Athos, Porthos, and Aramis, and you know if I can dispose of them."– Ah ! vous avez raison, Monsieur, dit d’Artagnan ; mais vous connaissez Athos, Porthos et Aramis, et vous savez si je puis disposer d’eux.
"Without confiding to them the secret which I am not willing to know?"– Sans leur confier le secret que je n’ai pas voulu savoir ?
"We are sworn, once for all, to implicit confidence and devotedness against all proof. Besides, you can tell them that you have full confidence in me, and they will not be more incredulous than you."– Nous nous sommes juré, une fois pour toutes, confiance aveugle et dévouement à toute épreuve ; d’ailleurs vous pouvez leur dire que vous avez toute confiance en moi, et ils ne seront pas plus incrédules que vous.
"I can send to each of them leave of absence for fifteen days, that is all--to Athos, whose wound still makes him suffer, to go to the waters of Forges; to Porthos and Aramis to accompany their friend, whom they are not willing to abandon in such a painful condition. Sending their leave of absence will be proof enough that I authorize their journey."– Je puis leur envoyer à chacun un congé de quinze jours, voilà tout : à Athos, que sa blessure fait toujours souffrir, pour aller aux eaux de Forges ! à Porthos et à Aramis, pour suivre leur ami, qu’ils ne veulent pas abandonner dans une si douloureuse position. L’envoi de leur congé sera la preuve que j’autorise leur voyage.
"Thanks, monsieur. You are a hundred times too good."– Merci, monsieur, et vous êtes cent fois bon.
"Begone, then, find them instantly, and let all be done tonight! Ha! But first write your request to Dessessart. Perhaps you had a spy at your heels; and your visit, if it should ever be known to the cardinal, will thus seem legitimate."– Allez donc les trouver à l’instant même, et que tout s’exécute cette nuit. Ah ! et d’abord écrivez-moi votre requête à M. des Essarts. Peut-être aviez-vous un espion à vos trousses, et votre visite, qui dans ce cas est déjà connue du cardinal, sera légitimée ainsi. »
D'Artagnan drew up his request, and M. de Treville, on receiving it, assured him that by two o'clock in the morning the four leaves of absence should be at the respective domiciles of the travelers.D’Artagnan formula cette demande, et M. de Tréville, en la recevant de ses mains, assura qu’avant deux heures du matin les quatre congés seraient au domicile respectif des voyageurs.
"Have the goodness to send mine to Athos's residence. I should dread some disagreeable encounter if I were to go home."« Ayez la bonté d’envoyer le mien chez Athos, dit d’Artagnan. Je craindrais, en rentrant chez moi, d’y faire quelque mauvaise rencontre.
"Be easy. Adieu, and a prosperous voyage. A PROPOS," said M. de Treville, calling him back.– Soyez tranquille. Adieu et bon voyage ! À propos ! » dit M. de Tréville en le rappelant.
D'Artagnan returned.D’Artagnan revint sur ses pas.
"Have you any money?"« Avez-vous de l’argent ? »
D'Artagnan tapped the bag he had in his pocket.D’Artagnan fit sonner le sac qu’il avait dans sa poche.
"Enough?" asked M. de Treville.« Assez ? demanda M. de Tréville.
"Three hundred pistoles."– Trois cents pistoles.
"Oh, plenty! That would carry you to the end of the world. Begone, then!"– C’est bien, on va au bout du monde avec cela ; allez donc. »
D'Artagnan saluted M. de Treville, who held out his hand to him; d'Artagnan pressed it with a respect mixed with gratitude. Since his first arrival at Paris, he had had constant occasion to honor this excellent man, whom he had always found worthy, loyal, and great.D’Artagnan salua M. de Tréville, qui lui tendit la main ; d’Artagnan la lui serra avec un respect mêlé de reconnaissance. Depuis qu’il était arrivé à Paris, il n’avait eu qu’à se louer de cet excellent homme, qu’il avait toujours trouvé digne, loyal et grand.
His first visit was to Aramis, at whose residence he had not been since the famous evening on which he had followed Mme. Bonacieux. Still further, he had seldom seen the young Musketeer; but every time he had seen him, he had remarked a deep sadness imprinted on his countenance.Sa première visite fut pour Aramis ; il n’était pas revenu chez son ami depuis la fameuse soirée où il avait suivi Mme Bonacieux. Il y a plus : à peine avait-il vu le jeune mousquetaire, et à chaque fois qu’il l’avait revu, il avait cru remarquer une profonde tristesse empreinte sur son visage.
This evening, especially, Aramis was melancholy and thoughtful. d'Artagnan asked some questions about this prolonged melancholy. Aramis pleaded as his excuse a commentary upon the eighteenth chapter of St. Augustine, which he was forced to write in Latin for the following week, and which preoccupied him a good deal.Ce soir encore, Aramis veillait sombre et rêveur ; d’Artagnan lui fit quelques questions sur cette mélancolie profonde ; Aramis s’excusa sur un commentaire du dix-huitième chapitre de saint Augustin qu’il était forcé d’écrire en latin pour la semaine suivante, et qui le préoccupait beaucoup.
After the two friends had been chatting a few moments, a servant from M. de Treville entered, bringing a sealed packet.Comme les deux amis causaient depuis quelques instants, un serviteur de M. de Tréville entra porteur d’un paquet cacheté.
"What is that?" asked Aramis.« Qu’est-ce là ? demanda Aramis.
"The leave of absence Monsieur has asked for," replied the lackey.– Le congé que monsieur a demandé, répondit le laquais.
"For me! I have asked for no leave of absence."– Moi, je n’ai pas demandé de congé.
"Hold your tongue and take it!" said d'Artagnan. "And you, my friend, there is a demipistole for your trouble; you will tell Monsieur de Treville that Monsieur Aramis is very much obliged to him. Go."– Taisez-vous et prenez, dit d’Artagnan. Et vous, mon ami, voici une demi-pistole pour votre peine ; vous direz à M. de Tréville que M. Aramis le remercie bien sincèrement. Allez. »
The lackey bowed to the ground and departed.Le laquais salua jusqu’à terre et sortit.
"What does all this mean?" asked Aramis.« Que signifie cela ? demanda Aramis.
"Pack up all you want for a journey of a fortnight, and follow me."– Prenez ce qu’il vous faut pour un voyage de quinze jours, et suivez-moi.
"But I cannot leave Paris just now without knowing--"– Mais je ne puis quitter Paris en ce moment, sans savoir… »
Aramis stopped.Aramis s’arrêta.
"What is become of her? I suppose you mean--" continued d'Artagnan.« Ce qu’elle est devenue, n’est-ce pas ? continua d’Artagnan.
"Become of whom?" replied Aramis.– Qui ? reprit Aramis.
"The woman who was here--the woman with the embroidered handkerchief."– La femme qui était ici, la femme au mouchoir brodé.
"Who told you there was a woman here?" replied Aramis, becoming as pale as death.– Qui vous a dit qu’il y avait une femme ici ? répliqua Aramis en devenant pâle comme la mort.
"I saw her."– Je l’ai vue.
"And you know who she is?"– Et vous savez qui elle est ?
"I believe I can guess, at least."– Je crois m’en douter, du moins.
"Listen!" said Aramis. "Since you appear to know so many things, can you tell me what is become of that woman?"– Écoutez, dit Aramis, puisque vous savez tant de choses, savez-vous ce qu’est devenue cette femme ?
"I presume that she has returned to Tours."– Je présume qu’elle est retournée à Tours.
"To Tours? Yes, that may be. You evidently know her. But why did she return to Tours without telling me anything?"– À Tours ? oui, c’est bien cela, vous la connaissez. Mais comment est-elle retournée à Tours sans me rien dire ?
"Because she was in fear of being arrested."– Parce qu’elle a craint d’être arrêtée.
"Why has she not written to me, then?"– Comment ne m’a-t-elle pas écrit ?
"Because she was afraid of compromising you."– Parce qu’elle craint de vous compromettre.
"d'Artagnan, you restore me to life!" cried Aramis. "I fancied myself despised, betrayed. I was so delighted to see her again! I could not have believed she would risk her liberty for me, and yet for what other cause could she have returned to Paris?"– D’Artagnan, vous me rendez la vie ! s’écria Aramis. Je me croyais méprisé, trahi. J’étais si heureux de la revoir ! Je ne pouvais croire qu’elle risquât sa liberté pour moi, et cependant pour quelle cause serait-elle revenue à Paris ?
"For the cause which today takes us to England."– Pour la cause qui aujourd’hui nous fait aller en Angleterre.
"And what is this cause?" demanded Aramis.– Et quelle est cette cause ? demanda Aramis.
"Oh, you'll know it someday, Aramis; but at present I must imitate the discretion of 'the doctor's niece.'"– Vous le saurez un jour, Aramis ; mais, pour le moment, j’imiterai la retenue de la nièce du docteur. »
Aramis smiled, as he remembered the tale he had told his friends on a certain evening.Aramis sourit, car il se rappelait le conte qu’il avait fait certain soir à ses amis.
"Well, then, since she has left Paris, and you are sure of it, d'Artagnan, nothing prevents me, and I am ready to follow you. You say we are going--"« Eh bien, donc, puisqu’elle a quitté Paris et que vous en êtes sûr, d’Artagnan, rien ne m’y arrête plus, et je suis prêt à vous suivre. Vous dites que nous allons ?…
"To see Athos now, and if you will come thither, I beg you to make haste, for we have lost much time already. A PROPOS, inform Bazin."– Chez Athos, pour le moment, et si vous voulez venir, je vous invite même à vous hâter, car nous avons déjà perdu beaucoup de temps. À propos, prévenez Bazin.
"Will Bazin go with us?" asked Aramis.– Bazin vient avec nous ? demanda Aramis.
"Perhaps so. At all events, it is best that he should follow us to Athos's."– Peut-être. En tout cas, il est bon qu’il nous suive pour le moment chez Athos. »
Aramis called Bazin, and, after having ordered him to join them at Athos's residence, saidAramis appela Bazin, et après lui avoir ordonné de le venir joindre chez Athos :
"Let us go then," at the same time taking his cloak, sword, and three pistols, opening uselessly two or three drawers to see if he could not find stray coin. When well assured this search was superfluous, he followed d'Artagnan, wondering to himself how this young Guardsman should know so well who the lady was to whom he had given hospitality, and that he should know better than himself what had become of her.« Partons donc », dit-il en prenant son manteau, son épée et ses trois pistolets, et en ouvrant inutilement trois ou quatre tiroirs pour voir s’il n’y trouverait pas quelque pistole égarée. Puis, quand il se fut bien assuré que cette recherche était superflue, il suivit d’Artagnan en se demandant comment il se faisait que le jeune cadet aux gardes sût aussi bien que lui quelle était la femme à laquelle il avait donné l’hospitalité, et sût mieux que lui ce qu’elle était devenue.
Only as they went out Aramis placed his hand upon the arm of d'Artagnan, and looking at him earnestly,Seulement, en sortant, Aramis posa sa main sur le bras de d’Artagnan, et le regardant fixement :
"You have not spoken of this lady?" said he.« Vous n’avez parlé de cette femme à personne ? dit-il.
"To nobody in the world."– À personne au monde.
"Not even to Athos or Porthos?"– Pas même à Athos et à Porthos ?
"I have not breathed a syllable to them."– Je ne leur en ai pas soufflé le moindre mot.
"Good enough!"– À la bonne heure. »
Tranquil on this important point, Aramis continued his way with d'Artagnan, and both soon arrived at Athos's dwelling.Et, tranquille sur ce point important, Aramis continua son chemin avec d’Artagnan, et tous deux arrivèrent bien tôt chez Athos.
They found him holding his leave of absence in one hand, and M. de Treville's note in the other.Ils le trouvèrent tenant son congé d’une main et la lettre de M. de Tréville de l’autre.
"Can you explain to me what signify this leave of absence and this letter, which I have just received?" said the astonished Athos.« Pouvez-vous m’expliquer ce que signifient ce congé et cette lettre que je viens de recevoir ? » dit Athos étonné.
“My dear Athos, I wish, as your health absolutely requires it, that you should rest for a fortnight. Go, then, and take the waters of Forges, or any that may be more agreeable to you, and recuperate yourself as quickly as possible.« Mon cher Athos, je veux bien, puisque votre santé l’exige absolument, que vous vous reposiez quinze jours. Allez donc prendre les eaux de Forges ou telles autres qui vous conviendront, et rétablissez-vous promptement.
“Yours affectionate« Votre affectionné
de Treville« Tréville »
"Well, this leave of absence and that letter mean that you must follow me, Athos."« Eh bien, ce congé et cette lettre signifient qu’il faut me suivre, Athos.
"To the waters of Forges?"– Aux eaux de Forges ?
"There or elsewhere."– Là ou ailleurs.
"In the king's service?"– Pour le service du roi ?
"Either the king's or the queen's. Are we not their Majesties' servants?"– Du roi ou de la reine : ne sommes-nous pas serviteurs de Leurs Majestés ? »
At that moment Porthos entered.En ce moment, Porthos entra.
"PARDIEU!" said he, "here is a strange thing! Since when, I wonder, in the Musketeers, did they grant men leave of absence without their asking for it?"« Pardieu, dit-il, voici une chose étrange : depuis quand, dans les mousquetaires, accorde-t-on aux gens des congés sans qu’ils les demandent ?
"Since," said d'Artagnan, "they have friends who ask it for them."– Depuis, dit d’Artagnan, qu’ils ont des amis qui les demandent pour eux.
"Ah, ah!" said Porthos, "it appears there's something fresh here."– Ah ! ah ! dit Porthos, il paraît qu’il y a du nouveau ici ?
"Yes, we are going--" said Aramis.– Oui, nous partons, dit Aramis.
"To what country?" demanded Porthos.– Pour quel pays ? demanda Porthos.
"My faith! I don't know much about it," said Athos. "Ask d'Artagnan."– Ma foi, je n’en sais trop rien, dit Athos ; demande cela à d’Artagnan.
"To London, gentlemen," said d'Artagnan.– Pour Londres, messieurs, dit d’Artagnan.
"To London!" cried Porthos; "and what the devil are we going to do in London?"– Pour Londres ! s’écria Porthos ; et qu’allons-nous faire à Londres ?
"That is what I am not at liberty to tell you, gentlemen; you must trust to me."– Voilà ce que je ne puis vous dire, messieurs, et il faut vous fier à moi.
"But in order to go to London," added Porthos, "money is needed, and I have none."– Mais pour aller à Londres, ajouta Porthos, il faut de l’argent, et je n’en ai pas.
"Nor I," said Aramis.– Ni moi, dit Aramis.
"Nor I," said Athos.– Ni moi, dit Athos.
"I have," replied d'Artagnan, pulling out his treasure from his pocket, and placing it on the table. "There are in this bag three hundred pistoles. Let each take seventy-five; that is enough to take us to London and back. Besides, make yourselves easy; we shall not all arrive at London."– J’en ai, moi, reprit d’Artagnan en tirant son trésor de sa poche et en le posant sur la table. Il y a dans ce sac trois cents pistoles ; prenons-en chacun soixante-quinze ; c’est autant qu’il en faut pour aller à Londres et pour en revenir. D’ailleurs, soyez tranquilles, nous n’y arriverons pas tous, à Londres.
"Why so?"– Et pourquoi cela ?
"Because, in all probability, some one of us will be left on the road."– Parce que, selon toute probabilité, il y en aura quelques-uns d’entre nous qui resteront en route.
"Is this, then, a campaign upon which we are now entering?"– Mais est-ce donc une campagne que nous entreprenons ?
"One of a most dangerous kind, I give you notice."– Et des plus dangereuses, je vous en avertis.
"Ah! But if we do risk being killed," said Porthos, "at least I should like to know what for."– Ah çà, mais, puisque nous risquons de nous faire tuer, dit Porthos, je voudrais bien savoir pourquoi, au moins ?
"You would be all the wiser," said Athos.– Tu en seras bien plus avancé ! dit Athos.
"And yet," said Aramis, "I am somewhat of Porthos's opinion."– Cependant, dit Aramis, je suis de l’avis de Porthos.
"Is the king accustomed to give you such reasons? No. He says to you jauntily, 'Gentlemen, there is fighting going on in Gascony or in Flanders; go and fight,' and you go there. Why? You need give yourselves no more uneasiness about this."– Le roi a-t-il l’habitude de vous rendre des comptes ? Non ; il vous dit tout bonnement : “Messieurs, on se bat en Gascogne ou dans les Flandres ; allez vous battre”, et vous y allez. Pourquoi ? vous ne vous en inquiétez même pas.
"d'Artagnan is right," said Athos; "here are our three leaves of absence which came from Monsieur de Treville, and here are three hundred pistoles which came from I don't know where. So let us go and get killed where we are told to go. Is life worth the trouble of so many questions? D'Artagnan, I am ready to follow you."– D’Artagnan a raison, dit Athos, voilà nos trois congés qui viennent de M. de Tréville, et voilà trois cents pistoles qui viennent je ne sais d’où. Allons nous faire tuer où l’on nous dit d’aller. La vie vaut-elle la peine de faire autant de questions ? D’Artagnan, je suis prêt à te suivre.
"And I also," said Porthos.– Et moi aussi, dit Porthos.
"And I also," said Aramis. "And, indeed, I am not sorry to quit Paris; I had need of distraction."– Et moi aussi, dit Aramis. Aussi bien, je ne suis pas fâché de quitter Paris. J’ai besoin de distractions.
"Well, you will have distractions enough, gentlemen, be assured," said d'Artagnan.– Eh bien, vous en aurez, des distractions, messieurs, soyez tranquilles, dit d’Artagnan.
"And, now, when are we to go?" asked Athos.– Et maintenant, quand partons-nous ? dit Athos.
"Immediately," replied d'Artagnan; "we have not a minute to lose."– Tout de suite, répondit d’Artagnan, il n’y a pas une minute à perdre.
"Hello, Grimaud! Planchet! Mousqueton! Bazin!" cried the four young men, calling their lackeys, "clean my boots, and fetch the horses from the hotel."– Holà ! Grimaud, Planchet, Mousqueton, Bazin ! crièrent les quatre jeunes gens appelant leurs laquais, graissez nos bottes et ramenez les chevaux de l’hôtel. »
Each Musketeer was accustomed to leave at the general hotel, as at a barrack, his own horse and that of his lackey.En effet, chaque mousquetaire laissait à l’hôtel général comme à une caserne son cheval et celui de son laquais.
Planchet, Grimaud, Mousqueton, and Bazin set off at full speed.Planchet, Grimaud, Mousqueton et Bazin partirent en toute hâte.
"Now let us lay down the plan of campaign," said Porthos. "Where do we go first?"« Maintenant, dressons le plan de campagne, dit Porthos. Où allons-nous d’abord ?
"To Calais," said d'Artagnan; "that is the most direct line to London."– À Calais, dit d’Artagnan ; c’est la ligne la plus directe pour arriver à Londres.
"Well," said Porthos, "this is my advice--"– Eh bien, dit Porthos, voici mon avis.
"Speak!"– Parle.
"Four men traveling together would be suspected. D'Artagnan will give each of us his instructions. I will go by the way of Boulogne to clear the way; Athos will set out two hours after, by that of Amiens; Aramis will follow us by that of Noyon; as to d'Artagnan, he will go by what route he thinks is best, in Planchet's clothes, while Planchet will follow us like d'Artagnan, in the uniform of the Guards."– Quatre hommes voyageant ensemble seraient suspects : d’Artagnan nous donnera à chacun ses instructions, je partirai en avant par la route de Boulogne pour éclairer le chemin ; Athos partira deux heures après par celle d’Amiens ; Aramis nous suivra par celle de Noyon ; quant à d’Artagnan, il partira par celle qu’il voudra, avec les habits de Planchet, tandis que Planchet nous suivra en d’Artagnan et avec l’uniforme des gardes.
"Gentlemen," said Athos, "my opinion is that it is not proper to allow lackeys to have anything to do in such an affair. A secret may, by chance, be betrayed by gentlemen; but it is almost always sold by lackeys."– Messieurs, dit Athos, mon avis est qu’il ne convient pas de mettre en rien des laquais dans une pareille affaire : un secret peut par hasard être trahi par des gentilshommes, mais il est presque toujours vendu par des laquais.
"Porthos's plan appears to me to be impracticable," said d'Artagnan, "inasmuch as I am myself ignorant of what instructions I can give you. I am the bearer of a letter, that is all. I have not, and I cannot make three copies of that letter, because it is sealed. We must, then, as it appears to me, travel in company. This letter is here, in this pocket," and he pointed to the pocket which contained the letter. "If I should be killed, one of you must take it, and continue the route; if he be killed, it will be another's turn, and so on-provided a single one arrives, that is all that is required."– Le plan de Porthos me semble impraticable, dit d’Artagnan, en ce que j’ignore moi-même quelles instructions je puis vous donner. Je suis porteur d’une lettre, voilà tout. Je n’ai pas et ne puis faire trois copies de cette lettre, puisqu’elle est scellée ; il faut donc, à mon avis, voyager de compagnie. Cette lettre est là, dans cette poche. Et il montra la poche où était la lettre. Si je suis tué, l’un de vous la prendra et vous continuerez la route ; s’il est tué, ce sera le tour d’un autre, et ainsi de suite ; pourvu qu’un seul arrive, c’est tout ce qu’il faut.
"Bravo, d'Artagnan, your opinion is mine," cried Athos, "Besides, we must be consistent; I am going to take the waters, you will accompany me. Instead of taking the waters of Forges, I go and take sea waters; I am free to do so. If anyone wishes to stop us, I will show Monsieur de Treville's letter, and you will show your leaves of absence. If we are attacked, we will defend ourselves; if we are tried, we will stoutly maintain that we were only anxious to dip ourselves a certain number of times in the sea. They would have an easy bargain of four isolated men; whereas four men together make a troop. We will arm our four lackeys with pistols and musketoons; if they send an army out against us, we will give battle, and the survivor, as d'Artagnan says, will carry the letter."– Bravo, d’Artagnan ! ton avis est le mien, dit Athos. Il faut être conséquent, d’ailleurs : je vais prendre les eaux, vous m’accompagnerez ; au lieu des eaux de Forges, je vais prendre les eaux de mer ; je suis libre. On veut nous arrêter, je montre la lettre de M. de Tréville, et vous montrez vos congés ; on nous attaque, nous nous défendons ; on nous juge, nous soutenons mordicus que nous n’avions d’autre intention que de nous tremper un certain nombre de fois dans la mer ; on aurait trop bon marché de quatre hommes isolés, tandis que quatre hommes réunis font une troupe. Nous armerons les quatre laquais de pistolets et de mousquetons ; si l’on envoie une armée contre nous, nous livrerons bataille, et le survivant, comme l’a dit d’Artagnan, portera la lettre.
"Well said," cried Aramis; "you don't often speak, Athos, but when you do speak, it is like St. John of the Golden Mouth. I agree to Athos's plan. And you, Porthos?"– Bien dit, s’écria Aramis ; tu ne parles pas souvent, Athos, mais quand tu parles, c’est comme saint Jean Bouche d’or. J’adopte le plan d’Athos. Et toi, Porthos ?
"I agree to it, too," said Porthos, "if d'Artagnan approves of it. D'Artagnan, being the bearer of the letter, is naturally the head of the enterprise; let him decide, and we will execute."– Moi aussi, dit Porthos, s’il convient à d’Artagnan. D’Artagnan, porteur de la lettre, est naturellement le chef de l’entreprise ; qu’il décide, et nous exécuterons.
"Well," said d'Artagnan, "I decide that we should adopt Athos's plan, and that we set off in half an hour."– Eh bien, dit d’Artagnan, je décide que nous adoptions le plan d’Athos et que nous partions dans une demi-heure.
"Agreed!" shouted the three Musketeers in chorus.– Adopté ! » reprirent en chœur les trois mousquetaires.
Each one, stretching out his hand to the bag, took his seventy-five pistoles, and make his preparations to set out at the time appointed.Et chacun, allongeant la main vers le sac, prit soixante-quinze pistoles et fit ses préparatifs pour partir à l’heure convenue.
20 THE JOURNEYCHAPITRE XX VOYAGE
At two o'clock in the morning, our four adventurers left Paris by the Barriere St. Denis. As long as it was dark they remained silent; in spite of themselves they submitted to the influence of the obscurity, and apprehended ambushes on every side.À deux heures du matin, nos quatre aventuriers sortirent de Paris par la barrière Saint-Denis ; tant qu’il fit nuit, ils restèrent muets ; malgré eux, ils subissaient l’influence de l’obscurité et voyaient des embûches partout.
With the first rays of day their tongues were loosened; with the sun gaiety revived. It was like the eve of a battle; the heart beat, the eyes laughed, and they felt that the life they were perhaps going to lose, was, after all, a good thing.Aux premiers rayons du jour, leurs langues se délièrent ; avec le soleil, la gaieté revint : c’était comme à la veille d’un combat, le cœur battait, les yeux riaient ; on sentait que la vie qu’on allait peut-être quitter était, au bout du compte, une bonne chose.
Besides, the appearance of the caravan was formidable. The black horses of the Musketeers, their martial carriage, with the regimental step of these noble companions of the soldier, would have betrayed the most strict incognito.L’aspect de la caravane, au reste, était des plus formidables : les chevaux noirs des mousquetaires, leur tournure martiale, cette habitude de l’escadron qui fait marcher régulièrement ces nobles compagnons du soldat, eussent trahi le plus strict incognito.
The lackeys followed, armed to the teeth.Les valets suivaient, armés jusqu’aux dents.
All went well till they arrived at Chantilly, which they reached about eight o'clock in the morning. They needed breakfast, and alighted at the door of an AUBERGE, recommended by a sign representing St. Martin giving half his cloak to a poor man. They ordered the lackeys not to unsaddle the horses, and to hold themselves in readiness to set off again immediately.Tout alla bien jusqu’à Chantilly, o ù l’on arriva vers les huit heures du matin. Il fallait déjeuner. On descendit devant une auberge que recommandait une enseigne représentant saint Martin donnant la moitié de son manteau à un pauvre. On enjoignit aux laquais de ne pas desseller les chevaux et de se tenir prêts à repartir immédiatement.
They entered the common hall, and placed themselves at table. A gentleman, who had just arrived by the route of Dammartin, was seated at the same table, and was breakfasting. He opened the conversation about rain and fine weather; the travelers replied. He drank to their good health, and the travelers returned his politeness.On entra dans la salle commune, et l’on se mit à table. Un gentilhomme, qui venait d’arriver par la route de Dammartin, était assis à cette même table et déjeunait. Il entama la conversation sur la pluie et le beau temps ; les voyageurs répondirent : il but à leur santé ; les voyageurs lui rendirent sa politesse.
But at the moment Mousqueton came to announce that the horses were ready, and they were arising from table, the stranger proposed to Porthos to drink the health of the cardinal. Porthos replied that he asked no better if the stranger, in his turn, would drink the health of the king. The stranger cried that he acknowledged no other king but his Eminence. Porthos called him drunk, and the stranger drew his sword.Mais au moment où Mousqueton venait annoncer que les chevaux étaient prêts et où l’on se levait de table l’étranger proposa à Porthos la santé du cardinal. Porthos répondit qu’il ne demandait pas mieux, si l’étranger à son tour voulait boire à la santé du roi. L’étranger s’écria qu’il ne connaissait d’autre roi que Son Éminence. Porthos l’appela ivrogne ; l’étranger tira son épée.
"You have committed a piece of folly," said Athos, "but it can't be helped; there is no drawing back. Kill the fellow, and rejoin us as soon as you can."« Vous avez fait une sottise, dit Athos ; n’importe, il n’y a plus à reculer maintenant : tuez cet homme et venez nous rejoindre le plus vite que vous pourrez. »
All three remounted their horses, and set out at a good pace, while Porthos was promising his adversary to perforate him with all the thrusts known in the fencing schools.Et tous trois remontèrent à cheval et repartirent à toute bride, tandis que Porthos promettait à son adversaire de le perforer de tous les coups connus dans l’escrime.
"There goes one!" cried Athos, at the end of five hundred paces.« Et d’un ! dit Athos au bout de cinq cents pas.
"But why did that man attack Porthos rather than any other one of us?" asked Aramis.– Mais pourquoi cet homme s’est-il attaqué à Porthos plutôt qu’à tout autre ? demanda Aramis.
"Because, as Porthos was talking louder than the rest of us, he took him for the chief," said d'Artagnan.– Parce que, Porthos parlant plus haut que nous tous il l’a pris pour le chef, dit d’Artagnan.
"I always said that this cadet from Gascony was a well of wisdom," murmured Athos;– J’ai toujours dit que ce cadet de Gascogne était un puits de sagesse », murmura Athos.
and the travelers continued their route.Et les voyageurs continuèrent leur route.
At Beauvais they stopped two hours, as well to breathe their horses a little as to wait for Porthos. At the end of two hours, as Porthos did not come, not any news of him, they resumed their journey.À Beauvais, on s’arrêta deux heures, tant pour faire souffler les chevaux que pour attendre Porthos. Au bout de deux heures, comme Porthos n’arrivait pas, ni aucune nouvelle de lui, on se remit en chemin.
At a league from Beauvais, where the road was confined between two high banks, they fell in with eight or ten men who, taking advantage of the road being unpaved in this spot, appeared to be employed in digging holes and filling up the ruts with mud.À une lieue de Beauvais, à un endroit où le chemin se trouvait resserré entre deux talus, on rencontra huit ou dix hommes qui, profitant de ce que la route était dépavée en cet endroit, avaient l’air d’y travailler en y creusant des trous et en pratiquant des ornières boueuses.
Aramis, not liking to soil his boots with this artificial mortar, apostrophized them rather sharply. Athos wished to restrain him, but it was too late. The laborers began to jeer the travelers and by their insolence disturbed the equanimity even of the cool Athos, who urged on his horse against one of them.Aramis, craignant de salir ses bottes dans ce mortier artificiel, les apostropha durement. Athos voulut le retenir, il était trop tard. Les ouvriers se mirent à railler les voyageurs, et firent perdre par leur insolence la tête même au froid Athos qui poussa son cheval contre l’un d’eux.
Then each of these men retreated as far as the ditch, from which each took a concealed musket; the result was that our seven travelers were outnumbered in weapons. Aramis received a ball which passed through his shoulder, and Mousqueton another ball which lodged in the fleshy part which prolongs the lower portion of the loins. Therefore Mousqueton alone fell from his horse, not because he was severely wounded, but not being able to see the wound, he judged it to be more serious than it really was.Alors chacun de ces hommes recula jusqu’au fossé et y prit un mousquet caché ; il en résulta que nos sept voyageurs furent littéralement passés par les armes. Aramis reçut une balle qui lui traversa l’épaule, et Mousqueton une autre balle qui se logea dans les parties charnues qui prolongent le bas des reins. Cependant Mousqueton seul tomba de cheval, non pas qu’il fût grièvement blessé, mais, comme il ne pouvait voir sa blessure, sans doute il crut être plus dangereusement blessé qu’il ne l’était.
"It was an ambuscade!" shouted d'Artagnan. "Don't waste a charge! Forward!"« C’est une embuscade, dit d’Artagnan, ne brûlons pas une amorce, et en route. »
Aramis, wounded as he was, seized the mane of his horse, which carried him on with the others. Mousqueton's horse rejoined them, and galloped by the side of his companions.Aramis, tout blessé qu’il était, saisit la crinière de son cheval, qui l’emporta avec les autres. Celui de Mousqueton les avait rejoints, et galopait tout seul à son rang.
"That will serve us for a relay," said Athos.« Cela nous fera un cheval de rechange, dit Athos.
"I would rather have had a hat," said d'Artagnan. "Mine was carried away by a ball. By my faith, it is very fortunate that the letter was not in it."– J’aimerais mieux un chapeau, dit d’Artagnan, le mien a été emporté par une balle. C’est bien heureux, ma foi, que la lettre que je porte n’ait pas été dedans.
"They'll kill poor Porthos when he comes up," said Aramis.– Ah çà, mais ils vont tuer le pauvre Porthos quand il passera, dit Aramis.
"If Porthos were on his legs, he would have rejoined us by this time," said Athos. "My opinion is that on the ground the drunken man was not intoxicated."– Si Porthos était sur ses jambes, il nous aurait rejoints maintenant, dit Athos. M’est avis que, sur le terrain, l’ivrogne se sera dégrisé. »
They continued at their best speed for two hours, although the horses were so fatigued that it was to be feared they would soon refuse service.Et l’on galopa encore pendant deux heures, quoique les chevaux fussent si fatigués, qu’il était à craindre qu’ils ne refusassent bientôt le service.
The travelers had chosen crossroads in the hope that they might meet with less interruption; but at Crevecoeur, Aramis declared he could proceed no farther. In fact, it required all the courage which he concealed beneath his elegant form and polished manners to bear him so far. He grew more pale every minute, and they were obliged to support him on his horse. They lifted him off at the door of a cabaret, left Bazin with him, who, besides, in a skirmish was more embarrassing than useful, and set forward again in the hope of sleeping at Amiens.Les voyageurs avaient pris la traverse, espérant de cette façon être moins inquiétés, mais, à Crève-cœur, Aramis déclara qu’il ne pouvait aller plus loin. En effet, il avait fallu tout le courage qu’il cachait sous sa forme élégante et sous ses façons polies pour arriver jusque-là. À tout moment il pâlissait, et l’on était obligé de le soutenir sur son cheval ; on le descendit à la porte d’un cabaret, on lui laissa Bazin qui, au reste, dans une escarmouche, était plus embarrassant qu’utile, et l’on repartit dans l’espérance d’aller coucher à Amiens.
"MORBLEU," said Athos, as soon as they were again in motion, "reduced to two masters and Grimaud and Planchet! MORBLEU! I won't be their dupe, I will answer for it. I will neither open my mouth nor draw my sword between this and Calais. I swear by--"« Morbleu ! dit Athos, quand ils se retrouvèrent en route, réduits à deux maîtres et à Grimaud et Planchet, morbleu ! je ne serai plus leur dupe, et je vous réponds qu’ils ne me feront pas ouvrir la bouche ni tirer l’épée d’ici à Calais. J’en jure…
"Don't waste time in swearing," said d'Artagnan; "let us gallop, if our horses will consent."– Ne jurons pas, dit d’Artagnan, galopons, si toutefois nos chevaux y consentent. »
And the travelers buried their rowels in their horses' flanks, who thus vigorously stimulated recovered their energies. They arrived at Amiens at midnight, and alighted at the AUBERGE of the Golden Lily.Et les voyageurs enfoncèrent leurs éperons dans le ventre de leurs chevaux, qui, vigoureusement stimulés, retrouvèrent des forces. On arriva à Amiens à minuit, et l’on descendit à l’auberge du Lis d’Or.
The host had the appearance of as honest a man as any on earth. He received the travelers with his candlestick in one hand and his cotton nightcap in the other. He wished to lodge the two travelers each in a charming chamber; but unfortunately these charming chambers were at the opposite extremities of the hotel. d'Artagnan and Athos refused them. The host replied that he had no other worthy of their Excellencies; but the travelers declared they would sleep in the common chamber, each on a mattress which might be thrown upon the ground. The host insisted; but the travelers were firm, and he was obliged to do as they wished.L’hôtelier avait l’air du plus honnête homme de la terre, il reçut les voyageurs son bougeoir d’une main et son bonnet de coton de l’autre ; il voulut loger les deux voyageurs chacun dans une charmante chambre, malheureusement chacune de ces chambres était à l’extrémité de l’hôtel. D’Artagnan et Athos refusèrent ; l’hôte répondit qu’il n’y en avait cependant pas d’autres dignes de Leurs Excellences ; mais les voyageurs déclarèrent qu’ils coucheraient dans la chambre commune, chacun sur un matelas qu’on leur jetterait à terre. L’hôte insista, les voyageurs tinrent bon ; il fallut faire ce qu’ils voulurent.
They had just prepared their beds and barricaded their door within, when someone knocked at the yard shutter; they demanded who was there, and recognizing the voices of their lackeys, opened the shutter.Ils venaient de disposer leur lit et de barricader leur porte en dedans, lorsqu’on frappa au volet de la cour ; ils demandèrent qui était là, reconnurent la voix de leurs valets et ouvrirent.
It was indeed Planchet and Grimaud.En effet, c’étaient Planchet et Grimaud.
"Grimaud can take care of the horses," said Planchet. "If you are willing, gentlemen, I will sleep across your doorway, and you will then be certain that nobody can reach you."« Grimaud suffira pour garder les chevaux, dit Planchet ; si ces messieurs veulent, je coucherai en travers de leur porte ; de cette façon-là, ils seront sûrs qu’on n’arrivera pas jusqu’à eux.
"And on what will you sleep?" said d'Artagnan.– Et sur quoi coucheras-tu ? dit d’Artagnan.
"Here is my bed," replied Planchet, producing a bundle of straw.– Voici mon lit », répondit Planchet. Et il montra une botte de paille.
"Come, then," said d'Artagnan, "you are right. Mine host's face does not please me at all; it is too gracious."« Viens donc, dit d’Artagnan, tu as raison : la figure de l’hôte ne me convient pas, elle est trop gracieuse.
"Nor me either," said Athos.– Ni à moi non plus », dit Athos.
Planchet mounted by the window and installed himself across the doorway, while Grimaud went and shut himself up in the stable, undertaking that by five o'clock in the morning he and the four horses should be ready.Planchet monta par la fenêtre, s’installa en travers de la porte, tandis que Grimaud allait s’enfermer dans l’écurie, répondant qu’à cinq heures du matin lui et les quatre chevaux seraient prêts.
The night was quiet enough. Toward two o'clock in the morning somebody endeavored to open the door; but as Planchet awoke in an instant and cried, "Who goes there?" somebody replied that he was mistaken, and went away.La nuit fut assez tranquille, on essaya bien vers les deux heures du matin d’ouvrir la porte, mais comme Planchet se réveilla en sursaut et cria : Qui va là ? on répondit qu’on se trompait, et on s’éloigna.
At four o'clock in the morning they heard a terrible riot in the stables. Grimaud had tried to waken the stable boys, and the stable boys had beaten him. When they opened the window, they saw the poor lad lying senseless, with his head split by a blow with a pitchfork.À quatre heures du matin, on entendit un grand bruit dans les écuries. Grimaud avait voulu réveiller les garçons d’écurie, et les garçons d’écurie le battaient. Quand on ouvrit la fenêtre, on vit le pauvre garçon sans connaissance, la tête fendue d’un coup de manche à fourche.
Planchet went down into the yard, and wished to saddle the horses; but the horses were all used up. Mousqueton's horse which had traveled for five or six hours without a rider the day before, might have been able to pursue the journey; but by an inconceivable error the veterinary surgeon, who had been sent for, as it appeared, to bleed one of the host's horses, had bled Mousqueton's.Planchet descendit dans la cour et voulut seller les chevaux ; les chevaux étaient fourbus. Celui de Mousqueton seul, qui avait voyagé sans maître pendant cinq ou six heures la veille, aurait pu continuer la route ; mais, par une erreur inconcevable, le chirurgien vétérinaire qu’on avait envoyé chercher, à ce qu’il paraît, pour saigner le cheval de l’hôte, avait saigné celui de Mousqueton.
This began to be annoying. All these successive accidents were perhaps the result of chance; but they might be the fruits of a plot. Athos and d'Artagnan went out, while Planchet was sent to inquire if there were not three horses for sale in the neighborhood. At the door stood two horses, fresh, strong, and fully equipped. These would just have suited them. He asked where their masters were, and was informed that they had passed the night in the inn, and were then settling their bill with the host.Cela commençait à devenir inquiétant : tous ces accidents successifs étaient peut-être le résultat du hasard, mais ils pouvaient tout aussi bien être le fruit d’un complot. Athos et d’Artagnan sortirent, tandis que Planchet allait s’informer s’il n’y avait pas trois chevaux à vendre dans les environs. À la porte étaient deux chevaux tout équipés, frais et vigoureux. Cela faisait bien l’affaire. Il demanda où étaient les maîtres ; on lui dit que les maîtres avaient passé la nuit dans l’auberge et réglaient leur compte à cette heure avec le maître.
Athos went down to pay the reckoning, while d'Artagnan and Planchet stood at the street door. The host was in a lower and back room, to which Athos was requested to go.Athos descendit pour payer la dépense, tandis que d’Artagnan et Planchet se tenaient sur la porte de la rue ; l’hôtelier était dans une chambre basse et reculée, on pria Athos d’y passer.
Athos entered without the least mistrust, and took out two pistoles to pay the bill. The host was alone, seated before his desk, one of the drawers of which was partly open. He took the money which Athos offered to him, and after turning and turning it over and over in his hands, suddenly cried out that it was bad, and that he would have him and his companions arrested as forgers.Athos entra sans défiance et tira deux pistoles pour payer : l’hôte était seul et assis devant son bureau, dont un des tiroirs était entrouvert. Il prit l’argent que lui présenta Athos, le tourna et le retourna dans ses mains, et tout à coup, s’écriant que la pièce était fausse, il déclara qu’il allait le faire arrêter, lui et son compagnon, comme faux-monnayeurs.
"You blackguard!" cried Athos, going toward him, "I'll cut your ears off!"« Drôle ! dit Athos, en marchant sur lui, je vais te couper les oreilles ! »
At the same instant, four men, armed to the teeth, entered by side doors, and rushed upon Athos.Au même moment, quatre hommes armés jusqu’aux dents entrèrent par les portes latérales et se jetèrent sur Athos.
"I am taken!" shouted Athos, with all the power of his lungs. "Go on, d'Artagnan! Spur, spur!" and he fired two pistols.« Je suis pris, cria Athos de toutes les forces de ses poumons ; au large, d’Artagnan ! pique, pique ! » et il lâcha deux coups de pistolet.
D'Artagnan and Planchet did not require twice bidding; they unfastened the two horses that were waiting at the door, leaped upon them, buried their spurs in their sides, and set off at full gallop.D’Artagnan et Planchet ne se le firent pas répéter à deux fois, ils détachèrent les deux chevaux qui attendaient à la porte, sautèrent dessus, leur enfoncèrent leurs éperons dans le ventre et partirent au triple galop.
"Do you know what has become of Athos?" asked d'Artagnan of Planchet, as they galloped on.« Sais-tu ce qu’est devenu Athos ? demanda d’Artagnan à Planchet en courant.
"Ah, monsieur," said Planchet, "I saw one fall at each of his two shots, and he appeared to me, through the glass door, to be fighting with his sword with the others."– Ah ! monsieur, dit Planchet, j’en ai vu tomber deux à ses deux coups, et il m’a semblé, à travers la porte vitrée, qu’il ferraillait avec les autres.
"Brave Athos!" murmured d'Artagnan, "and to think that we are compelled to leave him; maybe the same fate awaits us two paces hence. Forward, Planchet, forward! You are a brave fellow."– Brave Athos ! murmura d’Artagnan. Et quand on pense qu’il faut l’abandonner ! Au reste, autant nous attend peut-être à deux pas d’ici. En avant, Planchet, en avant ! tu es un brave homme.
"As I told you, monsieur," replied Planchet, "Picards are found out by being used. Besides, I am here in my own country, and that excites me."– Je vous l’ai dit, monsieur, répondit Planchet, les Picards, ça se reconnaît à l’user ; d’ailleurs je suis ici dans mon pays, ça m’excite. »
And both, with free use of the spur, arrived at St. Omer without drawing bit. At St. Omer they breathed their horses with the bridles passed under their arms for fear of accident, and ate a morsel from their hands on the stones of the street, after they departed again.Et tous deux, piquant de plus belle, arrivèrent à Saint-Omer d’une seule traite. À Saint-Omer, ils firent souffler les chevaux la bride passée à leurs bras, de peur d’accident, et mangèrent un morceau sur le pouce tout debout dans la rue ; après quoi ils repartirent.
At a hundred paces from the gates of Calais, d'Artagnan's horse gave out, and could not by any means be made to get up again, the blood flowing from his eyes and his nose. There still remained Planchet's horse; but he stopped short, and could not be made to move a step.À cent pas des portes de Calais, le cheval de d’Artagnan s’abattit, et il n’y eut pas moyen de le faire se relever : le sang lui sortait par le nez et par les yeux, restait celui de Planchet, mais celui-là s’était arrêté, et il n’y eut plus moyen de le faire repartir.
Fortunately, as we have said, they were within a hundred paces of the city; they left their two nags upon the high road, and ran toward the quay. Planchet called his master's attention to a gentleman who had just arrived with his lackey, and only preceded them by about fifty paces.Heureusement, comme nous l’avons dit, ils étaient à cent pas de la ville ; ils laissèrent les deux montures sur le grand chemin et coururent au port. Planchet fit remarquer à son maître un gentilhomme qui arrivait avec son valet et qui ne les précédait que d’une cinquantaine de pas.
They made all speed to come up to this gentleman, who appeared to be in great haste. His boots were covered with dust, and he inquired if he could not instantly cross over to England.Ils s’approchèrent vivement de ce gentilhomme, qui paraissait fort affairé. Il avait ses bottes couvertes de poussière, et s’informait s’il ne pourrait point passer à l’instant même en Angleterre.
"Nothing would be more easy," said the captain of a vessel ready to set sail, "but this morning came an order to let no one leave without express permission from the cardinal."« Rien ne serait plus facile, répondit le patron d’un bâtiment prêt à mettre à la voile ; mais, ce matin, est arrivé l’ordre de ne laisser partir personne sans une permission expresse de M. le cardinal.
"I have that permission," said the gentleman, drawing the paper from his pocket; "here it is."– J’ai cette permission, dit le gentilhomme en tirant un papier de sa poche ; la voici.
"Have it examined by the governor of the port," said the shipmaster, "and give me the preference."– Faites-la viser par le gouverneur du port, dit le patron, et donnez-moi la préférence.
"Where shall I find the governor?"– Où trouver